Tel une louve
Elle admirait. Juste admirait. Sans mots, immobile. Toute personne de son temps, aurait sorti, avec précipitation, comme si elle avait peur de ne pas avoir assez de temps pour le faire, son appareil photographique pour capturer l'instant, comme ils disaient. À son sens, ils enlevaient toute beauté par ce geste. Observer lui suffisait. Elle n'avait pas peur d'oublier. Ainsi, elle passa de longues heures, assise sur son perchoir de feuilles et d'écorce à admirer la montagne enneigée, sans jamais se lasser, à percevoir chaque brunissement, chaque bruit d'éboulis. Elle n'avait pas besoin de paroles pour communiquer. Elle ne faisait qu'un avec la nature, s'accordant avec elle jusqu'à la moindre cellule. Le processus commençait par s'accorder avec soi-même, puis à s'ouvrir à elle. Elle décidait ensuite d'ouvrir à son tour ses portes, d'accepter l'être en question. Elle la comprenait. Et elle le savait. U bruit de pas humain et de vent dans la fourrure d'un animal l'interpella. Elle se laissa choir au sol pour, ensuite, disparaître entre les ombres des rocs. L'homme surgit au détour d'un chemin, vêtu d'une veste orange éblouissant et d'un bas où étaient imprimés des motifs kakis d'herbes et d'insectes. Mais jamais elle ne se serait laissé prendre à une telle piètre tentative de camouflage. Elle laissa passer quelques minutes, le temps que le propriétaire du chien et lui-même – elle méprisait, par ailleurs, ce dernier pour s'abaisser à un tel rang, celui de soumission, elle, elle était indépendante de tous – avancent le long du sentier. Elle se plaça alors en hauteur, en évidence, rejeta la tête en arrière, se délecta de l'air frais, vivifiant, glisser sur sa gorge et son visage et poussa un hurlement – non sans raison, d'abord pour alerter la meute régnant sur ce territoire, mais aussi pour narguer le chasseur – , entre humaine et louve. Elle se riait déjà de la réaction de l'homme, la prédisant avec facilité; elle savait qu'il ne pouvait laisser échapper une telle proie mais aussi un tel prédateur; les paysans lui en voudraient à jamais, s'ils l'apprenaient. Elle attendit quelques instants, le temps que l'animal canin la flaire, et son maître, l'aperçoive. Elle leur tourna alors le dos, fendant l'air, les semant aisément. Quelques centaines de mètres plus loin, elle s'arrêta, les attendant, restant juste à bonne distance pour que le chasseur échoue à son tir et que, pour le chien, la distance soit trop longue et hurla de nouveau pour indiquer sa position. Et elle repartit, loin d'eux. S'ensuivit alors une course poursuite, où de nombreuses balles furent perdues, qui mit le chien hors d'haleine et où elle les fit repasser plusieurs fois au même endroit. Un jeu pour elle. Un jeu où elle se savait gagnante. Elle était insaisissable. Et elle le savait. Quand elle en eut assez, elle arrêta d'offrir sa position sur un plateau à l'homme et lui et son animal perdirent sa trace, plus vite qu'ils ne l'eurent crus. La nuit tombant, la lune montant, elle commença une partie de chasse. Elle alterna, au cours de celle ci, les bonds entre les rocs, les descentes dans les plaines et les saignées, manquant de mourir à plusieurs reprises. Chassant en solitaire, elle ne chassait que de petites proies et il lui en fallut plusieurs pour la rassasier. Pour finir, elle hurla une dernière fois, longuement. Tel une louve cherchant sa meute.
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