Apparemment, peu importe le chemin qu'on prend, c'est la destination qui compte.

On peut tout perdre, mais l'âme qui est la conscience de pensée et donc de l'Homme reste.

J'ai signé mon arrêt de mort.

9 heures 20, Dynarburgh :

Après avoir récupéré quelques affaires que j'estimais utiles, comme argent, et nourriture pour la route, je récupérais le ticket sur la table de la cuisine et regardai une nouvelle fois mon chez-moi.

« Quelle est la raison de cette peur, du fait que je ne la reverrai plus avant un moment ? »

Je soupirai, et franchis la porte avec en tête de trouver cet endroit. Je connaissais Dynarburgh, mais j'avoue honteusement de ne pas avoir su plus tôt l'existence de Cineburgh. Atkins était le seul qui pouvait réellement me guider, pas maintenant, pas demain, mais quand je serais arriver dans cette ville si mystérieuse de mes connaissances.

Je n'étais jamais sortie de la ville. Dynarburgh était ma cité natale, où j'ai grandi en tant qu'artisane d'armes à feu, bercée par les histoires que mes parents me racontaient, que chacune d'elles avait une beauté et une technologie à percevoir, comme une découverte secrète.

Quitter mon ancienne vie, c'était abandonner nos talents natifs. Mais quels talents ? Ils ne me suffisaient plus.

La preuve, j'ai signé ma mort.

« Je suis morte, mais de quoi ? »

Les quartiers riches de Dynarburgh étaient très distingués de celles des classes moyennes, les sols étaient dallées, les boutiques toutes les enseignes étaient éteintes. Étrange, la rue devrait être éclairée. Tout avait l'air désert, plus aucun bruit, toutes les boutiques artisanales étaient fermées.

« Détruite, la ville est détruite. »

Atkins m'avait dit que l'ambiance ne me laisserait pas indifférente, certes, mais où étaient passé la moitié des habitants ? Dynarburgh était la ville la plus peuplée et vivifiante de toutes les autres.

La saison de l'hiver n'avait rien à voir avec la mort des feuilles des arbres, et des silences des oiseaux et des bêtes. Il faisait noir, je ne voyait qu'à peine mes pieds, plus loin, on dirait les ténèbres.

Et je me sentais seule. Le sentiment de vide provoqué la nuit dernière avant ma mort, était exactement pareil. Voire en pire.

« Y a-t-il seulement une personne ici ? »

Je regardai mon ticket, j'ignorais de quoi il s'agissait, de train, de cinéma, de cirque... Rien ne me l'indiquait.

***

Je continuai de marcher dans la pénombre, entendant le vent souffler légèrement, mes cheveux suivant le courant. On aurait pu croire que c'était un signe d'indication du chemin à prendre, mais ça n'existait que dans les films. Mes bruits de pas résonnèrent encore plus que d'habitude et je su à quel point j'étais seule.

Soudain, un sifflement retentit de nul part, enfin, j'avais un signe de vie quelque part, si seulement ça en était un. Le sifflement d'une mélodie, que je reconnais presque car il me faisait penser à la mélodie entendue la veille avant de m'évanouir.

Des nuances graves, et lentes, on pourrait danser mais pas chanter. Ce n'était pas énergique, un peu effrayant aussi.

Soudain, le sifflement se faisait plus fort et un peu plus rapide, comme un refrain, et là, je vis un homme. Atkins. Il dansait, je ne m'y connais pas trop en danse, mais j'aurais dit de la valse, mais personne n'était avec lui.

« Est-ce que je vais le croiser partout où j'irai ? Je commence à croire que ce n'est plus le hasard. »

Je partis pour le rejoindre, mon pas empressé presque trottant, j'allai pour lui crier quelque chose afin d'attirer son attention, mais à peine j'ouvris la bouche, que Atkins me regardait déjà en ma direction.

Mais il ne me regardait pas. Il parlait à quelqu'un d'autre.

_ J'avais juste envie, dit-il en faisant une révérence à quelqu'un que je ne pouvais voir. N'oubliez pas votre cher ami Atkins, et il lâcha un rire sombre.

Derrière lui, son ombre souriait. Il bougeait, libre de ses gestes et de ses expressions.

« Qu'ai-je fait ? »

J'ai pactisé avec le Diable.

— Dionysia, quel plaisir de vous revoir.

Il me prit la main délicatement pour me l'embrasser ensuite. Je ne sentis que de la froideur et du métal malgré sa bonne intention de galanterie. Il remit ses mains derrière le dos, cliquetant ses doigts métallisés entre eux.

— À qui parliez-vous à l'instant ?

— Client.

Vu qu'il n'allait pas m'en dire davantage, je choisis de changer de sujet et de lui remettre mon ticket retrouvé dans ma poche. Curieux, il pencha la tête vers celui-ci pour l'examiner avec des yeux avides, mais ses mains se brûlèrent et s'avisa d'y recommencer. Il me sourit, amplement ravi :

— Vous avez là une rareté d'enfer. Cineburgh est un endroit formidable si on n'oublie l'odeur de cadavre, de maladie, et des vieux objets d'antiquité et des livres poussiéreux oubliés dans le passé.

Il réfléchit une seconde avant de rajouter :

— J'espère que vous avez des vêtements adéquats, elle n'apprécie d'autres tenues vestimentaires que celles qu'elle exige et aime.

Je balbutiais, comme une enfant à qui on a demandé si elle a fait ses devoirs ou non. Trouvant amusant de se moquer de moi et de mes pertes de moyens, Atkins me sourit et joue avec mes cheveux, en les bouclant.

— Je peux bien aider. Après tout, je vous dois bien un geste. Fermez les yeux, Dionysia.

À contrecœur, j'acceptai. Il n'eut plus de bruit pendant de longues minutes, et pensant qu'il était partit, je commençai à froncer les sourcils à peine que j'aie entrouvert un œil, Atkins râla, lâchant un rire rauque.

— Jouez le jeu, Miss !

Je refermais ma paupière. Les minutes se passèrent, et enfin, Atkins me fit signe que je pouvais les ouvrir, tout ce que je portais avait changé, plus impressionnant encore c'est que je n'avais absolument rien ressenti. Ma robe autrefois simplement noir pour les soirées festives, bien qu'elle m'ait coûté cher, à cet instant remplacée par une autre bleue avec des motifs en or, dont je ne reconnaissais aucun symboles de la royauté de Dynarburgh. Je portais des talons, habillée de la tête aux pieds de la même couleur, je touchais la soie de mes nouveaux gants noirs très fins, et agréables, dont par-dessus des protège bras très élégants, les motifs similaires à la robe.

Atkins me sourit, très satisfait et me regarda d'un œil critique de haut en bas. Je souris un peu gênée, mes cheveux auburn s'envolant dans la brise légère et froide.

— Elle n'aimerait pas voir votre visage, ni que vous voyez le sien. C'est une coutume courante à Cineburgh, m'informa Atkins en me tendant un masque bleu ressortant avec ma tenue, et, quand je les examinais, remarquais un sourire.

Atkins m'expliqua :

— Souriez Dionysia, le monde vous regarde.

Perturbée, je n'arrivais pas à croire ce qui m'arrivait. Il me sourit, et sans savoir pourquoi, je le souris mais ce n'était qu'une facette pour faire plaisir que fait par plaisir.

Atkins m'embrassa une dernière fois la main et reprit sa mélodie sifflante, continuant tel un vagabond sans but précis dans l'esprit que marcher. Il ne se souciait de rien, du moins, je le pensais.

— Vous partez voir un autre client ? Où se trouve Cineburgh ? Atkins attendez !

Je me repris quand il se retourna vers moi, ravi.

— Pourquoi faites vous tout ça pour moi ? Dis-je perdue, cherchant un indice quelconque pour m'aider. En vain.

— Dionysia... Vous êtes plus jolie quand vous souriez.

Et il partit.

Je me suis retrouvée seule, encore.