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–– Vous aussi vous en avez ?

Toujours à la cafétéria, Leolio étreignait ses deux nouvelles connaissances. Lui aussi avait la faculté d'avoir des pouvoirs en changeant ses pupilles en noires. Heureuse que Leolio s'intégrait de manière parfaite, Alluka souriait. Elle jeta un œil à la table des populaires. Soudain, elle ouvrit de grands yeux.

–– Les mecs, regardez ça !

Les trois garçons se retournèrent dans la direction que leur pointait la jeune fille. Une élève aux cheveux blonds, le teint rose, épluchait une orange en lévitation. Ses yeux étaient aussi tachés que l'encre.

–– Vous pensez qu'elle est... commença Gon.

–– ... L'une des nôtres ? finit Kurapika. Évidemment, ça saute au yeux.

La jeune fille semblait triste, attablée avec la bande de Pitou. Elle était jolie comme toutes ses camarades, mais n'avait pas l'air de se sentir à sa place. En relevant la tête, elle aperçut le groupe qui la fixait. Elle désactiva alors ses pouvoirs et reprit ses yeux normaux. Ses mains attrapèrent précipitamment le fruit pour continuer à l'éplucher, de ses doigts désormais. Elle ne voulait pas paraître anormale devant tout le monde. Il fallait qu'elle apprenne à se montrer plus prudente.

Gon se retourna vers ses amis, l'air préoccupé.

–– Comment faire pour l'approcher ? Elle est assise avec Pitou...

Kurapika et Alluka se mirent à réfléchir de leur côté. Leolio posa ses doigts sous son menton, ayant eut soudainement une idée de génie, d'après lui.

–– Une bataille de nourriture ?

Interloqués, les trois autres se retournèrent vers lui. Pendant qu'Alluka et Gon émettaient des expressions de joie, Kurapika sortit au plus grand étonnement de tout le monde :

–– J'aime cette façon de penser.

~~

–– Quoi? Alors il suffit juste que je lance un aliment au hasard ?

–– Je suis presque sûre que c'est comme ça que les batailles de nourritures commencent, dit Alluka en tendant un plateau à son meilleur ami vert.

–– Bon, très bien, dit-il en prenant en main un sandwich à l'air douteux.

Gon alterna son regard entre la salle du réfectoire et son missile. Il n'était plus si sûr de cette idée en fin de compte. Peut-être que ça allait leur attirer des ennuis. Voyant qu'il hésitait, Leolio prit l'initiative de lui subtiliser l'aliment des mains pour pouvoir le lancer à sa place. Mais il fut stoppé dans son geste par la main de son ami.

–– Attends ! Je vais le faire. Ce n'est rien qu'un petit sandwich à envoyer, après tout. Je ne risque pas grand chose.

Leolio lui souria, voyant qu'il avait réussi à lui faire changer d'avis. Kurapika et Alluka l'encourageaient en chœur, tandis que Gon tendait son bras en arrière pour envoyer son projectile sur quelqu'un au hasard. Le sandwich vola, et rentra en plein dans l'arrière du crâne d'une fille aux cheveux roses ébourriffés.

–– Aïe ! se plaigna à voix haute Machi aux côtés de sa bande.

L'un de ses camarades qui s'appelait Nobunaga monta sur sa chaise alors qu'un blanc général avait envahi la cafétéria.

–– BATTAILLE DE BOUFFE !

–– Vous n'êtes pas sérieux !? cria Pitou de toutes ses forces.

Mais plus personne ne lui prêtaient attention, et le carnage commença sans plus tarder. Le groupe d'amis de Gon se précipita sous une table, imité par la bande à Pitou plus loin. On voyait toutes sortes d'aliments et d'objets voler de parts et d'autres. C'était un spectacle plus que plaisant pour le brun à lunettes.

–– J'ai toujours rêvé de voir ça un jour de mes propres yeux. Mais y participer, c'est encore plus jouissif !

Pendant que ses amis rigolaient, Gon rechercha des yeux la jeune fille blonde aux pouvoirs comme les siens. C'était le but de cette bataille, après tout.

–– Est-ce que je vais la chercher maintenant ? demanda-t-il à ses amis en l'apercevant sous l'une des tables.

–– Elle est en train de partir avec Pitou ! remarqua Alluka en voyant leur ennemie empoigner la jeune fille innocente par le bras et s'en aller avec elle par l'un des couloirs.

Alluka proposa de partir à leur poursuite. Leolio était partant pour l'idée, mais Kurapika les retint de leurs bras pour leur éviter de se lever. S'ils arrivaient en groupe, Pitou allait péter les plombs et les faire disparaître de ce monde à jamais. Il suggéra que ce soit Gon qui y aille, seul. Le jeune garçon hésita, puis finit par hocher la tête. Il voulait vraiment aider cette autre fille. Et il savait comment était Pitou pour ne pas la laisser entre ses griffes. Il salua ses amis en sortant de l'abri pour partir à la suite des deux fugitives, sous les encouragements des mêmes individus. Après son départ, Leolio attrapa un reste de nourriture dans le but de participer à la bataille, lui aussi. Kurapika le stoppa net.

–– Si tu ne reposes pas ces spaghettis au sol, je vais te faire avaler tes lunettes.

Pour toute réponse, Kurapika reçut le reste de pâtes bolognaises en plein dans le visage.

~~

Gon pénétra une seconde fois le cabinet des toilettes des filles. Il longeait les murs le plus discrètement possible. Il avait vu les deux élèves s'enfermer dans l'une des cabines. Le jeune homme la repéra assez rapidement. Il s'enferma dans celle d'à côté, et colla son oreille à la paroi pour tenter de comprendre ce qu'elles fabriquaient là dedans. Il entendait des bruits. Des bruits de vomissements.

Oh, oh, avale sans mâcher
Je regarde depuis la salle de bain

Il reconnut la voix de Pitou. Il l'entendit ouvrir la porte et s'en aller des cabinets. Sa camarade blonde, qui avait auparavant la tête au-dessus des WC, était sortie peu après. Il entrouvrit sa portière. Il voyait la jeune fille s'appuyer sur le lavabo de ses mains, fixant son reflet avec rage. Elle semblait se détester de tout son âme. Elle semblait haïr sa façon d'être.

Pour m'assurer que tu ne t'étouffes pas
À cause des mots que tu prononces devant le miroir

Gon songeait. Et si cette fille se faisait vomir pour maigrir ? Au réfectoire, elle prenait des oranges à chaque déjeuner. C'était le seul repas qu'elle s'autorisait. Parce que c'étaient des fruits. Les fruits sont bons pour la santé, n'est-ce pas ? C'est ce que disent toutes les publicités. D'ailleurs, les filles de ces publicités ont toutes un corps de rêve. Il était possible que la blonde au teint rosé voulait leur ressembler plus que tout. Elle voulait... Se sentir aimer par les autres.

Maintenant tu es assise à la cafétéria
Ingérant des bactéries d'orange en toi
Puis tu les recraches une douzaine de fois
C'est ta boulimie qui s'empare de toi

Gon baissa les yeux vers le sol. Un liquide orangé se reflétait sur le carrelage. Comme un jus d'orange renversé. Ses oranges injectées se transformaient en jus d'oranges.

Tu changes les oranges en jus d'oranges
Elles éclaboussent hors de ton corps d'ange

Gon se mordait la lèvre. Il désirait la connaître, il voulait la rassurer sur ce qu'elle était. Lui dire autant de mots rassurants qu'il pouvait.

Ton corps est imparfaitement parfait
Tout le monde veut un résultat sans jus d'oranges

De son côté, la jeune fille refutait sa conscience. La veille, elle avait été convoquée chez une psychologue, accompagnée de ses deux mères. Elles l'avaient retrouvé évanouie sur le tapis du salon, un quartier d'orange encore frais à la main. Malheureusement, ça avait été la pire décision pour elle.

Oh, oh, tu as choisi
De souffler sur le tapis, c'est ce qui arrive quand on est affamé
S'il-te-plaît dis moi que tu arrêteras
De commander des oranges aux repas
Tu remplis ta bouche comme du tissu
L'apparence que tu auras n'est pas une issue

Alors que la boulimiste s'était laissée tomber le dos contre un mur, Gon choisit ce moment pour se montrer. Il sortit de la cabine pour avancer vers elle, le regard compatissant. La fille fut d'abord surprise et apeurée de voir un garçon de son âge s'approcher d'elle ainsi. Mais lorsqu'elle vit qu'il n'avait aucune mauvaise intention, elle le laissa s'approcher. Il lui tendis la main pour l'aider à se relever, toujours sans un mot échangé. Elle hésitait à lui accorder sa confiance.

J'aimerais tant qu'on puisse échanger de point de vue
Car je sais que tes yeux ne fonctionnent plus
J'aimerais tant te dire que tu es belle, si belle
Mais tu vas croire ton cœur déçu

Elle se redressa à l'aide du jeune homme. Celui-ci se plaça face à elle. Il porta ses mains à ses yeux pour les retirer. Il les tendit à sa camarade, le regard désormais vide. La blonde comprit instantanément qu'il souhaitait qu'elle exécute la même chose. Elle lui tendis ses yeux roses désorbités. Et elle prit soigneusement les siens pour les remplacer dans ses deux trous. Gon faisait de même face à elle. Elle cligna des yeux plusieurs fois. Elle voyait son environnement d'un autre point de vue désormais.

Elle se plaça face au miroir. Était-ce vraiment elle dans le reflet ? Elle n'arrivait pas à y croire. Pourquoi se voyait-elle plus fine qu'avant ? Cette fille dans le miroir, elle était magnifique. La jeune élève se rendit compte qu'elle avait eu faux sur son apparence depuis le début. Elle baissa ses yeux à ses pieds. Gon se plaça à ses côtés.

–– Tu veux savoir quelque chose que j'ai appris par rapport aux corps humain ? Ils ne nous définissent pas. Nous ne sommes pas "notre corps". Ils sont justes temporaires.

La blonde l'observait de côté. Jamais personne ne lui avait adressé la parole ainsi. Pas même ses sois-disantes "amies". Elle l'écouta alors de tous ses sens.

–– Je sais que ça peut sembler impossible, mais n'attends pas à ce que tout le monde t'aiment. Ils n'ont pas tous la capacité de comprendre à quel point tu es magnifique. Et on doit tous apprendre à s'aimer soi-même sans l'avis des autres.

Gon la regardait maintenant dans les yeux, ne quittant pas son sourire réconfortant. Sa camarade, à ses côtés, rosissaient des joues. Elle baissa les yeux vers ses pieds.

–– Je sais, mais... C'est fatiguant de voir toutes ces belles personnes qui te traitent comme si tu n'étais pas assez bonne. Comme si tu ne méritais pas d'être aimé parce que tu es différent d'eux.

Le jeune homme baissa les yeux aussi. Après un court instant, il reprit d'une voix basse :

–– Tout le monde mérite d'être aimé. Tout le monde.

La fille releva ses pupilles vers Gon, les larmes ruisselantes. Elle ne pu s'empêcher d'emprunter l'épaule de son camarade qu'elle ne connaissait même pas il y a quelques minutes pour pleurer contre ses vêtements. Il la regardait, l'air triste mais compatissant en lui carressant le dos de sa main. Il ne comprenait que trop bien cette jeune fille, qui souffrait du manque d'affection. Il ressentait la même chose tous les jours. Mais il était encore là. Et il n'allait pas abandonner. Et s'il pouvait aider quelqu'un dans le même cas, il n'hésitait pas. Il n'hésiterait plus jamais. Toute cette douleur devait se terminer, aussi vite que possible.

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~Yaya, 15 août 2020.
© ʏaʏa ,
книга «K-12».
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