2037, sur Any, petite ville touristique en bord de mer
Savien regardait la mer depuis sa fenêtre. Il était seul dans la grande maison blanche, ses deux fils étaient allé s'installer à Pirna, d'ailleurs l'un d'eux, l'aîné, travaillait à la CDE. Le vieil homme ne comprenait pas l'amour que son fils avait pour l'espace et sa découverte. D'ailleurs c'était demain le Grand Départ. Savien n'était pas comme tout le monde à crier de joie, à être heureux de ce départ. Ce n'est pas qu'il avait peur que la Terre s'arrête, qu'elle explose, non. Il savait seulement qu'il mourrait pendant ces vingts-et-un ans de voyage, à soixante-seize et il se faisait vieux. Il n'espérait pas voir la planète Darion, il n'espérait pas marcher sur sa terre ni voir ses paysages qui étaient considérés comme enchanteresques.
Savien ouvrit sa fenêtre et respira l'air de la mer. Il entendait les vagues qui se brisaient sur le sable, les rires des enfants fabriquant leurs châteaux de sables.
Non, il ne fallait pas partir, il ne fallait pas déplacer Zion. Ce n'était pas naturel, c'était dangereux. Oui, le vieil homme avait peur, non pas pour sa vie mais pour celle des enfants. Il avait toujours aimé les enfants, et ses deux fils Rhon et Loïre étaient pour lui le trésor de sa vie. Mais plus les années passaient moins il était fier de son aîné. Non qu'il n'aimait pas son fils mais il désapprouvait totalement ce qu'il faisait, même si celui-ci était devenu connu dans son milieu. C'était Rhon qui avait eu l'idée de déplacer Zion, et, avec ses idées folles, il allait tuer cette planète que Savien aimait tant.
L'ancien boulanger observa les vagues venir s'effaser contre le sable chaud d'Any, il y avait moins de touristes ces années, ce qui était compréhensible. Tout le monde devait être collé à sa télévision. Les parents expliquent à leurs jeunes enfants ce qui allait se passer demain, certains étaient surement en train de raconter comment ils avaient appris la nouvelle, il y a dix-sept ans. Savien lui s'en rappelait parfaitement, sa femme était venue dans la boulangerie et lui avait annoncé toute heureuse la prouesse de Rhon. Oui, ce même Rhon qui avait eu trois ans se balader partout en couche culotte à la recherche de crevette avait fait accepter au dirigeant le remplacement de Zion. Au début le vieil homme n'avait pas compris ce que cela signifiait mais peu à peu les journaux en parlaient. C'était bien réel.
Savien Firmin ne restait jamais seul, il avait un gros matou du nom de Pistache toujours dans ses pattes. Souvent ils allaient se promener ensemble au bord de mer, lorsque le soleil se couche et qu'il laisse ses derniers rayons se perdre dans l'immensité de l'eau. Le chat n'aimait pas forcément ce liquide mais adorer le sable, Savien devait souvent l'empêcher de détruire les châteaux de sables. Mais ce jour là Pistache n'était pas avec lui, il avait dû ressentir l'énervement de Savien qui augmentait de jour en jour. Alors le vieil homme sortit seul. C'était, pour lui, sûrement la dernière fois qu'il voyait son coucher de soleil.