La chasse
Le soleil n'est même pas debout que je suis déjà réveillé et prête à débuter ma destinée. Je suis enroulé dans une fourrure, il faudrait pas quand même que plus de gens que le nécessaire voient la fille de la fureur hivernale dans ses vêtements de naissance.
— Pas trop anxieuse ? Thorall me demande avec ce ton inquiet que je connais si bien.
— Tu me connais, je ne suis pas du genre à avoir peur d'affronter le danger.
— Je ne parlais pas de la chasse bêta. Je parlais du rôle que tu vas obtenir une fois, ce sanglier aura goûté à la lame de ton couteau.
— Est-ce qu'on peut vraiment appeler ça un couteau ? J'éclate de rire avec lui. J'ai grandi pour assumer ce rôle, je ne vois pas pourquoi tu devrais être inquiet. M'aurais-tu mal enseigné pendant toutes ces années ?
— Non, je crois que même une hache rouillée de 500 ans serait plus dangereux que ce bout de métal. Bien évidemment que non, j'ai eu l'aide de toutes les tribus de Sang de Givre des alentours.
— Le soleil se lève, il est temps d'y aller.
Je l'invite à sortir de ma tente en premier, il est mon escorte après tout. Je suis impressionnée de voir que quasiment tous les Glacynays sont hors de leurs tentes. Ils hurlent de joie et me jettent des hellébores et des pensées en guise de bonne chance.
— Ils sont tous dehors pour moi...
Je suis très flattée de voir à quel point, je suis importante pour eux. Jamais je n'aurai osé leur demander une telle chose.
— Bien évidemment ! Tu es à deux doigts de devenir Mère de Guerre. C'est un très bon signe qu'ils se soient levé. Ils sont prêts à mourir pour toi une fois le rituel terminé.
Au tant de dévotion pour une personne qui a juste eu de la chance d'être née dans la bonne famille.
On continue notre chemin vers le centre du village. Mon regard tombe sur une maison percée par des pics d'une glace limpide d'un bleu si clair.
C'est moi qui ai fait ça. C'était la première fois que mes capacités de glace s'étaient manifestées. Et malheureusement, ils se sont déchaînés pour la mauvaise raison, un mélange d'une douleur intense, de haine, mais surtout de la tristesse. Je jouais avec Thorall et une amie à moi lorsque j'ai appris que ma mère avait disparu en bataille. Heureusement, il n'y a pas eu de blessés.
— Ce n'était pas ta faute, j'aurais dû t'iniciter sur tes capacités extraordinaires.
— Je me culpabilise pas, c'est juste que ça ravive des souvenirs que je préfère oublier.
— Maman serait fière de toi, tu lui ressembles tellement ! Même si physiquement, elle n'est plus là, elle continue de vivre à travers toi et moi.
— Je sens dans mes tripes qu'elle n'est pas morte, elle s'est juste perdue quelque part.
— Hikeno... Ne recommence pas avec cette histoire. On a jamais trouvé le moindre indice prouvant qu'elle était vivante.
— Mais rien ne dit qu'elle est morte non plus !
Il me fixe pendant quelques secondes sans rien dire. Il sait que j'ai raison de croire que maman est toujours en vie, il ne veut pas avoir espoir. Il se contente juste de souffrir devant ce mystère pour ne pas être déçu du dénouement.
Parler de l'état de maman à toujours jeté un froid dans nos conversations, ni lui ni moi avons pu faire fondre ce mur de glace qui nous sépare.
Presque à destination, il s'arrête derrière moi.
— Je ne peux pas aller plus loin, les sorcières t'attendent pour te préparer au centre. Si tu as une dernière volonté, dis-le toute de suite.
— Tu parles comme si j'allais mourir. Je vais m'en sortir ! Aie foi en moi. Tresse-moi les cheveux, s'il te plaît. C'est tout ce que je te demande.
Il soupire à pleins poumons, il déteste me coiffer.
— Ce n'est pas ma faute si tu es doué !
Je ne loupe jamais une occasion pour l'embêter, il adore ça, surtout, il adore se venger.
— Vas ! Cours ! Ne fais pas attendre les dieux.
Il ne me laisse même pas lui dire au revoir, je pense qu'il a vraiment peur que quelque chose m'arrive. Si je meurs, il sera seul et il aura échoué. Ne t'inquiète pas, je ne t'abonnerai pas mon frère.
Je poursuis mon chemin, nous avons une statue de l'une de nos déesses les plus vénérées Khione bien au milieu du village. Elle est la mère de tous les Sangs de Givre. Une douzaine de tribus composées de quelques membres voire tous de guerriers capables de créer de la glace pure, la glace qui ne fond pas et qui ne se brise pas tant que la volonté de son créateur ne faiblit pas, n'oublions pas la meilleure partie, ils totalement immunisés contre le froids !
Les trois sorcières de givre m'attendent de pied ferme au pied de Khione. Étant des personnages très importants je. m'agenouille devant elles
— Hikeno, fille de la vénérable Estrid, la merveille hivernale. Nous te prions de te relever. Nous sommes heureuses de te revoir, surtout pour une occasion aussi spéciale. Approche mon enfant laisse nous te couvrir de bénédictions.
Elles vont me surveiller pendant toute la chasse, leur sagesse et leurs connaissances du monde des Sangs de Givre n'a pas d'égal parmi tous les clans. Trois femmes dignes d'un respect perpétuel.
J'exécute leur demande, celle du milieu lève les bras et un épais brouillard se lève. Je sais ce qu'il me reste à faire, je laisse tomber ma couverture pour leur révéler le tableau vierge pour tous leurs symboles mystiques que je ne connais pas encore.
— Non seulement tu deviendras Mère de Guerre mais ceci fera de toi une femme adulte à part entière.
— C'est un honneur de relever ce défi, Svafi.
Les deux femmes prennent de la peinture corporelle, trois couleurs le bleu à cause du lien avec Khione, l'orange pour le courage et la vitalité et le violet pour la spiritualité.
C'est assez désagréable de laisser 2 dames me toucher la peau avec leurs substances colorées, mais même comme ça, je ne bouge pas d'un poil.
Celle qui a levé le brouillard commence à prononcer des incantations dans une langue ancienne, je ne parviens qu'à en comprendre une poignée de mots.
Les rayons du soleil passent à travers le brouillard leur indiquant qu'il était temps que je parte.
— Hikeno voici ton outil, un couteau dans un acier médiocre apparaît dans sa main, tu n'as pas le droit d'utiliser tes pouvoirs pour tuer l'animal, tu ne dois que t'en servir comme tu feras usage de cette dague. C'est un outil pas une arme.
— Suis le chemin du soleil levant jusqu'aux montagnes blanches, tu trouveras l'animal sacrée dans les pâturages du sommet. Reviens nous avec ses défenses au minimum.
— Tout cela en une journée ?
— Tu as jusqu'au zénith de la lune. Que Khione soit avec toi.
— Merci.
Je pars en courant en suivant les mots qui venaient d'être prononcés. Et en même temps, je réfléchis à la stratégie pour abattre l'animal sans utiliser mes pouvoirs de manière létale.
Une bonne nouvelle, c'est que j'ai le droit de m'en servir. La route est longue, j'aurais le temps d'élaborer un brouillon et le mettre au propre sur place avec les informations du terrain.
Le brouillard me suit jusqu'à ce que dépasse la centaine de mètres en dehors du village. Elles tenaient à ce que personne ne profite du spectacle, je les remercie.
Sur le chemin, je minimise les pertes de temps et je tue quelques lapins que je croise, le froid les conservera jusqu'à ce que j'ai faim. J'ai utilisé des épines de glace pour transpercer leurs crânes si fragiles, elles ne m'ont rien dit sur cela, je m'en sers juste pour assurer ma survie.
Ça va, le soleil est à son demi-zénith et je suis déjà au pied de la dite montagne. Le plus dur reste à venir. Je dois escalader des pentes assez glissantes et sans vêtements, je vais me couper, bon ce n'est pas la fin du monde.
Après ma brève pause, je me lance à l'assaut. Un pied devant l'autre, doucement mais sûrement, j'avance avec prudence. Un faux pas et je risque de ne pas revoir Thorall.
La neige de cette montagne est si blanche, si douce pour mes pieds, c'est comme marcher sur des nuages, j'adore, c'est merveilleux. Khione est avec moi, je le sais ! Je la sens dans la douce brise qui tape ma peau et sur la neige qui conforte mes pieds. Elle a recouvert la montagne de ce magnifique tapis blanc pour cette occasion si spéciale.
Et cela va être très utile pour repérer les traces fraîches des bestiaux. N'empêche, je n'ai pas été gâtée par Oweila, les arbres se font de plus en plus rares, je me sens déjà sans souffle.
Je continue en essayant de maintenir un rythme soutenu, je ne veux pas y arriver la nuit tombée.
Des hurlements me font sursauter et prendre mon couteau en main. Des loups ! Et à en juger les vacarmes qu'ils font, c'est toute une meute. Personne ne veut aller à l'encontre de ces créatures aussi grandes qu'un humain.
Je ne réfléchis pas et je laisse parler mon instinct, je jette mon repas de midi le plus loin possible, je me roule dans la neige plusieurs fois avant de sauter dans le tas de poudreuse.
Avec un peu de chance, ils ont repéré que l'odeur du lapin et me laisseront tranquille. Je pourrais les chasser si facilement, mais un tel bain de sang est inutile, seuls les individus ayant la rage sont ceux à éliminer, et ses derniers ne se promènent jamais en groupe.
Le sol tremble tout autour de moi, cette meute possède environ 15 individus. Bouger pourrait m'être fatal, je retiens même ma respiration pour passer inaperçue.
Comme prévus, ils partent quelques minutes plus tard. Je me déterre et je prends de grandes inspirations, s'ils étaient restés un peu plus je me serais évanouie.
J'ai plus le choix maintenant, même si jusqu'à maintenant, j'économisais mes forces, j'ai une meute qui pourrait revenir à tout moment.
Je cours le plus vite que je peux, c'est compliqué de courir quand mes jambes s'enfoncent jusqu'aux genoux dans la neige.
J'avais pensé à utiliser mes pouvoirs pour faire des escaliers, mais ne sais pas si j'arriverai jusqu'au sommet.
Le soleil dépasse son zénith lorsque je parviens au plateau et bizarrement il fait plus chaud ici et le sol est couvert d'herbe et quelques buissons. Il y a de moins en moins de neige lorsqu'on s'aventure dans le plateau.
Mon ventre gargouille, je n'ai pas grand chose à avaler. Essayer de manger des baies serait du suicide, je ne reconnais pas ces plantes, j'en avais jamais croisé.
Préparant une lance de glace juste au cas où. Je pars en reconnaissance du terrain. Les Sangliers écarlate ne devraient pas être très loin.
Mes oreilles sont en alerte maximale, j'examine toutes les pistes ou traces qui révèlent la présence de quelconque animal.
Et puis je trouve des traces de pas semblables aux miennes, leur profondeur et leur forme indiquent que c'est un homme, il est grand et jeune.
Incroyable ce qu'on peut dire grâce à des simples trous. Mais je dois être encore plus vigilante, je prends donc le chemin opposé aux pas et j'efface les quelques traces que je laisse traîner.
Je trouve un lac magnifiquement bleu et qui n'est pas couvert de cette épaisse couche de glace si habituelle. Incrédule, je tâte la surface avec mes doigts, je n'ai jamais été de ce côté des montagnes, tout ce que je connais, c'est un royaume de givre et honnêtement, je préfère mon monde blanc. La chaleur n'est pas quelque chose que j'apprécie.
Je jette mon javelot dans l'eau lorsque un poisson s'approche de la surface pour avaler un malheureux insecte. Pêcher ici est beaucoup plus facile, j'ai plus d'espace pour manœuvrer.
Sortant le poisson hors de l'eau, je le contemple, il est petit, il ne dépasse même pas les 15 cm et il est rouge. Ça change de la couleur argent, bleu, gris et blanc.
Je récolte quelques pierres et un peu de bois pour allumer un feu. Je fais attention à prendre ce qu'il y a de plus sec pour éviter de faire dégager trop de fumée noire. Je ne sais pas où est le propriétaire des pas et je ne souhaite pas le savoir.
Je m'occupe des écailles, au moins cette chose à peine aiguisée est utile pour ceci, et encore pour écailler, on utilise le dos du couteau ! Je le fais cuire avec les ses entrailles, hors de question de gâcher d'aussi bonnes protéines.
Le poisson grillé n'a jamais été ma tasse de thé, mais lorsqu'on vit dans un monde de glace, on n'a pas vraiment le droit d'être une fine bouche. Ce repas est très maigre, même mon petit-déjeuner est dix fois plus consistant que ceci, je remercie tout de même les dieux, ceci me fera tenir jusqu'à mon retour au village.
Une fois prêt, il disparaît dans ma bouche, il n'y a que les arêtes qui restent comme évidence que ce poisson a existé. En vrai, ce poisson était délicieux, sa chaire était si juteuse et si savoureuse. Incroyable comment ça n'a rien à voir avec ceux que j'ai l'habitude de manger !
J'étouffe le feu avec une fine couche de glace, sans air, le feu ne peut pas brûler et comme ma glace ne fonds pas il n'y a pas de vapeur d'eau qui se dégage.
Mes yeux scannent les alentours puis mes jambes me portent pour cadrer la zone. Un sanglier rouge doit ressortir avec cette végétation vert clair. Je cherche avec prudence et sans ralentir la cadence. Le temps n'attend pas, le soleil est déjà à son demi-zénith de l'après-midi. Je ne panique pas, mais je ne suis pas insensible à la pression qui monte.
Enfin ! Je parviens à retrouver des traces de cet animal si légendaire, il n'est pas très loin ! Je cherche tout ce qui pourrait m'aider, des pierres, des bâtons et une falaise au nord. Très intéressant. Le premier plan qui m'est venu à l'esprit est de provoquer, courir le faire glisser dans de la glace, débouler la falaise et ne pouvant pas se rattraper PAF il se fait percer par des lances de bois taillé et si il devait survivre je l'achève à coups de pierre.
Au travail ! On ne fait pas attendre le temps, ni les dieux d'ailleurs. En aiguisant les bâtons, j'ai manqué de me blesser à plusieurs reprises. Ce bout de métal est plus un danger qu'autre chose ! La leçon que je dois apprendre est sûrement que la seule arme ici, c'est moi et moi seule, le reste n'est que des outils.
Comme je n'ai pas le droit de le tuer directement avec ma glace je ne fais que rendre le bois solide et incassable, ce bois seul n'as aucune chance de percer son armure naturelle. Je cours vers la falaise et j'observe pendant quelques instants, je dois à présent prédire ou le sanglier tombera, si mon plan fonctionne ceci dit.
Je ne connais pas le poids et la taille de l'animal... L'option la plus sûre est de faire une espèce de toboggan jusqu'aux pics... Il prendra alors de la vitesse, mais c'est parfait ! Cela va amplifier les dégâts !
Je ferme les yeux et je soupire, je tends mes bras et je pense au chemin et à la forme du piège mortel que je prépare, j'arrive à ressentir ce picotement dans mes doigts. Et dire que quand j'étais petite cela faisait mal comme si quelque chose me mordait les doigts, maintenant c'est une sensation que j'adore, ressentir toute cette puissance, c'est si excitant ! Je n'ai pas la maîtrise complète ni le stamina que ma mère avait, c'est quelque chose qui s'apprend au cours de la vie. Le Monde n'a pas été construit en un jour.
Lorsque j'ouvre les yeux pour découvrir ce que j'avais construit, je constate le magnifique pont de la mort, je le teste en faisant glisser une roche dessus, la vitesse est satisfaisante. C'est à mon tour d'essayer ! J'ai le champ dégagé et il y a une couche de poudreuse juste en dessous. Je jette mon matériel par-dessus la falaise, je ne compte pas me faire mal de cette façon, si stupide.
Une fois en bas, je réutilise mes pouvoirs pour accrocher mes lances. Mon cœur bat si vite et mes muscles commencent à brûler, ce toboggan m'a vraiment épuisé, je peux endurer un peu plus, mais je vais devoir économiser pour une occasion d'extrême nécessité.
Je contemple mon piège mortel, il y a beaucoup de raisons pour tout faire foirer, mais j'ai confiance en moi, je ne faillirai pas ! J'emporterais ce sanglier pour le festin de la célébration !
Pour ne pas trop puiser dans mes forces, je n'escalade pas cette falaise, je préfère faire le tour. Je remonte les traces de la bête, je m'approche, je peux sentir ses pinces frapper contre le sol. On ressent tout un nouveau monde quand on ne porte pas de botes, jamais je n'aurai pensé que les vibrations du sol pouvaient être aussi utiles !
Accroupie dans les hautes herbes, je perçois ma cible à une vingtaine de mètres, en train de fourrer son groin dans le sol à la recherche de quoi se mettre sous la dent. Je me lève et je marche hors de ma cachette, le sanglier me remarque immédiatement et grogne.
Il essaye de m'intimider, il va charger si je ne recule pas. Je reste immobile pour apprécier ça belle forure rouge, elle a l'air si épaisse, c'est sûrement parfait pour une jupe hivernale. Et ça tête serait un chapeau montrant la ruse de celui qui l'a abattu.
Assez, il est temps de rentrer à la maison.
Je claque mes mains sur mes cuisses et je hurle comme prévu, il s'élance à ma poursuite, je prends mes jambes à mon cou et je cours le plus vite possible.
— C'EST BIEN !
Il est en train de me rattraper à une vitesse fulgurante, il veut vraiment ma peau pour pas-grand-chose, sent-il peut-être mon aura glaciale ? C'est une question qui restera sans réponse car je m'en fiche.
Je ressens la glace que j'ai créée, à partir d'ici si je fais un virage trop serré, il va glisser, son propre poids va se retourner contre lui à part s'il me met un coup avant la chute.
Je n'ai rien à craindre, si ma mère l'a fait moi aussi, j'en suis capable !
Le ravin est juste à quelques pas, allez ! Allez !
J'ai vraiment attendu le dernier moment pour tourner, moi-même, j'ai failli glisser ! Alors c'est ainsi qu'on se sent lorsqu'on chatouille les portes de la mort. Je m'affaisse sur le gazon et je suis épuisée, mes muscles me font très mal. Pas étonnant, je n'ai fait que courir depuis le début de la journée.
Arrachée de mes pensées par les cris de douleur et d'agonie, je jette un coup d'œil au sanglier. Mes lances ont tenu le coup, il est sacrément embroché et il est en train de saigner jusqu'à sa mort. Je dois abréger ses souffrances, la grande Vulhena n'aime pas qu'on laisse souffrir ses offrandes.
— Je te remercie frère sanglier, que ton esprit rejoigne notre Mère et que ton corps reste pour faire partie des Glacynays à tout jamais. Oh, Grande Mère toute-puissante, reçoit ce cadeau, accorde moi le pouvoir d'assumer mon rôle de mère de guerre. Et donne moi un moyen de connaître la vérité sur la disparition de ma mère.
Je l'achève d'un coup de pierre en plein dans la tête, j'y mets toute ma force pour garantir le coup. Je vérifie sa respiration et mon cœur est apaisé de voir que j'ai réussi.
Par mesure de précaution, j'arrache une de ses défenses et je la coince dans mes tresses, si je dois abandonner le corps, j'aurais la preuve que j'ai réussie mon rite.
Ce qui est merveilleux, c'est que le soleil n'est pas encore couché, j'ai plein ce temps pour rentrer, tout le monde sait qu'on descend plus vite une montagne que si on devait la gravir. Je réduits mon toboggan de glace en poussière, ne laissant qu'un morceau pour l'utiliser comme une luge, je n'ai pas la force de trainer ce puissant sanglier.
C'est à peine, j'ai réussi à le déplacer sur ma luge improvisée, encore une fois avec son pois, on va dévaler la pente très rapidement. Avec un tout petit effort, me voilà lancée à toute vitesse !
Cette sensation nostalgique, cette adrénaline qui monte, tout ceci me fait penser à maman, c'est avec elle que j'ai fait de la luge pour la première et la dernière fois. Ma vie d'enfant c'est arrêté lorsqu'elle à disparu. Thorall était très strict avec moi tous les jours, j'étais occupée à apprendre à me battre à me maîtriser, à prendre des décisions et je le comprends et je le remercie. Je serais une bonne chef grâce à lui.
Le brouillard m'enveloppe à nouveau lorsque je m'approche du village, mais cette fois-ci, il fait bien plus que m'entourer, il pose sur ma peau une sorte de tissu fin de couleur verte, c'est une robe qui m'arrive jusqu'aux pieds, avec de la dentelle sur tout mon ventre et j'imagine sur l'entièreté de mon dos, laissant bien visible les runes gravées de ce matin. Il a aussi apporté de la fourrure qui place autour de mon cou, c'est une sorte démonstration de ma force.
Contrairement à ce matin, les sorcières m'attendaient à l'entrée du village.
— Chère Hikeno, nous attendions ton retour avec impatience, tu as su remplir ta tâche avec les conditions imparties, nous savions que tu allais réussir. C'était évident. Ce soir et demain te seront consacrée pour fêter cet exploit. Les chefs des tribus des environs viendront avec leurs fils pour non seulement te féliciter, mais aussi pour tenter une alliance.
— Suis-je obligée d'accepter quelqu'un ?
— Non, cela reste ton choix, mais n'oublie pas qu'après la cérémonie de ce soir tu auras tout un peuple à protéger, et pas tout le monde sera ton allié.
— Je vois, espérons que leurs hommes soient aussi beaux que moi et capables de me battre en duel, si je ne peux pas avoir celui que j'aime je veux au moins quelqu'un digne de moi.
— Telle mère telle fille, Estrid avait dit la même chose à ton âge.
— Svafi, me ferez-vous l'honneur de rester pour les célébrations? Ma mère aurait sûrement voulu votre présence dans un moment aussi spécial de ma vie.
— Cela sera avec un grand plaisir, mon enfant.
Chacune me touche la tête avec leur main. Des hommes du village viennent m'aider avec la dépouille de l'animal.
Je me demande où est mon frère, il doit sûrement être en train de préparer les huttes pour les invités.
— Cela nous a vraiment touché les mots que tu as prononcés avant le sacrifice, nous ne pensons pas que Vulhena t'accordera plus de pouvoir, elle sait et nous aussi le savons que tu as un grand potentiel, tu as un grand futur devant toi, ta mère le savait aussi. Mais la Mère toute-puissante pourrait bien t'accorder cette faveur. Connaitre son passé et la meilleure façon de devenir plus forte. Va ma fille, va profiter de tes festivités ! Ce soir, même les dieux dansent !
— Pas trop anxieuse ? Thorall me demande avec ce ton inquiet que je connais si bien.
— Tu me connais, je ne suis pas du genre à avoir peur d'affronter le danger.
— Je ne parlais pas de la chasse bêta. Je parlais du rôle que tu vas obtenir une fois, ce sanglier aura goûté à la lame de ton couteau.
— Est-ce qu'on peut vraiment appeler ça un couteau ? J'éclate de rire avec lui. J'ai grandi pour assumer ce rôle, je ne vois pas pourquoi tu devrais être inquiet. M'aurais-tu mal enseigné pendant toutes ces années ?
— Non, je crois que même une hache rouillée de 500 ans serait plus dangereux que ce bout de métal. Bien évidemment que non, j'ai eu l'aide de toutes les tribus de Sang de Givre des alentours.
— Le soleil se lève, il est temps d'y aller.
Je l'invite à sortir de ma tente en premier, il est mon escorte après tout. Je suis impressionnée de voir que quasiment tous les Glacynays sont hors de leurs tentes. Ils hurlent de joie et me jettent des hellébores et des pensées en guise de bonne chance.
— Ils sont tous dehors pour moi...
Je suis très flattée de voir à quel point, je suis importante pour eux. Jamais je n'aurai osé leur demander une telle chose.
— Bien évidemment ! Tu es à deux doigts de devenir Mère de Guerre. C'est un très bon signe qu'ils se soient levé. Ils sont prêts à mourir pour toi une fois le rituel terminé.
Au tant de dévotion pour une personne qui a juste eu de la chance d'être née dans la bonne famille.
On continue notre chemin vers le centre du village. Mon regard tombe sur une maison percée par des pics d'une glace limpide d'un bleu si clair.
C'est moi qui ai fait ça. C'était la première fois que mes capacités de glace s'étaient manifestées. Et malheureusement, ils se sont déchaînés pour la mauvaise raison, un mélange d'une douleur intense, de haine, mais surtout de la tristesse. Je jouais avec Thorall et une amie à moi lorsque j'ai appris que ma mère avait disparu en bataille. Heureusement, il n'y a pas eu de blessés.
— Ce n'était pas ta faute, j'aurais dû t'iniciter sur tes capacités extraordinaires.
— Je me culpabilise pas, c'est juste que ça ravive des souvenirs que je préfère oublier.
— Maman serait fière de toi, tu lui ressembles tellement ! Même si physiquement, elle n'est plus là, elle continue de vivre à travers toi et moi.
— Je sens dans mes tripes qu'elle n'est pas morte, elle s'est juste perdue quelque part.
— Hikeno... Ne recommence pas avec cette histoire. On a jamais trouvé le moindre indice prouvant qu'elle était vivante.
— Mais rien ne dit qu'elle est morte non plus !
Il me fixe pendant quelques secondes sans rien dire. Il sait que j'ai raison de croire que maman est toujours en vie, il ne veut pas avoir espoir. Il se contente juste de souffrir devant ce mystère pour ne pas être déçu du dénouement.
Parler de l'état de maman à toujours jeté un froid dans nos conversations, ni lui ni moi avons pu faire fondre ce mur de glace qui nous sépare.
Presque à destination, il s'arrête derrière moi.
— Je ne peux pas aller plus loin, les sorcières t'attendent pour te préparer au centre. Si tu as une dernière volonté, dis-le toute de suite.
— Tu parles comme si j'allais mourir. Je vais m'en sortir ! Aie foi en moi. Tresse-moi les cheveux, s'il te plaît. C'est tout ce que je te demande.
Il soupire à pleins poumons, il déteste me coiffer.
— Ce n'est pas ma faute si tu es doué !
Je ne loupe jamais une occasion pour l'embêter, il adore ça, surtout, il adore se venger.
— Vas ! Cours ! Ne fais pas attendre les dieux.
Il ne me laisse même pas lui dire au revoir, je pense qu'il a vraiment peur que quelque chose m'arrive. Si je meurs, il sera seul et il aura échoué. Ne t'inquiète pas, je ne t'abonnerai pas mon frère.
Je poursuis mon chemin, nous avons une statue de l'une de nos déesses les plus vénérées Khione bien au milieu du village. Elle est la mère de tous les Sangs de Givre. Une douzaine de tribus composées de quelques membres voire tous de guerriers capables de créer de la glace pure, la glace qui ne fond pas et qui ne se brise pas tant que la volonté de son créateur ne faiblit pas, n'oublions pas la meilleure partie, ils totalement immunisés contre le froids !
Les trois sorcières de givre m'attendent de pied ferme au pied de Khione. Étant des personnages très importants je. m'agenouille devant elles
— Hikeno, fille de la vénérable Estrid, la merveille hivernale. Nous te prions de te relever. Nous sommes heureuses de te revoir, surtout pour une occasion aussi spéciale. Approche mon enfant laisse nous te couvrir de bénédictions.
Elles vont me surveiller pendant toute la chasse, leur sagesse et leurs connaissances du monde des Sangs de Givre n'a pas d'égal parmi tous les clans. Trois femmes dignes d'un respect perpétuel.
J'exécute leur demande, celle du milieu lève les bras et un épais brouillard se lève. Je sais ce qu'il me reste à faire, je laisse tomber ma couverture pour leur révéler le tableau vierge pour tous leurs symboles mystiques que je ne connais pas encore.
— Non seulement tu deviendras Mère de Guerre mais ceci fera de toi une femme adulte à part entière.
— C'est un honneur de relever ce défi, Svafi.
Les deux femmes prennent de la peinture corporelle, trois couleurs le bleu à cause du lien avec Khione, l'orange pour le courage et la vitalité et le violet pour la spiritualité.
C'est assez désagréable de laisser 2 dames me toucher la peau avec leurs substances colorées, mais même comme ça, je ne bouge pas d'un poil.
Celle qui a levé le brouillard commence à prononcer des incantations dans une langue ancienne, je ne parviens qu'à en comprendre une poignée de mots.
Les rayons du soleil passent à travers le brouillard leur indiquant qu'il était temps que je parte.
— Hikeno voici ton outil, un couteau dans un acier médiocre apparaît dans sa main, tu n'as pas le droit d'utiliser tes pouvoirs pour tuer l'animal, tu ne dois que t'en servir comme tu feras usage de cette dague. C'est un outil pas une arme.
— Suis le chemin du soleil levant jusqu'aux montagnes blanches, tu trouveras l'animal sacrée dans les pâturages du sommet. Reviens nous avec ses défenses au minimum.
— Tout cela en une journée ?
— Tu as jusqu'au zénith de la lune. Que Khione soit avec toi.
— Merci.
Je pars en courant en suivant les mots qui venaient d'être prononcés. Et en même temps, je réfléchis à la stratégie pour abattre l'animal sans utiliser mes pouvoirs de manière létale.
Une bonne nouvelle, c'est que j'ai le droit de m'en servir. La route est longue, j'aurais le temps d'élaborer un brouillon et le mettre au propre sur place avec les informations du terrain.
Le brouillard me suit jusqu'à ce que dépasse la centaine de mètres en dehors du village. Elles tenaient à ce que personne ne profite du spectacle, je les remercie.
Sur le chemin, je minimise les pertes de temps et je tue quelques lapins que je croise, le froid les conservera jusqu'à ce que j'ai faim. J'ai utilisé des épines de glace pour transpercer leurs crânes si fragiles, elles ne m'ont rien dit sur cela, je m'en sers juste pour assurer ma survie.
Ça va, le soleil est à son demi-zénith et je suis déjà au pied de la dite montagne. Le plus dur reste à venir. Je dois escalader des pentes assez glissantes et sans vêtements, je vais me couper, bon ce n'est pas la fin du monde.
Après ma brève pause, je me lance à l'assaut. Un pied devant l'autre, doucement mais sûrement, j'avance avec prudence. Un faux pas et je risque de ne pas revoir Thorall.
La neige de cette montagne est si blanche, si douce pour mes pieds, c'est comme marcher sur des nuages, j'adore, c'est merveilleux. Khione est avec moi, je le sais ! Je la sens dans la douce brise qui tape ma peau et sur la neige qui conforte mes pieds. Elle a recouvert la montagne de ce magnifique tapis blanc pour cette occasion si spéciale.
Et cela va être très utile pour repérer les traces fraîches des bestiaux. N'empêche, je n'ai pas été gâtée par Oweila, les arbres se font de plus en plus rares, je me sens déjà sans souffle.
Je continue en essayant de maintenir un rythme soutenu, je ne veux pas y arriver la nuit tombée.
Des hurlements me font sursauter et prendre mon couteau en main. Des loups ! Et à en juger les vacarmes qu'ils font, c'est toute une meute. Personne ne veut aller à l'encontre de ces créatures aussi grandes qu'un humain.
Je ne réfléchis pas et je laisse parler mon instinct, je jette mon repas de midi le plus loin possible, je me roule dans la neige plusieurs fois avant de sauter dans le tas de poudreuse.
Avec un peu de chance, ils ont repéré que l'odeur du lapin et me laisseront tranquille. Je pourrais les chasser si facilement, mais un tel bain de sang est inutile, seuls les individus ayant la rage sont ceux à éliminer, et ses derniers ne se promènent jamais en groupe.
Le sol tremble tout autour de moi, cette meute possède environ 15 individus. Bouger pourrait m'être fatal, je retiens même ma respiration pour passer inaperçue.
Comme prévus, ils partent quelques minutes plus tard. Je me déterre et je prends de grandes inspirations, s'ils étaient restés un peu plus je me serais évanouie.
J'ai plus le choix maintenant, même si jusqu'à maintenant, j'économisais mes forces, j'ai une meute qui pourrait revenir à tout moment.
Je cours le plus vite que je peux, c'est compliqué de courir quand mes jambes s'enfoncent jusqu'aux genoux dans la neige.
J'avais pensé à utiliser mes pouvoirs pour faire des escaliers, mais ne sais pas si j'arriverai jusqu'au sommet.
Le soleil dépasse son zénith lorsque je parviens au plateau et bizarrement il fait plus chaud ici et le sol est couvert d'herbe et quelques buissons. Il y a de moins en moins de neige lorsqu'on s'aventure dans le plateau.
Mon ventre gargouille, je n'ai pas grand chose à avaler. Essayer de manger des baies serait du suicide, je ne reconnais pas ces plantes, j'en avais jamais croisé.
Préparant une lance de glace juste au cas où. Je pars en reconnaissance du terrain. Les Sangliers écarlate ne devraient pas être très loin.
Mes oreilles sont en alerte maximale, j'examine toutes les pistes ou traces qui révèlent la présence de quelconque animal.
Et puis je trouve des traces de pas semblables aux miennes, leur profondeur et leur forme indiquent que c'est un homme, il est grand et jeune.
Incroyable ce qu'on peut dire grâce à des simples trous. Mais je dois être encore plus vigilante, je prends donc le chemin opposé aux pas et j'efface les quelques traces que je laisse traîner.
Je trouve un lac magnifiquement bleu et qui n'est pas couvert de cette épaisse couche de glace si habituelle. Incrédule, je tâte la surface avec mes doigts, je n'ai jamais été de ce côté des montagnes, tout ce que je connais, c'est un royaume de givre et honnêtement, je préfère mon monde blanc. La chaleur n'est pas quelque chose que j'apprécie.
Je jette mon javelot dans l'eau lorsque un poisson s'approche de la surface pour avaler un malheureux insecte. Pêcher ici est beaucoup plus facile, j'ai plus d'espace pour manœuvrer.
Sortant le poisson hors de l'eau, je le contemple, il est petit, il ne dépasse même pas les 15 cm et il est rouge. Ça change de la couleur argent, bleu, gris et blanc.
Je récolte quelques pierres et un peu de bois pour allumer un feu. Je fais attention à prendre ce qu'il y a de plus sec pour éviter de faire dégager trop de fumée noire. Je ne sais pas où est le propriétaire des pas et je ne souhaite pas le savoir.
Je m'occupe des écailles, au moins cette chose à peine aiguisée est utile pour ceci, et encore pour écailler, on utilise le dos du couteau ! Je le fais cuire avec les ses entrailles, hors de question de gâcher d'aussi bonnes protéines.
Le poisson grillé n'a jamais été ma tasse de thé, mais lorsqu'on vit dans un monde de glace, on n'a pas vraiment le droit d'être une fine bouche. Ce repas est très maigre, même mon petit-déjeuner est dix fois plus consistant que ceci, je remercie tout de même les dieux, ceci me fera tenir jusqu'à mon retour au village.
Une fois prêt, il disparaît dans ma bouche, il n'y a que les arêtes qui restent comme évidence que ce poisson a existé. En vrai, ce poisson était délicieux, sa chaire était si juteuse et si savoureuse. Incroyable comment ça n'a rien à voir avec ceux que j'ai l'habitude de manger !
J'étouffe le feu avec une fine couche de glace, sans air, le feu ne peut pas brûler et comme ma glace ne fonds pas il n'y a pas de vapeur d'eau qui se dégage.
Mes yeux scannent les alentours puis mes jambes me portent pour cadrer la zone. Un sanglier rouge doit ressortir avec cette végétation vert clair. Je cherche avec prudence et sans ralentir la cadence. Le temps n'attend pas, le soleil est déjà à son demi-zénith de l'après-midi. Je ne panique pas, mais je ne suis pas insensible à la pression qui monte.
Enfin ! Je parviens à retrouver des traces de cet animal si légendaire, il n'est pas très loin ! Je cherche tout ce qui pourrait m'aider, des pierres, des bâtons et une falaise au nord. Très intéressant. Le premier plan qui m'est venu à l'esprit est de provoquer, courir le faire glisser dans de la glace, débouler la falaise et ne pouvant pas se rattraper PAF il se fait percer par des lances de bois taillé et si il devait survivre je l'achève à coups de pierre.
Au travail ! On ne fait pas attendre le temps, ni les dieux d'ailleurs. En aiguisant les bâtons, j'ai manqué de me blesser à plusieurs reprises. Ce bout de métal est plus un danger qu'autre chose ! La leçon que je dois apprendre est sûrement que la seule arme ici, c'est moi et moi seule, le reste n'est que des outils.
Comme je n'ai pas le droit de le tuer directement avec ma glace je ne fais que rendre le bois solide et incassable, ce bois seul n'as aucune chance de percer son armure naturelle. Je cours vers la falaise et j'observe pendant quelques instants, je dois à présent prédire ou le sanglier tombera, si mon plan fonctionne ceci dit.
Je ne connais pas le poids et la taille de l'animal... L'option la plus sûre est de faire une espèce de toboggan jusqu'aux pics... Il prendra alors de la vitesse, mais c'est parfait ! Cela va amplifier les dégâts !
Je ferme les yeux et je soupire, je tends mes bras et je pense au chemin et à la forme du piège mortel que je prépare, j'arrive à ressentir ce picotement dans mes doigts. Et dire que quand j'étais petite cela faisait mal comme si quelque chose me mordait les doigts, maintenant c'est une sensation que j'adore, ressentir toute cette puissance, c'est si excitant ! Je n'ai pas la maîtrise complète ni le stamina que ma mère avait, c'est quelque chose qui s'apprend au cours de la vie. Le Monde n'a pas été construit en un jour.
Lorsque j'ouvre les yeux pour découvrir ce que j'avais construit, je constate le magnifique pont de la mort, je le teste en faisant glisser une roche dessus, la vitesse est satisfaisante. C'est à mon tour d'essayer ! J'ai le champ dégagé et il y a une couche de poudreuse juste en dessous. Je jette mon matériel par-dessus la falaise, je ne compte pas me faire mal de cette façon, si stupide.
Une fois en bas, je réutilise mes pouvoirs pour accrocher mes lances. Mon cœur bat si vite et mes muscles commencent à brûler, ce toboggan m'a vraiment épuisé, je peux endurer un peu plus, mais je vais devoir économiser pour une occasion d'extrême nécessité.
Je contemple mon piège mortel, il y a beaucoup de raisons pour tout faire foirer, mais j'ai confiance en moi, je ne faillirai pas ! J'emporterais ce sanglier pour le festin de la célébration !
Pour ne pas trop puiser dans mes forces, je n'escalade pas cette falaise, je préfère faire le tour. Je remonte les traces de la bête, je m'approche, je peux sentir ses pinces frapper contre le sol. On ressent tout un nouveau monde quand on ne porte pas de botes, jamais je n'aurai pensé que les vibrations du sol pouvaient être aussi utiles !
Accroupie dans les hautes herbes, je perçois ma cible à une vingtaine de mètres, en train de fourrer son groin dans le sol à la recherche de quoi se mettre sous la dent. Je me lève et je marche hors de ma cachette, le sanglier me remarque immédiatement et grogne.
Il essaye de m'intimider, il va charger si je ne recule pas. Je reste immobile pour apprécier ça belle forure rouge, elle a l'air si épaisse, c'est sûrement parfait pour une jupe hivernale. Et ça tête serait un chapeau montrant la ruse de celui qui l'a abattu.
Assez, il est temps de rentrer à la maison.
Je claque mes mains sur mes cuisses et je hurle comme prévu, il s'élance à ma poursuite, je prends mes jambes à mon cou et je cours le plus vite possible.
— C'EST BIEN !
Il est en train de me rattraper à une vitesse fulgurante, il veut vraiment ma peau pour pas-grand-chose, sent-il peut-être mon aura glaciale ? C'est une question qui restera sans réponse car je m'en fiche.
Je ressens la glace que j'ai créée, à partir d'ici si je fais un virage trop serré, il va glisser, son propre poids va se retourner contre lui à part s'il me met un coup avant la chute.
Je n'ai rien à craindre, si ma mère l'a fait moi aussi, j'en suis capable !
Le ravin est juste à quelques pas, allez ! Allez !
J'ai vraiment attendu le dernier moment pour tourner, moi-même, j'ai failli glisser ! Alors c'est ainsi qu'on se sent lorsqu'on chatouille les portes de la mort. Je m'affaisse sur le gazon et je suis épuisée, mes muscles me font très mal. Pas étonnant, je n'ai fait que courir depuis le début de la journée.
Arrachée de mes pensées par les cris de douleur et d'agonie, je jette un coup d'œil au sanglier. Mes lances ont tenu le coup, il est sacrément embroché et il est en train de saigner jusqu'à sa mort. Je dois abréger ses souffrances, la grande Vulhena n'aime pas qu'on laisse souffrir ses offrandes.
— Je te remercie frère sanglier, que ton esprit rejoigne notre Mère et que ton corps reste pour faire partie des Glacynays à tout jamais. Oh, Grande Mère toute-puissante, reçoit ce cadeau, accorde moi le pouvoir d'assumer mon rôle de mère de guerre. Et donne moi un moyen de connaître la vérité sur la disparition de ma mère.
Je l'achève d'un coup de pierre en plein dans la tête, j'y mets toute ma force pour garantir le coup. Je vérifie sa respiration et mon cœur est apaisé de voir que j'ai réussi.
Par mesure de précaution, j'arrache une de ses défenses et je la coince dans mes tresses, si je dois abandonner le corps, j'aurais la preuve que j'ai réussie mon rite.
Ce qui est merveilleux, c'est que le soleil n'est pas encore couché, j'ai plein ce temps pour rentrer, tout le monde sait qu'on descend plus vite une montagne que si on devait la gravir. Je réduits mon toboggan de glace en poussière, ne laissant qu'un morceau pour l'utiliser comme une luge, je n'ai pas la force de trainer ce puissant sanglier.
C'est à peine, j'ai réussi à le déplacer sur ma luge improvisée, encore une fois avec son pois, on va dévaler la pente très rapidement. Avec un tout petit effort, me voilà lancée à toute vitesse !
Cette sensation nostalgique, cette adrénaline qui monte, tout ceci me fait penser à maman, c'est avec elle que j'ai fait de la luge pour la première et la dernière fois. Ma vie d'enfant c'est arrêté lorsqu'elle à disparu. Thorall était très strict avec moi tous les jours, j'étais occupée à apprendre à me battre à me maîtriser, à prendre des décisions et je le comprends et je le remercie. Je serais une bonne chef grâce à lui.
Le brouillard m'enveloppe à nouveau lorsque je m'approche du village, mais cette fois-ci, il fait bien plus que m'entourer, il pose sur ma peau une sorte de tissu fin de couleur verte, c'est une robe qui m'arrive jusqu'aux pieds, avec de la dentelle sur tout mon ventre et j'imagine sur l'entièreté de mon dos, laissant bien visible les runes gravées de ce matin. Il a aussi apporté de la fourrure qui place autour de mon cou, c'est une sorte démonstration de ma force.
Contrairement à ce matin, les sorcières m'attendaient à l'entrée du village.
— Chère Hikeno, nous attendions ton retour avec impatience, tu as su remplir ta tâche avec les conditions imparties, nous savions que tu allais réussir. C'était évident. Ce soir et demain te seront consacrée pour fêter cet exploit. Les chefs des tribus des environs viendront avec leurs fils pour non seulement te féliciter, mais aussi pour tenter une alliance.
— Suis-je obligée d'accepter quelqu'un ?
— Non, cela reste ton choix, mais n'oublie pas qu'après la cérémonie de ce soir tu auras tout un peuple à protéger, et pas tout le monde sera ton allié.
— Je vois, espérons que leurs hommes soient aussi beaux que moi et capables de me battre en duel, si je ne peux pas avoir celui que j'aime je veux au moins quelqu'un digne de moi.
— Telle mère telle fille, Estrid avait dit la même chose à ton âge.
— Svafi, me ferez-vous l'honneur de rester pour les célébrations? Ma mère aurait sûrement voulu votre présence dans un moment aussi spécial de ma vie.
— Cela sera avec un grand plaisir, mon enfant.
Chacune me touche la tête avec leur main. Des hommes du village viennent m'aider avec la dépouille de l'animal.
Je me demande où est mon frère, il doit sûrement être en train de préparer les huttes pour les invités.
— Cela nous a vraiment touché les mots que tu as prononcés avant le sacrifice, nous ne pensons pas que Vulhena t'accordera plus de pouvoir, elle sait et nous aussi le savons que tu as un grand potentiel, tu as un grand futur devant toi, ta mère le savait aussi. Mais la Mère toute-puissante pourrait bien t'accorder cette faveur. Connaitre son passé et la meilleure façon de devenir plus forte. Va ma fille, va profiter de tes festivités ! Ce soir, même les dieux dansent !
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