La tristesse et l'échec ont fusionné avec l'âme
La société décide qui nous devons être,
il n'est jamais question de liberté,
Rien ni personne ne m'a emprisonnée, elle m'ont rendu plus libre
10 heures 6, Dynarburgh, chez Dionysia :
— Vous voulez que je prouve mon âge ?! La vie heureuse que j'ai menée ?! Oui, je voulais fuir, mais ce n'est pas à cause de mes malheurs, protestai-je en pointant le torse d'Atkins, celui-ci souriant, me laissant faire.
Je savais que je n'allais pas longtemps maîtriser la conversation, et que ma colère se sera dissipée par un élan de peur et de regret de m'être emportée ainsi. Atkins ne disait peut-être pas grand chose, mais son regard, son sourire, sa posture confiante, et sûr de lui, voulait dire bien plus que de simples mots verbaux.
— Si vous pensez que je vis dans le déni...
— C'est ce que vous faîtes, répondit-il en me taclant. Pourquoi vivre dans la peur de décevoir des morts qui sont devenus des êtres déchus, Mlle Dionysia ?
Bouche-bée, je n'aies plus rien dis. « Qu'a-t-il dit ? »
— Ils n'en valaient pas la peine, vous pensez que montrer nos émotions, est une démonstration de faiblesse, vous avez tellement faux. Vous ne connaissez rien, pas même la croyance de l'âme, à votre avis, d'où vient ces déchus, l'endroit, que nous appelons tous Cineburgh ?
Il riait plus fort, sans que j'eus le temps de faire quoi que ce soit d'autre, Atkins me plaqua si fort, que nous fûmes propulsés en arrière, mon dos se fracassant contre une porte qui s'ouvrit en trombe, tombant sur le sol d'un plancher.
Celui de chez moi.
Il avait pourri, ma maison, qui était autrefois mon endroit serein, de paix et de tranquillité, était maintenant une source de tout cauchemar. Sombre, humide, on aurait dit des années de solitude sans entretenir le foyer, alors que ça ne faisait que trois, voire quatre jours que n'étais pas revenue.
Atkins au-dessus de moi, trop près à mon goût, me renifla.
— L'apparence n'est qu'une surface pour ceux qui ne veulent pas voir ce qui se cache réellement en dessous, dit Atkins. Tous ces gens, Dionysia, même vous, êtes perdus dans l'espoir que la mort ne soit qu'un trou noir éternel. Vous êtes jeunes, peu importe l'âge, vous aurez pu changer la mentalité de cette ville en restant vous-même et en vie. Voilà votre talent. La différence donne un pouvoir que nul autre peut contraindre, et votre père, votre mère, ne voulaient rien entendre à ce sujet. Vos sentiments sont justifiés, oui j'étais en colère contre vous, je vous aies testés. Gooding n'a ressenti aucune peur, l'habitude de la terreur de la guerre, et de ses expériences du passé l'ont immunisés, mais vous... vous Dionysia, qui n'avez rien vécu d'autre pareil.
Il se poussa, me laissant me relever difficilement, ma main s'accrocha à la sienne afin de m'aider. Je me frottai le dos, douloureux. Mes yeux dans le vague, à nouveau perdue, les paroles m'étaient difficilement gérables, n'arrivant pas à donner un sens. La différence n'était pas un talent, c'était une chose à part.
— Vous avez un talent, le talent intellectuel, Dionysia, Atkins s'était calmé, et me regardait avec une douceur dans son regard que même ce vide avait une émotion pure et claire. Il est différent, mais il se décrit par votre façon de penser. Je ne dis pas que vous êtes parfaite, mais il aurait fallu quelques années de plus pour réussir à faire ce que personne d'autre aurait réussi. Penser par soi-même, faire ses propres théories, ses convictions, et de se dire ce qu'est la véritable réussite, et le vrai échec. Vos parents ne l'ont jamais accepté, ils ne le comprenaient pas. Elmira n'accepte pas ta mort. Tu es morte trop tôt, avant même d'avoir essayé.
— Alors pourquoi m'avoir fait signer le contrat ? chuchotai-je, je n'avais pas besoin de parler fort, car le silence et le vide froid dans la pièce de la cuisine, cuisine où toute la nourriture puait le moisi, faisait que ma voix résonna comme un écho.
Le bois de ma table était humide, presque pourri. En tapant plus fort pour vérifier l'état solide de ma table, elle se cassa sous mon coup léger de poing, me faisant basculer en arrière.
— Atkins, pourquoi tout s'effondre chez moi ?
Il s'avança vers le tiroir, et en dégota une boîte à thé. Exactement le même parfum, vanille. Il était en parfait état, c'était... une source de lumière dans toute cette noirceur. Un froid me glaça le sang, le chauffage avait dû s'éteindre aussi, pourtant c'était du gaz, il ne s'éteignait pas, même après des jours.
— Voilà pourquoi je ramène toujours quelque chose, et que je ne viens jamais les mains vides, dit-il en sifflotant légèrement. Si vous êtes ici, c'est parce que vous l'avez choisi. Et j'avais aussi le choix, rajouta-t-il en se retournant vers moi.
Ma maison n'avait pas de valeur émotionnelle, je ne ressentais que du dégoût maintenant que je la voyais dans un tel état. Du liquide noirâtre tombait du plafond, du goutte à goutte, me stressait. Je n'aimais pas cette ambiance, alors je me dirigeai vers la sortie, quittant Atkins.
« Non, ne fuis pas. »
Je me suis arrêtée, la main sur la poignée, hésitante. Si je partais, je me retrouverais toute seule, et ça ne fera que répéter le sentiment de solitude que j'aie ressentie lors de mon départ pour Cineburgh.
— Atkins, répondez-moi.
— Vous connaissez la réponse, dit-il réjouit. C'est qu'il n'y en pas.
Je retirai mon masque, je n'y mettais aucune force dans mon mouvement. Je ne trouverai pas de réponse, pas avec Atkins. Il m'aidait juste à me guider, il me parlait de choses que je ne comprenais pas d'un coup d'œil...
— Putain vous foutez quoi vous deux ?! La voix de Gooding me fit sursauter, la porte s'ouvrit et je me l'a pris en pleine face.
Je basculai en arrière, c'était pas possible, j'en avais vraiment marre de me prendre n'importe quoi dans la face... Gooding me rattrapa, mais il ne me calcula pas davantage, concentré sur Atkins et son air narquois.
— Tu ignores les appels de Hellwing et d'Elmira ? demanda-t-il, mais j'étais à peu près sûre que c'était une question rhétorique.
Je me reculai, me frottant le nez, ma mine se renfrognant. Gooding râlait, un peu plus que la dernière conversation entre les deux.
— Il y a un problème. C'est Sterling.
— Pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ?
— Quand tu es partie, il est devenu complètement fou, répondit-il en me dirigeant dehors, Atkins nous suivant comme un gentil enfant, les mains derrière son dos. Vous êtes restés beaucoup trop longtemps dehors, les âmes déchues vont finir par vous sentir.
« Il n'est vraiment pas content... moi qui pensais que ça ne gênerait personne. »
— C'est de ma faute pour Sterling ?
« Non, je n'ai rien fait de mal. »
Gooding me répondit sèchement avec colère :
— Oui.
J'étais coupable.
— Merde, mais c'est lui qui me parle mal et c'est de ma faute ? Je n'avais pas faim, il en fait tout un plat !
— Bien essayé le jeu de mot, mais je ne pense pas qu'il est temps de rire, Dionysia, félicita Atkins en posant une main sur mon épaule, me souriant chaleureusement.
Je le repoussai, râlant que ce n'était de loin mon intention de plaisanter. Gooding nous taisait comme un serpent crachant son venin, me ratatinant contre Atkins, je le fis.
— Les âmes déchues vont nous entendre, putain. Il va faire nuit sur Dynarburgh, informa Gooding, lui-même se calmant. Et Sterling a besoin de voir Dionysia, alors tu restes con et imprudent, ou tu réfléchis avec ta tête ?
« Il précise Dynarburgh... à Cineburgh le temps n'existe plus, donc le jour et la nuit non plus. » Il y avait juste des nuages et de la brume, des vents froids et la solitude. Je frissonnai, en repensant à ce que Atkins aurait fait de moi si il n'avait pas voulu de moi à Cineburgh, à cause de mon manque de talent. Pourquoi j'accepterai facilement d'avoir un talent intellectuel au lieu de mobilisateur ? Si mes mains ne servent à rien, alors pourquoi me servir de ma tête ? Qui va se dire que j'aide ma société pour un avenir ?
Rien, je suis rien.
Troublante, je me sentis mal d'un seul coup, comme si on venait de me planter des couteaux dans le dos. Atkins avait raison, je ne vivais que dans le déni, essayant de me convaincre naïvement. Je ne savais pas encore ce qu'il se passait avec Sterling, mais une chose est sûre, c'est que je savais qui allait s'excuser en premier.
« Moi. »
Mes parents m'avaient appris à dire ce que je pensais, tant que cela ne faisait du tord, ou que ce n'était pas un interlocuteur haut placé, comme le roi, ou la reine. Comme je n'avais vu ni l'un, ni l'autre, je m'étais toujours opposée à ce qui ne me plaisait pas. Sauf mes parents, ils décidaient ce que je ferais, ils décidaient si j'avais le droit, je devais toujours tout demander. Sinon, c'était signe de désobéissance, et alors...
— Fais-là taire, putain !
— Gooding, mon ami, ce n'est pas la bonne façon de parler à une femme, la voix d'Atkins résonna dans mes oreilles, me perturbant et coupant tout contact avec mes pensées.
Nous étions entourés. Des formes noires, sans sens, humanoïdes et monstrueuses, nous regardant avec des yeux vides noirs. Ils crachaient des jets noirs, en essayant de prononcer des mots que je ne comprenais pas.