Chapitre 4 : Alister...
Lorsque la brune ouvrit les yeux, elle reconnut aisément l'endroit où elle se trouvait. Des murs et des lits entièrement blancs, pas la moindre décoration, une odeur particulière dans l'air... Pas le moindre doute possible, elle était à l'infirmerie. Elle tenta de se redresser mais dut très vite avorter l'idée, le moindre mouvement qu'elle esquissait lui faisait un mal de chien. De plus, elle ressentait une gêne au niveau de ses jambes. Elle baissa les yeux dans la direction de son trouble et comprit : l'une de ses jambes était plâtrée tandis que l'autre était couverte de bandages. Elle soupira et leva les yeux vers le plafond, elle allait devoir rester ici un bon moment... Elle se surprit à se demander ce qu'allaient bien pouvoir faire les cadets dont elle avait la charge et si un autre ainé allait les entraîner à sa place le temps qu'elle se rétablisse.
-T'as fait de sacrés progrès, Camille. Fit une voix qu'elle ne reconnaissait pas.
Elle tourna les yeux vers l'endroit d'où venait cette voix inconnue et reconnut un de ses cadets à l'embrasure de la porte, bras croisés et adossé au mur nonchalamment. Il était de taille moyenne, environ un mètre quatre-vingt, svelte, les cheveux rouges hirsutes, les yeux verts et plusieurs piercings. Alister Greyfox, le plus mystérieux et taciturne de ses disciples. Elle ne savait presque rien de lui si ce n'est que sous ses airs ténébreux il semblait aimer la compagnie des jolies femmes. Ce qui l'étonna c'est que la voix qu'elle venait d'entendre était vraiment différente de la voix monocorde qui était sortie de sa bouche quand il s'était présenté. Il semblait plus humain, plus attentionné. Puis elle sembla avoir compris ce qu'il venait de sous-entendre.
-Désolé gamin, mais on se connait ? Lui demanda-t-elle en prenant sa voix froide.
-J'ai le même âge que toi, donc ne me traite pas de gamin. Soupira-t-il en lui tournant le dos. Peut-être que ceci te rafraîchira la mémoire. Lui glissa-t-il en relevant le haut de son uniforme, révélant une longue cicatrice qui lui barrait le dos, partant de son épaule droite jusqu'au côté gauche de son bassin.
L'ainée ouvrit la bouche et se la couvrit de la main, écarquillant les yeux dans le même temps. Cette balafre... En plus de la répugner, elle lui rappelait en effet quelque chose. Un souvenir. Un assez mauvais souvenir en fait. Elle avait failli mourir cette nuit-là. Et un garçon l'avait sauvée. Alors... C'était lui ?
-Tu t'en souviens, pas vrai ? Constata l'écarlate devant l'expression de son visage après s'être à nouveau tourné vers elle.
-C'est... C'était toi ? Bafouilla-t-elle, perdant sa voix dure. Ce soir-là... C'est toi qui m'as sauvée ?
Il ne répondit pas mais le micro sourire qui apparut à la commissure de ses lèvres voulait tout dire.
-Et dire que je ne t'ai jamais remercié... Soupira-t-elle. Au lieu de ça je t'ai jeté dans le vide quand je t'ai vu...
-Tu pouvais pas me reconnaitre, et puis t'avais une bonne raison. Rit-il en repensant à la petite culotte de son instructrice.
Instructrice qui sembla comprendre à quoi il pensait quand elle vit son sourire s'agrandir après sa phrase.
-Je te jure que si tu n'efface pas cette image de ton esprit dépravé je te balance du haut du volcan dès que je serais sur pieds. Menaça-t-elle, pas crédible à cause du rougissement de ses joues.
-Je serais ainé avant que tu sortes de ce lit. Répliqua narquoisement l'écarlate, un air de défi.
Le prenant au mot, elle lui tendit la paume de sa main.
-Pari tenu. Lança-t-elle sur le même ton.
-Tenu. Trancha le jeune homme en tapant sa main avec la sienne. Mais hors de question que Lily-Rose utilise ses pouvoirs pour te soigner plus vite.
-Comme tu les souhaites, je gagnerai de toute façon.
-Camille, ma chérie ! Tu es réveillée ! S'exclama une femme en entrant.
Les deux enfants du météore présents tournèrent l'entrée pour voir l'infirmière courir vers la brune et se jeter dans ses bras, les larmes aux yeux.
-Moi aussi je suis contente de te voir Lily mais j'apprécierais que tu desserres tes bras ou t'auras ma mort sur la conscience. Articula la brune avec peine.
-Désolée ! S'écria-t-elle en s'écartant et en s'inclinant. Mais j'étais tellement inquiète, ça fait quatre jours que tu dors !
-Qua-Quatre jours ?! Bégaya la kinésiste. C'est une plaisanterie ?
-Du tout. Démentit la rousse avec un mouvement négatif de la tête. Et lui ça fait quatre jours qu'il campe ici. Compléta-t-elle en pointant Alister du doigt.
Ce dernier, pour cacher le rosissement de ses joues, tourna la tête vers la fenêtre, trouvant subitement que les oiseaux dans l'arbre étaient très intéressants. Camille le trouva mignon dans cet état de gêne et eut un rictus. Il déclara finalement que sa présence n'était plus requise, cédant sa place à la manipulatrice de l'eau. Il les salua d'un mouvement de tête et sortit. Il croisa Chloé qui arrivait, sûrement pour voir Alice dont l'état s'améliorait. Ils se saluèrent rapidement et l'écarlate repartit vers le dortoir. Il entra dans sa chambre et croisa Noah non pas sur son lit mais installé à son bureau, semblant absorbé par ce qu'il lisait. Le blond était tellement concentré sur sa lecture qu'il ne l'avait même pas entendu entrer. Il s'autorisa un sourire, prit son nécessaire de toilette et fila sous la douche.
De leur côté, Chloé et Alice discutaient calmement à l'infirmerie. La jeune femme aux cheveux violets allait de mieux en mieux, après une dizaine de jours passés dans ce lit. Elle s'ennuierait fermement si son amie la brunette ne venait pas la voir tous les jours après son entrainement. Celle-ci lui parlait toujours de tout et de rien. Tantôt elle lui parlait de banalités, tantôt des entrainements en question et souvent la discussion basculait sur Lenka, comme en ce moment.
-Dis-donc, ma cocotte, t'aurais pas le béguin pour ton ainé toi ? Lui glissa sournoisement sa colocataire.
-Mais pas du tout ! S'insurgea la plus jeune des deux, rouge pivoine. C'est mon professeur, il est gentil, attentionné et tout et... Enuméra-t-elle.
-Et tu es amoureuse de lui. La coupa son amie avec un sourire.
-Et je crois que tu as raison. Confessa la brune en baissant la tête. Mais ça craint, les ainés n'ont pas le droit d'avoir de relation avec leurs cadets... Soupira-t-elle.
-Bah t'as qu'à bouger ton joli petit cul et te magner de plus en être une et l'affaire est classée. Trancha la violette comme si ça coulait de source.
-Mais bien sûr ! Pourquoi j'y ai pas pensé plus tôt ? Reprit ironiquement la première. Ah oui, je sais ! Parce que contrairement à toi j'ai toujours pas de pouvoirs !
Alice leva le doigt et ouvrit la bouche, voulant rétorquer, mais aucun son n'en sortit et elle rabaissa sa main, sachant pertinemment que son amie avait totalement raison. Ce petit détail avait une importance capitale dans sa complétion du cursus. Cela souleva une question dans l'esprit de la violette. L'infirmière lui avait expliqué que son état était dû au réveil de ses pouvoirs mais elle ne se sentait pas différente de quand elle était arrivée au sanctuaire. Elle devait poser la question à qui pouvait lui répondre.
-T'as l'air pensive. Constata la plus jeune.
-J'étais juste en train de me dire que mes pouvoirs se sont éveillés mais que j'ai pas l'impression d'avoir changé pour autant.
-Ah...
Elles réfléchirent de concert un moment puis la concernée fit à son amie la brunette que ce n'était pas important. Elles passèrent encore un peu de temps ensemble puis Lily-Rose vint leur rappeler que la violette devait se reposer. Chloé acquiesça et s'en alla, s'inclinant poliment devant l'ainée, assurant à la patiente qu'elle reviendrait le lendemain. En chemin vers le dortoir elle croisa le responsable de discipline qui en sortait. Elle le salua en s'inclinant, cachant avec peine le rougissement sur ses joues en repensant à sa discussion avec Alice. Il lui rendit son salut et lui souhaita bonne soirée, non sans la gratifier d'un sourire qui la fit rougir encore plus. Il se questionna sur la raison de son trouble mais ne dit rien, la laissant regagner rapidement sa chambre.
Le Berserk, quant à lui, avait fait une inspection éclair des chambres et était ressorti du bâtiment. Il déambulait sans but précis quand un éclat de voix se fit entendre à l'infirmerie. Il courut le plus rapidement qu'il put pour en déterminer l'origine, quelqu'un pouvait avoir besoin d'assistance. Il entra en trombe dans la pièce et se stoppa net. Rien ne semblait grave malgré le cri d'effroi de la jeune infirmière. Il avança et lui posa une main sur l'épaule, la sortant d'une sorte d'état second.
-Hé, Lily ? L'interrogea-t-il doucement. Que se passe-t-il ?
Pour toute réponse elle pointa la jeune femme aux cheveux violets qu'il avait amenée dix jours auparavant. Celle-ci tenait un scalpel dans sa main et fixait son bras.
-Alice ? L'interpela-t-il. Tout va bien ?
Elle leva les yeux vers lui et son regard vide lui fit presque peur.
-Oui. Répondit-elle d'une voix plate et sans émotion. Enfin je suppose.
-Que se passe-t-il ?
-Lily a voulu me faire une piqûre et... Et l'aiguille s'est cassée contre mon bras.
-Et c'est pour ça qu'elle a crié comme une possédée ?
-Non, c'est pour ça... Fit-elle en voulant s'entailler le bras avec le scalpel qu'elle tenait.
Lenka écarquilla les yeux devant son geste, la prenant pour une folle, puis comprit le but de la manœuvre. La jeune femme n'eut pas la moindre égratignure tandis que la fine lame de l'instrument chirurgical se cassait net. La jeune femme venait de découvrir ses pouvoirs. Elle était de type P et sa mutation consistait en un épiderme extrêmement résistant. Pour en être sur il lui fit joindre sa main à la sienne et le résultat fut sans appel.
-Jeune fille. Commença-t-il d'une voix solennelle. Bienvenue dans la grande famille des enfants du météore de type P, pour physique. J'ai l'honneur de t'annoncer que c'est moi qui serais ton premier instructeur.
Un sourire se dessina sur les lèvres de la violette, la nouvelle semblait ne pas la déranger. Elle était surtout contente de pouvoir se retrouver avec sa colocataire.
Lenka demanda à son amie rousse quand sa nouvelle disciple serait apte à quitter le lit. Elle lui répondit que le surlendemain serait parfait, se remettant doucement de sa frayeur de voir une cadette manquer de s'ouvrir les veines.
-Mademoiselle, je vous attends au dojo dans deux jours. Conclut-il en la saluant rapidement.
Il sortit donc de l'infirmerie et se dit qu'il serait bon de prévenir la colocataire de la violette que celle-ci serait bientôt des leurs. Il retourna donc au dortoir et grimpa les étages, se dirigeant vers la chambre 314. Il tapa à la porte en s'annonçant et attendit qu'on vienne lui ouvrir. La brunette fut prise de panique en l'entendant, elle qui ne portait que ses sous-vêtements pour être un peu plus à l'aise dans sa chambre dut se rhabiller en vitesse. Elle enfila une chemise rouge qu'elle oublia de boutonner entièrement dans sa hâte et une jupe noire. Elle ouvrit ensuite la porte, un peu essoufflée.
-Lenka ? Quel bon vent t'amène ?
-Salut Chloé. Commença-t-il avec le sourire, rougissant au décolleté involontaire de la cadette. Je venais t'annoncer une bonne nouvelle.
-Je t'en prie, entre. L'invita-t-elle en s'écartant.
-Non, non, surtout pas. Refusa-t-il. Si Newton ou pire si Camille apprend que je suis entré dans la chambre d'une cadette... Elle va me transformer en pâtée pour son chat ! Même si elle est clouée dans un lit à l'infirmerie.
La brunette fut soulagée qu'il ne voie pas le bazar qu'elle venait de mettre dans sa chambre mais également déçue. Elle n'en laissa cependant rien paraître et rit à la plaisanterie du brun, connaissant le tempérament de la kinésiste, et se souvint qu'il devait lui annoncer quelque chose et lui rappela.
-Ah oui, j'ai une excellente nouvelle : Alice a découvert ses pouvoirs !
-Sérieusement ?!
-Oui et tu veux savoir le meilleur ? Elle est de type P !
-Mais c'est génial ! S'écria la brunette. C'est quoi sa mutation ?
-Elle a une peau ultra résistante, une vraie cuirasse.
-C'est tout ? Je m'attendais à quelque chose de plus... Impressionnant...
-Pour une enfant du météore de type P c'est un pouvoir idéal. Imagine toi, on se bat au corps à corps et elle peut résister à une lame, c'est mortel !
-C'est sûr que vu comme ça...
Il rit à la moue que prit sa protégée et lui rappela qu'il devait s'en aller. Elle fut déçue qu'il parte déjà mais le salua quand même. Il lui rendit son salut et lui fit un sourire avant de tourner les talons. Se giflant mentalement pour ce qu'elle s'apprêtait à faire mais se disant qu'elle n'aurait sûrement pas d'autre chance, elle vérifia que personne ne pouvait les voir et le retint vivement par le bras avant qu'il ne soit trop loin. Il se retourna vers elle, surpris par son geste, voulant une explication. Avant même d'avoir pu prononcer le moindre mot, il sentit ses lèvres sur les siennes et écarquilla les yeux.
Il se surprit à apprécier plus qu'il ne l'aurait cru la sensation que cela lui procurait mais dut cependant la repousser. Elle leva les yeux vers lui, profondément déçue de son geste.
-Je ne suis pas assez bien pour toi, c'est ça ?! Lui hurla-t-elle presque.
-Ce n'est pas du tout ça... Soupira-t-il. Mais à supposer que je ressente la même chose que toi, ce n'est pas possible et tu le sais... Les...
-« Les ainés ne doivent pas avoir de liaison sentimentale avec leurs cadets ». Le coupa-t-elle, citant un article du règlement. Je le sais, oui ! Mais je me moque de ce foutu règlement ! J'ai pas choisi d'être ici alors je fais ce que je veux !
-Toi non, peut-être, mais moi oui. Et je ne veux pas que tu aies d'ennuis avec Newton, surtout pas à cause de moi. Avoua-t-il, plantant son regard dans celui de la petite brune devant lui. Crois-moi Chloé... Si je le pouvais je répondrais bien à tes avances mais...
-Y'a pas de mais ! Je me fous complètement de ce que peuvent penser Newton et les autres ! J'ai réalisé que je ressens quelque chose pour toi au-delà de l'amitié ou du respect pour mon professeur ! Je veux plus que ça entre nous !
Il lui plaqua une main sur la bouche pour l'empêcher d'en dire plus. N'importe qui pouvait entendre ce qu'elle disait tellement elle criait de désespoir. Il la fit reculer jusqu'à se chambre, gardant sa main sur ses lèvres pour qu'elle ne leur attire pas d'ennuis. Il ne la lâcha que quand ils furent à l'entrée de la chambre qu'elle partageait avec Alice. Il colla son front au sien et soupira.
-J'espère que les filles savent garder un secret...
-En quoi ça t'intéresse ? Lui demanda-t-elle, parlant moins fort.
-Parce que tout ton étage a pu profiter de notre petite conversation vu comment tu cries...
-J'en n'ai rien à foutre qu'ils m'entendent, je t'ai dit. J'ai des sentiments pour toi et je compte pas m'en cacher.
-Tu ne vas quand même pas...
-Non. Le coupa-t-elle. Mais si on me pose la question je répondrais.
-Chloé... Tenta-t-il avant de recevoir une gifle qui retentit dans une détonation sèche dans la pièce.
-Tais-toi... Et dégage d'ici... Lui ordonna-t-elle, sentant les larmes monter.
Il ne dit pas un mot de plus, se tourna et quitta le bâtiment. Elle claqua la porte de sa chambre, se jeta dans son lit, serra son oreiller tant qu'elle put et pleura à chaudes larmes sans s'arrêter.
Il serra les poings à s'en faire blanchir les jointures et donna un violent coup dans le mur. La douleur qu'il ressentit n'était rien comparée à celle provoquée par la gifle. Elle ne lui avait pas fait mal à proprement parler mais c'est ce que l'acte signifiait qui le torturait. Il décolla sa main du mur où trônait désormais un trou de la même largeur et regarda ses phalanges ensanglantées. Il ne ressentait rien, sinon du dégout envers lui-même. Il avait profondément blessé sa cadette en agissant de la sorte, mais qu'y pouvait-il ? Il avait beau chercher une solution, celle-ci ne venait pas.
Il resta à fixer sa main dégoulinant d'hémoglobine pendant de longues minutes à se triturer les méninges.
-Je savais bien que les seuls adversaires à ta taille étaient ceux qui ne pouvaient pas répliquer. Fit narquoisement la dernière voix qu'il aurait voulu entendre à ce moment.
Il leva les yeux et vit Gabriel qui le regardait d'un air supérieur, les bras croisés et un sourire arrogant pendu aux lèvres. Il lui lança un regard si noir qu'il aurait presque pu faire peur à Newton.
-Dégage de ma vue pendant que je suis assez indulgent pour te le permettre. Lui ordonna le Berserk d'une voix glaciale.
-Et tu te prends pour qui pour me donner des...
Le blond n'eut pas le temps de finir sa phrase que le brun lui avait foncé dessus et lui avait encastré la tête dans le trou qu'il venait de faire dans le mur, l'élargissant en même temps. Il la lui ressortit en le tirant par les cheveux et le saisit par le col pour fixer son regard dans les yeux bleus de son rival.
-Quand je te dis de dégager... Tu dégages ! Lui hurla-t-il avant de lui mettre un crochet dans la mâchoire pour lui faire faire un vol plané sur toute la distance qui le séparait du prochain obstacle.
-Et bien... J'espère que tu colleras pas un baigne pareille à Noah. Fit la voix d'Alister derrière lui. Je me vois mal lui donner la bécquée le temps que sa mâchoire se rétablisse.
Il retourna et salua l'écarlate d'un signe de tête tandis que celui-ci s'approchait, sortant du dortoir.
-C'est pas le moment de faire de l'humour, Greyfox, je suis pas d'humeur.
Le cadet sut que le responsable de la discipline ne plaisantait pas, il ne l'avait encore jamais appelé par son nom. Il voulut connaitre la raison de cette humeur massacrante.
-C'est pas ton business, cadet. Répondit-il sèchement.
Ne supportant pas cet air supérieur qu'il se donnait juste pour un titre, le plus jeune s'approcha de lui, lui saisit le col et une manche, lui fit une projection et s'agenouilla sur ses épaules.
-Ose encore une fois... Commença-t-il d'une voix froide. Juste une fois te croire supérieur à moi parce que t'as le droit de porter les fringues que tu veux et je te jure que je t'enfoncerai les dents tellement loin dans la gorge que tu pourras te foutre la main dans le cul pour les brosser. Menaça-t-il finalement en frappant le sol de son poing, juste à côté de l'oreille de l'ainé.
Le brun déglutit difficilement. Le Alister qu'il venait de voir n'avait rien à voir avec le Alister qu'il connaissait. Celui-ci semblait comme enragé, une sorte de bête sauvage alors que l'autre était surtout nonchalant et amical. Il se redressa quand l'écarlate fut debout et le regarda quitter les lieux, mains dans les poches, allant on ne savait où. Il éclata ensuite de rire. Le genre de rire qui nous prend quand on ne contrôle plus rien. Ce gamin avait réussi à lui faire peur, à lui le Berserk. Il devait plaire à Camille et elle devait être contente de l'avoir parmi ses disciples.
Le jeune écarlate, entendant le rire de son supérieur hiérarchique derrière-lui, ne se retourna même pas, continuant de marcher vers sa destination. Ce crétin se croyait plus fort que lui alors qu'il n'avait même pas senti qu'il avait utilisé ses pouvoirs. Il marcha encore quelques minutes et passa devant l'infirmerie. Devait-il s'y arrêter ? Non pas qu'il en avait besoin mais peut-être devait-il prévenir Lily-Rose que son ami n'allait pas tarder à arriver. Prenant quelques secondes de réflexion, il entra finalement, se disant que la vue de trois jolies demoiselles ne lui ferait pas de mal.
-Lily ? Appela-t-il une fois à l'intérieur.
-Elle vient de partir. Lui répondit la voix de Camille.
Il poussa un rideau et trouva la brune sur son lit, accompagnée d'Alice, jouant aux cartes.
-Tu t'ennuies déjà de nous ? Questionna ironiquement la violette.
-Va savoir. Répondit-il évasivement. Deux nanas aussi jolies ... Je craque. Glissa-t-il, employant le même ton que la jeune femme, avec un clin d'œil.
Un scalpel fusa dans sa direction et il dut user de réflexes hors norme pour l'esquiver.
-Encore une remarque lubrique de ce genre et je te jure que je t'envoie la totalité des instruments de cette pièce pour être sûre qu'il y en ait un qui te touche. Menaça froidement la kinésiste alitée.
-Et bien ! Reprit-il après avoir sifflé d'admiration. Quelle précision pour une lame lancée dans ton angle mort ! Félicita-t-il. Tu fais ça souvent ?
Le scalpel se décolla du mur et se pointa droit devant son visage.
-Si tu veux devenir ainé avant que je sorte de ce lit, t'as intérêt à travailler cette technique. C'est le...
-Le repérage sensoriel. La coupa-t-il, d'un coup plus sérieux. Ne t'inquiète pas Camille, j'y travaille depuis que je suis arrivé.
La brune fut surprise de son changement radical de comportement et encore plus de sa révélation. Elle était loin de s'imaginer qu'un cadet s'exercerait de sa propre initiative à cette pratique.
-Tu voulais voir Lily ? Demanda finalement Alice pour changer de sujet.
-Elle s'est absentée pour longtemps ?
-Juste le temps d'aller nourrir mon chat. Répondit la seule ainée dans la pièce. Pourquoi ?
-Parce que Lenka et Gabriel risquent d'arriver. Enfin c'est sûr pour aucun des deux.
-Il s'est passé quelque chose.
-Lenka a frappé dans un mur et a la main en sang. Gabriel a voulu lui chercher des noises et il a pris plein tarif.
Les deux jeunes femmes furent ébahies de voir avec quel détachement il expliquait la chose. Il semblait s'en moquer comme de sa première chemise. Alors qu'il allait quitter la pièce, leur adressant un signe de la main, Alice l'arrêta en lui proposant de rester jouer avec elles. Il se retourna, un sourire naissant à la commissure des lèvres, et accepta, content qu'elle le lui propose.
Finalement, l'heure du diner approcha et personne à part Lily-Rose ne vint. Cela ne déplut pas au jeune homme qui put entièrement profiter de la présence de trois jeunes femmes aussi sympathiques que charmantes. Ils avaient joué à toutes sortes de jeux et plaisanté jusqu'à en perdre la notion du temps. Il regarda l'horloge au mur et vit avec effroi qu'il allait manquer l'heure du repas. Il se leva en trombe de la chaise qu'il avait approchée du lit de son instructrice et s'excusa de devoir les laisser. Il était déjà à la porte quand il fut immobilisé. Il savait que seule Camille pouvait faire ça et se demanda la raison de ce geste.
-Tu ne veux pas rester diner avec nous ? Lui demanda l'infirmière.
-Seigneur... Lâcha-t-il en levant les yeux au ciel. Demande à un aveugle s'il veut y voir clair. Répondit-il à la rousse.
Comprenant qu'il acceptait, elle lui fit un sourire qui la rendait irrésistible. Les deux autres semblèrent également satisfaites car un sourire naquit également sur leurs lèvres.
-Mais j'y pense... Vous mangez comment ?
-Maitre Musashi s'occupe de nous préparer à manger. Répondit la violette.
-Et il en fait toujours trop. Compléta la brune.
-C'est la seule façon qu'elle a trouvé de te remercier d'être resté à son chevet alors qu'elle a essayé de te tuer. Confessa la rousse à son oreille.
Il tourna le regard vers son instructrice, surpris d'un tel comportement, mais ne fit pour autant aucune remarque. Il regagna sa chaise et repris ses cartes en main, reprenant la partie.
Juste quand ils eurent fini Mori arriva, leur amenant un panier aussi long et large que profond. Il fut étonné de trouver les jeunes femmes en compagnie de l'écarlate qui ne présentait pas la moindre blessure.
-Et bien, Monsieur Greyfox. Lança-t-il sur un ton de réprimande. Que faites-vous donc en ces lieux ? Ne savez-vous donc pas que l'heure du diner a sonné ? Et puis pourquoi diable êtes-vous venu si vous n'êtes pas blessé ou malade ?
Empêchant l'infirmière de prendre la parole et sa défense, il se leva et s'inclina respectueusement devant l'Ancien.
-Il se trouve Monsieur que je souffre en effet. Mentit-il. Je souffre d'un mal que seule la compagnie de ces charmantes jeunes femmes peut dissiper. Voyez-vous mon cœur est en peine et le seul réconfort que je puisse trouver au sanctuaire se trouve ici, en la présence des plus plaisantes femmes que j'aie vues au cours de ma courte vie. Malheureusement, le bonheur est tel que j'en ai perdu la notion du temps et voilà que j'ai raté l'heure du repas.
Cette explication, aussi fausse que farfelue, fit beaucoup rire les concernées tandis qu'elle sembla mettre le manipulateur des plantes de très mauvaise humeur. Celui-ci s'approcha du cadet avec un air noir et se redressa pour fixer son regard dans le sien.
-Vous allez devoir apprendre à surveiller vos paroles, jeune homme. Menaça-t-il en lui saisissant le col. Je ne tolère pas du tout ce genre de plaisanteries et ce genre de manque de respect de la part d'un jeune babouin braillard et empoté.
-Si vous le permettez. Répliqua-t-il en serrant son propre poing autour du poignet de l'ainé. Ce « jeune babouin braillard et empoté » a sauvé la vie d'une de vos précieuses ainées et est resté à son chevet tout le temps durant lequel elle était inconsciente. Alors j'exige de votre part un peu plus de considération.
Cette déclaration et le ton sur lequel le jeune homme avait parlé jetèrent un froid dans la pièce. Lui qui semblait si charmant durant l'après-midi, voilà qu'il leur laissait la même impression que Newton quand il s'énervait.
L'Ancien lui-même se sentit suer à grosses gouttes et regarda sa main trembler, se demandant quand il avait bien pu lâcher sa prise.
-Mori ! Tonna la voix de Camille. En quoi c'est un problème qu'il reste ici ? Il est toujours courtois avec nous et jusqu'à présent tu n'as pas eu le moindre retour négatif concernant ce gamin ! De plus, c'est moi qui lui ai demandé de rester avec nous ce soir !
Le vieil homme n'en croyait pas ses oreilles. Elle prenait sa défense et en plus elle avouait lui avoir demandé de rester lui tenir compagnie ? Mais bon sang, qui pouvait être ce gosse. Il leur tendit le panier repas qu'il avait amené, les salua en vitesse et partit, désirant s'entretenir d'une chose avec le doyen.
Les quatre enfants du météore en regardèrent le contenu et leurs yeux se mirent à briller. Le vieil homme leur avait préparé tout un assortiment de bentôs, de sushis, de sashimis et autres spécialités orientales. Ils se souhaitèrent le bon appétit et mangèrent dans la bonne humeur. Alice et Lily-Rose purent constater avec quelle aisance l'écarlate mangeait avec les redoutables baguettes. Elles furent admiratives ce détail pourtant insignifiant. Il leur en fit d'ailleurs la remarque.
-C'est facile à dire pour toi ! S'écria la violette. T'y arrives !
-C'est un vrai casse-tête ce truc ! Compléta la rousse. Le type qui a inventé ça est un sadique !
Pour toute réponse, il pointa la brune du doigt, leur faisant tourner le visage vers elle. Celle-ci dégustait sereinement un plat de nouilles sautées, se servant des baguettes comme si c'était aussi facile que de respirer. Les deux autres jeunes femmes firent la moue et boudèrent dans leur coin, bredouillant des paroles incompréhensibles, sous l'hilarité des deux mutants de type E.
Une pensée frappa tout à coup l'esprit de la jeune infirmière.
-Dis-moi, Alister. L'interpela-t-elle après avoir avalé un sushi.
-Mh ? Parvint-il à peine à articuler, dévorant une brochette de poulet yakitori.
-C'est vrai ce que t'as dit à propos de nous à Mori ?
-Bien sûr. Confirma-t-il. Pour moi, les trois nanas autour de cette table sont absolument charmantes quand elles ne me traitent pas de gamin. Fit-il en regardant vers la kinésiste. Les plus plaisantes que j'aie vues dans ma courte vie. Répéta-t-il, provoquant le rougissement des trois demoiselles.
-C'est pas avec la flatterie que tu réussiras à gagner ton pari. Glissa quand même Camille.
-Je le sais bien. Répliqua-t-il. Je ne le fais pas pour ça, juste par plaisir de vous voir rougir : z'êtes à croquer, le rouge aux joues. Glissa-t-il avec un sourire, les faisant rougir de plus belle.
Le repas se termina un peu tard et l'écarlate dut, à contre cœur, retourner en vitesse au dortoir avant que Lenka ne fasse son inspection sinon il allait passer un sale quart d'heure. Il arriva à bout de souffle à sa chambre à peine cinq minutes avant que le brun ne tape à la porte. Celui-ci ne dit rien et passa son chemin en voyant les deux colocataires sur leur lit respectif, non sans fixer le plus vieux des deux d'un drôle de regard.
Noah, surpris par le manque de conversation du responsable de la discipline, haussa les sourcils et demanda des explications à son compagnon de chambre. Celui-ci soupira devant sa curiosité mais lui raconta quand même ce qu'il s'était passé plus tôt dans l'après-midi.
-T'es un grand malade, toi... Soupira le blond. Imagine les conséquences...
-Je m'en beurre la raie. Ainé ou pas, quand on me cherche, on me trouve...
-Mais quand même, ce type peut te casser en deux d'un seul coup et toi tu le menaces, t'as les fils qui se touchent ou quoi ?
-T'occupe, Noah, c'est moi que ça regarde. Et s'il avait voulu me casser en deux, comme tu dis, il l'aurait fait tout à l'heure...
-Mouais... Bref, t'étais où cet après-midi ?
-Tu sais que t'es lourd avec tes questions ? Tu devrais commencer à savoir que j'aime pas ça... Mais bon, puisqu'on n'a rien à faire, t'as raison, autant parler... J'étais à l'infirmerie.
-A l'infirmerie ? Mais qu'est-ce que tu foutais là-bas ?
-Je suis repassé ici après l'heure du déjeuner et je t'ai trouvé à ton bureau, concentré sur un bouquin. Pour pas te déranger je suis ressorti après ma douche, c'est là que j'ai vu l'altercation entre Lenka et Gabriel. J'étais censé passer en coup de vent pour prévenir les filles qu'elles allaient sûrement en voir débarquer un des deux et puis... Et puis elles m'ont invité à me joindre à elles, j'allais pas dire non. Expliqua-t-il avec un large sourire, preuve qu'il avait vraiment apprécié son après-midi.
-Espèce de veinard, je suis jamais dans les plans cools comme ça...
-Et toi alors ? Ton bouquin ? De quoi ça parle pour que ça t'ait sorti de ton lit ?
-Très drôle, Alister, très drôle. En fait c'est un vieux bouquin qui a été écrit par un type N il y a un peu plus de deux cents ans. Il est bourré d'infos utiles pour les mutants de mon type, c'est extra !
Le blond semblait vraiment emballé par ce bouquin, cela fit plaisir à l'écarlate sans qu'il sache pourquoi. Sans doute parce qu'il avait lui aussi connu la sensation de vouloir progresser pour atteindre un but, surpasser quelqu'un. Il ne savait pas trop. Il bailla à s'en décrocher la mâchoire, provoquant le rire du blond, et lui souhaita la bonne nuit, plongeant avec le sourire dans les bras de Morphée pour passer la nuit à rêver de la compagnie qu'il avait eue durant l'après-midi.
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