Vieillard
Le dessin est un art
Il sera toujours là
Étoiles disparues
Se nourrir des autres
Pourquoi elle?
Tel une louve
Prolongement du rocher, harmonie
Chaleur d'illusion
Armes en larmes
S'abandonner (Drabble)
Un bouquet d'écume
Vieillard
La fatigue et la faim noyaient sa lucidité sous leurs masses. Il avait toujours été un homme calme et s'emportait rarement. À chacune des fois où il avait perdu patience, il avait, en aval, réfléchis longuement. Mais aujourd'hui, tout cela avait disparu. Il était devenu humain, être cruel, ne posant que très peu de réflexions sur le papier. Tout ceci avait eu raison de lui. Il bouillonnait pour la moindre chose. Le monde entier l'avait toujours dénigré. Ils l'avaient tous défini comme femme. Quand il les contredisaient, ils le méprisaient, lui jetant des graviers mêlés à du sable dans la figure, l'insultant de toutes sortes de noms vulgaires. Sa mère, même, l'avait refusé dans sa maison lui disant qu'il était sa honte, qu'il brisait la tradition de mère à fille.
Une violente bourrasque le frappa de plein fouet, le faisant tituber, pris par surprise. À petit pas, le vieillard dans son corps, l'enfant dans sa tête, quitta le boulevard désert à cette heure tardive. Il rejoint sa tanière par une petite rue tortueuse, transi par le froid. La famine lui tordait le ventre, le si peu qu'il avait mangé ces derniers jours ne lui suffisait plus. Il déposa ses trouvailles près de son nid où s'entassaient toutes sortes de papier et de crayon, puis se mit en quête d'une âme charitable. Il avait eu ses habitudes chez une jeune dame. Si elle ne l'avait jamais invité à rester chez elle pour la nuit, elle l'avait maintes fois fait entrer dans son petit appartement, une heure ou deux, à manger. Lorsque enfin il avait réussi à être rassuré en sa présence, il s'est confié à elle. Il lui a avoué ce qu'il avait fini par cacher, ce pourquoi il avait tant été rejetté. À cette époque, son cœur était meurtri, il n'osait plus. Il ne pouvait dire à qui passait dans la rue, ceci. Il n'était guère en meilleur état maintenant, mais au moins il n'était plus incapable de le clamer.
En quelques secondes, la jeune adulte s'était reculée, paniquée, les yeux emplis de crainte. Elle avait gémi, ses mains s'étaient mises à trembler et d'une voix chevrotante, elle lui avait demandé "Tu as fini?" Brisé, il avait hoché faiblement la tête. D'un pas trébuchant, elle s'était dirigée vers l'entrée donnant sur la ruelle sombre. Il s'était levé quelques instants après elle et était sorti, résigné. Plus jamais il ne pourrait avoir le courage accorder sa confiance à quelqu'un. Il avait été trahi trop de fois. Il affirmerait ce qu'il pense mais n'aurait jamais plus, foi en personne.
Arrivé devant une porte de bois, aux petits carreaux de verre bordant le haut. On voyait une lumière à travers ceux ci. Il frappa, plein de lassitude. Un enfant vient lui ouvrir, il bondit en arrière devant son apparence. Passé sa frayeur, le gamin l'observa quelques instants puis appela "Papa! Y a une vieille dame!" Le vieillard se mordit les lèvres, serra les poings mais fit profil bas. Même sa rage mise de côté, il était incapable de s'attendrir devant la petite voix, toute douce. Il était bien humain. Un jeune homme apparut au détour d'un escalier gémissant sous son poids. Le parent passa son fils derrière lui, d'une main sur l'épaule. Il fronça les sourcils, méfiant et questionna le vieil homme sur ce qu'il voulait. Il répondit "Tout ce qui se mange, ou encore mieux, une histoire." À la fin de sa phrase, il avait l'air rêveur. L'adulte disparut sans réponse pour revenir quelques instants plus tard, avec un bout de pain sec à la main. Pendant ce court laps de temps, le jeune l'avait dévisagé longuement, intrigué.  Le vieil homme remercia le père faiblement et cracha presque "Et c'est vieil homme. Pas vieille dame." Le parent comprit à la seconde. D'une main il repoussa le gamin  loin derrière lui et de l'autre il ferma la porte avec empressement. Ainsi même les plus jeunes y croyaient. Ils pensaient tous qu'il était malade, fou, dangereux. L'homme âgé rebroussa chemin tout en ruminant cet épisode. La famille avait été  plus clémente que la plupart. Beaucoup lui ont claqué la porte au nez avant même qu'il n'ait fini sa demande. Il s'assit contre un mur et fouilla dans ses maigres récoltes. Il n'y avait que des pages noircies par l'encre et tout ce qui permettait de tracer. Toutes langues il y avait dans ces écrits. Il en choisit un et s'évada loin.
Pour rêver en liberté.
© Un_Reve_De_Liberte,
книга «Recueil de nouvelles».
Le dessin est un art
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