Lukas :
J'ai la rage... Je n'y crois pas... Je n'y crois toujours pas !! Je n'y crois pas bon sang ! Je sens que mon cœur va me lâcher d'une minute à l'autre...
Mon père m'a conduit à l'aéroport ce matin... Je n'ai pas dormi de la nuit... Je vous jure j'ai gardé l'œil ouvert à fixer ce plafond blanc. J'avais envie de le casser. Sincèrement, je n'ai jamais été aussi en colère qu'aujourd'hui. Jamais de ma vie !
Je ne me serais jamais imaginé qu'un jour, j'irais vivre avec ma m... Ma génitrice. Et aujourd'hui, parce que j'ai été trop con hier soir, mon père décide de m'envoyer vivre avec elle. J'ai envie de mourir...
Mon père me regarde tandis que je serre ma valise contre la paume de ma main et en même temps la lanière de mon sac à dos... Je ne veux pas quitter Detroit... Il y'a mes potes... Mon père... Ma vie... mes habitudes mais bon sang ! J'suis né ici ! J'ai grandi ici et je compte bien crever ici ! Les murs de Detroit se souviennent de moi ! Ma rue ! Mon quartier ! Tout ça qui part en lambeaux sous mes yeux .... Pourquoi moi...
Il me regarde en serrant ses dents :
— Fiston... Sois fort OK ? Fais-le pour moi... Je n'ai pas de compte à te rendre Papa !
Son regard se vide. Mon père n'a jamais été présent pour moi. Il m'a juste... Nourri et hébergé. Nous ne sommes plus en 1600 pour que je donne toute ma gratitude à quelqu'un qui ne m'a pas laissé à la rue, allô ! C'est mon père quand-même !
Il fourre sa main dans sa poche et en sort une enveloppe pliée en deux:
— Qu'est ce que c'est ? Demandai-je intrigué.
— Un peu d'argent que je laissais de côté au cas où... Au cas où un imprévu de ce genre arriverait... Comme ça tu ne dépendras pas forcément de ta mère là-bas, achète toi ce que tu veux mais ne gaspille pas trop non plus, il y a de quoi vivre pendant un ou deux ans là-dedans.
Son geste me touche. Je sais que ma génitrice se débrouille bien là-bas d'après ce qu'on raconte, mais c'est vrai que j'avais quand-même besoin d'un peu d'argent... Je sais pas moi ! Pour un paquet de clopes ! Un briquet ! Des fringues !
— Merci... Mais... Toi tu feras comment ?
— Ton vieux père sait se débrouiller Lukas ! Et Smith m'a trouvé un boulot dans la boîte où il bosse !
— Ah... Bon bah... Bonne chance... On se retrouve dans... Quand... J'aurais réussi ?
Je n'ai pas eu droit à une réponse, mais mon père me serre fort dans ses bras pour la première fois de sa vie. Je le serre en retour en me pinçant les lèvres. Je suis un homme maintenant, c'est pas le moment de faire le gamin de huit ans.
— Oh, j'ai failli oublier, ta mère viendra te chercher à ton arrivée.
Le microscopique petit sourire qui était venu éclairer mon visage disparaît. Mais je ne voulais pas montrer mon dégoût à mon père... Il est déjà assez stressé... Et j'ai assez hurlé sur lui hier donc ce n'est pas vraiment la peine d'en rajouter je suppose. Même si j'ai envie de casser les murs de cet aéroport.
Après une chaleureuse accolade, je me retourne pour aller rejoindre le quai d'embarquement. Mon avion décolle dans quelques minutes seulement.
Mon père a quand même attendu que je rejoigne le quai avant de disparaître dans la foule. Il a eu beau être ce tocard alcoolique depuis que ma m... Que ma génitrice l'a quitté pour ce con en costume cravate, il n'a jamais cessé de l'aimer malgré qu'elle l'aie abandonné... Et moi avec, la seule différence entre lui et moi, c'est que je la déteste. Je ne la supporte juste pas.
Je monte les marches de l'avion pour aller m'asseoir sur mon siège. Comme je n'ai pas envie que cet avion décolle...
Après avoir rangé mes bagages, je m'assois sur mon siège. Mon téléphone vibre dans ma poche, c'est Jim :
Jim : Eh Luk' ! On part sans prévenir pépère ?
Je souris face à son message. Jim est mon meilleur ami depuis le bac à sable. Toutes nos conneries, on les fait ensemble, sauf qu'hier il a réussi à filer alors que j'étais inconscient.
Moi : Désolé Jim, c'est mon père qui a décidé ça...
Jim : Ah crotte, Et tu comptes revenir un jour, non ?
Moi : J'en sais rien. Aller j'te laisse l'avion va décoller.
Jim : Bon vol crâne d'œuf nous oublie pas !
Moi : Comment oublier un cafard comme toi ?
Jim : Très drôle !
Je fourre mon portable dans la poche de mon jean troué. Les moteurs de l'avion ronronnent, c'est là qu'il décolle.
Et c'est parti pour plus de quatre heures de vol...
*Los Angeles, 16h43 :
Nous atterrissons sur le sol Californien, je prends ma valise et agrippe mon sac-à-dos. Les gens descendent les uns après les autres.
Je sors de l'avion, une bouffée d'air chaud me fouette le visage, qu'est-ce que c'est que ce climat encore...? Je suppose que c'est celui comme dans les films... L'air chaud, la belle vie ! Cette atmosphère me dégoûte encore plus que je ne le suis déjà !
...Respire Lukas... Respire...
Au quai d'arrivée, je tends mon billet à un homme, il en déchire un bout puis me le rend, géniale votre technique !
Je franchis la barrière et me retrouve seul devant une foule de personnes qui courent, qui sautillent; un vacarme incroyable se fait dans la foule, les mômes pleurent, les femmes hurlent en retrouvant leurs maris, des milliers de personnes ont l'air heureuses, d'autres disent au revoir à leurs proches qui s'en vont.
Je balade mon regard un peu partout pour essayer d'apercevoir sa face.
Finalement, je décide de m'approcher de l'entrée du bâtiment, il est vrai que je ne me souviens pas particulièrement de son visage.
Je balaye la foule d'un regard absent, attendant un miracle du ciel, jusqu'à ce que je vois une grande rousse s'avancer vers moi.
Ses cheveux sont roux, elle a de très grands yeux verts émeraude, une très belle taille de mannequin, elle porte un pantalon noir et une chemise blanche, de hauts talons chaussent ses pieds.
La femme s'avance vers moi, je fais quelques bons centimètres de plus qu'elle, mais elle me regarde avec de grosses larmes de joie qui perlaient ses cils.
C'est elle... C'est bien elle...
— Lukas ! Mon bébé ! avait-elle crié avant de sauter sur moi pour me serrer dans ses bras.
Je fût pris d'une nausée et d'un dégoût incroyables, je la repousse en la fusillant du regard, sans pour autant ouvrir la bouche. Son regard se transforme vite, il se vide, elle est triste que je sois aussi dur envers elle, mais dans le fond, qu'est-ce que j'en ai à foutre qu'elle soit triste ou pas ? est-ce qu'elle a ressenti quelque chose quand j'avais besoin d'elle, elle ?
Finalement, après quelques secondes de silence, elle se décide d'enfin relever sa tête et s'exclamer, le visage noyé par les larmes :
— Aller... V... Viens la... voiture est dehors on... ne va pas rester p... Plantés là... ? dit-elle en reniflant.
Elle n'a eu droit à aucune réponse de ma part, juste un simple hochement de tête. Elle ne mérite pas que je m'énerve à cause d'elle. Elle ne mérite pas un seul mot, un seul petit sentiment venant de ma part. Ma naissance a juste été un accident. Mais ce n'est pas pour autant que n'existe pas.
Elle me dépasse et je la suis, dans le plus grand des silences.
Elle s'arrête donc devant une Maserati noire, elle sort des clés et m'invite à y monter.
J''suis assez surpris, je sais même pas quoi dire...
Elle se débrouille pas mal ? Ma parole oui ! Elle est carrément milliardaire on dirait.
Je monte la voiture en sortant mon portable de ma poche, j'y branche mes écouteurs pour ensuite les fourrer dans mes oreilles. La voix d'Eminem pénètre dans ma tête et m'apaise, j'ai toujours rêvé de croiser ce gars là.
Elle démarre. Le paysage défile sous mes yeux. Dire qu'hier encore, c'étaient des bâtisses grises. Maintenant, les palmiers de Los Angeles me donnent le vertige.
Une trentaine de minutes plus tard, ma génitrice se gare devant une immense villa, je prends ma valise dans le coffre en prenant soin de bien claquer la portière.
Nous entrons dans le domaine de ma génitrice, elle me dit alors :
— Va frapper, quelqu'un t'ouvrira sûrement. Je sors. Je ne vais pas tarder. Dit-elle en s'éloignant de moi.
Je continuai donc mon chemin seul. Arrivé près de la porte argentée et noire, je frappe.
"J'arrive !" prononça une voix féminine.
Quelques secondes plus tard une grande brune ouvre la porte, mes yeux se perdent instantanément dans les siens, aussi noirs que l'ébène. Je reconnais son visage, c'est comme comme une gifle qui m'était parvenue en pleine gueule, pire, un coup de poing en pleine gueule... ça faisait un bail... Elle m'avait manquée...