— C'est quoi son problème ?
Valentýna soupire en se levant, dépose son verre sur le plateau puis le prend :
— Ah, bichon ! Cette petite n'a pas eu une vie facile tu sais...
— Ah ouais ? Pourquoi ça ?
— Ses parents ont été tués le jour de son anniversaire il y'a deux ans. Chuchote Valentýna . Depuis elle est toujours aussi renfermée sur elle-même.
Mon dos est parcouru de frissons qui me glacent le sang. Cette si jolie fille au regard si innocent a donc fait la spectatrice d'une terrible scène qui lui pourrit la vie jusqu'aujourd'hui. Je me dis que ses parents n'étaient sûrement pas comme les miens... Son père n'était sûrement un tocard alcoolique, sa mère ne l'a pas abandonnée. Elle a dû être très affectée par leur mort je présume.
— J'ai vu que tu étais mal-à-l'aise quand tu l'as vue, alors, on fait moins le malin, gros dur ! Se moque-t-elle.
— Oh ça va !
— N'essaye pas de dire que tu es insensible à sa beauté !
— Oui euh, bon ça va !
Valentýna me pince une joue avant de tourner les talons et disparaître derrière les murs. Je baisse la tête pour regarder le transat et y constate un petit sac à breloques, je m'y approche, et sur une petite étiquette est écrit "Lindsay Parker". C'est sûrement le sac de la belle blonde.
Je prends le sac et rentre à la maison, Valentýna est de dos devant l'évier. Je monte les marches deux par deux pour accéder vite fait à l'étage. Une fois arrivé, je regarde autour de moi, les tableaux accrochés aux murs, les portes qui se multiplient à mesure où je les regarde.
Je vais, au hasard, frapper à la porte à côté de la mienne. Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvre.
La silhouette de la belle blonde apparaît, elle devient toute rouge et baisse la tête. Je continue de la regarder. Les mots restent coincés dans ma gorge, je ne sais pas quel genre d'énergie cette fille dégage, je ne sais pas quel super-pouvoir elle peut avoir, mais rien que de la regarder, rien que de l'approcher à quelques centimètres me fout les boules. J'ai jamais eu peur de quelque chose jusqu'à cette seconde précise. Cette seconde où j'ai vu sa tête immerger à la surface de l'eau. Quand j'ai vu ses yeux aussi bleus que l'eau, aussi purs que ceux d'une enfant, là j'ai eu peur. Là j'ai eu des frissons, là j'ai perdu mon équilibre, mes pieds ont lâchés et mon connard de cœur a commencé à faire n'importe quoi.
La fille relève sa tête :
— Tu... Tu as besoin de quelque chose.. L...
Elle ne se souvient pas de mon nom et reste confuse.
Sa voix me crève les tympans. Elle est si douce et si rude à la fois, les mots ne veulent toujours pas sortir mais je me suis forcé :
— C'est Lukas. Au moins je n'ai pas oublié ton nom, Lindsay. Dis-je en appuyant sur son nom.
Elle me regarde bizarrement avant d'entrouvrir la bouche, mais je la coupe :
— 'Toute façon j'suis pas là pour grand chose, t'as oublié ton truc en-bas. Débile les breloques au passage.
Je lui jette le sac entre les mains et la regarde une dernière fois avant de rejoindre ma chambre. Elle reste bloquée sur place. Je ne la sens pas bouger.
Son geste m'a piqué. Elle s'en fout en vrai. Elle ne se souvient même pas de mon prénom. C'est comme si je n'existais pas pour elle.
Et toi pépère, pourquoi tu te soucies de son avis ? Tu la connais à peine ? Y'a plein de filles à Los Angeles, pourquoi tu t'accroches à ce boulet ? Elle est renfermée, elle n'aime pas parler, elle a l'air chiante, et si ça se trouve elle sort avec un de ces guignols, le "Capitaine de l'équipe du lycée" à la con !
Je claque la porte de ma chambre pour retomber contre le mur. Qu'est ce qui m'arrive merde ?
Je suis triste on dirait, plutôt déçu... J'avais cru que moi aussi je lui faisais de l'effet, comme elle le fait avec moi. Mais ce n'étaient que des illusions, des illusions qui m'ont fait me sentir bien pendant quelques minutes de ma vie. Quand elle a sourit tout à l'heure, je me suis senti tellement vivant, comme si son sourire était venu alimenter ma peine.
Oublie-la mec.