Chapter 2.
2 ans plus tôt... :
« Je vous en conjure, n'y allez plus ! Il faut être suicidaire pour faire confiance à l'internet. Regardez autour de vous, vous qui êtes complètement hypnotisés par les écrans... ! Nous nous sommes tous fait avoir, en 2041 quand tout a commencé, on nous a dit de belles paroles, de belles promesses, mais aujourd'hui, regardez-nous ; pour m'écouter, je suis obligé d'apparaître en force sur vos appareils, téléphones, tablettes, télés, si bien que je suis sûr que si je me mettais à gueuler dans la rue vous ne me calculerez pas ! Internet nous contrôle, vous contrôle. Vous voulez des preuves ? On brûle nos livres, notre Histoire, ceux qui ont dénoncé nos conditions de travail, les femmes qui autrefois n'avaient aucun droit de votes, injustement inférieures aux hommes, nos monuments historiques ne sont plus que poussières et passé oublié. Pourquoi continuez-vous de fermer les yeux ? Quelqu'un nous manipule, non plus, quelque chose nous manipule ! Quelque chose qui n'a ni apparence, ni vie, ni émotions. Quelque chose, qui n'est ni vivant, ni humain, qui pourtant sait plus de choses que nous grâce à toutes nos connaissances mises dans un moteur de recherche. Nous sommes plus intelligents que cela, nous sommes plus intelligents qu'internet. On me dit terroriste, hacker, malfaisant, traître, anomalie. Je ne suis pas un virus, ne me virez pas de votre champ de vision ! Ouvrez-moi, ouvrez cet onglet ! Je ne suis pas une pub ou un programme, je suis réel ! Je vous parle d'un monde qui s'appelle l'IRL. Nos générations vont vivre et suivre vos pas, vos erreurs et empirer les conditions affreuses de nos vies, nous ne touchons plus aucun argent, aucune aide, les militaire ont été rachetés par une société gouvernementale non-humanoïde, nous allons tous crever les cernes sous les yeux. Je veux bien comprendre que les consommateurs et que les accros d'internet ne seront pas de mon avis, mais... laissez-moi être fou, juste une fois, de penser que nous avons encore un avenir qui s'appelle l'expression. »
Un doigt venait de fermer l'onglet, après le discours décourageant terminé. L'homme en question avait fait ce discours en 2042, mais quand même neuf ans après la robotisation de toutes les villes de chaque pays des quatre coins du Monde, Kancity a été premier à être touché par la cybernétisation.
— Myrrha ? Le monsieur, est-ce qu'il vit à Kancity ?
La femme portait une veste en cuire, des lunettes à LED, et un pantalon déchiré noir. Elle trafiquait un chat qui avait perdu son œil droit, le pauvre animal avait été maltraité et abandonné, puis ses propriétaires sont morts. C'est ce que Myrrha voulait laisser croire en tout cas, voir que la réalité ne faisait que trop mal si on la voyait trop près. Myrrha était âgée de vingt-huit ans, une longue coupe châtaigne parfaitement taillée avec sa figure qui lui allait comme un gant. Derrière ses lunettes rouges, ses yeux étaient d'une couleur vive verte pure.
— Non, il est mort pour avoir fait cette vidéo. Tu défends une cause, et cette même cause t'amène à la mort. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que cet homme est mort pour rien. Il a fait la même erreur que tous les autres, au final.
— Laquelle ?
— Celle d'imposer une résistance sur internet. Comment je sais qu'il est mort ? Devança-t-elle en se tournant vers le cyborg assis sur le lit. Adonis, tout le monde meurt. Si un jour tu veux défendre quelque chose, dénoncer l'inexorabilité, sois plus intelligent que les humains, plus intelligent qu’internet. Parce que dès qu'ils sauront ce que tu es, qui tu es, comme n'importe qui, ils te tueront. Personne ne te pleurera.
Adonis regardait Myrrha ne comprenant pas.
— Mes... les humains ne sont-ils pas censés ne pas se tuer entre eux ? Pourquoi ils ne se battent pas pour la même cause ? Leur liberté ?
Myrrha eu un sourire plus doux et attendrit alors qu'Adonis jouait machinalement avec un câble qui le maintenant en recharge.
— C'est pour ça que je t'aime. Tu n'es pas humain, et pourtant tu as le sens de l’humanité gravé en toi, plus que n'importe qui d'autre. Tu as encore beaucoup à apprendre malgré cela. Dans le monde tu as toutes sortes de personnes : celles qui sont contrôlés par les machines, puis... ceux qui vivent comme ils peuvent, volent, drogues, ventes d'armes illégales, et la dernière catégorie qui est nous ; des sans-ombres. On ne sait pas qu'ils existent. On ne sait pas comment ils font pour vivre. En fait, ils sont restés dans les années où le papier existait encore. Et les personnes civilisées aussi. Je t'en supplie, tant que je suis encore en vie, ne redeviens pas un avatar.
Aujourd'hui :
— Arrêtez.
— J'ai presque fini.
Une nouvelle porte de traversée et aucune trace de matière telle que des avatars ou des drones. L'IA ne trouvait pas que que ce soit normal, en général l'entreprise T-106 était envahie d'avatars T677 et de tout mécanisme de sécurité. Les lumières fonctionnaient, et seuls les pas du cyborg retentissaient dans les corridors vides ainsi que la prochaine ouverture d'une porte qu’il venait de réussir de déverrouiller.
— Nous sommes espionnés, Adonis, faites demi-tour tant qu'il est encore possible. Myrrha vous a amélioré pour ne pas que l'entreprise ne vous géolocalise, et de vous contrôler à distance. Malheureusement pour vous, vos derniers bilans remontent à un an. En un an, vous savez combien les risques sont élevés ?
Mais c'était trop tard, alors qu'Adonis écoutait le dernier conseil de l'IA, la porte derrière lui se referma dans un bruit claquant et brutal, une alarme retentit aussitôt. L'IA clignotait rouge, tandis qu'Adonis regardait autour de lui vivement, cherchant une autre sortie possible d'être une porte de secours. Elles avaient la praticité d'être directement dirigées dehors. Sur une porte qu'il passa devant, était gravé sur une plaque en argent : 122. Adonis la reconnut instinctivement.
— Qu'est-ce que vous cherchiez en vous faisant piéger ? S'énerva l'IA.
— Myrrha tenait à quelque chose, je veux le récupérer pour elle.
— Vous êtes nul, Adonis. Nul et inconscient. Nous sommes dans l'entreprise la plus grande du monde, et aussi la plus hautement protégée par des systèmes informatiques que même un humain travaillant ici ne pourrait décrypter. Si vous aviez réussi à rentrer, c'est grâce à nos propres capacités systématiques. Mais vous êtes vieux, et donc de ce fait, nous n'avons pas pu détecter à temps les SW4 minimisés.
— ... une version obsolète, je le sais, murmura ce dernier une once de tristesse dans la voix. Mais je veux le récupérer.
— Vous ne savez même pas ce que vous cherchez !
Adonis arrêta ses mouvements pour hurler dans les communicateurs, l'alarme devenue plus forte que ses pensées. Le temps pressait et c'était juste. Il ne savait pas quoi trouver dans ce laboratoire inactif depuis un an.
— Alors dis-moi !
Des drones s'enclenchèrent dans sa colère passagère, attirant des avatars qui fondaient le blindage de la porte avec facilité effarante. Adonis prit conscience à quel point ils étaient modernisés, encore deux jours avant, ils n’avaient pas cette fonctionnalité. Adonis n'était pas paniqué pour autant, son sang-froid était une de ses rares qualités en tant qu'imitateur des sentiments humains.
— Ce n'était pas un objet, Adonis ! S’exclama l’IA la tonalité pressante dans sa voix. Il y a de la vie dans le laboratoire, allez dans le compartiment des cobayes.
En effet, il restait une cage. Au-dessus de cette dite cage, une plaque en fer électronique se présentait encore au même nombre que sur la porte et la clé. Ne réfléchissant pas, Adonis lança une analyse rapide, permettant de savoir que c'était un petit animal blanc, une souris aux yeux rouges, dont un œil avait une prothèse. Adonis remarqua que c'était comme avec le chat noir, une année plus tôt.
— Vous voulez vraiment le prendre avec vous ? J'ai trouvé une sortie qui pourrait vous emmener à l'extérieur, à midi vous verrez une bouche d'aération. Pour un humain normalement constitué, il ne pourrait pas respirer le gaz qui s'échappe et à la climatisation basée de moins de 3 degrés. Mais vous pouvez protéger l'animal, je me charge du reste. Dépêchez-vous !
L'IA se désactiva de l'oreillette d'Adonis le temps de pirater les portes et de bloquer les issues, déverrouillant la bouche d'aération. Les avatars arrivèrent rapidement à entrer dans le laboratoire, mais constatèrent avec empressement que la porte menant à la pièce des cobayes était aussi fermée. Ils recommencèrent en accélérant le processus, Adonis n'eut pas de mal à atterrir dans l'aération, enfermant le rat dans un de ses compartiments impossible à voir à l'œil nu, qui se trouvait dans sa hanche gauche. Un grand fracas contre la porte, et les avatars étaient rentrés pour de bon. Adonis pressa ses pas accroupis, fuyant les avatars, les drones n'ayant aucun moyen de passer dans un endroit aussi instable et étroit, firent demi-tour et retournèrent dans les couloirs en visualisant où allaient les bouches d’aération.
Des bruits de course, avant de faire un signal d'urgence. La question qui restait à se poser était pourquoi les caméras de surveillance n'ont pas alarmé la présence d'Adonis plus tôt. Serait-il encore dans les bases de données de l'entreprise T-106 ? En tant que prototype ?
L'IA dérangeait les pensées profondes du cyborg, furieusement en colère contre lui.
— Pourquoi avoir fait ça ?! Tu as oublié la vraie raison de pourquoi nous sommes ici ? Tu mènes tous les efforts de Myrrha à la perte ! Du gâchis intellectuel !
— Je sais, mais cette chose devait être importante aux yeux de Myrrha.
— Cette chose est une souris. Vous, vous êtes son monde. D'où le pourquoi de ma création, dit-elle en se calmant mais avec sévérité.
Adonis fronça les sourcils. L’Ia avait une faculté assez étrange de vouvoyer pour d’un coup le tutoyer lorsqu’elle perdait patience et les codes de conduite, comme si Myrrha avait fait exprès.
— Il est dans la bouche d'aération ! Attrapez-le ! Hurla un avatar lorsqu'Adonis tournait vivement dans une direction.
— Vous êtes peut-être amélioré, mais obsolète vous restez, la voix de l'IA était inquiète. Ils n'auront aucun regret à vous descendre.