Je regarde mon père, sans cacher mon admiration dévouée, portant le fusil de chasse, d'une telle maniabilité et aucune faille, la posture droite, caché derrière des buissons. Nous avons quitté notre abri camouflé, car les bruits d'animaux étaient plus loin, et donc, hors de notre portée. Dynarburgh a sa forêt privée, qui s'étend à plus d'une centaine d'hectares, réservée pour la chasse, mais pas seulement. Quelquefois, les gens viendront pour camper, bien que ce soit extrêmement rare. Nous ne sommes pas des chasseurs, mais mon père voulait m'apprendre comment diriger et porter une arme à feu.
Je ne voulais pas tirer sur un animal, mais j'ai promis à Père de faire de mon mieux pour apprendre au plus vite, et honorer notre famille.
Calmer la respiration, viser, silencieusement, retenir son souffle. Tirer.
Aussi, simple, et incapable.
Père me regarde, avec compassion mais je voyais autre chose dans son regard.
« De la déception, je l'ai déçu. »
Il s'attendait à plus.
Allant voir l'endroit où le cerf broutait plus tôt avant de s'enfuir par mon tir raté, je marche sur ses pas, mais m'arrête rapidement, sentant quelque chose de moelleux sous mon pied gauche.
Une souris.
J'ai écrasé une souris.
19 heures, Cineburgh :
Il est difficile d'en plus trouver notre destination, se dire qu'on est mort. Pour de vrai. Là où je n'arrivais pas à mettre la main dessus, ne serait-ce que la cause, c'est pourquoi je me sentais toujours aussi fraîche comme la rosée du matin... je respirais, je ressentais des choses, et surtout, je continuais de penser.
Atkins était un homme étrange sous ses airs d'homme de galanteries polies. Il m'avait aidé, et lui demander plus serait une preuve d'ingratitude et ça ne me ressemblait pas. Surtout que, s' il traitait des clients, alors je ne ferai pas exception à la règle.
« Je voulais mourir. Je ne peux pas regretter tout ça parce que je n'arrive pas à trouver le chemin. »
Je connaissais Dynarburgh mieux que ma poche, mais finalement, peut-être qu'elle était plus grande que je ne l'aurais pensé. Là je regrette d'avoir autant été si naïve. Peut-être, qu'il aurait fallu que je pense aux conséquences, avant d'avoir signé ce contrat dont j'aie à peine lu les conditions.
Je lâchai un soupir râlant. Au hasard, je tournais dans une ruelle, m'apprêtant à revoir une nouvelle fois un drap brumeux et froid.
Les avantages que je pouvais tirer de ma mort, c'était qu'au moins, les besoins primaires n'existaient plus, et que j'étais insensible à l'hypothermie ainsi que l'hyperthermie. Le vent secouait mes cheveux et me fouettait les yeux, cependant je ne m'arrêtais pas. Je ne voyais aucun intérêt de toute façon.
Soudain, une grande masse noir se dressa devant moi. Une bâtisse, aussi grande que belle, et plus que décrépite, que je pouvais même sentir l'odeur de la rouille. Me grattant les crêtes nasales pensant naïvement que l'odeur allait se dissiper, - ce qui ne fut clairement pas le cas -, je m'approchai davantage avant de voir une enseigne qui me fit chavirer le cœur.
« CINEBURGH
SOURIEZ, LE MONDE VOUS REGARDE ! »
Je lisais l'enseigne encore plus rouillée que tout le reste, mais fièrement allumée malgré l'âge que ce bâtiment devait avoir. Ce n'était pas mieux que la ville que je connaissais.
Dynarburgh était une ville magnifique, non seulement elle avait des musées en son nom datant du début de ses histoires, mais de plus, ses maisons, ses boutiques en tous genres, étaient extravagantes et uniques.
« Je n'ai pas dit parfaite. »
Tous les ancêtres de cette ville l'avaient faite à partir de matériaux très précis. L'eau étant la plus importante, les tuyauteries à vapeur étaient abusivement visibles. Et en fer, donc le temps passait et les bâtiments avec, nous avons des des gens d'entretien concernant ce problème de rouille constant. Il fallait frotter les endroits rouillés avec du vinaigre et du gros sel, et sécher, tout le monde sait ça.
Cineburgh n'était pas une ville, mais un vieux... espèce de théâtre abandonné.
En regardant de plus près... je remarquai une légère lueur clignotante, une cabine de réceptionniste, étant à court d'idées et ne savant pas où aller, je marchai vers celle-ci prenant billet en mains bien fermes et nerveuses.
« Si on me demande où j'ai trouvé ce ticket, je dis qu'il était par hasard dans ma poche sans que je m'en aperçoive. Ou sinon je dis que Atkins me l'a donné. »
Je n'avais même pas de preuve si c'était lui ou non, lorsqu'il a voulu voir de plus près mon ticket, c'était comme si lors du contact, ses doigts avaient pris feu.
« Il m'a dit de sourire, que le monde me regardait. Métaphore, pour sûr, mais pas juste dit juste pour dire. »
Atkins m'avait dit de sourire avant de partir.
Mettant mon masque souriant, je vis une clochette mise à disposition, ne voyant que très peu, je sonnais, ne savant quoi faire d'autre d'utile pour l'instant, j'attendis que quelqu'un vienne et me réponde.
Tout autour, c'était le silence pesant de l'ennui, et de la mort. Aucun son, ni même les sifflements qui me permettaient de ressentir en quelque sorte la présence d'Atkins.
— Bonsoir.
Je tressaillis, me retournant vivement vers la voix, surprise, la personne me fixa, mais n'avait pas l'air d'en avoir quelque chose à faire :
— Bonsoir, j'ai un ticket, dis-je timidement, lui donnant.
Quand mes yeux croisèrent les siens, je ne vis rien du tout ; le réceptionniste portait un casque, avec sur le front, une horloge. Je pouvais maintenant voir l'heure qu'il était, des verres ronds lui permettant de voir, mais pas réciproquement. Son haut était une chemise blanche ainsi que par-dessus une veste bleue avec un col de veste gris. Je reconnu une sangle d'arme d'épaule.
Ce style vestimentaire était vieux, mais l'homme ne me laissa plus de temps pour l'examiner. Il point son casque d'une manière nonchalante et me dit :
— Vous voyez l'heure ?
Elle affichait vingt-heures.
— Oui ?
— Bah vous êtes en r'tard, dit-il en ouvrant violemment la porte, apparaissant devant moi. Votre ticket.
Il me le redonna, deux petits trous l'avaient perforés. Je pus voir son pantalon marron, des jambes très fines mais musclées, quelque chose d'énorme et replié sur lui-même dans son dos dont je ne pouvais plus longtemps m'attarder une fois encore. Il portait des gants en cuivres marrons, et un collier, un fusil à pompe.
« Pourquoi vouloir user d'une telle arme dans un tel endroit ? »
— Désolée, je ne suis jamais venue ici, dis-je inquiète que ça n'empire plus ma situation.
Mais bizarrement, il me haussa les épaules, toujours sous le même ton :
— Je le sais, vous seriez pas en r'tard sinon.
Il s'avança me précisant de le suivre à l'intérieur, j'entendis les bruits de tuyauterie travailler et faire passer de l'eau alors que je passais à côté avec le réceptionniste.
Je ne connaissais toujours pas son nom, et c'était sans doute mieux comme ça.
Je ne pus m'empêcher de me demander si Atkins serait à l'intérieur, lui aussi.
« Tout est si sombre, et silencieux. »
Jusqu'au moment où j'entendis des murmures, tendant une oreille, je ne me préoccupais pas du réceptionniste, restant lui-même silencieux, et ne m'adressant aucun signe qui pourrait me donner une raison de lui parler. Une chose sûre, et que donc j'en étais certaine, c'était que cet homme était du genre très je-m'en-foutiste, en plus d'être très assidu quant à la ponctualité.
En s'enfonçant plus profondément dans la demeure, je n'eus besoin de plus de temps pour voir que nous étions dans un théâtre. La tapisserie usée, mais tout de même jolie et bien entretenue, rose très foncée, qui on confondait même avec du rouge, des lys en motif doré, le hall était propre, pas une poussière, pas d'humidité, et pourtant, de dehors, ce théâtre combattait contre le temps et la rouille pour ne pas s'écrouler. La voix du réceptionniste me parvint à l'oreille, résonnant en écho :
— Je m'appelle Gooding. Nous sommes en plein spectacle, ne t'en fais pas, tu n'as pas raté grand chose.
Gooding me proposa de passer avant lui, la première fois, d'un premier geste galant qu'il faisait envers moi. Il ne fallait pas que je m'attende à ce qu'ils ou elles agissent comme Atkins.
Je le remercie.
— Dionysia.
Il hocha la tête d'approbation, en vain ne me dit pas un mot de plus. J'entendis des applaudissements, tous ces gens applaudissaient et je plongeais dans le noir sans savoir où aller. Par réflexe je scrutais toute la salle, de fonte en comble ; j'étais en hauteur, pas haute, non, car j'ai remarqué un deuxième étage, les loges. En-dessous, quand je me penchai pour regarder, il y avait une scène ronde, des escaliers autour d'elles, et un tapis rouge, longeant jusqu'à une sortie inconnue que je ne pouvais voir de là où j'observais. En revanche, j'entendis un son de piano, et vis une femme jouer.