Entre imagination et folie
Marie fronça les sourcils, et trembla légèrement en inspirant, le stress se faisant ressentir dans chaque cellules de son corps.
- Il faut que je le boive...? demanda-t-elle dans le vide, à elle-même.
Et d'un coup..
C'était comme si son corps ne lui répondait plus, sa main se leva d'un coup, et porta le flacon à ses lèvres. Marie, terrifiée, ne pouvait que le faire sans pouvoir stopper la force invisible qui contrôlait chacun de ses membres.
La jeune blonde se sentit alors tomber dans un gouffre qui paraissait être infini, sans fin et assez profond pour que jamais personne n'entende quoique ce soit provenant de celui-ci, alors qu'elle pouvait encore sentir le planche de bois sous ses pieds. Le plus étrange était qu'elle voyait encore les tapisseries, le bureau bien huilé, elle voyait encore le décor de la pièce dans laquelle elle était, mais elle sentait le gouffre. Les cadres, murs et lumières perdirent de leur couleur, se brouillèrent, et se déformèrent.
Le noir se fit, puis la lumière et des couleurs éblouissantes firent leur apparition, des doigts froids effleurèrent ses joues et c'était à elle de ne pas bouger d'un centimètre pour ne pas prolonger le contact.
Ds ombres au corps inhumain l'entouraient, soliloquant, murmurant, faisant des râles effrayants.
Marie hurla, frappa autour d'elle des bêtes et créatures imaginaires aux mains cauchemardesques.
Elle en était à un point qu'elle se mit en boule, les joues humides, suppliant à voix basse que ça cesse, les changements de couleurs, la chute, les tourbillons, les mains, tout.
Alors qu'elle était certaine d'avoir les yeux fermés, derrière ses paupières closes se matérialisa le coucher du soleil lors de l'aurore. Elle voyait mais avait les yeux fermés. Elle tremblait de tout son être, horrifiée, terrifiée.
Et tout doucement, comme un papillon qui quittait une fleur, une boule bleuâtre sortit de sa poitrine. Lentement, avec douceur, la boule s'éleva dans les airs et virevolta autour de la pièce, laissant une traînée argentée.
Marie, des traces de larmes séchées en dessous de ses yeux rougis, se leva en tremblant, et leva la main instinctivement, toutes les horreurs lui étant arrivées s'effaçant presque de sa mémoire.
Il n'y avait plus qu'elle et la boule bleue.
La pièce était redevenue calme, mais il y avait une ambiance terrifiante, macabre, qui donne envie de vomir, et de fuir à toute personne dans son état normal.
Mais là était le problème. Marie n'était plus dans son état normal.
Une immense ombre, enveloppée dans une cape de velours violette qui cachait chaque partie de son corps que l'on devinait pourtant totalement absent, poussa lentement la porte et s'engouffra dans le bureau, dans le dos de Marie qui avait les yeux éteints et détaillait la boule devant elle.
L'ombre à la longue cape leva la main et la referma sèchement.
Et alors la boule explosa.
Et alors ce fut la descente aux Enfers pour Marie.
Sa peau vira au rouge vif tandis que sa gorge et ses cordes vocales se déchiraient à force de hurler comme une forcenée.
Elle était allongée au sol et se tortillait, hurlait, hurlait, comme si son corps se déchirait en deux, et la frontière entre son esprit et la réalité vola en éclats.
Le soleil qui commençait à se coucher brilla intensément, sa lumière engloutit la cabane, dont Marie et l'ombre inconnue, sous les hurlements de cette dernière.
La masse imposante enveloppée de velours ouvrit la bouche, et d'un coup, Marie se tut, elle voulait hurler, elle le devait mais elle ne le pouvait juste pas, incapable d'ouvrir encore la bouche.
- Le soleil représente le lien qui unit le monde des humains et mon monde. Le monde de l'inconscient. Quand il se couche, la frontière entre les deux mondes s'estompe et alors nos univers peuvent entrer en contact. Et c'est ce pourquoi je suis là. Cette boule qui est maintenant brisée et irréparable est ton imagination. Tu es privée de ta capacité à créer tout à partir de rien. Et ce flacon que tu as bu de force n'est autre qu'un moyen d'extraire ton imagination de son enveloppe charnelle.
Marie se retourna avec une lenteur cauchemardesque vers l'ombre et lui posa sa question de ses yeux exorbités et illuminés de terreur
- Pourquoi ? Fit-il en devinant la question que la jeune fille n'avait pu faire sortir de ses lèvres. L'imagination est dangereuse. Quand on se perd dans ses limbes, il est impossible d'en ressortir. A force tout créer à partir de rien tu finiras par faire devenir ta propre enveloppe corporelle ce rien qui t'inspire tant. Et cela sera au tour de tes proches ensuite de souffrir de toi. Tu es dangereuse et en danger. Cette cabane repère d'autres personnes doués de cette même capacité car ils sont tous attirés par ce lieu.
Il tendit alors sa main vers elle.
- Viens avec moi dans l'Autre monde et tes créations te seront accessibles en un clignement de cil. Ton potentiel ne sera pas gâché et tes rêves deviendront réalité.
Marie, perdue, dont la douleur s'était estompée au fur et à mesure de son récit, leva une main suante avant de regarder par la fenêtre de la cabane son village calme.
- Tous les jours, lors de l'aurore, nous revenons ici contempler ce village qui nous a vu grandir et disparaître. Ce village ne disparaîtra pas de ton regard.
La blonde, résolu, prit sa main osseuse et se leva, les jambes flageolantes, des rêves plein la tête, une imagination nouvelle envahit son cœur. Marie sentit une nouvelle boule se former dans sa poitrine, créant de sa simple présence une douce chaleur et apportant une ivresse de joie.
-Je vois.. Brisée, irréparable mais pas irremplaçable je me trompe ? Fit-elle la gorge encore enrouée en s'adressant à l'ombre qui ne répondit cependant rien.
Elle adressa un dernier regard au berceau de son enfance.
Et ensemble, baignés d'une lumière orangée, ils s'effacèrent de cette planète terre-à-terre et matérialiste pour rejoindre un autre monde où l'immatériel est source de tout.
L'imagination n'a de limite que quand on se l'impose à nous-mêmes.
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(1)
Entre imagination et folie
C'est la fin ? :(
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2020-10-15 05:43:42
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