Prologue
Alizée
* * *
La tête posée sur la poitrine d'Arthur, je sens son cœur battre lentement sous ma joue. Je ne peux m'empêcher de me demander combien de battements il lui reste encore, si bien que chaque nouvelle pulsation résonne en moi comme une victoire. Ma main enserre son t-shirt dans un geste d'impuissance, puis, aussi soudainement que ce sentiment est monté en moi, il disparaît et ma poigne se relâche. Je laisse ma paume reposer sur son torse, inerte. Je ne bouge plus. Ma respiration s'apaise et j'écoute la mélodie que j'ai appris à chérir le plus : celle de nos souffles mêlés.
Nous n'avons pas fermé les volets, et la baie vitrée de la chambre laisse entrer la lumière des rayons de lune. Ce n'est pas grave, nous ne dormirons pas ce soir, ou peu. Alors qu'il vient de rester un long moment sans esquisser le moindre mouvement, les doigts d'Arthur viennent se faufiler dans ma chevelure et commencent à y dessiner des gestes lents. Je me demande à quel point Arthur est encore ancré dans la réalité. Sa sérénité devrait m'effrayer si je ne ressentais pas étrangement la même. Nos pensées déchirent le silence de la nuit.
Je ne sais pas comment je ressortirai de cette épreuve, ni à quel point elle affectera notre petite Charlie. J'ai l'impression que le cadre de vie parfait que nous nous étions créé a volé en éclat et je ne sais pas si les morceaux qu'il restera de moi à la fin me permettront de vivre un jour sans un trou béant dans ma poitrine. C'est fou ce qu'on apprend sur soi et sur sa condition d'homme en se confrontant à la maladie, à la mort. Mais je ne me suis pas sentie seule un seul instant. J'ai l'impression que j'ai vécu plus intensément que jamais. Parce que Arthur me rend vivante, et ce depuis notre première rencontre.
Je le revois sur scène lors d'un spectacle auquel ma cousine m'avait tiré. Je n'avais pas pu le lâcher des yeux. Que ce soient les ondulations de son corps, sa grâce ou ses mouvements agiles, aucun détail ne m'avait échappé. Il avait une maîtrise totale de son être et poussait ses gestes jusqu'au bout, s'étirant des orteils à l'extrémité de ses doigts. Rien n'était laissé au hasard malgré l'impression qu'il donnait. Il semblait simplement être à sa place, comme si aucun autre endroit au monde ne lui convenait aussi bien cette scène de lumière dans laquelle il baignait. Il était fait pour le spectacle et pour la danse. Lui arracher ça, c'était lui arracher qui il était.
La même souplesse qui accompagne ses mouvements du quotidien a désormais disparue depuis des mois. Face à cette déchéance, Arthur ne peut pas s'empêcher de penser à sa dignité. Lui dont la liberté de se mouvoir est la plus forte passion n'a pas pu se contraindre à assister à la trahison de son propre corps.
Je suis divertie par la main de mon mari qui glisse de mes cheveux au creux de mes hanches. Dans son regard, je lis sa demande de l'aimer passionnément le temps d'une dernière danse. Je me redresse à califourchon sur lui, qui est toujours allongé dans le lit. Je ne saurais dire si ses yeux brillent ou si c'est le clair de lune qui s'y miroite. Peu importe, je veux profiter de chaque instant avec lui que m'offre la vie. Je veux oublier au maximum ce sablier qui s'égraine inexorablement. Je veux faire chaque pas à ses côtés.
Jusqu'à la fin.
* * *
La tête posée sur la poitrine d'Arthur, je sens son cœur battre lentement sous ma joue. Je ne peux m'empêcher de me demander combien de battements il lui reste encore, si bien que chaque nouvelle pulsation résonne en moi comme une victoire. Ma main enserre son t-shirt dans un geste d'impuissance, puis, aussi soudainement que ce sentiment est monté en moi, il disparaît et ma poigne se relâche. Je laisse ma paume reposer sur son torse, inerte. Je ne bouge plus. Ma respiration s'apaise et j'écoute la mélodie que j'ai appris à chérir le plus : celle de nos souffles mêlés.
Nous n'avons pas fermé les volets, et la baie vitrée de la chambre laisse entrer la lumière des rayons de lune. Ce n'est pas grave, nous ne dormirons pas ce soir, ou peu. Alors qu'il vient de rester un long moment sans esquisser le moindre mouvement, les doigts d'Arthur viennent se faufiler dans ma chevelure et commencent à y dessiner des gestes lents. Je me demande à quel point Arthur est encore ancré dans la réalité. Sa sérénité devrait m'effrayer si je ne ressentais pas étrangement la même. Nos pensées déchirent le silence de la nuit.
Je ne sais pas comment je ressortirai de cette épreuve, ni à quel point elle affectera notre petite Charlie. J'ai l'impression que le cadre de vie parfait que nous nous étions créé a volé en éclat et je ne sais pas si les morceaux qu'il restera de moi à la fin me permettront de vivre un jour sans un trou béant dans ma poitrine. C'est fou ce qu'on apprend sur soi et sur sa condition d'homme en se confrontant à la maladie, à la mort. Mais je ne me suis pas sentie seule un seul instant. J'ai l'impression que j'ai vécu plus intensément que jamais. Parce que Arthur me rend vivante, et ce depuis notre première rencontre.
Je le revois sur scène lors d'un spectacle auquel ma cousine m'avait tiré. Je n'avais pas pu le lâcher des yeux. Que ce soient les ondulations de son corps, sa grâce ou ses mouvements agiles, aucun détail ne m'avait échappé. Il avait une maîtrise totale de son être et poussait ses gestes jusqu'au bout, s'étirant des orteils à l'extrémité de ses doigts. Rien n'était laissé au hasard malgré l'impression qu'il donnait. Il semblait simplement être à sa place, comme si aucun autre endroit au monde ne lui convenait aussi bien cette scène de lumière dans laquelle il baignait. Il était fait pour le spectacle et pour la danse. Lui arracher ça, c'était lui arracher qui il était.
La même souplesse qui accompagne ses mouvements du quotidien a désormais disparue depuis des mois. Face à cette déchéance, Arthur ne peut pas s'empêcher de penser à sa dignité. Lui dont la liberté de se mouvoir est la plus forte passion n'a pas pu se contraindre à assister à la trahison de son propre corps.
Je suis divertie par la main de mon mari qui glisse de mes cheveux au creux de mes hanches. Dans son regard, je lis sa demande de l'aimer passionnément le temps d'une dernière danse. Je me redresse à califourchon sur lui, qui est toujours allongé dans le lit. Je ne saurais dire si ses yeux brillent ou si c'est le clair de lune qui s'y miroite. Peu importe, je veux profiter de chaque instant avec lui que m'offre la vie. Je veux oublier au maximum ce sablier qui s'égraine inexorablement. Je veux faire chaque pas à ses côtés.
Jusqu'à la fin.
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