Une journée à Londres
Contre-la-montre
Le blanc n'est pas une couleur
Deux fleurs
Chute
La Demoiselle
Un oubli
Un sommeil lourd
Le monde de l'hiver
Gravure
Papa est méchant
La ville endormie
Ma chère fille
À toi que j'aime
La torture
Humiliation
La délivrance
Terrorisée
La Révolution
La beauté de l'aube
Doux réveil
La torture
« Regarde-moi, mon chéri. »

  La femme qui avait prononcé ces paroles était vêtue d'une simple robe qui laissait entrevoir ses jambes sur les côtés. Un masque cachait le contour de ses yeux et ses escarpins martelaient le sol d'impatience, attendant que son auto-proclamé amant lève les yeux vers elle. Le démon en question était furieux : lui qui haïssait cette dame plus que tout au monde, voilà qu'il se retrouvait attaché par des cordes solides et qu'il avait autour de son cou un collier en cuir, le même que les Humains mettaient sur leurs chiens de chasse. Il gardait donc son regard écarlate sur le sol. La maîtresse des cordes le fouetta.

« Je t'ai intimé de me regarder ! »

  Humilié par la voix qu'elle venait d'élever, le démon aux cheveux de jais leva les yeux vers la dame qui lui ressemblait, du moins de par la race et le physique. Ils n'avaient aucun lien de parenté ; simplement, ceux qui naissaient démons avait généralement une chevelure noire et des yeux comme des rubis, ainsi qu'une peau très pâle. Il y avait certaines exceptions, bien entendu, mais la nature voulait que les choses se passent selon la norme, aussi fussent-elles rares. La femme, absolument ravie de croiser un regard si colérique et si haineux, se toucha la poitrine.

« Oh, comme tu es magnifique, mon Élido, toi qui m'a fui pendant toutes ces années... Comme tu es viril ! Et tout cela rien que pour moi !

–Lâche-moi, Christyna. Je n'appartiens à personne, lança-t-il, mal à l'aise devant l'excitation de la dame. Il avait un regard aussi noir que ses cheveux.

–Ah oui ? Même pas à elle ? », lâcha-t-elle avec un sourire glacial sur le visage.

  Élido ne comprenait pas. Qui, à part la belle Athéna, pouvait occuper une plus grande place dans son cœur ? Son amante devait être au Paradis, alors pourquoi le rictus de son interlocutrice lui glaçait autant le sang ?

  Il sut aussitôt pourquoi lorsque la maîtresse des cordes révéla ce qui se cachait sous l'immense nappe noire : Athéna. Aux Enfers. La jolie Athéna, la vaillante Athéna, la resplendissante Athéna, qui s'était battue corps et âme pour sauver son peuple, aux Enfers. Ses yeux s'emplirent de larmes de rage en voyant le corps mutilé de celle avec qui il avait expérimenté l'amour.

  Sans plus de façon, Christyna arracha l'œil gauche de la belle Elfe inconsciente et fit de même pour l'œil droit de son captif. Il hurla de douleur et de colère, se débattant pour se défaire des cordes, mordant les solides nœuds qui le retenaient de faire un mauvais sort à celle qui le gardait attaché. Ensuite, une magnifique apparition se fit dans les flammes des Enfers ; blonde, yeux bleus, peau de pêche, entièrement vêtue de blanc, ses grandes ailes repliées et son anneau terne au-dessus de sa tête, l'ange qui pouvait accomplir de grands miracles était là.

« Que me veux-tu, Christyna ? J'étais fort occupée.

–Il me faut tes pouvoirs de guérison pour lui réparer son œil... Je ne puis le faire seule, répliqua la dame masquée.

–Soit. Donne-moi son œil, je m'en occupe. »

  Ses cheveux dorés flottant derrière elle, l'ange s'avança. Le bruit qu'elle faisait en marchant indiquait qu'elle aussi avait des escarpins, certainement aussi blancs que sa robe. Elle prit le globe oculaire de l'Elfe et le plaça là où logeait auparavant celui d'Élido. Une intense lumière blanche envahit la sombre pièce, légèrement éclairée par les flammes au-dehors, et le démon se retrouva borgne, pleurant sa douleur de son œil valide. Nu, faible, le corps marqué par les cordes et les coups de fouets, les cheveux désordonnés et gras et la boucle d'oreille dorée d'Athéna en guise de seule fierté, il pleurait, pleurait sa douleur, sa rancœur et sa peur.

  L'ange s'en fut avec un sourire mystérieux, et peu après cela, le pauvre démon ressentit une atroce douleur à la joue, comme si on l'eut frappé puis écrasé. Il était presque certain de sentir le sang couler sur son visage, il n'en trouva point lorsque Christyna passa sa main sur sa joue qu'il supposait écarlate d'hémoglobine.

  La maîtresse des cordes ôta sa robe, révélant son corps nu sans le moindre sous-vêtement, et s'approcha du pauvre homme en larmes, parfois prit de rage au point de hurler et de se tétaniser. Elle grimpa sur lui, la douleur de son captif éveillant sa luxure, et commença à lui faire l'amour en riant et en l'embrassant fougueusement pour le faire taire.
© Élodie ,
книга «Un regard de détresse - Recueil de nouvelles».
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