Le soir même, le convoi atteignit enfin la forêt. Il faisait sombre, les chariots retournaient le parterre de feuilles mortes et les nombreuses bosses du trajet secouaient bruyamment les véhicules. Tout semblait aller si vite pour Pako, il se revoit encore partir de Neotasgos, plein d'enthousiasme. Maintenant, après près d'un mois suivant leur départ, voir Suzanne blessée et son état se dégrader ne lui présageait rien de bon. Elle commençait à devenir pâle, affaiblie et fatiguée par le voyage.
- Quand est-ce que l'on s'arrête ? demanda Suzanne à Pako avec une petite voix.
- Je ne sais pas... On devrait déjà l'avoir fait pourtant. Comment tu te sens ?
- Lourde... J'ai l'impression de peser deux tonnes... Et je pense perdre des sensations aux bouts des doigts.
- Montre-moi ça...
Le jeune loup gris prit doucement la main de Suzanne et sentit le froid habiter ses doigts, mais le toucher de sa peau restait si délicat, rassurant... Elle semblait si vulnérable, il avait beaucoup de peine pour elle.
- Tes mains sont chaudes Pako, ça me fait bizarre.
- Ce sont les tiennes qui sont trop froides... Tu as les mêmes que celles de ma mère.
Elle eut un rire soudain. La louve allait commencer une phrase mais un trou dans la route secoua violemment le chariot, provoquant une nouvelle douleur aiguë à la blessée.
- Ça va aller ? demanda Pako à la louve qui serrait les crocs.
La louve hocha fébrilement la tête puis continua.
- T'es vraiment pas un mec méchant Pako. Ne change rien.
Même les compliments les plus maladroits de Suzanne allaient droit au cœur de Pako, qui oublia furtivement toute la misère du monde. Il en resta silencieux un court instant.
- Merci Suzanne, dit-il en posant une deuxième main sur celle de Suzanne.
Il commençait à faire noir tandis que le chariot de tête vira soudainement dans une minuscule clairière. Les animaux diurnes allumèrent aussitôt des torches.
Le dernier et brusque freinage mit a mal Suzanne et marqua la fin de la deuxième étape.
Rick, qui était à l'avant avec Alison et Frédéric, prit la parole.
-Comment on va faire pour Suzanne ?
- Sors tout le coton qui reste et de l'eau, répondit Frédéric.
- On n'a pas de quoi désinfecter ?
- Si personne n'en a dans le convoi, on va devoir le faire à la flamme répondit Alison.
Pako jeta un regard inquiet à la blessée.
- Ne t'affole pas, dit Suzanne, on va bien trouver. Frédéric, sors le matériel, Rick, va chercher de quoi désinfecter s'il te plaît, il y a sûrement quelqu'un qui en a.
Les deux s'exécutèrent. Le petit renard partit vers le chariot le plus proche qui débarquait à peine. Il y trouva une hyène mâle vêtue d'un poncho foncé, troué de toute part, avec un foulard vert autour du cou.
- Hé ! Heu... Pardon ? Pardon ?
- Qu'est-ce qu'il y a ? répondit la hyène.
- Hem... On a une blessée dans notre chariot, on aurait besoin de quelque chose pour désinfecter une grosse blessure. Tu en aurais ?
- Deux petites secondes... Quoi comme type de blessure ?
- Une balle, mais il ne nous faut que de quoi stériliser, on se débrouillera pour le reste.
- Je sais où en trouver, reste là, je vais en chercher.
- D'accord, merci ! C'est vraiment gentil de ta part !
La hyène partit vers un autre chariot.
- Nath' ? T'aurais pas un désinfectant dans tes affaires ? demanda-t-il à un chinchilla
- Mouais, regarde dans ce sac là ! Sers-toi.
- Merci, répondit-il en ouvrant le sac avec hâte.
Mais une main écailleuse se posa sur son épaule et la tête de l'Iguane, le chef du convoi, surgit au coin de son œil.
- Je t'ai vu avec le petit renard, que t'a-t-il demandé ?
- Juste du désinfectant pour une blessée chef, dit-il en regardant le pot de verre contenant la solution.
- Écoute-moi bien, ce petit fait parti de l'équipage d'Alison. Je la connais trop bien, elle va tenter de se tailler durant le voyage avec l'équipage et certainement avec notre cargaison. Donc tu n'as pas intérêt à leur donner ce pot, ils n'oseront jamais s'enfuir avec une blessée qui va les ralentir.
- Mais...
- N'essaie pas de discuter, l'Iguane appuya la pointe d'un couteau sur la joue de la hyène. Tu sais que je n'aime pas discuter, alors donne-moi ce pot pour mettre fin à cette conversation.
La hyène posa la solution dans une de ses mains sans dire un mot.
- Je préfère ça, je te garde à l'œil, ne t'avise pas de faire le con.
L'Iguane se leva en faisant glisser la lame contre la joue de la hyène, qui ne le regarda même pas partir. Comme pour un dernier avertissement, quelques poils sectionnés tombèrent de sa joue, avant d'être rattrapés par sa paume de main.
- Le boss joue encore au méchant ? dit le chinchilla en plaisantant.
- T'occupe. Il a juste piqué ton désinfectant.
- Quoi sérieux ? Il est vache lui...
- Je sais... À tout à l'heure, je dois expliquer aux autres pourquoi je n'en ai finalement pas, dit-il en repartant.
Rick l'attendait toujours à côté du chariot en grattant le sol avec ses pieds.
- Désolé mon gars...
- Tu n'en as pas trouvé ?
- Non, plutôt il n'y en a plus... J'étais pourtant sûr...
- T'inquiète pas, on fera avec ce qu'on a. Tu saurais pas si quelqu'un d'autre en a ?
- Non... Enfin tu ne trouveras personne d'autre qui en aura... C'est très compliqué de s'en procurer en ce moment, presque personne n'en a... Je doute que tu n'en trouves dans le convoi... J'ai déjà demandé et... Il n'y en a plus...
- Ah... D'accord...
La hyène soupira, embarrassée.
- Merci quand même, finit Rick en le saluant.
- Y'a pas de quoi... fit la hyène désemparée.
Le petit renard arriva à son chariot.
- Alors ? demanda Frédéric.
- Rien, personne n'en a.
- Même dans un convoi pareil ?
- Non, même dans un convoi pareil.
- Bon, on va devoir faire ça à la flamme, continua Alison.
- Alison, réfléchis deux secondes à ce que tu fais.
- Quel est le problème ?
- Tu as vu sa blessure ? Elle est bien trop profonde pour faire ça. Tu ne vas pas enfoncer une tige brûlante dans cette plaie si c'est pour complètement la stériliser. Non, on ne peut que nettoyer, il ne faut pas aggraver la situation. On trouvera bien quelqu'un à Périté, peut-être qu'il y a un médecin digne de ce nom là-bas ?
Le grand panda regarda la blessée avec un air désolé.
- Feu ou pas, je ne te cache pas que tu vas souffrir Suzanne. Je suis désolé. Je ferai de mon mieux.
- Je sais, acquiesça Suzanne. Mais il vaut mieux pour moi... Fais ça rapidement d'accord ?
Il hocha la tête.
- Il vaudrait mieux que vous la maintenez... dit-il en regardant le reste de la bande.
Alison prit un bras et maintint la tête tandis que Pako prit l'autre. Rick s'appuya sur les deux jambes.
Frédéric se lava les mains comme il put et sortit tout le matériel qu'il avait, se résumant à un imposant couteau, du coton et ses propres mains.
Il enleva avec une extrême délicatesse les bandages. La plaie était envahie par la poussière, s'agglomérant parfois formant des résidus pâteux, il vit aussi des débuts d'infections aux abords de chacune de ces agglomérations.
En dépit de ses gros doigts d'ursidé, il opéra avec la finesse d'un chirurgien et le doigté d'un pianiste.
Suzanne, immobilisée, ne pouvait que se crisper, se contorsionner, donner des coups de collier pour fuir la douleur lisible, malgré le pelage, par des veines gonflées par l'agression. Une peine comme la sienne paraît comme une brûlure intense traversant tout le corps, une douleur sourde empêchant d'entendre les mots de ses amis censés la rassurer. Un mal si grand qu'il écrase la poitrine et empêche de respirer avant de redescendre pour pouvoir reprendre un souffle, comme dans une interminable noyade.
Après un temps, une éternité, il faisait nuit noir et très chaud. La blessée se remettait à peine de l'opération, épuisée par la douleur.
- Laissez la dormir, elle a eu une soirée assez dure comme ça. Elle doit se reposer, dit Frédéric d'un tons posé mais autoritaire.
Pako et Alison restèrent au près de Suzanne dans le chariot, elle s'était assoupie très vite après que Frédéric ait terminé. Frédéric, lui, était partit marcher en mâchonnant des brindilles de bambou.
Après peu de temps, le panda se fit rattraper par Rick.
- Fred'?
- Ouais Rick ?
- Tu penses que ça va aller pour Suzanne ?
Frédéric soupira, réfléchis un bref instant, puis s'approcha de lui et posa sa lourde mains sur la tête du petit renard.
- P'tit gars, on ne peut pas savoir pour l'instant. Son état est vraiment limite, je vais essayer de la stabiliser mais... je ne pourrais pas la soigner, pas encore du moins.
Rick baissa les yeux.
- Ça va bien se passer, continua t'il. C'est une fille forte, ce n'est pas maintenant qu'elle va partir.
- Les gens partent vite, tu le sais. Je veux juste savoir ce qu'il va lui arriver, si on peut au moins espérer que tout aille bien. Je n'avais peut-être pas les yeux sur sa blessures tout à l'heure mais j'avais le flaire, et ce que j'ai senti m'inquiète. Fait au moins en sorte qu'elle arrive à Périté.
- Et ben, on ne peut rien vous cacher. Tu penses que Pako la sentit aussi ?
- C'est certains. Mais tu le connais, 'croit pas qu'il va en parler.
- Je pense aussi.
- On ne change pas de plan ?
- Non, mais la priorité est de trouver quelqu'un de plus compétent que moi.
Pendant ce temps sur le chariot, Alison et Pako discutaient ensemble pendant que Suzanne dormait très profondément.
- Et tu n'as jamais essayé d'habiter dans le village ? dit Alison. Ça à l'air bien plus pratique non ?
- Non vraiment, j'ai toujours été attaché à ma tranquillité, Neotasgos ça bouge trop pour moi.
- Tu n'as jamais eu envie de voir des gens ?
- Après que mes parents soient morts, oui. Mais je ne me suis jamais vraiment risqué à descendre de ma colline, tu sais ce qu'il peut arriver à un enfant sans parent ni arme pas vrai ?
- Non justement !
- Ah... c'est vrai que tu sortais pas de Lacusoppidum... Mais tu l'as peut-être deviné, un enfant ça s'exploite, ça se vend... ou même ça se mange.
- Ah parce que ça se bouffe entre carnivore ?
- Malheureusement oui, certain ne font aucune différence, carnivore comme herbivore on reste un bout de viande.
- On a mit trop de temps à cohabiter pour que des gens continuent de s'entre dévorer...
- Il en a toujours eu, dans toute les espèces, c'est comme ça.
- Si j'avais su...
- Je pense que voyager va te faire du bien, te faire sortir de ta petite bulle.
- Je pense aussi, je préférais mourir dehors qu'à la station, contrairement à ce qui était prévu.
Il eut un court silence dans leur conversation.
- En parlant de cannibalisme !
- Heu oui ? répondit Pako avec un sourire maladroit.
- Tu penses tenir combien de temps ?
- Comment ça com... oh ça ne se pose plus ce genre de question aujourd'hui !
- Ah ? Pourtant à la station on l'entendait souvent.
- C'est spécial l'ambiance là bas...
- Je réalise petit à petit que.... ouais...
- Mais pour répondre à ta question.
- Vas-y .
- Je n'espère rien du tout.
- Comment ça ?
- Je ne cherche pas à me tracer un chemin ou me donner un but de vie. Je profite simplement du fait d'exister et d'avoir la chance d'exister, chaque jours sont beau et je partirais comme je serai venu, comme tout le monde. J'aimerais juste partir l'esprit tranquille, partir en étant en paix avec moi même et avec les autres, pas toi ?
- Je ne sais pas... Il n'y a qu'une personne qui me parlait de la vie comme ça, c'était Marc. Il me disait que, quand il était dehors, chaque matin il se levait avec comme seul idée d'aller plus loin et de ne penser à rien d'autre, de profiter de son existence et d'avoir la chance de fouler la terre d'aujourd'hui.
- Tu as eu de la chance de connaître quelqu'un comme lui.
- Je sais...
Pako leva la tête et regarda le ciel à travers la canopée.
- Bon sang quelle journée...
- Et ce n'est que le début...
- Je flippe beaucoup pour Suzanne...
- Moi aussi, mais essaye de ne pas te prendre la tête avec ça, reste sur le voyage. On ne peut rien faire d'autre pour l'instant.
- Tu sais garder la tête froide au moins.
- Non, je ne la connais pas autant que toi. C'est normal de s'inquiéter, mais pour l'instant reste concentrer.
Le loup soupira profondément pour se détendre.
- Essaye de dormir, ça te fera du bien.
Pako acquiesça et ferma les yeux. La nuit n'en finissait plus, réveiller à plusieurs reprises par des cauchemars ou par les torches des gardes. Une chaleur étouffante encombrait l'aire, au point que la tête lui tournait. Il se leva maladroitement, prit de vertige, et s'éloigna un peu du convoi comme dans une tentative désespérée pour trouver de l'aire frais. Il s'appuya, enfin, lourdement contre un arbre sans vraiment savoir ce qu'il était en train de faire. Par cette chaleur, l' insomniaque redoutait un orage, mais aucun nuage ne semblait cacher le ciel étoilé. Un mois séparait la dernière pluie et la chaleur croissante n'arrangeait rien. Il était évident que la sécheresse avait commencé depuis quelques semaines n'étant que les premiers symptômes d'une longue fièvre qui habitera le vivant de la Terre.
Le jour levé, la lumière permis de voir plus distinctement la végétation : l'herbe avait maintenant des reflets beiges virant au bistre, elle craquettait sous les pas et s'émiettait dans les mains. Le danger est là tout autour, la chaleur, ils peuvent l'humer, sèche comme ses victimes.
Alison faisait le point sur les provisions tandis que Frédéric observait Pako prendre les brindilles d'herbes sèches dans ses mains, dépité par le changement.
- C'est arrivé bien plutôt que l'année dernière... soupira Frédéric. Bien trop tôt.
- Ça l'était déjà, trop, depuis longtemps, fit Pako en se levant. Et ça l'a toujours été.
- On ne doit plus trainer. Normalement on devrait arriver d'ici Mi horas. Le reste du chemin va se passer dans des plaines, on ne sera pas à l'abri du soleil.
- En plus on a Suzanne par cette chaleur... Il ne faut pas la quitter des yeux.
Au même moment ils virent Suzanne se réveiller et s'assoir doucement dans le chariot.
- Quand on parle de la louve ! dit Frédéric.
- Tu te remets ? poursuivi Pako.
- Un peu oui, même si Fred' m'a charcuté hier.
- Tu vas tenir le coup aujourd'hui ?
- Mais ouais t'inquiètes ! Ça va aller. Juste laisse moi deux secondes
La louve commençait à se hisser sur ses deux bras et faisait mine de se lever.
- Olah ! Qu'est-ce que tu fais Suzanne ? dit Frédéric surpris.
- Je me lève figure toi.
- Tu te rappelle que tu t'es prit une balle ? Et que tu ne dois plus bouger ?
- Je n'ai pas dit que je resterais debout tout le temps. J'aimerais être sûr de pouvoir au moins marcher quand on sera à Périté.
- Suzanne, tu es déjà assez arrangée comme ça. On s'inquiète suffisamment pour toi, tu ne vas quand même pas en rajouter ?
- Peut-être mais vu ce qu'on s'apprête à faire je dois pouvoir me déplacer seule. Vous n'allez pas me porter moi et mon sac quand on va partir ? Je ne suis pas taillé comme Rick.
- Quelle tête de mule celle-là... soupira Frédéric. Pako, reste pas là, dit quelque chose !
- Hem... elle n'a pas tort non plus, répondit-il.
Le panda le regarda éberlué.
- T'es malade ? Je t'ai connu plus prudent que ça !
- Peut-être mais elle n'a pas tort. Quand on va partir de Périté on ne sait pas encore combien de temps on va devoir marcher, on ne pourra pas la porter sur des kilomètres.
- Ils vont réussir à me faire perdre mon calme ceux là, pensa soudainement le panda. Bon ! dit il a voix haute. D'accord. Mais vous vous démerdez pour ne pas aggraver son cas. J'ai déjà assez de mal à la maintenir en vie. Si vous faites la moindre connerie elle risque d'y rester. Donc je t'interdis de courir Suzanne.
- Ne t'inquiète pas, je suis peut-être casse cou mais pas imprudente.
Pako lui jeta un regard désapprobateur à s'en rider le visage.
- 'Pas totalement imprudente en tout cas. Aide moi a descendre plutôt que faire des grimaces.
Le loup fit en sorte d'amortir sa descente, dès qu'un pied fut posé, la blessée se sentit fébrile et prit sur elle pour surmonter la douleur.
- Ça va aller Suzanne ? demanda Pako.
- Ouais t'inquiète... Je vais juste m'habituer.
- Essaye de faire quelques pas.
Elle fit donc quelques pas, un peu frêle et hésitante.
- Laisse moi en faire quelques pas seule, dit elle. Je le sens bien, après tout ça ne fait qu'une journée que je n'ai pas marché.
Pako la lâcha doucement, et commença, un peu courbée en soutenant ses bandages d'une main et essaya de marcher avec plus d'aisance.
- Tu penses que ça va aller ? dit Pako.
- Ouais ! Ouais... ça devrait aller, je vais faire attention.
À ce moment Rick arriva en trottinant.
- Bon ! On m'a dit de vous dire qu'il faut se préparer à partir et... Suzanne qu'est-ce que tu fous debout ?
- Je voulais savoir si je pouvais encore marcher, donc tout est ok.
- Ouais mais...
- On en a déjà parlé avec les autres, le coupa t'elle. Tu n'as pas a t'inquiéter.
- Si tout le monde est d'accord... dit il en levant les mains. Mais tenez vous prêt ok ?
- T'inquiète, toute les affaires sont dans le chariot, on attend le coup de sifflet.
- Cool. Hé Alison ?!
- Quoi ? répondit-elle.
- Alors ça donne quoi ?
- Il nous reste bien de quoi tenir deux jours.
- Il est temps qu'on soit à Périté alors.
Pako regarda autour de lui et fit:
- Ça commence à s'agiter on dirait. On devrait monter dans le chariot ça ne devrait tarder.
- Tu veux que je t'aide Suzanne ? dit Rick à la blessée.
- Oui s'il te plaît, ce n'est pas de trop gentlemen, répondit-elle.
Le petit renard grimpa dans le chariot et l'aida en la tirant vers le haut.
- Ça se termine, enfin. soupira t'il.
- De quoi ? répondit Frédéric.
- Le voyage je veux dire. C'est la fin de la deuxième étape non ?
- En quelques sortes oui. On ne se débrouille pas mal, pour l'instant.
- Je pense qu'on aurait dû partir plutôt de Neotasgos.
- Ah oui ? Ça m'étonne venant de toi.
- Tu le sais autant que moi, elle est là et nous sommes qu'au début du voyage. On va devoir arriver avant le début des migrations et les suivre. On n'aura pas le temps de faire comme à Lacusoppidum.
- Il n'est jamais trop tard, On n'est qu'au début de la sécheresse, on devrait avoir un peu de marge ici là.
- De toute manière on ne peut plus faire autrement.
- Le cri strident du sifflet sonna le départ tandis que les chariots à vapeur crachaient leur épaisse fumée.
- Et c'est reparti, ajouta Frédéric.
- C'est toi qui conduit aujourd'hui ? dit Pako en partant.
- Je n'ai pas trop envie, Rick sait conduire non ? On va le mettre aux commandes, il ne devrait pas poser de difficulté vu comment il a piloté dans le désert.
- C'est vrai, j'ai été très étonné ! dit le loup en s'avançant dans le vacarme assourdissant des véhicules.
La forêt était moins épaisse, le valonement de la route plus doux, le soleil donnait aux arbres un feuillage d'or même la brise mêlé à l'odeur de brûlé des moteurs du trajet semblait plus délicat.
Journal page cinq.
Dans quelques heures nous arriverons à Périté où le convoi se séparera et qui, je l'espère, partira sans nous. Je commence à me faire au voyage, malgré le passage dans le désert. Plus nous nous approchons de Périté, plus le paysage prend des allures édénique jamais vu ailleurs en dépit des maux visible de la sécheresse. Même avec l'anxiété des jours avenir, quelques choses me fait me sentir bien, vivant. Je me laisse porter par les évènements, lentement et sûrement. Peut-être qu'être en haut de ma colline de confort m'empêchait de voir plus loin ? Il était temps que je parte, que je prenne mon envol petit à petit, mes ailes poussent autant que mon cœur et mon l'esprit s'ouvrent, je prends conscience du monde qui m'entoure. Quoique ce voyage m'apporte, il ne sera que bénéfique. Et si ces pas demeurent sans retour, je serai partie le cœur léger et accompli.
Tout le monde rêve d'avoir des ailes, mais tout le monde ne les laissent pas pousser.