Le train s'arrête. Je suis arrivée. Déjà... Et enfin.
J'attrape ma valise et descends du wagon. Ma cousine m'attends. Je la cherche dans la foule de voyageurs qu'il y a sur le quai, mais je ne la vois pas. Je soupire et sors mon téléphone.

– Allô, Lisa ? T'es où ?

– Anaël ! Retourne toi patate !

Je m'exécute et une fille aux courts cheveux bruns et à la peau bronzée me saute dessus.
Je ris.

– Contente de te voir, Lisa.

– Moi aussi... Je suis tellement excitée !

– Hum... Non, ça c'est ton état habituel, je lui rappelle, amusée.

Lisa a toujours été comme ça, enfantine, joyeuse et positive à toute heure de la journée. Moi, j'étais – et je suis – calme, douce, presque maternelle. Elle est le soleil, et je suis la lune. Nous nous complétons et nous entendons parfaitement. Petites, nous étions inséparables : nous habitions l'une à côté de l'autre, nous allions à l'école ensemble, nous mangions ensemble – et, parfois, nous dormions ensemble. Mais j'ai déménagé, et nous ne nous sommes plus vues pendant un certain temps. Je crois que Papa s'est disputé avec Oncle Edgar, et que c'est ça qui a tout gâché.
Qu'importe, nous voilà de nouveau réunies ! Je sens qu'on va faire des folies...

– Tu vas voir, mon appartement est génial, super grand et tout ! me raconte Lisa.

– Ça ne m'étonne pas !

Nous continuons à parler un peu puis la question que je redoute le plus arrive :

– Alors, tu tiens le coup ?

Mon cœur se serre. Oui, enfin non... Je ne sais pas. Comment répondre ? J'inspire profondément et me lance, espérant répondre la vérité – une vérité que j'ignore :

– Je ne sais pas. Je croyais avoir trouvé l'homme parfait, et je me retrouve avec un adolescent égoïste et trompeur. J'ai été nulle de croire que notre relation était parfaite, il y a forcément eu des signes, du genre, il rentre plus tard le s...

Je m'arrête brusquement, et secoue la tête, dégoutée.

– Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiète Lisa.

– Il y en a eu, des signes. Parfois, il disparaissait des nuits entières. Quand il revenait, le matin, et que je lui demandais pourquoi, il me répondait qu'il était avec des copains. Oh, Lisa, j'aurais pu le savoir depuis le début !

J'éclate en sanglots. Ma cousine, prise au dépourvu, m'enlace.

– Ana, ne dis pas ça... Même si c'est vrai, ne dis pas ça... Quand on aime, on préfère ignorer et croiser les doigts pour que ça s'arrange... Je le sais... Oublie ça, d'accord ? Viens, on va prendre le taxi pour rentrer chez moi.

Elle me pousse gentiment, mais je ne bouge pas. Ma voix, dure, froide, coupante, claque :

– Si on le voit, je lui dirai ce que je pense. Il me croit faible, lâche. Il se trompe. Il a tort de me sous-estimer. Tant pis pour lui.

Je me tourne vers Lisa, et quand mon regard plein de colère et de tristesse croise le sien, tendre, je me calme.

– Merci Lisa. Vraiment.

On se fait un gros câlin, puis je dis :

– Pas la peine de prendre un taxi. Ça ne me dérange pas de marcher un peu.

Le reste du trajet, nous papotons de sujets moins sensibles. Quand on arrive enfin devant son immeuble, je me tourne vers elle, ébahie.

– Euh... Lisa ? T'es sûre que c'est ici ? Ça me paraît un peu...

Elle a un petit sourire.

– Oui. Et tu n'as pas vu l'intérieur...

Le bâtiment, grand, propre, m'impressionne ; il y a sept étages, et d'immenses fenêtres.

– J'ai trop hâte de voir l'intérieur !

On entre dans l'immeuble. Je relègue l'épisode Ethan dans un coin de mon cerveau pour me concentrer pleinement sur ce que ma cousine va me montrer et la suis.

– Viens, on prend l'ascenseur, me dit Lisa.

Elle presse un bouton en prenant soin de me cacher lequel.

– Septième étage, annonce une voix avec un petit ding.

– Lisa ! Tu es vraiment au septième étage ?

Je suis toute excitée à l'idée de découvrir cet appartement qui semble merveilleux – et qui l'est, j'en suis sûre !

Ma cousine sort une clé de sa poche et me la donne.

– A toi l'honneur !

J'entre et découvre un immense salon. Les murs sont tous blancs sauf un, qui est peint en bleu pâle, et un beau parquet gris clair recouvre le sol. À gauche de la porte d'entrée, un canapé blanc en coin, des poufs de différents tons de bleus sont installés autour d'une table basse en verre. Un grand tapis, blanc et tout doux, est posé en dessous. À côté, une baie vitrée occupant tout le mur donne sur un balcon à l'échelle de la pièce.

– Exposé plein sud, m'annonce fièrement ma cousine.

– Génial !

– Et tu n'as pas tout vu !

Je reprend mon exploration. À gauche de la porte d'entrée, un piano à queue et une grande bibliothèque végétale. Il y aussi un bar donnant sur une cuisine toujours immense : de grands plans de travail, un double évier, deux fours, plein de rangements... Avec une autre baie vitrée donnant sur le même balcon.

– Bon sang Lisa, ce n'est pas un appartement, c'est un palace ! soufflé-je.

– Viens voir l'espace nuit !

Elle m'entraîne dans un couloir aux murs immaculés et s'arrête devant une porte.

– C'est ma chambre, indique-t-elle.

Les murs, blancs, sont décorés avec des autocollants de tiges de bambou et des tableaux montrant des montagnes, des prairies et la mer. Un dressing recouvre la totalité d'un mur, et en face un lit gigantesque est installé à côté d'un grand bureau recouvert de croquis, de dessins et de peintures.

– C'est toi qui a fait ça ? C'est magnifique ! m'exclamé-je, impressionnée, en montrant les dessins – qui sont de véritables œuvres d'art.

Lisa rougit.

– Merci...

Une baie vitrée occupe un autre mur ; un gros pouf est dans un coin, et je m'affale dessus.

– C'est génial !

– La porte là-bas est une salle de bain. Allez, viens, je vais te montrer ta chambre...

Je la suis.

– Ouah ! Lisa, c'est magnifique !

– Merci ! Je suis contente que ça te plaise...

Ma cousine me connaissant bien, elle sait que je suis très travailleuse. Elle a donc installé un gigantesque bureau avec plein de rangements et de tiroirs. Un grand lit blanc en face de la baie vitrée et...

– Oh mon dieu ! Vue sur la mer ! Lisa, tu es géniale !!!

Je lui saute dessus et lui fait un gros câlin.

Je continue mon inspection. Un des murs est peint en gris clair, et Lisa a dessiné des paysages – couchers de soleil sur la mer, ville sous la pluie... – qui sont accrochés sur les autres murs (blancs).

– Là, c'est le dressing, m'indique Lisa en montrant un placard semblable au sien. Viens, je vais te montrer la salle de bain !

Elle pousse une porte et je découvre une grande salle de bain. Le sol, recouvert d'un carrelage blanc, est très propre ; une douche à l'italienne dans un coin et une baignoire me permettent de me laver comme je veux, et il y a une double vasque et plein de placards.

– Regarde, les serviettes propres sont là, mais demande-moi si tu as besoin de quelque chose.

Nous retournons dans le salon et nous asseyons sur le canapé.

– Vu qu'il reste une semaine de vacances avant la rentrée, j'ai décidé de te faire visiter la ville. Demain, c'est dimanche donc on va rester à la maison. Lundi, on va faire du shopping : ton dressing est grand, autant en profiter, et visiter un peu Nice. On te prendra aussi des produits de beauté, j'ai trop envie de te maquiller, m'annonce ma cousine, des paillettes dans les yeux. Mardi, on va à Grasse, la ville du parfum, pour visiter la vieille ville et les usines de parfum. Mercredi, on va aller à deux, trois musées, jeudi je te présenterai mes amis – tu vas les adorer j'en suis sûre ! – et vendredi on ira à la plage. Samedi, on va aller à la verrerie de Biot, tu vas voir c'est trop beau, on voit les mecs qui soufflent le verre, c'est vraiment génial ! Dimanche, je t'emmène au lycée histoire de te présenter et pour que tu puisses terminer de signer les papiers.

Elle s'arrête de parler et me regarde.

– Alors ? T'en penses quoi ?

– Ça va être génial !

– Je t'emmènerai à des restaurants, tu vas adorer !

– Je n'en doute pas...

On se sourit, complices.

– Allez, je vais t'aider à ranger tes affaires, décrète-t-elle.

On retourne dans ma chambre et on range mes habits dans le dressing, et j'accroche quelques décorations que j'ai ramené de Bordeaux. Je sors de quoi remplir les tiroirs du bureau, les range et m'allonge sur le lit.

– Lisa, tu es vraiment géniale.

– Je sais Ana, je sais.