C'était une calme nuit d'automne, la lune, fin croissant sur la couverture céleste piquetée d'étoiles, projetait sa froide et faible lumière sur les bâtiments en contre-bas, dont les ombres s'étiraient et se mêlaient avec celles des arbres aux feuilles ondulantes sous la brise. Le vent sifflait entre les immeubles en ruine, usés par le temps, rouillés par la pluie, aux lézardes débordantes de verdure au teint orangé de la saison. Le lierre avait envahi chacun des murs et toits, s'engouffrant par les fenêtres au vitres depuis longtemps disparues, et les routes abîmées et craquelées parsemées de morceaux de béton et de balcons effondrés. Seul venait par moment animer ce paysage sinistre et victime du temps un rat, une ombre furtive se mouvant dans les ténèbres. 

Le silence pesant, soudain se fit rompre par un halètement et le crissement des griffes sur la pierre. Un animal quadrupède louvoyait rapidement et agilement entre les ruines, lançant parfois derrière lui un regard. Cet animal, ressemblait fortement à un renard, avec ses grandes oreilles pointues, ses pattes fines, sa queue touffue et son pelage cendré. Derrière lui ne tardèrent pas à se faire entendre les pas plus lourd et la respiration saccadée de trois autres bêtes, bien plus grandes que lui. Elles portaient une cape sombre aux bords brodés de fines formes d'or attachée autour de leurs cous, qui voletait au dessus de leurs épaules musclées au rythme de leur cours, et qui se terminaient par une capuche rabattue sur leur tête. Dès qu'elles firent leur apparition au détroit d'une ruelle, le renard se mit à faire des détours, sautant par une fenêtre, passant par un trou, pour tenter de les semer. Déboussolés par ses déviations et ses mouvements imprévisibles, les trois poursuivants poussèrent des grognements bestiaux, agacés. Deux d'entre eux se séparèrent de celui du milieu, empruntant chacun une rue perpendiculaire à celle prise par leur victime. Le dernier se rapprocha, le forçant à accélérer la cadence. Vif comme l'éclair, l'animal d'argent fit un bond de côté et se hissa sur une poutre de béton à demi effondrée pour monter sur un toit, forçant l'autre à freiner maladroitement pour le rattraper.

Un des autres poursuivant fit son apparition, se jetant sur lui. Le renard étouffa un cri et se baissa à la hâte, esquivant de justesse la morsure fatale de son agresseur, qui passa par dessus le rebord. Il continua, mais alors qu'il s'apprêtait à sauter sur le toit de l'immeuble suivant, il repéra dans les ténèbres le troisième animal qui attendait dessus, les crocs découverts. Il regarda rapidement autour de lui, alors que l'autre franchissait sans peine le petit espace entre les deux toits, marchant vers le renard pris au piège. Celui-ci repéra soudain un échappatoire: sur sa gauche, il y avait un autre bâtiment, cependant un grand précipice le séparait les deux toits. Il était profond, et on voyait en contrebas la route. Si il y tombait, il était sûr d'y laisser sa peau.Pris par un regain d'énergie, il s'avère vers le précipice, couru aussi vite qu'il le rencontre, prenant son élan pour pousser de toutes ses forces sur ses pattes pour se projeter en avant. Il atterrit, les pattes arrières battant dans le vide. Il pris appui sur un lierre, réussissant à monter entièrement, à bout de souffle. Il regarda sur le toit qu'il venait juste de quitter, voyant l'autre animal, la gueule ouverte de stupeur, là où s'était tenu le renard un instant plus tôt. Soulagé, l'animal en fuite se détendis, avant d'être durement poussé. Le premier poursuivant, qu'il avait semé au sol, s'était jeté sur lui, le faire tomber.Heureusement pour le renard, un bout de muret stoppa sa chute, mais un instant plus tard il s'effondrât sur lui-même, entraînant le renard avec lui. Celui-ci se releva avec peine, l'épaule douloureuse. Il regarda autour de lui: il était pris dans une ruelle, dos à un haut mur. Il s'avança vers l'unique sens de fuite, mais se figea. Ses trois poursuivants arrivaient, lui bloquant le passage. Il recula, jusqu'à ce que sa file d'attente frôle le mur. Il était à présent pris au piège. 

   La bête fit signe aux compagnons à ses côtés, sur les flancs desquels le renard au piège remarqua une ceinture annelée et maintenant une grande lame, à moitié cachées par la cape, de s'arrêter, ce qu'ils firent. Cependant, celui qui avait donné l'ordre continua de marcher vers le renard. Il prenait son temps, se délectant de sa victoire, s'avançant comme un chasseur vers sa proie agonisante. Plus il s'approchait, plus ses formes se précisaient: il ressemblait beaucoup à un loup, cependant il était bien plus grand et imposant qu'un simple loup, et ses pattes, plus musclées et plus épaisses, comparables à celles des grands félins, qui cependant étaient assez en accord avec le reste du corps, et pourvues de griffes rétractables. Le renard savait à quel point il n'avait aucune chance face à lui. Le loup, une fois arrivé à un mètre, releva sa capuche sombre d'un revers de tête, dévoilant son visage au complet. L'animal au pelage cendré poussa un hoquet de surprise à sa vue. Son pelage était brun, avec quelques mouchetures plus foncées, le museau, les pattes et le ventre blancs. Sa grande gueule était déformée dans un sourire assassin qui dévoilait tous ses crocs. Le renard se redresse, forçant ses pattes vacillantes à ne pas trembler, ses oreilles à rester droites.

- Jamais je n'aurais cru que vous auriez pris la peine de vous déplacer en personne, dit-il d'une voix qu'il espérait calme.

- Lorsqu'on me vole, j'ai tendance à réclamer réparation, à répondre au mâle d'une voix grondante. Mais cette course poursuite m'a agacée. Il sortit ses larges griffes, s'approchant un peu plus du renard. Cependant, si tu me donne les informations dont j'ai besoin, il se pourrait que je fasse preuve de clémence.

Le renard planta son regard dans les yeux jaunes orangés perçants de son interlocuteur, toutes les peurs dissipées. Il lança fièrement:

- C'est donc ça, j'aurais dû m'en douter! C'est donc la petite que tu souhaite récupérer? Je ne parlerai pas, tu peux me torturer, tu peux me jeter aux infestés,

- Vraiment? L'autre pris un air faussement attristé, la queue fouettant l'air. Je sais bien que vous, chères traîtres de l'Opposition, n'en avez que faire de ce qu'il peut advenir de vous, mais je sais exactement ce qui pourrais te faire plier ... Il fit durer un petit silence, avant de reprendre: Je sais que vous avez envoyé des informateurs au bâtiment de ravitaillement de l'est, et je sais également comment ils sont morts ...

Le renard au pelage cendré écarquilla ses yeux et bégaya:

- Vous ... vous les avez tous tué ?

Les pupilles du loup se dilatèrent.

- Bien entendu, et renvoyé leurs insignes au camp.

Sa victime voulu vaillamment demander "Quel camp?", Cependant il se fit devancer, et comme il le craignait, le loup déclara:

- Oui, l'ancien camp de pillards vers les chutes du Vent d'Aigle, que vous avez investis, vous, un petit groupe venu du Sud, dans le but de la mission Foxtrot. Je sais également que mes troupes sont là-bas, avec pour ordre d'attaquer demain à l'aube si je n'obtient pas d'informations venant de toi.

Le loup passa sa langue sur ses crocs blancs, rapprochant son museau à quelques centimètres du visage terrifié du renard. Il jeta un regard à l'un de ses camarade en retrait, qui pris entre ses mâchoires le manche d'une dague incrustée d'une pierre bleutée sur le manche, et la fit docilement glisser d'un coup de griffes au pattes des deux ennemis. Horrifié en reconnaissant la lame, l'animal argenté frémit, les oreilles basses.

- Ne lui faites pas de mal ...

Il prit une grande inspiration et lâcha:

- Bien. De toutes manières, vous l'auriez découvert, mais nous affichons laissez aux portes d'une ville. Jamais vous ne pourrez remettre la patte sur elle. Jamais. Et si vous essayez, Rikoru vous en empêchera. Elle intégrera pour sûr une faction, et elle battra contre votre clan perfide, vous renverra vous terrer dans vos villages.

Désagréablement surpris, le loup brun releva brusquement la tête, crocs découverts. Il se détourna furieusement et secoua la tête. Il ne pouvait pas s'agir de la ville de Kyinoï, tout de même! Il s'éloigna, et, lors de passer à côté des deux autres loups, hocha imperceptiblement la tête. À l'instant, ils fondirent tout deux sur le renard en dégainant leurs lames, et lui tranchèrent la gorge avant même que son cris pu résonner dans la nuit. Un des deux assassin, une femelle dont le museau roux sombre et les yeux jaunes perçants étaient tournés vers le loup brun, lui murmura:

- Cela complique les choses. Nous ne pouvons pas nous permettre de sous-estimer les factions de Kyinoï, et encore moins leur chef.

- En effet, lui répond-il. Nous ne pouvons pas tenter de récupérer, du moins, pas pour le moment.

Il s'enfonça dans la ruelle, suivi par ses deux acolytes encapuchonnés.

"Cela est bien problématique en effet ... je pensais pourtant qu'il bluffait, j'était certains que les Laboratoires avaient trouvé le moyen de récupérer. Maintenant que le clan de Kiynoï est mêlé à cette histoire, c'est un véritable problème qui se présente à moi ... "Pensa t-il en grondant, les crocs serrés.