Chapitre 4
Ce fut avec un soulagement évident que je retournai en classe après la pause déjeuner. Les garçons n'avaient eu de cesse de me dévisager d'un air suspect chacun leur tour, ce qui m'avait en grande partie coupé l'appétit. Il était vrai que je faisais la coupable parfaite, étant la seule "Exemptée" du coin. Je crois que je n'avais jamais été aussi contente de me rendre en cours d'italien.
Je n'avais pas vraiment eu mon mot à dire quant au choix de la langue puisqu'on pouvait me considérer comme polyglotte et Lou avait tranché pour cette langue à cause de sa passion pour Leonardo di Caprio. Inutile de préciser que les langues étaient typiquement le genre de matière où je m'ennuyais. La première heure de cours passa à une lenteur mortelle et je ne pus m'empêcher de piquer du nez comme j'étais en pleine digestion. Cependant, la deuxième partie du cours était consacrée à la mise en pratique de la leçon en faisant des exercices. Je les terminai sans difficulté et Lou ne s'y attarda pas trop non plus.
Au bout d'un moment, comme nous étions les premières à avoir terminé et que le professeur ne nous prêtait aucune attention, mon amie me désigna mon sac d'un geste insistant. Je fronçai les sourcils avant que la lumière ne se fasse dans mon esprit. Le livre. Je scannai la salle du regard mais tout le monde était bien trop occupé pour nous regarder, d'autant plus que nous étions au fond de la salle. Lou rapprocha sa chaise de la mienne et je commençai à lire en murmurant à voix basse pour qu'elle puisse suivre.
"Chaque Fae a un élément dominant duquel il se sentira le plus proche. Cet élément est généralement celui qui se manifeste le premier chez l'enfant. L'air est l'élément le plus courant chez les Faes de par nos anciennes origines. Comme mentionné ci-dessus, l'esprit étant l'élément le plus rare à maitriser, ceux l'ayant comme élément dominant le sont encore plus."
Nous arrivions ensuite à un passage décrivant un à un chaque élément. J'allais commencer par le premier, la terre, mais Lou insista pour lire d'abord le paragraphe parlant de l'esprit. J'obéis de bon cœur, étant moi-même intriguée par cet élément mystérieux dont les capacités me laissaient perplexe.
"L'esprit est un élément fougueux qui possède plusieurs vertus. Il donne une force mentale permettant de renforcer nos autres compétences. Il est possible grâce à lui de permettre une connexion des esprits entre eux, même à une grande distance, ce qui diffère de la télépathie. Il fournit également la capacité de soigner des blessures plus ou moins grave. Bien sûr, tout cela demande un grand entraînement et une utilisation trop forte de cet élément pourrait être fatale. Nous avons vu les porteurs de cet élément accomplir bien des miracles depuis des siècles, notamment lorsque l'ancien monarque Eywan est parvenu à débloquer l'ancienne mémoire des..."
Alors que nous étions obnubilées par notre lecture, le livre me fut soudainement arraché des mains.
– Mademoiselle Asahina ! Mademoiselle Maury ! Pouvons-nous savoir ce que vous êtes en train de faire ?
Sans attendre notre réponse, il commença à feuilleter l'ouvrage ?
– Qu'est-ce que c'est que ça ? Un bouquin de sorcellerie pour adolescents ? C'est quelle langue ça d'abord ?
– C'est du grec ancien, s'empressa de répondre mon amie pour détourner tout soupçon, bien que la réalité soit loin d'être soupçonnable.
Le professeur nous lança un bref regard incrédule avant de refermer le livre dans un claquement sonore tout en secouant la tête.
– Peu importe, il me semble que nous sommes en cours d'italien ici, pas à un cours pour jeunes hellénistes, déclara-t-il en repartant vers son bureau, le livre sous le bras.
– Excusez-moi monsieur, intervins-je, mais ce livre est à nous.
Sans pouvoir me l'expliquer, je ne pouvais supporter l'idée même qu'il touche cet ouvrage. Cela pouvait paraitre ridicule mais ça me tordait l'estomac.
– Vous le récupèrerez plus tard, jeune fille. J'aimerai y jeter un coup d'œil. Et puis comme ça je suis assuré que vous n'y retoucherez pas pendant vos heures de cours.
Je me fis violence pour ne pas répondre et me mordis la lèvre jusqu'à la faire sanguinoler. Je me murais dans le silence jusqu'à la sonnerie. C'était notre dernier cours de la journée et je m'empressai de tirer Lou à l'extérieur. Le professeur ferma la porte à clé derrière nous avant de partir prendre sa pause en salle des professeurs.
– Nous devons récupérer le livre ! Tout de suite !
– Hein ? Mais comment ? fit Lou interloquée. Je te signale qu'il est resté dans la salle, qui est par ailleurs fermée à clef. Et le prof saurait que c'est nous qui l'avons pris.
– C'est bien le dernier de mes problèmes, rétorquais-je. Je ne comprends pas moi-même, mon instinct me hurle de ne pas le lui laisser une minute de plus. Je ne suis peut-être qu'une novice, mais je sais qu'il y a des choses dans ce livres qu'il ne doit pas voir. Hors de question qu'il l'emmène chez lui !
– Et donc ? Tu comptes t'y prendre comment ? En escaladant ? La fenêtre à beau être ouverte, elle n'en reste pas moins au deuxième étage.
Nous étions parvenues de l'autre côté du bâtiment qui était désert et il était vrai que malgré ma soudaine détermination, je n'en menais pas large. Mon amie soupira en constatant mon absence de plan.
– Allez, il est temps de tester tes compétences de Fae !
Je fronçai les sourcils. Comment étais-je censée faire ?
– Bon, tu te souviens quand tu as fait refleurir les fleurs sur la tombe de tes parents ?
Je hochai la tête en signe d'accord même si je ne voyais pas où elle voulait en venir.
– Et bien tu ne pourrais pas faire la même chose avec l'arbre sous la fenêtre et faire en sorte qu'une branche soit à hauteur de la fenêtre ?
– Je ne contrôle pas ça Lou, fis-je d'un ton nerveux.
– Parce que tu n'as jamais vraiment essayé, me contrecarra-t-elle. Tu veux le récupérer, ce livre, ou pas ?
Vaincue, je m'approchai de l'arbre et posai ma main dessus sans trop savoir quoi faire d'autre. Comme il ne se produisait rien, j'essayai de repenser à cet autre jour au cimetière et je revisualisai la scène. Je fermai les yeux pour faire abstraction de tout bruit autour de moi qui n'était pas un son de la nature. J'entendais le bruit des oiseaux en ces dernières semaines d'été, le bruit du vent entre les feuilles, je le sentais même se faufiler entre mes cheveux. J'avais l'impression d'être légère, comme si la gravité n'existait plus pour moi, un peu comme si...
– C'est pas vrai Eiya, tu flottes !
Cela eut le mérite de me tirer de ma transe. Je réalisai qu'en effet, au lieu d'avoir fait pousser l'arbre, je me trouvai maintenant à hauteur de la fenêtre comme en lévitation. La réalisation me fit perdre ma concentration et j'eus le temps de me rattraper à l'appui de fenêtre avant de chuter. Je jetai un coup d'œil à ma montre, onze minutes étaient déjà passées et je n'en avais plus que quatre avant que le professeur ne revienne. Et il allait être difficile de lui expliquer comment j'étais arrivée là...
Sans prendre le temps de me remettre de mes émotions, je me faufilai dans la salle et repérai rapidement l'objet de ma quête. Je le serrai contre ma poitrine avant de rebrousser chemin. Je m'assis sur l'appui de fenêtre, les jambes pendant dans le vide, en proie à une soudaine panique.
– Heu...Et je fais comment maintenant ?
– Tu ne pourrais pas de nouveau invoquer le vent ?
– Je ne pense pas que ça marchera une nouvelle fois, avouais-je. C'est un peu plus effrayant dans ce sens.
Je vis mon amie réfléchir à un autre plan mais c'était trop tard, j'entendis le bruit de la serrure derrière moi. J'eus le réflexe de faire un mouvement vers l'avant pour m'abaisser et échapper au regard du professeur mais ce mouvement entraina ma chute. Je serrai le livre de toutes mes forces contre moi, m'accrochant à lui dans une prière silencieuse. J'étais même trop terrifiée pour crier, ce qui aurait d'ailleurs alerté les nouveaux arrivants de la salle de cours.
Mais alors que je me voyais déjà perdue, je sentis ma vitesse de chute diminuer jusqu'à avoir de nouveau cette sensation de flotter, bien que moins fortement que la première fois. J'avais l'impression d'être portée par l'air. Des bras solides vinrent m'accueillir à la fin de ma chute.
J'ouvris alors mes yeux que je n'avais pas conscience d'avoir fermé et ils se fixèrent, fascinés, dans deux perles topaze. Vu d'en dessous, j'avais une vue magnifique sur les longs cils de Lysandre qui donnaient une profondeur à son regard. Une nouvelle fois, j'avais envie de tendre la main pour caresser sa joue qui avait l'air tellement douce sur sa peau sans défaut.
Un raclement de gorge me sortit de ma contemplation et je me hâtai de me redresser, balbutiant quelques remerciements à celui qui avait amorti ma chute. Je remarquai seulement maintenant que Dace se tenait aux côtés de Lou. Je rougis fortement en remarquant le regard plus qu'éloquent que portaient les garçons au livre qui était toujours entre mes mains. Je l'avais serré tellement fort en tombant que les coins de l'ouvrages avaient marqué mes mains. Lysandre ouvrait la bouche pour parler quand Lou l'interrompit :
– Pourrait-on aller parler ailleurs ? Nous venons seulement de reprendre le livre à monsieur Moretti alors si nous pouvions éviter que nos éclats de voix lui parviennent...
Le brun haussa un sourcil interrogateur mais nous fit signe de le suivre sans dire un mot. Je songeai à en profiter pour prendre la fuite mais nous étions encadrées par Dace et lui. De plus, son regard montrait qu'il était loin de plaisanter et je ne tenais pas à jouer avec mon espérance de vie. Ils nous entraînèrent jusqu'à la cour tout en s'assurant de rester loin des oreilles indiscrètes.
– Je vous écoute, expliquez-nous comment ce livre s'est retrouvé en votre possession, attaqua Lysandre en croisant ses bras sur son torse.
Je tâchai de ne pas regarder avec trop d'insistance ces bras musclés qui m'avaient rattrapé quelques minutes plus tôt et lançai un regard à Lou. Voyant que nous ne savions que dire, le brun reprit :
– Commençons par le début, que faisais-tu perchée à cette fenêtre et pourquoi votre professeur avait le livre ? me demanda-t-il en se tournant vers moi.
– Il nous l'a confisqué en cours, admis-je, embarrassée par ma bêtise. Mais tout va bien maintenant, nous l'avons récupéré.
– Espèce d'idiote ? Ce n'est pas parce que tu es une Exemptée que tu peux te permettre de dévoiler notre existence aux humains ! Deux gamines qui se racontent des histoires de magie passent encore mais n'y mêlez pas les autres !
Je rêvai où il venait tout juste de nous traiter de gamines alors que nous avions le même âge ? Je lui lançai un regard mauvais tandis que Dace s'avançait pour tenter de calmer le jeu.
– Du calme Agrest, je crois qu'elles ont compris et qu'elles vont être discrètes à partir de maintenant, n'est-ce pas les filles ? Pourriez-vous nous rendre le livre maintenant, s'il vous plait ? ajouta-t-il en tendant la main vers moi.
Je resserrais par réflexe mon bien contre moi. Je savais qu'il leur appartenait mais je n'arrivais pas à me détacher de cet ouvrage qui m'apportait enfin toutes les réponses dont j'avais besoin. Et j'étais loin de l'avoir terminé.
– Nous pourrions peut-être vous le rendre plus tard ? J'aimerais vérifier encore quelques petites choses...
– En quoi est-ce que ça concerne une Exemptée comme toi ? rétorqua le brun.
Je sentis mon sang bouillir dans mes veines.
– C'est aussi l'histoire de mon monde je te signale !
– Cela suffit les caprices ! Vous n'auriez jamais dû prendre ce livre et vous allez nous le rendre tout de suite.
Il se saisit du bas de l'ouvrage mais je le retins. Malheureusement, il avait plus de force que moi et il me glissa petit à petit des mains.
– Rends-moi ça ! m'écriais-je soudainement dans un mélange de peur et de colère.
Instinctivement, ma main vint saisir son poignet pour l'arrêter dans son geste et il glapit de douleur. Je le regardai, surprise que ce simple contact lui fasse mal mais je me figeai en constatant les traces de brûlure sur son bras. J'eus un hoquet de surprise en comprenant ce qu'il venait de se passer. Je tirai d'un coup sec sur le bouquin pour le dégager de sa poigne avant de m'enfuir en courant, Lou sur les talons.
Et merde, qu'est-ce que j'avais encore fait ?
Je n'avais pas vraiment eu mon mot à dire quant au choix de la langue puisqu'on pouvait me considérer comme polyglotte et Lou avait tranché pour cette langue à cause de sa passion pour Leonardo di Caprio. Inutile de préciser que les langues étaient typiquement le genre de matière où je m'ennuyais. La première heure de cours passa à une lenteur mortelle et je ne pus m'empêcher de piquer du nez comme j'étais en pleine digestion. Cependant, la deuxième partie du cours était consacrée à la mise en pratique de la leçon en faisant des exercices. Je les terminai sans difficulté et Lou ne s'y attarda pas trop non plus.
Au bout d'un moment, comme nous étions les premières à avoir terminé et que le professeur ne nous prêtait aucune attention, mon amie me désigna mon sac d'un geste insistant. Je fronçai les sourcils avant que la lumière ne se fasse dans mon esprit. Le livre. Je scannai la salle du regard mais tout le monde était bien trop occupé pour nous regarder, d'autant plus que nous étions au fond de la salle. Lou rapprocha sa chaise de la mienne et je commençai à lire en murmurant à voix basse pour qu'elle puisse suivre.
"Chaque Fae a un élément dominant duquel il se sentira le plus proche. Cet élément est généralement celui qui se manifeste le premier chez l'enfant. L'air est l'élément le plus courant chez les Faes de par nos anciennes origines. Comme mentionné ci-dessus, l'esprit étant l'élément le plus rare à maitriser, ceux l'ayant comme élément dominant le sont encore plus."
Nous arrivions ensuite à un passage décrivant un à un chaque élément. J'allais commencer par le premier, la terre, mais Lou insista pour lire d'abord le paragraphe parlant de l'esprit. J'obéis de bon cœur, étant moi-même intriguée par cet élément mystérieux dont les capacités me laissaient perplexe.
"L'esprit est un élément fougueux qui possède plusieurs vertus. Il donne une force mentale permettant de renforcer nos autres compétences. Il est possible grâce à lui de permettre une connexion des esprits entre eux, même à une grande distance, ce qui diffère de la télépathie. Il fournit également la capacité de soigner des blessures plus ou moins grave. Bien sûr, tout cela demande un grand entraînement et une utilisation trop forte de cet élément pourrait être fatale. Nous avons vu les porteurs de cet élément accomplir bien des miracles depuis des siècles, notamment lorsque l'ancien monarque Eywan est parvenu à débloquer l'ancienne mémoire des..."
Alors que nous étions obnubilées par notre lecture, le livre me fut soudainement arraché des mains.
– Mademoiselle Asahina ! Mademoiselle Maury ! Pouvons-nous savoir ce que vous êtes en train de faire ?
Sans attendre notre réponse, il commença à feuilleter l'ouvrage ?
– Qu'est-ce que c'est que ça ? Un bouquin de sorcellerie pour adolescents ? C'est quelle langue ça d'abord ?
– C'est du grec ancien, s'empressa de répondre mon amie pour détourner tout soupçon, bien que la réalité soit loin d'être soupçonnable.
Le professeur nous lança un bref regard incrédule avant de refermer le livre dans un claquement sonore tout en secouant la tête.
– Peu importe, il me semble que nous sommes en cours d'italien ici, pas à un cours pour jeunes hellénistes, déclara-t-il en repartant vers son bureau, le livre sous le bras.
– Excusez-moi monsieur, intervins-je, mais ce livre est à nous.
Sans pouvoir me l'expliquer, je ne pouvais supporter l'idée même qu'il touche cet ouvrage. Cela pouvait paraitre ridicule mais ça me tordait l'estomac.
– Vous le récupèrerez plus tard, jeune fille. J'aimerai y jeter un coup d'œil. Et puis comme ça je suis assuré que vous n'y retoucherez pas pendant vos heures de cours.
Je me fis violence pour ne pas répondre et me mordis la lèvre jusqu'à la faire sanguinoler. Je me murais dans le silence jusqu'à la sonnerie. C'était notre dernier cours de la journée et je m'empressai de tirer Lou à l'extérieur. Le professeur ferma la porte à clé derrière nous avant de partir prendre sa pause en salle des professeurs.
– Nous devons récupérer le livre ! Tout de suite !
– Hein ? Mais comment ? fit Lou interloquée. Je te signale qu'il est resté dans la salle, qui est par ailleurs fermée à clef. Et le prof saurait que c'est nous qui l'avons pris.
– C'est bien le dernier de mes problèmes, rétorquais-je. Je ne comprends pas moi-même, mon instinct me hurle de ne pas le lui laisser une minute de plus. Je ne suis peut-être qu'une novice, mais je sais qu'il y a des choses dans ce livres qu'il ne doit pas voir. Hors de question qu'il l'emmène chez lui !
– Et donc ? Tu comptes t'y prendre comment ? En escaladant ? La fenêtre à beau être ouverte, elle n'en reste pas moins au deuxième étage.
Nous étions parvenues de l'autre côté du bâtiment qui était désert et il était vrai que malgré ma soudaine détermination, je n'en menais pas large. Mon amie soupira en constatant mon absence de plan.
– Allez, il est temps de tester tes compétences de Fae !
Je fronçai les sourcils. Comment étais-je censée faire ?
– Bon, tu te souviens quand tu as fait refleurir les fleurs sur la tombe de tes parents ?
Je hochai la tête en signe d'accord même si je ne voyais pas où elle voulait en venir.
– Et bien tu ne pourrais pas faire la même chose avec l'arbre sous la fenêtre et faire en sorte qu'une branche soit à hauteur de la fenêtre ?
– Je ne contrôle pas ça Lou, fis-je d'un ton nerveux.
– Parce que tu n'as jamais vraiment essayé, me contrecarra-t-elle. Tu veux le récupérer, ce livre, ou pas ?
Vaincue, je m'approchai de l'arbre et posai ma main dessus sans trop savoir quoi faire d'autre. Comme il ne se produisait rien, j'essayai de repenser à cet autre jour au cimetière et je revisualisai la scène. Je fermai les yeux pour faire abstraction de tout bruit autour de moi qui n'était pas un son de la nature. J'entendais le bruit des oiseaux en ces dernières semaines d'été, le bruit du vent entre les feuilles, je le sentais même se faufiler entre mes cheveux. J'avais l'impression d'être légère, comme si la gravité n'existait plus pour moi, un peu comme si...
– C'est pas vrai Eiya, tu flottes !
Cela eut le mérite de me tirer de ma transe. Je réalisai qu'en effet, au lieu d'avoir fait pousser l'arbre, je me trouvai maintenant à hauteur de la fenêtre comme en lévitation. La réalisation me fit perdre ma concentration et j'eus le temps de me rattraper à l'appui de fenêtre avant de chuter. Je jetai un coup d'œil à ma montre, onze minutes étaient déjà passées et je n'en avais plus que quatre avant que le professeur ne revienne. Et il allait être difficile de lui expliquer comment j'étais arrivée là...
Sans prendre le temps de me remettre de mes émotions, je me faufilai dans la salle et repérai rapidement l'objet de ma quête. Je le serrai contre ma poitrine avant de rebrousser chemin. Je m'assis sur l'appui de fenêtre, les jambes pendant dans le vide, en proie à une soudaine panique.
– Heu...Et je fais comment maintenant ?
– Tu ne pourrais pas de nouveau invoquer le vent ?
– Je ne pense pas que ça marchera une nouvelle fois, avouais-je. C'est un peu plus effrayant dans ce sens.
Je vis mon amie réfléchir à un autre plan mais c'était trop tard, j'entendis le bruit de la serrure derrière moi. J'eus le réflexe de faire un mouvement vers l'avant pour m'abaisser et échapper au regard du professeur mais ce mouvement entraina ma chute. Je serrai le livre de toutes mes forces contre moi, m'accrochant à lui dans une prière silencieuse. J'étais même trop terrifiée pour crier, ce qui aurait d'ailleurs alerté les nouveaux arrivants de la salle de cours.
Mais alors que je me voyais déjà perdue, je sentis ma vitesse de chute diminuer jusqu'à avoir de nouveau cette sensation de flotter, bien que moins fortement que la première fois. J'avais l'impression d'être portée par l'air. Des bras solides vinrent m'accueillir à la fin de ma chute.
J'ouvris alors mes yeux que je n'avais pas conscience d'avoir fermé et ils se fixèrent, fascinés, dans deux perles topaze. Vu d'en dessous, j'avais une vue magnifique sur les longs cils de Lysandre qui donnaient une profondeur à son regard. Une nouvelle fois, j'avais envie de tendre la main pour caresser sa joue qui avait l'air tellement douce sur sa peau sans défaut.
Un raclement de gorge me sortit de ma contemplation et je me hâtai de me redresser, balbutiant quelques remerciements à celui qui avait amorti ma chute. Je remarquai seulement maintenant que Dace se tenait aux côtés de Lou. Je rougis fortement en remarquant le regard plus qu'éloquent que portaient les garçons au livre qui était toujours entre mes mains. Je l'avais serré tellement fort en tombant que les coins de l'ouvrages avaient marqué mes mains. Lysandre ouvrait la bouche pour parler quand Lou l'interrompit :
– Pourrait-on aller parler ailleurs ? Nous venons seulement de reprendre le livre à monsieur Moretti alors si nous pouvions éviter que nos éclats de voix lui parviennent...
Le brun haussa un sourcil interrogateur mais nous fit signe de le suivre sans dire un mot. Je songeai à en profiter pour prendre la fuite mais nous étions encadrées par Dace et lui. De plus, son regard montrait qu'il était loin de plaisanter et je ne tenais pas à jouer avec mon espérance de vie. Ils nous entraînèrent jusqu'à la cour tout en s'assurant de rester loin des oreilles indiscrètes.
– Je vous écoute, expliquez-nous comment ce livre s'est retrouvé en votre possession, attaqua Lysandre en croisant ses bras sur son torse.
Je tâchai de ne pas regarder avec trop d'insistance ces bras musclés qui m'avaient rattrapé quelques minutes plus tôt et lançai un regard à Lou. Voyant que nous ne savions que dire, le brun reprit :
– Commençons par le début, que faisais-tu perchée à cette fenêtre et pourquoi votre professeur avait le livre ? me demanda-t-il en se tournant vers moi.
– Il nous l'a confisqué en cours, admis-je, embarrassée par ma bêtise. Mais tout va bien maintenant, nous l'avons récupéré.
– Espèce d'idiote ? Ce n'est pas parce que tu es une Exemptée que tu peux te permettre de dévoiler notre existence aux humains ! Deux gamines qui se racontent des histoires de magie passent encore mais n'y mêlez pas les autres !
Je rêvai où il venait tout juste de nous traiter de gamines alors que nous avions le même âge ? Je lui lançai un regard mauvais tandis que Dace s'avançait pour tenter de calmer le jeu.
– Du calme Agrest, je crois qu'elles ont compris et qu'elles vont être discrètes à partir de maintenant, n'est-ce pas les filles ? Pourriez-vous nous rendre le livre maintenant, s'il vous plait ? ajouta-t-il en tendant la main vers moi.
Je resserrais par réflexe mon bien contre moi. Je savais qu'il leur appartenait mais je n'arrivais pas à me détacher de cet ouvrage qui m'apportait enfin toutes les réponses dont j'avais besoin. Et j'étais loin de l'avoir terminé.
– Nous pourrions peut-être vous le rendre plus tard ? J'aimerais vérifier encore quelques petites choses...
– En quoi est-ce que ça concerne une Exemptée comme toi ? rétorqua le brun.
Je sentis mon sang bouillir dans mes veines.
– C'est aussi l'histoire de mon monde je te signale !
– Cela suffit les caprices ! Vous n'auriez jamais dû prendre ce livre et vous allez nous le rendre tout de suite.
Il se saisit du bas de l'ouvrage mais je le retins. Malheureusement, il avait plus de force que moi et il me glissa petit à petit des mains.
– Rends-moi ça ! m'écriais-je soudainement dans un mélange de peur et de colère.
Instinctivement, ma main vint saisir son poignet pour l'arrêter dans son geste et il glapit de douleur. Je le regardai, surprise que ce simple contact lui fasse mal mais je me figeai en constatant les traces de brûlure sur son bras. J'eus un hoquet de surprise en comprenant ce qu'il venait de se passer. Je tirai d'un coup sec sur le bouquin pour le dégager de sa poigne avant de m'enfuir en courant, Lou sur les talons.
Et merde, qu'est-ce que j'avais encore fait ?
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