Dis-moi, Emma, où sont passés les hommes ?

Nulle part, nulle part.

Dis-moi, Emma, pourquoi tout est noir ?

Je ne sais pas.

Dis-moi, Emma, ne me mentirais-tu pas ?

Non, j'en mourrais.

Oh, Emma ! Petite capricieuse ! Pourquoi chercher à me dissimuler la vérité ?

Je ne dissimule rien, je joue avec les mots, pour les faire sonner plus beaux.

Emma, Emma, que m'as-tu dit, la dernière fois ?

Que tu étais laide.

Le suis-je toujours ?

Pire qu'hier. Je ne vois que ta graisse, tes kilos en trop.

Pourtant, je n'ai pas mangé depuis trois jours.

Menteuse, menteuse. Tu as mangé une pomme.

Que j'ai vomi.

C'est encore trop.

Pour un mètre-soixante, je ne pèse même pas- !

Essaye d'être  en dessous de trente, ça fera joli, sur la balance.

Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Je ne me sens pas bien.

Et ?

Je ne veux plus, Emma.

Est-ce mon problème ?

C'est le mien.

Tu restes énorme, on pourrait cacher le tiers-monde derrière toi. Baleine échouée, retourne te cacher derrière un miroir.

Je refuse.

Comment ?

Je sais que son reflet est trompeur. Que tu m'as menti, aussi.

Je ne mens pas.

N'as-tu donc aucune honte ?

Aucune, puisque mes mots sont purs.

Ce dialogue tourne en rond.

Aussi rond que ton ventre. Beaucoup de déchets à se débarrasser, encore.

Tu ne t'en prendras plus à moi.

Je ne te touche pas.

Mais tu me parles. Tous les jours.

Tu as besoin de compagnie, depuis que tu as cessé de parler avec tes amis, non ?

C'est toi qui m'as éloigné d'eux.

Tu as prise cette décision.

Et tu as été ma conseillère.

Je le reconnais. Une conseillère de très bonne facture, qui ne souhaite que ton bonheur.

Dans la souffrance ?

Il faut souffrir, pour être belle, pour obtenir ce que l'on désire.

Alors je resterais laide, mais heureuse.

Tu ne le seras pas. Tu ne peux pas l'être, avec ce corps.

Je l'étais, avant.

Tu peux l'être encore, avec moi.

Non. Tu es pire qu'un bourreau, puisque tu te fais passer pour juge.

Je ne te juge pas, mais te conseille. Tu as besoin de moi.

Comme j'ai besoin de pleurer, après avoir mâché un chewing-gum, parce que j'avais peur de prendre du poids.

Tu t'inquiètes de ta santé, c'est une bonne chose.

Quand l'inquiétude vire aux larmes, c'est que quelque chose ne va pas.

Tu iras mieux si, au lieu de te plaindre, tu faisais ce que je te demande.

J'irais mieux si, au lieu de faire ce que tu m'ordonnes, j'écoutais mon médecin.

Je suis ton amie, lui, quelqu'un qui veut te corrompre, un malhonnête.

Tu n'es pas mon amie.

C'est bas.

Mais tu l'as été un jour. Bien avant que je ne change.

Cela remonte à longtemps.

Oui. Et je sais que l'on peut changer cela. Que l'on peut de nouveau s'aimer, puisque je ne peux pas te quitter.

T'en sens-tu seulement capable ?

Non.

Uh ! Je m'en doutais.

Pas tout de suite, du moins. Cela me prendra du temps, avant de t'accorder de nouveau ma confiance.

Que veux-tu dire par là ?

Que toi et moi, ce n'est pas fini. Ça ne le sera jamais.

Si ce n'est pas fini, pourquoi ne m'écoutes-tu plus ? Tu ne m'aimes plus ?

Plus depuis que j'ai commencé à devenir comme ça. À vrai dire, je te hais, à cet instant.

Oh, ça me blesse.

Ne rigole pas.

Je ricane, alors.

Je quitte ton jeu malsain, pour redevenir celle que j'étais avant.

Tu veux vivre dans le passé, stagner dans ta vie misérable ?

Non, juste récupérer ce que tu m'as fait perdre, et grandir avec cette épreuve surmontée.

Et qu'est-ce que ceci va t'apporter ?

Le bonheur.

Emma...

Emma. 

Je suis toi.

Je le sais.

Aime-moi. Maman me manque.

À moi aussi, mais il faut rester forte.

Je ne le peux pas.

Tu es brave.

Non.

Tu es belle.

Menteuse.

Tu mérites d'être aimée.

C'est faux.

Écoute-moi, je t'en prie !

Si ça me chante.

Je peux t'aimer ! T'aimer sans jugement, tel que tu es !

Belles paroles vides de sens.

Parce que tu n'y crois pas.

Il n'y a aucune raison d'y croire.

Il y a toutes les raisons d'y croire. Le premier pas est le plus difficile, mais une fois celui-ci effectué, ça ira mieux.

Promis ?

Promis.

Je t'aime, Emma.

Moi aussi, un jour.