Les jours passèrent, sans incident notable. Nayana progressait à pas de géant dans la maîtrise de sa magie, de même que les Caliaweniens au combat. En revanche, la jeune fille semblait de plus en plus morose au fil du temps.
« Naya, que se passe-t-il ? l'interrogea Sunset, inquiète.
—Rien, pourquoi ?
—Ne me mens pas. Tu es aussi radieuse qu'un zombie fraîchement sorti de sa tombe, rétorqua la rousse.
—Si tu le dis. Il ne se passe rien d'exceptionnel pourtant.
—Bon, je vais appeler Aron. Peut-être qu'il réussira à te faire parler.
—Laisse tomber. Je crois qu'il veut que je le laisse un peu tranquille... »
Sunset fronça les sourcils, comprenant que le problème qui tracassait sa meilleure amie avait un rapport avec son cousin.
« Raconte.
—Hein ?
—Qu'est-ce-qu'Aldaron a fait ?
—Rien, justement.
—Rien ?
—Oui. Il est distant avec moi, depuis qu'on est rentrés du restaurant l'autre jour. Il agit comme si j'étais une parfaite inconnue, il m'évite même, en dehors des entraînements... qu'est-ce-qui s'est passé ce soir-là, quand j'étais sous l'influence de tout ce sucre ? Sunset, qu'est-ce-que j'ai fait ? lui demanda-t-elle d'une voix suppliante.
—Mais rien du tout enfin, mentit Sunset.
—Je... je lui ai fait du mal ? Alya m'avait dit que j'étais sans filtre, pas que j'étais violente... »
Elle essuya quelques larmes coulant sur ses joues et se leva.
« Tu vas où ?
—Je ne vois pas pourquoi Aron m'éviterait et serait distant, à moins que je lui ai fait du mal d'une quelconque façon. Je lui dois des excuses ! »
Elle partit en courant, suivie de Shimmer, en ignorant les appels de Sunset. La rousse soupira et secoua la tête, consternée.
« De toutes les éventualités possibles, il a fallu qu'elle s'imagine un scénario d'horreur... cette fille est beaucoup trop innocente et naïve pour son propre bien... je me demande comment Aron va réagir. Tant qu'à faire, autant la suivre, j'ai encore un moment de pause. »
Sunset s'envola alors, suivant Nayana depuis les airs afin qu'elle ne la repère pas. La mage avait lancé un sort de localisation pour retrouver Aron et suivait une sphère blanche qui devait la mener jusqu'à lui.
La boule la conduisit jusque dans le parc près de la maison du rouge. La sphère magique disparut et Nayana regarda autour d'elle. Elle finit par repérer le mage aux cheveux écarlates, adossé contre un arbre et semblant réfléchir. La terrienne inspira profondément pour se donner du courage et s'avança vers lui. Perdu dans ses pensées, il ne la vit pas.
« Aron, je suis désolée. », s'excusa Nayana, la tête baissée, regardant le sol.
Sa voix le sortit de ses pensées et il la regarda, perplexe.
« Hein ?
—Je suis désolée. », répéta Naya. « Je ne sais pas ce qu'il s'est passé quand on est rentrés du restaurant, mais j'ai visiblement fait quelque chose de mal alors je tenais à m'excuser. »
Stupéfait, il se releva pour lui faire face.
« Qu'est-ce-qui te fait croire que tu as fait quelque chose de mal ?
—Aron, tu agis comme si j'étais une étrangère. Pire : tu me fuis comme la peste. C'est que je t'ai forcément fait quelque chose... »
Le mage eut envie de se frapper. Il n'avait pas pensé que la jeune fille interpréterait son comportement comme ça. Il avait juste eu besoin de faire le point sur les récents événements.
« Nayana, tu n'as rien fait de mal, je te le promet, la rassura Aron.
—Alors pourquoi tu m'évites ?
—Je... j'avais besoin de réfléchir aux derniers événements. Mais cela n'a rien à voir avec toi, je te le jure. Tu n'as rien fait du tout.
—Tu ne dis pas ça pour me rassurer ?
—Bien sûr que non, voyons ! Je tiens beaucoup à toi Naya, tu n'as pas à en douter. »
Soulagée, Nayana le prit dans ses bras. Bien qu'étonné, il lui rendit son étreinte en rougissant légèrement. Ils restèrent ainsi enlacés un moment, sous le regard malicieux de Sunset. La rousse songea un instant au fait que, si personne n'intervenait, la fin du monde arriverait plus vite que leur mise en couple.
Ils finirent par se détacher, rouge écarlate tant ils étaient gênés. Ils finirent cependant par décider de reprendre l'entraînement alors Sunset choisit de les laisser seuls et retourna à l'infirmerie.
Une fois arrivés à la clairière, Aron fit apparaître des monstres de pierre pour que Nayana s'entraîne au combat magique. La jeune fille se concentra avant de s'élancer. Ses mains brillèrent et elle lança diverses attaques magiques sur les monstres. Aidée par son aisance au combat au corps à corps, elle réussit à détruire rapidement les créatures de roche.
« Pas mal. La technique commence à rentrer, c'est bien. Tu fais beaucoup de progrès, je suis fier de toi. Tu devrais rapidement pouvoir détruire les Darksouls les plus faibles.
—Il y en a de plus forts que d'autres ? voulut savoir Naya.
—Oui. Plus la magie d'une personne est forte et plus le Darksoul né de son âme le sera aussi. Dans le cas des terriens comme Alya, c'est la force intérieure d'une personne qui détermine la puissance du Darksoul qui en naîtra, expliqua Aron.
—Intéressant... le Darksoul d'Alya doit être puissant alors, elle a une force d'esprit incroyable, rien ne peut l'abattre.
—C'est bon à savoir. Restons-en là pour aujourd'hui. C'est bien beau de s'entraîner, mais il faut aussi s'informer. Sunset a trouvé plusieurs livres qui touchent de près ou de loin au seigneur Obscur ou à toi.
—A moi ?
—Oui. Il est possible que tu sois celle qui nous sauvera tous, répondit Aron d'une voix hésitante.
—Et c'est véridique, enfin je pense. Tu te souviens de l'autre jour, quand j'avais encore peur de mes pouvoirs ?
—Oui, tu étais comme en transe à un moment.
—Ma magie m'a révélé des choses qui m'ont un peu étonné sur le coup. Après réflexion, je crois que c'était des visions du futur ou quelque chose comme ça. Je me suis vue en train de sauver tous les sans-âmes et en train de rétablir la barrière magique entre Caliawen et la Terre pour empêcher le mal de s'y répandre. J'ai vu beaucoup d'autres choses aussi, moins importantes.
—On dirait que ta magie a sa propre volonté. Elle matérialise tes pensées ou tes désirs. Ce que tu as vu, on ne peut pas être certains que ce soit des visions du futur. L'avenir n'est jamais gravé dans le marbre, tu sais. Même les prophéties peuvent être interrompues à temps. Il est possible que ton pouvoir ait matérialisé ce que tu désirais faire, ressentir.
—Tu as raison, c'est vrai que c'est possible. », réfléchit Nayana. « Et comment on peut s'en assurer ?
—En étudiant consciencieusement les livres que Sunset a rassemblé. On en saura peut-être plus sur ta magie. Peut-être même que ta grand-mère a laissé un ouvrage sur les possibilités de son pouvoir, qui est maintenant le tien.
—Allons-y alors. Un grand pouvoir n'est rien sans les connaissances qui vont avec. Et je suis certaine qu'on trouvera un indice sur comment vaincre le seigneur Obscur. Je ne quitterai pas Caliawen avant de vous avoir débarrasser de lui ! »
Sa dernière phrase, prononcée avec une assurance qui ne lui ressemblait pas, fit sourire le mage. Cependant, elle lui rappela aussi que le séjour de la jeune fille n'était que temporaire, et qu'elle ne reviendrait sans doute plus ensuite, ce qui eut pour effet que son sourire se fana quelque peu.
« Tu penses repartir, une fois que tous sera rentré dans l'ordre ?
—Je... », commença Nayana, assurée.
Elle fronça les sourcils et perdit sa bonne humeur quand elle se rendit compte qu'elle ne pouvait répondre à cette simple question. Rentrer... en avait-elle vraiment envie ?
« Je ne sais pas. », annonça doucement Nayana. « La Terre, c'est là où j'ai grandi mais... je me sens tellement plus à ma place ici, à Caliawen. Je n'ai plus cette impression d'être différente des autres, d'être à part. J'ai l'impression... comment dire... d'avoir une importance, de faire partie d'un tout, d'être enfin considérée pour ce que je vaux vraiment. Sur Terre, j'étais invisible, j'étais la fille qui ne parlait à personne, qui restait seule, la loser pour dire les choses clairement. Mais je ne sais pas si je suis prête à quitter définitivement la Terre.
—Il est encore tôt pour te décider, ne tirons pas de plans sur la comète. Faisons les choses dans l'ordre et tu finiras peut-être par trouver la réponse.
—Sûrement. Merci Aron.
—Avec plaisir Naya. Allons prendre des Magicotella au Perles de la mer avant d'aller lire ces livres. Sunset les a mis dans ma chambre.
— Perles de la mer ?
—Oui, c'est le café que tient Daphné, ma tante et la mère de Sunset. C'est une sirène, d'où le nom du café. »
Ils se mirent donc en route tout en poursuivant leur conversation.
« Mais en fait, vos pouvoirs ou votre « race », cela se détermine comment ? Je veux dire, Sunset est une ange, sa mère une sirène et toi un mage. Comment cela se fait ?
—En fait, cela se détermine au hasard, à la naissance. La magie qu'on a en nous, elle est normalement neutre. C'est-à-dire qu'elle n'a aucune affiliation particulière à une race ou un pouvoir en particulier. C'est lorsque notre corps entre en contact pour la première fois avec la magie présente dans l'air que notre type de magie et notre race sont déterminés. C'est comme jouer à la roulette russe, on ne peut pas savoir à l'avance.
—Alors, pourquoi tu as dit que j'ai hérité des pouvoirs de ma grand-mère, quand on s'est rencontrés ?
—Parce que les pouvoirs uniques comme le tien sont héréditaires. C'est pour s'assurer que cette puissante magie reste présente quelque part, peu importe la génération, en cas de besoin. Il y a quelques cas comme ça. Ce genre de magie choisit son détenteur. On dit qu'il peut même voir dans l'avenir afin de déterminer, dans le cas où il est prévu plusieurs héritiers, lequel est le plus digne pour détenir cette magie.
—Existe-t-il une magie plus puissante que celle léguée par Grand-mère ? Je me suis toujours posée la question, vu que les Caliaweniens lui vouent presque un culte...
—Eh bien... une rumeur dit que oui.
—C'est-à-dire ?
—On dit qu'il existe une magie plus puissante que ta magie de lumière pure : la magie céleste. Son détenteur serait une fée aux ailes bleues. On raconte que cette magie seule peut faire plier la balance du bien et du mal selon le bon vouloir du détenteur.
—Une fée ?
—Oui, mais le peuple des fées a disparu depuis des millénaires, il est réduit à l'état de mythe aujourd'hui. Il n'y a plus une seule fée à Caliawen. Et la probabilité que des générations de fées se soient écoulées sur Terre, sans revenir une seule fois à Caliawen, est faible. De plus, on l'aurait su si une fée était revenue. Les êtres comme Sunset sont capables de détecter la présence d'une autre personne appartenant à une race volante. On peut ouvrir des portails depuis Caliawen, mais pas depuis la Terre. Le seul portail menant à Caliawen existant est celui que tu as emprunté. Enfin, à ma connaissance.
—Dis comme ça, c'est presque impossible, c'est vrai, reconnut Naya.
—Et puis, ce n'est pas plus mal.
—Pourquoi ? Ce serait bien, au contraire. Ce serait beaucoup plus simple de tout arranger... non ?
—Peut-être, mais cela voudrait dire qu'on devrait l'entraîner. Comme Sunset est capitaine de la garde et que je suis l'un des meilleurs mages de Caliawen, c'est nous qui nous coltinons les petits nouveaux. Je préfère largement traîner avec toi qu'entraîner d'autres personnes. Donc entraîner cette nouvelle recrue, très peu pour moi. Tu es là, c'est tout ce qui compte. Et j'en suis heureux. »
La jeune fille rougit furieusement, tandis qu'un sourire joyeux prenait place sur ses lèvres. Ses yeux d'argent brillaient d'une lueur de bonheur, le bonheur que quelqu'un d'autre qu'Alya soit content qu'elle soit là.
« Merci, c'est gentil Aron. Je suis heureuse que tu apprécies ma compagnie !
—Apprécier est un mot faible, crois-moi. Tu es une fille géniale et on s'amuse toujours beaucoup avec toi.
—Cela me fait plaisir que tu penses ça ! », répondit Naya, dont le sourire s'élargissait.
Aron ne put s'empêcher de sourire. Elle avait beaucoup changé par rapport à la première fois qu'il l'avait vue. Chaque jour, elle s'épanouissait un peu plus, elle gagnait un peu plus en confiance et en assurance.
« Tu as vraiment gagné en assurance depuis que tu vis à Caliawen.
—Tu trouves ?
—Oui, tu ne t'en rends pas compte ?
—Pas vraiment, mais je suppose que l'aide que m'apporte Sunset m'est utile. C'est vrai que je suis moins mal à l'aise à l'idée d'avoir les yeux posés sur moi, ces derniers temps.
—C'est une bonne nouvelle. Tu révèles celle que tu es vraiment.
—Absolument ! Je me sens en confiance ici, mais tu le sais déjà. Forcément, puisque je me sens à ma place, je vais plus facilement vers les autres. Enfin... facilement est un grand mot... »
Aron s'apprêtait à répliquer quand il remarqua qu'ils étaient arrivés. Le café de Daphné était proche de l'océan, à mi-chemin entre terre et mer. De l'extérieur, il ressemblait à un immense coquillage.
Ils poussèrent la porte d'entrée et Nayana fut frappée par l'ambiance. Le lieu, du sol au plafond, ressemblait aux fonds marins. La moitié de la pièce était un bassin d'eau, de mer certainement, et on devinait des tables pour sirènes sous l'eau.
« Aron, mon chéri ! Comment vas-tu ? Tu m'amènes une amie ?! »
Les deux se tournèrent vers la voix et virent une femme rousse qui portait plein d'accessoires avec des perles. Elle avait un bustier et un short bleu avec des tongs bleues et blanches à talons. Naya n'eut aucun mal à l'identifier comme étant la mère de Sunset, la ressemblance était plutôt frappante malgré la couleur des yeux qui était différente.
« Bonjour Tantine, je vais bien, merci, répondit Aron.
—Bonjour, je suis Nayana ! sourit la jeune fille en saluant Daphné.
—Sunset m'avait fait une description bien moins expressive de sa meilleure amie... enchantée Nayana, je suis Daphné, la gérante de ce café.
—C'est magnifique. On se croirait dans un autre monde ! s'extasia la terrienne.
—Daphné, la commande de la table aquatique deux est prête ! l'interpella la cuisinière.
—J'arrive ! Excusez-moi, le devoir m'appelle. Je m'occupe de vous dans un instant. »
Elle prit les plats déposés par la cuisinière et plongea dans l'eau. Elle se transforma alors en sirène dans un éclat de lumière.
« Wow !
—Oui, ça impressionne la première fois, rit Aron.
—Ta tante est très chaleureuse. Je comprends mieux pourquoi Sunset est un vrai rayon de soleil !
—Eh oui !
—Et son père, il est où en fait ?
—Sur le terrain. On a une armée, en plus de la garde. Il en fait partie, comme mon père. Ils sont chargés d'empêcher les Darksouls de nous envahir. Ceux qui parviennent jusqu'ici ne représentent sûrement qu'une goutte dans l'océan, comme on dit.
—Wow... effectivement, c'est un problème.
—Comme tu dis. Alors, forcément, Sunset et moi nous inquiétons beaucoup mais nous avons régulièrement de leurs nouvelles, ils nous écrivent toutes les semaines. Et on ne peut pas vraiment les juger, vu que Sunset est capitaine de la garde.
—Et que tu es un des meilleurs mages.
—C'est ça. La garde protège les différentes villes du pays, tandis que l'armée veille sur les frontières.
—Et ta mère, dans tout ça ?
—Tu la rencontreras peut-être, à l'occasion. Mais tu risques d'être étonnée en la voyant.
—Ah bon ? Pourquoi ?
—Tu verras bien. De toute manière, on ne risque pas de la voir de sitôt je pense, elle est très occupée. Allons commander. », termina Aron en voyant sa tante revenir.
Nayana hocha la tête et ils allèrent passer commande. Ils récupérèrent ensuite leurs boissons et firent route vers la maison d'Aron, et celle de Nayana par extension, pour étudier les livres laissés par Sunset.
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