L'âme refléterait notre vraie personnalité.
On dit qu'elle est la seule à rester avec nous, dans le néant.
Quant à moi, la mienne d'âme, je la regarde, et lui dis :
« Nous aurions dû mourir plus tôt. »
1 heure 09, Cineburgh :
Peu après notre conversation sur les ailes de Gooding et ses origines, celui-ci voulait me faire rencontrer Elmira. J'étais d'accord, plus à l'aise et détendue, découvrant chaque parcelle de cet endroit, chaque recoin, me rendais folâtre à l'idée de rencontrer la musicienne de la troupe dont Gooding m'avait parlé.
La décoration était similaire à toutes les autres dans les pièces, autre notre loge qui avait plus de masques et d'objets personnels.
Une voix que je reconnais dès la première nuance me fit retourner vivement, Gooding stoppant avec moi pour regarder.
— Atkins ! Dis-je enjouée.
Il me sourit, remettant son haut-de-forme correctement et salua Gooding qui lui sortit un bonjour de politesse partagé.
— Dionysia, je suis ravi de vous revoir ! Vous avez trouvé l'endroit plus vite que je ne le pensais.
« J'ai arrêté de me poser des questions concernant ses présences soi-disant aléatoires. »
Et alors qu'il m'embrassa la main, il s'adressa à Gooding :
— Il y a des choses que nous devons éclaircir au plus vite, j'ose croire que notre hôtesse sera présente ? Un sourire narquois fendant son visage, penchant la tête et serrant et ouvrant le poing jouant avec les doigts qu'il déploya lentement.
Perdue, je ne dis aucun commentaire et observai seulement Gooding répondre avec une indifférence et une voix quelque peu agressive.
— La ferme, elle vient si elle veut.
Défiant, Atkins s'avança au niveau du faux-col de Gooding, se regardant fixement et avec un sourire provoquant un râle chez le messager.
— J'ai bien peur que l'envie soit secondaire à l'obligation, cher ami.
— Je lui ferai passer le message, connard.
Surprise par le langage et l'hostilité - qui faisait rire Atkins - qu'avait employé Gooding, m'a fait taire pendant tout le reste de leur échange. Ils m'avaient totalement oubliée, ça ne me dérangeait absolument pas, d'ailleurs, on aurait dit qu'ils étaient chien et chat.
La tension dans l'atmosphère augmenta, me mettant mal-à-l'aise je souriais de nervosité, j'étais en train de regarder une scène dont j'en étais une simple spectatrice. Un peu gênante.
« Seulement, je veux me faire rembourser. »
— Bien, très bien, Gooding, merci, Atkins se recula et en tenant son haut-de-forme une nouvelle fois.
Gooding serra les poings, et laissa tomber, soufflant et crachant une autre insulte. Il n'avait pas l'air du genre à être bagarreur, bien qu'il avait le sang chaud, on voyait bien qu'il ne se servait pas de ses poings.
« Ou alors il ne se comporte ainsi qu'avec Atkins ? »
— Va te faire foutre, Atkins.
Ce dernier allait lui serrer la main, mais Gooding fit un pas en arrière, évitant lestement le geste. Atkins sourit, le laissant tranquille, Gooding se détendant. Un peu ennuyée, et embarrassée par ce qu'il se passait, j'ai décidé de marcher aveuglement dans les couloirs, les deux hommes se disputant encore.
J'entendais d'ici leurs chamailleries, devenu des sonorités secondaires, faiblement, un son de piano éveilla ma curiosité, et comme je n'avais vu qu'une seule musicienne, tout de suite, j'ai pensé à Elmira.
« Je suis dans la bonne direction. »
Alors que je m'approchai doucement mais sûrement des sons de piano, d'un coup ils s'arrêtèrent. Hésitante, je continuai de m'avancer, et je vis une porte entrouverte, maintenant elle sifflait, même mélodie que son piano. Elle écrivait.
— Qui est là, à me regarder, n'as-tu aucun courage à te présenter devant moi ? je ne vais pas te manger. Entre, petite femme.
Je restai figée. Sérieusement ?
« Petite femme ? »
— Bonsoir... Gooding voulait me présenter, mais il est occupé avec...
Je me fis couper brusquement dans mon élan, Elmira me tenant la main et la regardant soigneusement. Me taisant, je l'observais faire, et elle me tapota ma main avec l'autre qui tenait sa plume. Elle me regarda dans les yeux, pénétrant mon âme, ou ce qu'il restait de mon corps depuis ma mort.
Elle me sourit.
— Sage petite femme.
— Pardon ? Dis-je silencieusement étonnée par ce surnom beaucoup trop péjoratif à mon goût.
J'ai pu percevoir de plus près son visage, elle était plus belle que de loin. Son teint blanchâtre sans pour autant être jusqu'à pâle, son nez fin, et sa bouche tout aussi fine, maquillée d'un rouge à lèvres noir.
J'ai cru qu'Elmira voulait m'embrasser mais c'est juste pour me déposer un fine baiser sur le coin de la lèvre, mais ne toucha pas ma peau grâce au masque que je portais. Mes joues chauffaient, et je me reculai, la repoussant gentiment.
— Désolée, mais ce genre de relation ne m'intéresse pas... pas le fait que vous soyez une femme, loin de là !
Je ne voyais pas le reste de son visage, mais la moitié était découverte, et je vis ses lèvres fines me faire un sourire charmeur.
« Gooding, Atkins, seigneur je suis tellement pas à l'aise. »
Tremblotante de ce contact trop proche et intime à mon goût, Elmira en ria bien que je n'apprécie pas, cependant rien n'était drôle. Mais elle cacha avec sa main gantée noire son sourire :
— Désolée petite femme, j'ai tendance à être trop tactile dès que je rencontre quelqu'un. Ton âme est si jolie.
Je penchai ma tête sur le côté ne comprenant pas. Avait-elle un don permettant de voir à travers les gens, leurs âmes et leur pureté ?
Elmira me jugea de haut en bas, comme un objet d'étude, elle n'arrêtait pas d'élargir son sourire. Finalement... je préférais quand elle jouait.
Comme un miracle, Atkins apparut derrière moi et m'éloigna d'Elmira. Son sourire s'effaça, et elle soupira lentement, me sentant pire que nue devant elle qu'avait pu faire Atkins.
— Elle a une âme pure, pourquoi mourir ? demanda-t-elle à Atkins. Tu enlèves un talent à notre ville.
J'étais touchée par ses mots.
« Mais ce n'est pas vrai. J'en ai aucun, et si la beauté de l'âme devrait en être un... »
« Non, c'est faux. »
— Tu nous a cassé Dionysia, dit Atkins, un sourire discret en coin. Regarde, elle ne répond plus. Et si elle est là... ça veut bien dire que tu te trompes, non ?
Les deux se fusillèrent, je ne sais pas si c'est Atkins qui avait raison, ou Elmira qui tentait de me faire comprendre qu'elle voyait quelque chose en moi que personne d'autre ne voyait.
Je ne voyais que moi, mes mains, l'identique Moi.