Contre-la-montre
Une heure et quart.
Le compte a rebours venait de s'enclencher. Dans exactement trois heures, l'État enverrait ses hommes l'arrêter. Il avait un plan pour fuir, tout était prêt.
Il mit son chapeau, seul souvenir de toute sa famille. Puis il prit un sac et, tout en le glissant sur son dos, il pénétra dans une trappe dissimulée par une lourde et solide commode dont le style était dépassé depuis au moins trois siècles. Il avait peur, avec raison : les agents qui devaient l'arrêter étaient des professionnels, qui avaient anéanti sa famille en un an et deux mois, un membre par mois, à la même heure. Ils étaient sadiques. Cette famille, cachant depuis trop longtemps les secrets de l'État, devait disparaitre de la pire des façons.
Le survivant, du moins pour le moment, courait dans le sous-sol qu'il avait creusé au décès de sa mère, morte en deuxième. Il avait travaillé dans relâche pour élaborer des galeries labyrinthes, des pièges et des fausses sorties. Les agents avaient peu de chances de le retrouver.
Deux heures.
Encore deux heures et quart avant que les agents trouvent la supercherie. Le fugitif empruntait la bonne galerie, en faisant attention aux empreintes qu'il laissait. Parfois il marchait à l'envers, parfois il rampait, parfois il laissait des traces évidentes. Plus le temps passait, plus son désespoir augmentait, plus son espérance de vie diminuait. Il tremblait. Il ne voulait pas mourir.
Sa montre à gousset faisait du bruit, si bien que chaque seconde était marquée d'un "tic, tac". Plus le temps passait, plus le bruit emplissait la tête de l'homme, plus le bruit résonnait dans les galeries. Il dû lutter pour ne pas hurler. La folie le gagnait doucement.
Dès qu'il sentait qu'elle prenait le dessus, il songeait à la personne qu'il avait le plus aimé. Ce qu'il ignorait, c'est que cette pensée le rendait mille fois plus fou.
Deux heures et demi.
Le temps semblait s'être ralenti. Il en avait assez de sa fuite et avait l'impression de s'être perdu dans son propre labyrinthe. Il passa devant ses traces de pas pour la énième fois et s'écroula sur le sol en pleurant. Sa peur se muait en paranoïa, son désespoir se muait en folie. Il dessinait une forme géométrique très semblable à un cœur sur le sol.
Il crut entrevoir sa fille au loin, l'appelant en riant. Il se releva et courut vers elle. Lorsqu'il voulut la prendre dans ses bras, elle disparut. Le désespoir le submerga de nouveau et la folie revint, si bien qu'il traîna longtemps dans les galeries en appelant sans intonation sa fille.
Il ne s'aperçut même pas que son chapeau était tombé.
Trois heures et quart.
L'homme était proche de la sortie. Il voyait la lumière au loin, il sentait l'air de la nuit arriver vers lui. Il décida de s'arrêter et recommença son dessin. Cette fois, il entendit une conversation familière.
« N'as-tu donc aucun sens du danger ? Il aurait bien pu te tuer !
-Mais il n'a rien fait. Apprends à lui faire confiance, c'est une bonne personne. »
Il se dirigea vers le son et vit sa belle-mère réprimandant son fils. L'exilé sentit son cœur fondre devant celui avec qui il avait partagé sa vie, celui qui l'avait aidé à éduquer une charmante petite fille. Il courut vers son amant, mais le traversa. La belle-mère secoua la tête avec pitié et disparut.
Quatre heures moins le quart.
La montre à gousset n'avait jamais fait autant de bruit. L'homme n'avait jamais tremblé aussi fort. Sa respiration n'avait jamais autant été saccadée. C'est en achevant son dessin qu'il entendit ce qui allait lui donner la force de continuer.
« Tu ne peux pas mourir ici, au bord de la folie.
-Tu es l'honneur de notre famille !
-À ton âge, je serais déjà loin.
-Je crois en toi! »
Mille paroles positives de la part de ceux en qui il avait placé toute sa confiance. Il en était tout ému. Il voulut s'avancer vers sa famille mais son père secoua doucement la tête, pour indiquer que ce n'était pas le moment. L'espoir revint remplir l'homme qui regarda chaque membre de sa famille injustement tuée. Il allait réussir, pour eux. Il se dirigea vers la sortie, et n'entendit même pas les mots de sa fille qui dévoilaient la vérité qu'il refusait d'accepter :
« À tout à l'heure, papa. »
Quatre heures et quart.
L'homme venait de sortir de sa galerie. Il tomba nez à nez avec dix hommes vêtus de noir. Pourrait-il tenter d'implorer leur pitié ? Savaient-ils, malgré la pénombre, qui il était ? L'avaient-ils reconnu ? La réponse ne fut pas une parole mais un rire.
L'homme compris immédiatement et leva son majeur en direction des assassins de l'État.
Plus tard.
Sa famille était devant lui.
Il vit sa mère lui tendre son chapeau avec un sourire moqueur, comme lorsqu'il était enfant. Il le saisit, et l'objet resta entre ses mains. Sa fille ne disparut pas quand il la souleva.
Il comprit vite pourquoi.
Il sourit. Son fardeau disparut au même moment.
Le compte a rebours venait de s'enclencher. Dans exactement trois heures, l'État enverrait ses hommes l'arrêter. Il avait un plan pour fuir, tout était prêt.
Il mit son chapeau, seul souvenir de toute sa famille. Puis il prit un sac et, tout en le glissant sur son dos, il pénétra dans une trappe dissimulée par une lourde et solide commode dont le style était dépassé depuis au moins trois siècles. Il avait peur, avec raison : les agents qui devaient l'arrêter étaient des professionnels, qui avaient anéanti sa famille en un an et deux mois, un membre par mois, à la même heure. Ils étaient sadiques. Cette famille, cachant depuis trop longtemps les secrets de l'État, devait disparaitre de la pire des façons.
Le survivant, du moins pour le moment, courait dans le sous-sol qu'il avait creusé au décès de sa mère, morte en deuxième. Il avait travaillé dans relâche pour élaborer des galeries labyrinthes, des pièges et des fausses sorties. Les agents avaient peu de chances de le retrouver.
Deux heures.
Encore deux heures et quart avant que les agents trouvent la supercherie. Le fugitif empruntait la bonne galerie, en faisant attention aux empreintes qu'il laissait. Parfois il marchait à l'envers, parfois il rampait, parfois il laissait des traces évidentes. Plus le temps passait, plus son désespoir augmentait, plus son espérance de vie diminuait. Il tremblait. Il ne voulait pas mourir.
Sa montre à gousset faisait du bruit, si bien que chaque seconde était marquée d'un "tic, tac". Plus le temps passait, plus le bruit emplissait la tête de l'homme, plus le bruit résonnait dans les galeries. Il dû lutter pour ne pas hurler. La folie le gagnait doucement.
Dès qu'il sentait qu'elle prenait le dessus, il songeait à la personne qu'il avait le plus aimé. Ce qu'il ignorait, c'est que cette pensée le rendait mille fois plus fou.
Deux heures et demi.
Le temps semblait s'être ralenti. Il en avait assez de sa fuite et avait l'impression de s'être perdu dans son propre labyrinthe. Il passa devant ses traces de pas pour la énième fois et s'écroula sur le sol en pleurant. Sa peur se muait en paranoïa, son désespoir se muait en folie. Il dessinait une forme géométrique très semblable à un cœur sur le sol.
Il crut entrevoir sa fille au loin, l'appelant en riant. Il se releva et courut vers elle. Lorsqu'il voulut la prendre dans ses bras, elle disparut. Le désespoir le submerga de nouveau et la folie revint, si bien qu'il traîna longtemps dans les galeries en appelant sans intonation sa fille.
Il ne s'aperçut même pas que son chapeau était tombé.
Trois heures et quart.
L'homme était proche de la sortie. Il voyait la lumière au loin, il sentait l'air de la nuit arriver vers lui. Il décida de s'arrêter et recommença son dessin. Cette fois, il entendit une conversation familière.
« N'as-tu donc aucun sens du danger ? Il aurait bien pu te tuer !
-Mais il n'a rien fait. Apprends à lui faire confiance, c'est une bonne personne. »
Il se dirigea vers le son et vit sa belle-mère réprimandant son fils. L'exilé sentit son cœur fondre devant celui avec qui il avait partagé sa vie, celui qui l'avait aidé à éduquer une charmante petite fille. Il courut vers son amant, mais le traversa. La belle-mère secoua la tête avec pitié et disparut.
Quatre heures moins le quart.
La montre à gousset n'avait jamais fait autant de bruit. L'homme n'avait jamais tremblé aussi fort. Sa respiration n'avait jamais autant été saccadée. C'est en achevant son dessin qu'il entendit ce qui allait lui donner la force de continuer.
« Tu ne peux pas mourir ici, au bord de la folie.
-Tu es l'honneur de notre famille !
-À ton âge, je serais déjà loin.
-Je crois en toi! »
Mille paroles positives de la part de ceux en qui il avait placé toute sa confiance. Il en était tout ému. Il voulut s'avancer vers sa famille mais son père secoua doucement la tête, pour indiquer que ce n'était pas le moment. L'espoir revint remplir l'homme qui regarda chaque membre de sa famille injustement tuée. Il allait réussir, pour eux. Il se dirigea vers la sortie, et n'entendit même pas les mots de sa fille qui dévoilaient la vérité qu'il refusait d'accepter :
« À tout à l'heure, papa. »
Quatre heures et quart.
L'homme venait de sortir de sa galerie. Il tomba nez à nez avec dix hommes vêtus de noir. Pourrait-il tenter d'implorer leur pitié ? Savaient-ils, malgré la pénombre, qui il était ? L'avaient-ils reconnu ? La réponse ne fut pas une parole mais un rire.
L'homme compris immédiatement et leva son majeur en direction des assassins de l'État.
Plus tard.
Sa famille était devant lui.
Il vit sa mère lui tendre son chapeau avec un sourire moqueur, comme lorsqu'il était enfant. Il le saisit, et l'objet resta entre ses mains. Sa fille ne disparut pas quand il la souleva.
Il comprit vite pourquoi.
Il sourit. Son fardeau disparut au même moment.
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