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Sa robe violette virevolte comme une fleur qui s'ouvre un matin de printemps. Bien sûr, je ne l'aurais jamais trouvé aussi belle si elle n'avait pas été ce qu'elle est pour moi. Parce que, même si parfois je me demande encore comment c'est possible, cette petite fleur violette est ma meilleure amie. Celle qui est là depuis ma première fois à vélo, depuis mon premier amour, depuis mes premières compétitions de VTT, depuis mes premières chutes...depuis toujours, quoi. Et aujourd'hui, elle est là, toujours aussi belle et rayonnante, dans sa robe préférée, prête à se fiancer. Parce que, oui, ma meilleure amie est déjà prise par un homme, et je peine toujours à garder la moitié de son cœur. Elle fait une dernière révérence digne d'une princesse avant de se tourner vers moi.
- Alors, tu crois que ça le fera ? Me demande-t-elle une troisième fois.
Je lève les yeux au ciel et ça lui suffit pour la faire pouffer. Puis elle se redresse et positionne ses chaussures devant elle. Elle les essaye puis se déchausse, indécise.
- Je me disais... commence-t-elle en levant ces grands yeux verts vers moi.
- Nan, je la coupe en agitant les mains, c'est hors de question.
- Sérieusement Anna... Tu serais tellement...
Elle s'arrête soudainement et je la fusille du regard, sachant déjà la fin de sa phrase.
- Tellement quoi, hein ? Je lâche avec une moue.
- Ok, c'est bon j'arrête, abandonne-t-elle en tournant autour de sa paire de chaussures. Mais tu trouves pas que ça fait un peu beaucoup là...? Pas de robe, pas de maquillage, pas de... petit copain? Ajoute-t-elle en baissant la voix.
Je fais mine de vomir. Tout sauf ça ma vielle !
- Non, pas de petit copain, Noémie. Mais bon, je veux bien faire un effort sur la robe. Mais t'as intérêt à ce qu'elle soit pas trop voyante, pas trop courte, et pas de rose hein.
Elle pouffe encore et se place derrière moi. Puis elle pose la tête sur mon épaule, et me souffle dans l'oreille.
- T'inquiète pas, tu seras tellement belle qu'on se demandera si c'est pas plutôt toi la fiancée... et puis là, soudain, tu verras un bel...
- ...oiseau par la fenêtre, je continue morose.
- Si tu veux, fait Noémie un peu déçue.
Je m'apprête à lui sortir une blague affreuse quand elle m'arrête d'un geste et soulève mon t-shirt. Surprise, je recule mais elle me retient de ses petits bras frèles. Elle observe ma taille et je me laisse faire jusqu'à ce qu'elle appuie sur mes abdos.
- Hé ! Je m'écris en reculant.
Elle pouffe et rajuste son chignon en réfléchissant à je ne sais quoi.
- Je regarde simplement ta taille, Anna. Tu sais, j'essaye de voir quelle robe pourrait t'aller à merveille, tu vois. Bon, ta morphologie est comme la mienne, en X. Tes épaules sont super musclées, donc...je pense, hein que tu devrais porter plutôt une robe avec des fines bretelles, tu vois. Ouais ça pourrais ...
Elle s'arrête soudainement voyant que je m'assoie sur le canapé, les jambes complètement écartées et la tête en arrière.
- Tu m'écoutes là ? Demande-t-elle, les mains sur les hanches.
- Absolument pas, je répond avec un sourire.
Alors, sans crier gare, elle me tire par la main et m'entraîne dans une danse folle. Nous tournons à travers son salon, autour de boîtes, chaussures et maquillage. Je ne peux m'empêcher d'éclater de rire en la voyant papillonner des yeux comme une folle. Nous éclatons de rire plusieurs fois d'affilée, faisant de notre danse un bordel armonieux. Puis je la fait tourbillonner rapidement avant de la lâcher doucement; et elle finit sur le fauteuil, essoufflée et toute rouge, mais le cœur rempli de joie.
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Je ferme la porte du hall du bâtiment, m'imaginant fermer le portail d'un immense château dont la princesse serait nullement Noémie. Et son fiancé sera donc son prince charmant. Et moi, je serais donc... Je m'arrête au milieu du trottoir, obligeant les passants à me contourner avec des regards méfiants. Qui suis je dans cette histoire ? Personne. Un fantôme. Anna le fantôme. Juste un souvenir, un nom, un corps mais rien d'autre. Jusque là assez joyeuse, mon moral retombe et lorsque je me remet à marcher, mon petit sourire a disparu.
J'aurais voulu qu'il pleuve, mais le soleil est toujours là, et, en plus de se ressembler, les journées s'allongent. Lorsque je rentre dans mon petit studio, personne ne m'attend. Mon frère ne rentrera pas ce soir. Je soupire et me déshabille lentement tout en réfléchissant à mon planning de demain. Grasse matinée, brunch en famille puis VTT en forêt. Le planning d'un dimanche ordinaire, en fait. Une fois débarrassée de mes affaires, j'enfile un poncho et allume la télé. Puis je commence à me faire cuire des pâtes, en manque d'inspiration culinaire.
La célèbre écrivaine et universitaire Alicia Castagnet annonce aujourd'hui son départ pour commencer une nouvelle vie accompagnée de son fils, annonce le jeune présentateur télé de je-ne-sais-quoi. Après une période difficile, l'auteur de Mon fils et lui, révèle enfin ses projets.
Je baisse le son, peu intéressée par ces histoires de gens inconnus. Je cherche des tranches de jambons dans le frigo pendant que les pâtes cuisent. Introuvables. Je jette mon révolu sur des saucisses, sans résultat. Je jure et décide de faire ma liste de cours pour la prochaine fois. Je jette un coup d'oeil sur le journal télévisé. Une femme, brune et qui semble épuisée apparaît à l'écran. Castagnet. J'ai déjà entendu ce nom, mais il m'est impossible de me rappeler où. Ennuyée et fatiguée, j'éteins la télé et prends une banane comme repas.
Il ne reste plus qu'à réussir à se bouger les neurones pour finir mes QCM sans m'emmêler les pinceaux.
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