Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Épilogue
Chapitre 6
Le lendemain Nas ouvrit brusquement les yeux, inquiété par l'idée que Fukume ne soit pas revenue depuis hier soir.


  Il se redressa lentement, et l'aperçue assise au milieu de la cavitée rocheuse, occupé à manger un petit déjeuner à base de fruits.


Le jeune garçon se sentis soulagé, elle était sans doute simplement allée aux toilettes. Elle n'avait apparemment pas l'intention de le réveiller pour le repas et Nas ne parvenait pas à décider si c'était une bonne ou une mauvaise chose.


D'un côté il ne voulait pas sauter le repas, surtout que la chasseresse ne mangeais que deux fois dans la journée, et de l'autre il ne souhaitais pas recevoir un autre de ses charmants coups de pied.


Le jeune garçon se leva péniblement, s'étira dans un bâillement qui provoqua un soupir méprisant chez son hôte et partit la rejoindre.


Il prit place à côté d'elle et se saisit d'une des bananes qu'il avait cueillies la veille et l'engloutis voracement.


Malheureusement, sa dégustation ne duras pas. Bientôt, Fukume se levas sans oublier de lui intimer de la suivre. Qu'avait elle prévu cette fois ?


Nas sourit, sarcastique. Elle lui avait déjà fait la cueillette , la préparation de la viande, et avait sans doute prévu quelque chose de tout aussi merveilleux tel que le lavage du linge ou autre joyeuserie.
La jeune fille se saisit du récipient d'eau et sortit, imitée par Nas.


Lorsque, après à peine une minute de marche ils arrivèrent devant une rivière pas plus large que la longueur du bras de Nas, le jeune garçon compris pourquoi elle s'était installée dans cette caverne.


Un ruisseau coulait juste derrière ! Pas besoin de marcher bien longtemps pour avoir de l'eau. Alors qu'il se penchait pour se désaltérer, la chasseresse l'attrappa par le col pour l'en empêcher. Le jeune garçon grogna son mécontentement. Toutes ses petites offenses pesaient lourds.


— T'es un peu chiante là tu sais ? Fit il exaspéré.


Bien sûr, il n'obtint aucune réponse. Alors qu'il ruminait intérieurement sa rancoeur, la jeune fille positionna le seau de manière à récupérer l'eau apportée par le faible courant.


— Tiens le, ordonna t'elle à Nas d'une voix ferme.


— s'il te plaît ? Fit l'intéressé d'un ton de reproche.


Le jeune garçon soupira, mais s'exécuta. Il posa sa main droite sur le seau de fortune pour le maintenir. Il prit un peu d'eau entre ses mains et la but rapidement d'un air de défi. Fukume soupira.


— Remplis le. Je reviens.


Nas leva les yeux au ciel. Remplir un seau. Voilà à quoi il en était réduit. Il préférait encore être en cours !


Il s'apprêtait à demander combien de temps il veillerai sur un objet, mais la jeune fille était déjà partie. Super... Voilà qu'il était parti pour une matinée à s'ennuyer. Il s'assit en tailleur sur la berge dans un soupir.


Il en profita pour se laisser encore aller à ses pensées. Cette fois, il s'imagina racontant des aventures à ses camarades...


Une question lui vînt à l'esprit: qu'adviendrait il de Fukume lorsqu'il rentrerai chez lui ? Le suivrait elle ? Il pouffa en imaginant la chasseresse froide au collège.


Si elle restait dans la forêt, serait il préférable de taire son existence ?


Contre toute attente, Fukume revint à peine une dizaine de minutes plus tard, un morceau de bois taillé en une pointe tranchante à la main.


Le bâton ressemblait fortement à un harpon et Nas compris rapidement qu'il allait apprendre à pêcher. Cette perspective l'exitait plus que cueillir des bananes ou tailler de la viande.


C'est pourquoi, il se relevas assez rapidement et se dirigea vers la jeune fille. Elle le toisa de haut en bas et demanda finalement:


— Tu sais pêcher ?


Nas secoua la tête. La chasseresse commençais à déteindre sur lui, avec ses manies pour esquiver le moindre mot. Celle ci soupira.


— Tu vas apprendre. Regarde moi.


Fit elle sur un ton froids. Elle s'approcha de la berge et scruta la surface un moment, le harpon à la main et prête à le planter dans tout ce qui bouge. À y regarder de plus près, tout bougeait dans cette rivière. D'innombrables ombres se déplaçaient sous la surface, il devait là y avoir autant d'espèces de poisson que de saletés dans les cheveux de Nas.


Soudain, la jeune fille bougea tellement vite que Nas eu à peine le temps de la voir. Sur son harpon luisait à présent la silhouette gluante et colorée d'un poisson qui usait ses dernières forces pour se débattre malgré le bois à travers son corp. Mais il y avait autre chose.


En bougeant le bras aussi vite, une bretelle de la combinaison en peaux de bête de Fukume était tombée, dévoilant ainsi son homoplate. Et ce que Nas vit le stupéfia. Sur cette homoplate, il y avait une marque. Une marque en forme de faux. Une marque au fer rouge.


La chasseresse remit vivement la bretelle en place, mais trop tard. Il avait vu.


— Fukume... C'est quoi... Cette marque ?


Demanda t'il d'une voix douce. Il regretta aussitôt de s'être montré tellement direct. De cette façon, il obtiendrait tout sauf une réponse satisfaisante.


— Rien.


La jeune fille lui jeta un regard tellement noir qu'il le glaça jusqu'au os. Rien. Bien sûr. Son prénom venait de nulle part et cette marque n'était rien. Mais qui était elle ? D'où venait cette marque ? Le simple fait de s'imaginer la douleur que le contact du métal chauffé à blanc contre sa peaux lui donnait des frissons.


C'était le genre de chose qu'infligeai les chefs des gangs les plus mal famés de Cayenne à leurs subordonné, voir ce que fesait... Un esclavagiste à la marchandise. Maintenant, Nas en était sûr, elle était bien né dans une ville. Et son contact avec la civilisation n'avait pas été tout rose. Elle devait avoir un passé des plus regrettable.


Le jeune garçon se surpris à avoir envie de lui pardonner son tempérament désagréable. Pas étonnant qu'elle soit si renfermée si elle avait une mauvaise expérience des contacts humains.
À présent qu'il avait vu cette marque, Nas désirait ardument une chose: savoir qui elle était. Mu par cette curiosité soudaine, il tenta une autre question.


— D'où viens tu ?


Trop direct. Il allait juste s'attirer sa colère. Chose qui d'ailleurs, ne tarda pas.


— Rentre à la grotte.


Son ton était dur, ferme et menaçant. Mais cette fois, le jeune garçon n'allait pas s'exécuter. C'était son droit d'essayer de savoir avec qui il vivait. Et il n'était pas pas question de continuer à lui obéir, même si c'était elle qui lui fournissait ce dont il avait besoin pour survivre.


Il formula alors à voix haute la pensée qui le hantait sans qu'il ne s'en rende compte.


- Je veux simplement savoir pourquoi tu es tout le temps triste !


À ces mots, Nas était certain d'avoir aperçu l'ombre d'un frémissement chez la jeune fille. Il s'était trompé. Ses yeux n'étaient pas inexpressifs comme le voulais sans doute Fukume. Ils étaient tristes. Un néant gris terne, ne contenant plus de place pour la joie et le rire. Un océan de vide au goût amer de la défaite. Et une colère trop éteinte pour persister.


Le jeune garçon tituba de quelques pas. L'espace d'un instant, il avait lu en elle
L'espace d'un instant, elle s'était relâchée.


— Rentre à la grotte, répéta la jeune fille.


Elle avait repris son expression neutre. Mais dans ses yeux où il voyait autrefois de la froideur, il avait vu des regrets.


Trop préoccupé pour lui résister, le jeune garçon s'exécuta. Il se souvenait très bien du chemin.


Allongé sur sa couchette, Nas réfléchissait. La vision de cette instant de faiblesse se rembobinait encore et encore dans sa tête.


Sa curiosité à l'égard de la chasseresse s'était encore étoffée, et une question restait: comment une fille aussi forte pouvait elle abriter tant de regrets sans raison apparente ?


Il soupira. Si seulement il pouvait connaître son passé... Une volonté nouvelle s'imisa alors en lui. Comprendre Fukume.


Il avait l'impression que l'aventure dont il avait toujours rêvé pour le sortir de sa routine monotone était venue à lui.


Nas avait toujours été un garçon normal. Trop normal à son goût. Alors, pour sortir de la réalité, il rêvait. Il s'imaginait plus fort qu'il ne l'était, à vivre des aventures extraordinaires. Braver des dangers, vaincre des ennemis avec des pouvoirs sans limites aux côtés d'autres vaillants camarades.


Mais quand la sonnerie de l'école retentissant, c'était pour lui une bien triste désillusion. Le retour à la réalité, à sa vie banale et morne d'enfant rêveur et solitaire.


Jusqu'à ce que la différence entre réel et irréel ne s'estompe de son propre chef dans son esprit.


Il s'était alors persuadé d'être spécial, qu'un pouvoir inespéré dormais en lui. Et pendant des années, il avait essayé. Essayé de déclencher quelque chose qui n'existait pas. Persuadé par son propre désir de renouveau, refusant la vérité, il s'était réfugié dans son monde, rechignant à en sortir.


Jusqu'au jour où vînt la désillusion. Il devait avoir onze ans lorsque cela était arrivé. Pour la première fois, une phrase d'une vérité au poids accablant résonna en lui. "Tout ça n'existe pas !"


Il avait essayé de persister à vivre dans l'imaginaire, mais à chaque fois cette phrase revenait, encore plus forte que les fois précédentes. Il l'entendait encore et encore, à répétition. "Ça n'existe pas. Ça n'existe pas. Ça n'existe pas. Ça n'existe pas. Ça n'existe pas...".


Jusqu'à ce qu'il soit forcé d'en être lui même convaincu. Sa vie n'étais rien d'autre qu'un enchaînement de jour tous semblables les uns aux autres.


Et c'était tout. Il s'était fait des amis. Comme tout le monde. Il avait étudié au collège. Comme tout le monde. Il avait rit, pleuré, crié, sans réellement y croire. Et voilà que maintenant, l'espoir de vivre l'extraordinaire venait de renaître.


Dans tous les récits, il y avait un héros. Soit, il remplirait ce rôle. Et le héros avait un but. Il découvrirai tout du passé de Fukume.


Ensuite, il rentrerais chez lui.


Une bouffée d'air chaud entra dans la poitrine du jeune garçon rêveur. Pour la première fois de sa vie, il avait l'impression que ce qu'il fesait avait un sens. Un sourire franc se dessina sur son visage.

© Juliette MINEC,
книга «Les âmes noires».
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