Une journée à Londres
Contre-la-montre
Le blanc n'est pas une couleur
Deux fleurs
Chute
La Demoiselle
Un oubli
Un sommeil lourd
Le monde de l'hiver
Gravure
Papa est méchant
La ville endormie
Ma chère fille
À toi que j'aime
La torture
Humiliation
La délivrance
Terrorisée
La Révolution
La beauté de l'aube
Doux réveil
À toi que j'aime
À toi que j'aime

À toi que j'aime,

Nous n'avions pas quatorze ans lorsque nous nous sommes rencontrés. Tu étais assis à mes côtés pour quatre heures dans la semaine, et ce temps passé avec toi ne put qu'être magnifique. Tu notais les paroles du professeur de ta belle et gracieuse écriture, avec ton encre bleu ciel. Les jolies boucles calligraphiques que tu inscrivais avec application sur le blanc de ton cahier brillaient à la lueur du soleil, tandis que tu levais la tête pour observer le tableau.

Lorsque tu faisais cela, tes cheveux roux coiffés en divers épis ne bougeaient point tant le gel les tenait fermement. Tes bras, couverts par un pull vert étaient posés sur la table de façon à écrire confortablement tandis que tes jambes, couvertes d'un jean du même bleu que l'encre de ton stylo-plume, se pliaient en parfait angle droit,guidées par la chaise. Tes mains, l'une posée à plat sur la table et l'autre tenant ton outil pour écrire, étaient petites et fines, et les ongles peints en bleu foncé parsemé de petits points turquoise.

Le moment où tu t'es retourné pour me sourire fut le coup fatal. Tes dents étaient alignées et toutes de même taille, sauf celles de devant, plus grandes et écartées. Ton petit nez rond de bébé surplombé de tes tâches de rousseur te rendait si adorable... Mais ce furent tes yeux brillants de bonheur et d'innocence qui firent battre mon cœur et rougir mon visage.

Je t'aime, et même si j'ai choisi une femme pour partager ma vie, tu demeurera toujours dans mon cœur.

•••

À toi que j'aime,

Tu allais bientôt avoir quinze ans lorsque nous nous sommes déclarés notre amour. Tu rayonnais de bonheur dans ton costard noir et ta chemise rouge, alors que moi, dans mon pantalon blanc et ma chemise bordeaux trop grande, j'étais ridicule. Tu incarnais un dieu descendu sur Terre pour m'accorder un vœu, et nous avions dansé avec ivresse toute la nuit en riant. Nous avions fini la soirée dehors, le mince croissant de lune éclairant la terrasse de la fête, s'échangeant des mots doux et s'embrassant doucement.

Tu étais ensuite rentré chez toi, et ton père, au courant que tu m'aimais, t'a crié dessus. Tu as fini dans ta chambre, pleurant comme tous les soirs, et tu as pensé à moi. Tu me considérais comme ta lumière, ton espoir, mais je n'étais qu'un gendre que ton père n'acceptait pas. Je ne valais rien. Si tu m'avais entendu penser cela, tu m'aurais grondé. De toute façon, tu étais trop occupé à haïr ton père.
Tu pensais fort à moi, et tu faisais preuve d'une loyauté extraordinaire. Aujourd'hui, c'est à mon tour de faire de même.

Je t'aime, et même si tu m'as abandonné, tu demeurera pour toujours dans mon cœur.

•••

À toi que j'aime,

Nous venions d'avoir quinze ans lorsque nous nous sommes séparés. Les examens de fin d'année venaient de s'achever et tu avais obtenu une note moyenne, en dépit de ton travail colossal. La vie te traitait si injustement, toi qui l'aimais comme tu m'aimais...
Pourtant, tu n'as pas été déçu de ta note. Tu as même été le plus heureux des hommes, tandis que je déplorais ma note pourtant plus haute que la tienne.

Notre séparation fut douloureuse pour moi. Pour toi,je n'en savais rien,car tu cachais tout derrière ton beau sourire qui demeure dans mes souvenirs les plus profonds,ceux que j'ai enfoui dans ma mémoire pour t'oublier. Car lorsque j'ai rencontré celle qui sera aujourd'hui ma femme, il fallait t'oublier.
Tu me souriais en pensant, plein d'espoir, que l'on se reverrait. Tu voulais vraiment que l'on se revoie et que l'on poursuive notre vie ensemble, comme deux âmes sœurs étaient accoutumées à le faire.

Depuis ce jour-là, tu ne m'as plus revu.

Je t'aime,et même si tu m'en voudras à vie, tu seras toujours dans mon cœur.

•••

À toi que j'aime,

Tu représentais tant pour moi. Tu étais ma lumière, la seule chose à laquelle je pouvais m'accrocher si je tombais. Tu étais l'incarnation de la beauté sur Terre,si bien qu'Appolon n'était qu'une vulgaire tâche à côté de toi. Tout me plaisait chez toi. Tu étais mon âme sœur. Ma raison de vivre.

Mais tu es parti pour toujours.

À toi que j'aime, pourquoi ? Pourquoi ne m'as-tu pas dit en face que tu ne m'aimais plus ? Pourquoi m'as-tu laissé espérer une vie avec toi, adoptant des enfants devenant aussi méritants que toi ? Tu m'as brisé le cœur, et malgré cela, je peine à t'en vouloir.

Mesures-tu la peine que j'ai ressenti lorsque je t'ai vu avec cette femme et cet enfant ? Tu avait l'air si heureux, si épanoui, plus détendu que tu ne l'étais en ma compagnie. Tu es le premier à m'avoir fait verser ces larmes lourdes et amères,que je garde dans un flacon en guise de souvenir de toi.

À toi que j'aime et que j'aimerais toujours, j'aurais aimé un dernier baiser de toi. J'aurais tant désiré te caresser, te toucher, au moins te sourire une dernière fois...

Je t'aime,et même si tu me détestes sûrement maintenant tu seras toujours dans mon cœur.
© Élodie ,
книга «Un regard de détresse - Recueil de nouvelles».
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