Ils pensent tout savoir,
Moralité et conscience
4 heures 30, Cineburgh :
— Encore une réprouvée. Elle est maudite.
— Heu... dit Gooding, ce n'est pas pour vous déplaire, je m'en fous de quoi vous parliez toutes les trois, mais... pouvons-nous revenir sur le pilier royal qui est en train de se casser la gueule ? Atkins, tu as retiré sa vie, maintenant, il faut penser sérieusement aux conséquences. PUTAIN, NE ME TOUCHES PAS !
Je me réveillais en sursaut, haletante, dans un lit transpirante, me touchant par réflexe la joue et la bouche. C'était une manière de me rassurer que j'étais toujours là, en quelque sorte. Parcourant la pièce des yeux, je reconnus bien vite la loge de Gooding, visitée il y a quelque heures plus tôt. Mon masque était posée sur le chevet, comme dû, j'étais dans le lit d'en bas.
Qu'est-ce que je faisais ici ? je pensais être avec les autres, dans la salle de théâtre, à me demander pourquoi je m'étais enlevée la vie.
— C'est Sterling qui t'a demandé ça ? demanda la voix de Atkins mielleusement.
Je n'éprouvai aucun plaisir, aucune envie de vouloir écouter cette conversation.
— Oui, mais comme je m'inquiète également, j'ai accepté avant qu'il ne parte à Tineburgh. Il avait des affaires urgentes. Si les âmes déchues apprennent que la ville a une faille, ils vont essayer de mettre la main sur Dionysia et se servir de son esprit pur comme portail au monde des vivants, Atkins.
— C'est quoi le plus important pour toi, Gooding ? Qu'elle continue de vivre dans la souffrance et la solitude, pour qu'elle devienne une âme déchue à son tour ? Bien, j'aime ta façon de penser, dit ironiquement en colère Elmira haussant le ton.
La voix de Gooding s'éleva aussi, me faisant mal aux oreilles. Il était tellement en colère.
— Une âme ne vaut pas celle de Dynarburgh ou de Cineburgh ! On doit faire comme le système nous dit de faire, sinon, on paye les conséquences. Si les âmes déchues arrivent à Dynarburgh, nous aurons fait tout cela pour que dalle, de la merde, et des nuits blanches ! N'oubliez pas ce qu'à fait Hellwing pour nous... —
— Tu oses me dire ça, Gooding ?
Atkins ?
Je me levai, trébuchant, mais me relevant avec un élan si fort que moi-même je manquais de trébucher une fois de plus. Ce n'était pas sa voix. Elle était... plus sombre, et plus... fade. Je ne saurais comment la décrire, ni sa voix, ni le sentiment désagréable que j'éprouvai à l'entendre.
— Atkins ? appelais-je, ma voix craquée me surpris.
Gooding ne me dit rien, et passa à côté de moi, entrant dans la chambre que je venais de quitter. J'entendis sa gnôle s'ouvrir et la porte se ferma brusquement.
— Petite femme, quelle joie de vous voir réveillée... et quel beau visage que j'ai envie d'embrasser, dit Elmira souriante.
Elle devait avoir l'habitude.
Et ses paroles me déstabilisaient comme si c'était la première fois.
Je me calmai, Atkins m'embrassant les mains, et ses doigts me les frottaient délicatement.
— Je ne voulais pas vous réveiller, dit-il sincère.
— Gooding a une peur justifiée, dis-je en essayant de donner de l'autorité dans ma voix, mais les yeux d'Atkins me faisaient peur, et je devais faire attention à ce que j'allais dire, je ne le reconnaissais pas, en fait, ça me fit rappeler que nous ne connaissions pas tout court. Les âmes déchues que parlaient Gooding... pourquoi m'avoir fait signer alors qu'il y avait des chances que mon âme puisse être un réel problème ?
Je ne suis bonne ni à vivre, ni à mourir.
Sa prise se renforça légèrement, me faisant peur. Je voulais les retirer, mais Atkins ne le fit pas.
— Pourquoi avoir peur de moi ? Dionysia, chère amie, ne vous inquiétez pas. Souriez, dansez, jouez. Trouvez votre talent, vous n'êtes pas comme les autres.
Violemment, je lui tapai les mains, me sortant de cette emprise qui me mettait en danger.
— Non. Je ne ferai de ce que vous demandez, Atkins. Gooding n'avait pas à être menacé de la sorte. Je suis peut-être peureuse, et puérile, en revanche je reconnais quand quelqu'un n'est pas bienveillant. Et... qui me fait peur.
Je me retournai, vite, rentrant dans la chambre, soupirant un soupire de détresse. Un rire se fit entendre jusque dans mon échine, un froid me faisant trembler.
J'aie fermé à clé.
Atkins gloussa, et s'en alla, Elmira, était sans doute partie avec lui.
— Alors ma sauveuse ? Dit avec sarcasme Gooding, perché en haut du lit, allongé sur le dos et buvant sa gnôle.
Je me précipitai vers mon masque pour le remettre, sans savoir pourquoi mais je me disais que si personne ne montrait son visage, alors je devrais faire la même chose. L'ambiance... n'était plus la même. C'était mauvais, de savoir trop de choses d'un coup. Je regardai Gooding, lui me haussant les épaules.
— Pourquoi tu ne te défends pas ?
— Atkins n'a jamais obéit à quelqu'un d'autre que lui-même, audacieux, et stupide de ta part de t'en être mêlée.
Je grimpai sur le lit, sans même sans autorisation, et me faufilai devant lui, ses ailes étant de sortie je fis attention de pas les écraser. Gooding protesta désagréablement, et essaya de me repousser, ne savant pas comment s'y prendre. Je ne le touchais pas, juste, je m'assise en face de lui.
— Mais c'est quoi ton délire, bordel ?!
— Alors toi aussi tu as peur ? dis-je doucement, mais je n'attendais aucune réponse. Tu n'aimes pas qu'on te touche, pourquoi ?
Gooding n'apprécia pas mon intrusion, et j'allais trop loin. Je commençai à descendre du lit, ma manche se tira sous une petite pression.
— Ne descends pas.
— Pourquoi ? Je retourne juste en bas, si tu veux qu'on...
Il me fit taire, et éteignit les lumières, nous plongeant dans le noir, perte de sang-froid je pris brutalement sa main, dans l'espoir de trouver de l'assurance. Ma plus grande surprise et sans doute la meilleure depuis longtemps, il me la serra, me tirant vers lui.
J'entendis des bruits de gouttes d'eau, des pas, et aussi, des murmures que j'arrivais à peine à savoir si c'était humain ou non. Gooding restait calme, comparé à moi qui étais en train de l'agripper si fort que mes ongles se plantaient dans sa veste.
Tic, tac, tic, tac, toc.
En boucle.
J'avais bien fait de fermer la porte à clé, car quelqu'un essayait de l'ouvrir, d'abord doucement, mais ensuite se déchaîna sur la porte. Resserrant mon emprise sur Gooding, je priai pour que tout s'arrête. Ça partait dans le fond du couloir, puis ça revenait, les murmures revenaient plus forts, et ça courait de temps à autre.
Une fois terminé sur ce qui semblait être des heures plus tard, Gooding respirait à nouveau, et ralluma les lumières. Bloquant sur son torse, il était tout simplement hors de question et inimaginable que je le lâche.
— Ce sont les âmes de Cineburgh, murmura-t-il calmement, il ne me demanda même pas de me retirer.
— Pourquoi venir ici ?
Gooding haussa les épaules.
— Parfois elles rentrent dans la chambre quand j'oublie de fermer la porte. Ils ne savent pas ce qu'ils font, mais leurs instincts primates cherchent à revenir ce qu'ils étaient avant. Et aussi...
Gooding hésita, mais en remontant ma tête, je vis qu'il avait une attitude étrange et pour la première fois, très tendu et compatissante.
— Atkins était en rogne, finit-il par rajouter, et ça m'a suffit à comprendre pourquoi Gooding ne lui tenait pas tête très longtemps. Il arrive encore à repousser les âmes déchues, mais ce n'est pas dit que ça continue ainsi. Heureusement, dit-il sincèrement soulagé, dans ton audace il y a aussi de la prudence, c'est pas dit que ce soient les âmes déchues qui voulaient entrer.
Je me sentais encore plus mal. Est-ce que c'était censé être une bonne chose ?
Est-ce que le lendemain je verrais le même homme ?
Bordel... qu'est-ce qu'il m'aurait fait si je n'avais pas fermer cette porte ?
— Gooding... ? commençai-je, mais je fus coupée instantanément.
— Oui, tu peux rester dormir avec moi, Dionysia.
Malgré la présence rassurante de Gooding, j'aie eu du mal à m'endormir, les yeux me piquant de fatigue, je n'arrivais pas à dégager cette once de peur qui me paralysait chaque fois que je fermais les paupières, imaginant, qu'ils soient là à attendre que je baisse la garde pour me prendre, et faire je ne sais quoi que je n'osais pas imaginer.