Comme à son habitude, une jeune femme entrait dans le tramway après avoir gentiment laissé passer ceux qui descendaient dans cet arrêt. Ce qui eut comme résultat d'agacer les autres derrière elle qui n'auraient eu aucun scrupule à bousculer ceux qui voulaient sortir, simplement pour obtenir une place assise. Malgré cela, la brune s'en fichait, ignorant au passage un léger contact sur son bras. Plongée dans son monde, la musique dans les oreilles, elle voulait juste entrer et se poser n'importe où pour continuer à lire ce que son ami venait de lui envoyer.

Finalement, elle a mis entrer dans le transport en commun, et remarqua qu'il n'y avait déjà plus de sièges disponibles. Habituée à cela, surtout à cette heure-ci, elle monta les deux marches à gravir, et parcourait le court couloir qui restait pour s'installer contre un siège, debout, non loin du conducteur. Il y avait déjà quelqu'un d'assis par terre et avait pris le soin de ne pas le déranger dans sa contemplation sur le téléphone. Elle ne tarda pas à sortir le sien pour continuer sa lecture du dossier qu'on lui avait envoyé.

Au bout de cinq minutes à lire en souriant à certains passages, elle avait terminé le texte et envoyé un message à son créateur pour lui dire ce qu'elle en pensait. Elle baissa ensuite l'appareil et leva son regard pour la première fois depuis qu'elle était entrée. Le tramway n'avait pas encore eu le temps d'avancer, à cause des quelques personnes pressées et obstinées qui ouvraient à chaque fois les portes automatiques pour se faufiler à l'intérieur. Mais où elle était, ils représentaient que trois. Le jeune homme assis, et un homme qui lui était familier. Celui-ci sortait de son sac-à-dos ce qu'elle devinait être un livre protégé par un sac en plastique. Curieuse, elle l'observait faire, se demander quelle lecture il avait été apporté aujourd'hui. Un livre de Stephen King. Elle se souvint l ' avoir déjà vu lire des ouvrages du même auteur. Ça la fit sourire légèrement.

Elle voulait lire le résumé tandis qu'il déballait l'ouvrage et rangeait la protection dans son sac. Mais rien à faire. La couverture était brillante et la luminosité du jour n'était pas en sa faveur pour découvrir les quelques phrases d'écris. Frustrée, elle fit un peu la moue, avant que son regard ne croise le sien.

Ils s'étaient déjà rencontrés, et plusieurs fois même. Mais jamais ils ne s'étaient adressés à la parole. Elle avait dans la vingtaine d'années, et lui sûrement dans les alentours des trente ou quarante ans. Chaque fois qu'elle le voyait, que ce soit debout ou bien assis, il lisait. Et chaque fois, il lui donnait envie de lire.

Elle qui était si sociable, avec lui il ne savait jamais comment aborder un sujet de conversation. Cependant, il était plus qu'évident que leur passion commune était la lecture. Et pourtant, même si elle posait d'avance les questions dans sa tête, aucun son ne voulait en sortir. Et ce fut le cas lorsque ses yeux bruns étaient face aux siens bleus. Ce n'était pas vraiment de l'intimidation, mais elle ne savait pas pourquoi, elle n'arrivait pas à lui parler. Et pourtant, Dieu seul savait qu'elle en mourrait d'envie. Rien que pour avoir des informations sur ses conférences qui pourraient être un jour les siennes.

Seul un sourire apparut sur ses lèvres, et l'homme fit de même, plus timide. Puis il se plongea dans sa conférence. Elle l'observait, sans rien dire. Elle n’avait pas prévu de lire, et cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas fait. Mais elle arrêta la musique et se précipita presque sur son sac pour pouvoir en sortir un petit livre, celle qu'elle lisait en ce moment. Elle a remarqué que le bruit apparaît fait quitter sa lecture pour la regarder ensuite. Elle se redressa alors et lui sourit avant de reprendre à là où elle s'était arrêtée.

Durant les vingt minutes du trajet, elle avait lu en souriant pour certaines répliques. Elle ne voyait pas le temps passé, ni les arrêts se défiler au fil des minutes. Mais par habitude, elle leva son regard lorsque le tramway s'arrêta. Dans deux arrêts, elle devait sortir. Elle reprit sa lecture jusqu'à ce que ce soit son arrêt. Bien avant que le transport s'arrête, elle marqua sa page et récupéra son sac qui était posé au sol, prête à partir. Automatiquement, elle jeta un regard vers cet homme qui voulait également savoir qu’elle allait partir. Ils se regardaient, puis se sourirent. Encore une fois, aucun mot ne sortait de leur gorge, comme bloquaient dans celle-ci. Mais dans leur regard, on sentait une complicité, de la compréhension, un au revoir. Mais pas un adieu. Elle sortit alors du tram lors de l'arrêta,

Elle traverse les rails pour atteindre l'autre chaussée, puis les passages piétons, le dos droit, une certaine allégresse dans sa démarche. Elle entendit un bruit venant de sa droite. Sans trop d'espoir elle tourna la tête vers le tram, et elle en fut surprise. Il s'était assis sur le siège du côté de la fenêtre où il pouvait la percevoir, alors que deux arrêts le séparaient au sien. Leur regard se croisèrent une dernière fois, alors que le véhicule la dépassait. Son cœur se remplit d'une joie étrange. Même s'ils n'avaient jamais discuté d'ensemble, d'un regard, d'un sourire, ils communiquaient et se comprenaient.