« Une exception ? répéta Aron.
—Oui. Dans l'unique cas où l'un des deux royaumes rencontrerait un tel problème qu'il ne pourrait le régler sans aide extérieur, un membre pourrait aller dans l'autre royaume pour y trouver de l'aide, à condition que l'étranger vienne en premier lieu se présenter aux souverains et expliquer la raison de sa venue. Il y a déjà eu des cas comme Naya, qui perdaient subitement leur magie, même si cela impliquait de la magie « ordinaire ». Les pertes de magie sont dangereuses car elles mettent en péril notre royaume, expliqua Nymeria.
—Le royaume des esprits possède infiniment plus de connaissances que nous sur tout ce qui est lié de près ou de loin à la magie, tandis que Caliawen en possède autant sur les savoirs plus... intellectuels si on veut, comme la médecine ou la physique. Comme les esprits n'ont plus de corps physique, ce genre de choses leur est impossible à mettre en place, parce qu'il faut des outils du monde des vivants pour les exercer, des outils qu'ils ne peuvent pas fabriquer à Spiritheim. Comme il y avait des manques dans chacun des deux royaumes, cette exception a été mise en place de sorte que les deux puissent tout de même compter l'un sur l'autre en cas d'urgence importante. », ajouta Caladan. « Mais pour des raisons politiques, aucun des souverains ne pouvait se rendre à l'autre royaume.
—Les problèmes magiques sont liés à la magie d'une personne. Pour nous, la règle est qu'il faut que ce soit la personne que cette dernière chérit le plus qui doit y aller, termina la mère d'Aron.
—Attendez une seconde ! Si seule la famille royale est censée être au courant, pourquoi Tante Taylor est au courant ?! », s'exclama Sunset.
La concernée se tourna vers elle.
« Parce que j'ai dû m'y rendre pour sauver Nymeria, il y a longtemps. La naissance de Calypso avait pompé toute la magie de sa mère. Comme je suis sa meilleure amie et que je n'étais pas souveraine mais simplement comtesse, j'y suis allée. C'est uniquement pour ça que je suis au courant. Aron, tu es le seul qui puisse y aller !
—Comment ça ? Sunset aussi est très proche de Naya. Alors pourquoi moi ?
—Non, ta mère a raison. Cela m'arrache la gorge de le dire mais tu es celui auquel Nayana tient le plus, après sa grand-mère. Et puis, je tiens à te rappeler que c'est toi qui a indirectement déclenché la forme qui l'a mise dans cet état, d'après ce que tu nous as raconté, alors prends tes responsabilités Aldaron. », dit sèchement Calypso. « C'est parce que cela l'a énervé de te voir dans cet état à cause des Darksouls qu'il s'est passé ça. Si vous étiez restés ensemble dès le début, on n’en serait peut-être pas là !
—Et cela me l'arrache encore plus de le dire, mais je suis d'accord avec Miss Vipère. », marmonna Sunset. « Il y a quelque chose qui fait que ça clique d'une manière particulière entre vous. Si cela avait été moi à ta place Aron, je suis persuadée que Naya aurait tout de même réussi à chasser les Darksouls, sans prendre cette forme.
—Pour avoir des réponses à toutes ces questions, il faut parler à Lyna. Et donc aller à Spiritheim. Aron, tu dois d'y rendre. La vie de Nayana en dépend, tu sais très bien que quelqu'un qui perd subitement sa magie ne peut pas survivre très longtemps, le pressa sa mère.
—Alors, la question ne se pose même plus. Comment on y va ?
—Par un portail spécial, qu'on ouvre depuis un miroir, répondit Caladan.
—Mais tu ne peux pas y aller tout de suite, tu n'as pas complètement récupéré. », objecta Sunset.
Personne ne put répondre car, au même moment, la mèche de cheveux qu'Aron tenait toujours se mit à briller. Toute la chevelure de Naya s’illumina et, petit à petit, la même lumière entoura le rouge, sous les regards choqués de tous. Il sentit ses forces et son énergie revenir à leur maximum puis les cheveux ébènes de la mage s'arrêtèrent de briller. Aron lâcha la mèche, n'en revenant pas.
« Que s'est-il passé ?
—Aucune idée. Il faudra sûrement demander à Lyna également. Elle connaît son pouvoir mieux que personne. », répondit sa mère. « En tout cas, tu sembles avoir retrouvé tes forces, donc prépares-toi. »
Quelques heures après, après avoir dormi un peu (merci à Caladan qui avait utilisé un sort d'hypnose pour qu'il dorme), Aron et les autres se retrouvèrent dans la chambre de Naya. Aron déposa un baiser sur la temps de Naya, avant d'indiquer qu'il était prêt à y aller. Les lèvres de la terrienne s'étirèrent en un sourire apaisé, mais seule sa meilleure amie le remarqua. Elle commençait à réaliser ce qu'il venait de se passer.
Taylor s'approcha du miroir en pied de la pièce et posa une main sur la surface réfléchissante.
« Un problème magique requiert votre expertise ! Ouvre-toi, porte de Spiritheim ! », récita Taylor.
Le miroir brilla puis un portail s'ouvrit, aspirant le jeune homme. Taylor se tourna ensuite vers les souverains.
« Bon, en attendant, il faut empêcher l'état de Naya de se dégrader. Et pour ça, il faudra lui transmettre continuellement un tout petit peu de magie, assez pour qu'elle survive le temps qu'Aron revienne.
—Et il vaudrait mieux prioriser la magie en lien avec la nature. Naya ne supporte pas les matières synthétiques, alors je n'ose imaginer comment son corps pouvait réagir si on lui donnait de la magie qui n'a aucun lien avec la nature, songea Sunset.
—Alors il faut faire venir des elfes. Ils ont tous un pouvoir en lien avec la nature, mais différent. Taylor, c'est la magie des gemmes, fit Nymeria.
—Qui viennent de la terre, sourit Taylor.
—Je vais chercher Nakoa. Il a la magie du bois, ajouta Sunset.
—Nakoa ? l'interrogea sa tante.
—C'était mon cavalier et on s'est tout de suite bien entendus. On a donc décidé de garder contact.
—Alors va le chercher. Je vais faire venir tous les elfes disponibles et on mettra en place un roulement de sorte que Naya reçoive de la magie en continu. », conclut le roi.
Aussitôt, tous s'éparpillèrent. Seule Calypso resta dans la chambre. Elle regarda le visage de Nayana, agacée.
« Tu sais ce qui m'énerve chez toi ? C'est que, même quand tu es faible, tout le monde fait le maximum pour t'aider. Combien de fois j'ai été sanctionnée pour les misères que je te faisais vivre, quand on était à l'école ? Je ne pouvais pas être renvoyée, car tu ne t'étais pas plainte. Mais tous les professeurs te soutenaient et tu ne t'en es jamais rendue compte ! Et c'est le cas également maintenant. Tout le monde t'a soutenu avant, et tout le monde te soutient toujours. Quand vas-tu enfin comprendre que tu n'es pas seule ? Tu es belle, intelligente et gentille, comment veux- tu te retrouver toute seule ? Tu sais combien de personnes aimeraient avoir ne serait-ce qu'un dixième de ton charme naturel qui pousse les autres à te soutenir dans toutes les difficultés ? »
Calypso soupira puis sortit de la pièce.
Loin de Caliawen, dans le château de Darkheim, la capitale de Helheim, deux personnes regardaient les événements depuis une sphère magique. Il y avait une femme et un homme, un homme qui n'aurait jamais dû se retrouver là en temps normal. L'homme avait des cheveux rouges, des yeux noisettes ainsi que des vêtements très sombres. La seule trace de couleur était son tee-shirt rouge foncé. A sa ceinture, il y avait des nunchakus rouge foncé attachés.
La femme avait des cheveux très longs et ondulés, avec une frange. Ils étaient violet foncé, assortis à son rouge à lèvres et elle avait des yeux bleus. Elle portait une robe asymétrique violet foncé et noir, ainsi que de très longs gants et des bottes assortis. Son épée sombre ne la quittait jamais, la faisant seulement apparaître quand elle le désirait.
« Il en aura fallu du temps Freyja, pour que ton stratagème fonctionne, dit l'homme.
—Je le sais Kazuto, mais il fallait qu'elle se rende compte de ses sentiments et quelque chose qui s'en prendrait suffisamment à ce mage pour déclencher sa colère. Pour que le sortilège fonctionne, il fallait que ces éléments soient réunis. Et étant donné que cette idiote est d'une nature très calme, il fallait mettre le paquet pour attiser sa fureur.
—D'où la monstrueuse attaque, comprit Kazuto.
—Freyja ! Kazuto ! », hurla la voix de leur maître.
Freyja fit disparaître la sphère d'espionnage et ils se précipitèrent vers la salle du trône, où siégeait leur maître. Ils mirent un genou à terre et s'inclinèrent.
« Nous voilà Maître Herumor. », dit la femme.
—Pourquoi vous faut-il tant de temps pour neutraliser une magicienne débutante, aussi puissante soit-elle ?! Si j'apprends que cela est dû à cette... chose, il y aura de graves répercussions !! menaça Herumor, mieux connu sous le pseudo de seigneur Obscur.
—Cela n'a strictement rien à voir Maître. Cette magicienne n'est pas du genre à s'énerver facilement, mais le plan de Freyja est en route. L'étape une a été un véritable succès, répondit Kazuto.
—En quoi consiste ce plan ? »
Freyja expliqua alors son plan à son maître. Ce dernier fronça les sourcils, constatant que c'était quitte ou double.
« Si cela échoue, nous serons franchement embêtés ! Et si cela arrive, vous en subirez les conséquences ! Tous les deux ! Faites quelque chose pour empêcher ce mage ridicule de perturber ce plan ! Lancez une invasion, faites quelque chose, bon sang !! Les deux meilleurs mages de Caliawen sont hors-circuit, faites-en sorte que cela serve à quelque chose ! Ramenez l'héritière de Lyna, que je puisse la regarder agoniser !!
—Considérez cela fait Maître. », dit Freyja.
Il les congédia et les deux sortirent.
« Bon, tu as entendu le Maître. Réunis le plus de Darksouls possibles et envoie-les au château d'Asgard. On profitera de la confusion pour enlever cette fille ! Ils ne s'attendront pas à une nouvelle attaque si tôt.
—Il y aura sûrement quelqu'un pour veiller sur elle, songea Kazuto.
—On fait partie d'Inferium, l'élite des combattants de notre Maître. Personne ne peut nous vaincre. », ricana Freyja.
L'homme rit également puis alla s'occuper de la tâche confiée par sa compagne. Cette dernière ordonna à ses subordonnées, des Darksouls humanoïdes, démontrant leur puissance, d'aller créer autant de Darksouls que possible afin de faire gonfler leurs rangs. Ces derniers s'exécutèrent et quittèrent.
Une fois dans ses appartements, Freyja fit apparaître son épée en stellanium, pierre encore plus solide que le diamant qui prenait la couleur de la magie de celui qui la touchait. L'épée était d'un violet si foncé qu'il paraissait presque noir et volait la force et la magie de ceux qu'elle tuait.
« Si quelqu'un tente de nous arrêter, je ferai couler son sang sur ma lame. », jura la femme, l'arme se dématérialisant dans sa main.
Du côté d'Aron, le jeune homme se retrouva alors devant un magnifique palais du blanc le plus pur qu'il était donné de voir. Une lumière divine semblait l'éclairer et les portes s'ouvrirent lorsque le rouge commença à avancer vers elles.
Il entra dans le château de Spiritheim. L'intérieur était très lumineux, avec uniquement du blanc, de l'or et de l'argent comme couleur, et très épuré, avec le strict minimum de meubles. Il demanda à un garde une audience auprès du roi Leo, qui se révéla être miraculeusement libre au même moment. Il fut rapidement conduit au roi. Il se distinguait des autres esprits en raison de son auréole et des ses immenses ailes de plumes blanches, qui lui conféraient le titre d'archange et de roi de Spiritheim. Aron fit une révérence comme il était de coutume et se présenta.
« Bonjour Votre Altesse, je suis Aldaron, mage de Caliawen.
—Quel urgence t'amène mon grand ? demanda Leo d'une voix à la fois sévère et douce.
—J'aimerais discuter avec l'esprit de la mage Lyna, c'est très important.
—C'est à quel sujet ?
—Nayana, sa petite-fille et l'héritière de ses pouvoirs. Lyna est la seule à tout savoir sur la magie de lumière pure et son aide nous est indispensable.
—Je pense qu'il est inutile de vous demander si vous êtes la personne à laquelle Nayana tient le plus, vous ne seriez pas là autrement. Je ressens un immense sentiment d'urgence dans votre âme. C'est d'accord. Conduisez ce jeune homme à la prêtresse de Spiritheim ! », ordonna le roi.
Aussitôt, une poignée d'esprits de la garde arriva. Ils auraient eu l'air parfaitement humains si la couleur de leur âme, qui était celle de leurs cheveux quand ils étaient encore en vie, ne les habillait pas de la racine des cheveux jusqu'au bout des orteils. Ils lui firent signe de les suivre et Aron s'exécuta. Il fut conduit à travers les rues de ce qui devait être la capitale de Spiritheim. Tout était à l'image du château : épuré, très lumineux.
Ils finirent par arriver devant une sorte de temple. Les gardes s'écartèrent et Aron toqua avant d'entrer. Lyna l'attendait à quelques mètres de la porte. Tous comme les autres esprits, la couleur de son âme, identique à celle de sa petite-fille, l'habillait entièrement.
« Je t'attendais Aldaron, annonça Lyna.
—Comment...
—Depuis ma mort, je n'ai cessé de veiller sur ma petite-fille, grâce au fait que nous possédions le même pouvoir mais à des époques différentes. Cependant, cela fait un moment que je n'ai pas réussi à la voir dans ma sphère magique. »
Elle lui fit signe de la suivre et elle le conduisit dans un salon. Au centre de la pièce, il y avait une table avec une sphère de magie lévitant au-dessus.
« Depuis quand avez- vous perdu le contact ?
—Depuis votre sortie au restaurant, le meilleur d'Alfheim.
—Mais c'était il y a un bout de temps... que s'est-il passé pour que vous perdiez le contact ?
—Je n'en sais rien, mais peut-être que le but de ta visite me permettra de répondre à ta question. »
Aron hocha la tête et s'empressa de tout raconter à la grand-mère de sa dulcinée. Celle-ci pâlissait de plus en plus au fur et à mesure de l'avancement du récit.
« Mais c'est impossible... c'est beaucoup trop tôt... murmura-t-elle.
—Lyna ? Vous savez ce qui a mis Naya dans cet état ? Vous savez comment la sauver ? Et vous savez ce qu'était cette forme ?
—Aron, calme-toi ! », répondit fermement Lyna. « Oui, je sais tout ça. Mais la réalité est encore pire que ce que les souverains de Caliawen ont dit. Évidemment, maintenant que tu m'as raconté ça, je sais pourquoi j'ai perdu le contact avec ma petite-fille. J'aurais dû me poser des questions... »
Elle se mordit la lèvre inférieure, se sentant coupable. Aron se dit alors que ce qu'il allait apprendre ne lui plairait aucunement.
« C'est une très longue et pénible histoire, mais il est nécessaire que tu sois au courant. Aldaron, promets-moi que tu resteras au côté d'Ana. Tôt ou tard, elle saura la vérité et elle aura besoin de ton soutien, envers et contre tout.
—Lyna, je me suis juré de veiller sur Naya au péril de ma vie s'il le fallait. Je ne la laisserai pas tomber. »
Lyna sourit malicieusement.
« Tu sembles beaucoup aimer Ana. »
Aron rougit furieusement et détourna le regard, ce qui fit rire légèrement l'ancienne mage.
« On est entre nous, tu peux me dire la vérité. Personne n'en saura rien.
—J'aime Naya... », avoua-t-il. « Je l'aime et je veux la protéger. Elle s'est sentie si seule depuis votre mort que... je ne veux pas qu'elle ressente ça à nouveau. Je ne veux plus qu'elle ait peur ou qu'elle se sente en danger. Je veux qu'elle se sente aimée, protégée et surtout... surtout, je veux qu'elle se sente à sa place, elle qui a toujours eu l'impression d'être différente des autres. »
Lyna hocha doucement la tête.
« Ce sont des sentiments très nobles, je suis fière que quelqu'un comme toi fasse partie de ses amis les plus proches. Si tu es à ses côtés, rien ne pourra l'arrêter. Maintenant, parlons sérieusement. Ce que je vais te dire va te paraître complètement fou, voire irréel pour certaines choses.
—Si c'est vous qui m'assurez que c'est vrai, je ne vois pas pourquoi je douterais.
—Attends d'avoir entendu ce que je vais te raconter avant de dire ça Aron. Commençons par cette forme qui a mis Ana dans cet état... »
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