Une journée à Londres
Contre-la-montre
Le blanc n'est pas une couleur
Deux fleurs
Chute
La Demoiselle
Un oubli
Un sommeil lourd
Le monde de l'hiver
Gravure
Papa est méchant
La ville endormie
Ma chère fille
À toi que j'aime
La torture
Humiliation
La délivrance
Terrorisée
La Révolution
La beauté de l'aube
Doux réveil
Le monde de l'hiver
  Sa respiration était de plus en plus saccadée et l'air lui donnait simplement l'impression d'être enfermée, alors que la plaine ne pouvait être plus aérée ; l'espace était vaste et majoritairement vert, le ciel était teinté de bleu sans le moindre nuage. Tout semblait loin et proche à la fois, et rien n'était naturel.
  Elle comprit qu'elle faisait de nouveau un rêve, et elle savait comment tout allait se finir. Résolue, elle fit ce que son subconscient attendait d'elle, espérant de tout cœur qu'il put la faire se réveiller avant la désastreuse fin.

  La brise, pourtant on ne peut plus fraîche, ne pouvait que faire du bien aux poumons corrompus de cette fille qui n'avait de jeune que l'apparence. Cependant, elle toussait au lieu d'apprécier la fraîcheur, elle frissonnait et transpirait à cause du soleil pourtant bien timide sans quelques nuages pour l'accompagner. Ses pieds, heureusement couverts, ne semblaient pas abîmer l'herbe. Elle réalisa, encore une fois et toujours avec horreur, qu'elle était la seule vivante ici, la seule qui n'était pas artificielle.
  Car en effet, rien n'était réel. L'herbe était fausse, du pur plastique, le ciel était faux, de la peinture, le soleil ne brillait pas : il chauffait. Et quelle chaleur...

  Sa cape noire tomba sur le sol, et disparu dans l'herbe pour devenir fausse, pour devenir une illusion de réalité, pour devenir quelque chose que sa propriétaire ne sera pas : un mirage se fondant dans un monde irréel, auquel personne ne voudra jamais croire. Ses jambes, bien que maigres, commencèrent à courir. Sans sa cape, on pouvait voir toute l'horreur de cette personne, sa silhouette osseuse trop exhibée et mise en valeur pour ce que c'était. Un haut un peu moulant sans manches, pourvu de deux simples bretelles. Un bas irrégulier, un côté plus au-dessus du genou que l'autre. Des chaussettes basses, presque invisibles dans des chaussures de sport trop petites pour de si grands pieds, assez usées pour un être si pitoyable.
  Cette personne, disait-on, courait pour échapper à ce monde artificiel auquel elle ne pourrait jamais appartenir, car il n'existait pas. Elle était condamnée, par pur désir de vengeance, à appartenir au monde réel, monde qu'elle n'arrivait plus à supporter, monde dont la seule échappatoire était de la neige et du brouillard. Elle courait, cherchait un paysage blanc remplit de nuages qui empêchaient la chaleur écrasante de la faire fondre. La plaine était infinie. Ses poumons manquaient de bon air, de l'air qu'elle avait l'habitude de respirer.

« Il faut que je me sorte de là. »

  Son unique pensée était de partir, de fuir, de retrouver les arbres aiguisés de son paysage de rêves.

« Il faut que je me sorte de là. »

  La neige abondante lui manquait, elle voulait retrouver l'air glacé qui l'enveloppait tous les jours.

« Il faut que je me sorte de là. »

  La brume était ce qu'elle désirait le plus, respirer et absorber les nuages cachant le monde autour lui manquait.

« SORTEZ-MOI DE LÀ ! »

  L'horreur, l'angoisse du rêve la frappa en plein fouet et la força à s'arrêter et à tomber. Elle était dans un espace infini, elle ne pouvait pas fuir, simplement se rouler en boule sur le faux sol et pleurer le peu de larmes qui lui restait après tant d'années.

  Ses yeux s'ouvrirent entièrement mais redevinrent vite mi-clos. Elle s'était endormie, vraiment endormie pour une fois, dans un coin de l'endroit dans lequel elle était le plus en sécurité. Le brouillard était de retour. La neige était de retour. Le froid mordant, rendant n'importe qui grelottant et immobile, était de retour. Sa cape était de retour, et elle cachait le squelette recouvert d'une fine couche de peau.
  Elle décida de replonger dans son monde, le monde de l'hiver, et de s'allonger près d'un arbre pour mieux dormir.
© Élodie ,
книга «Un regard de détresse - Recueil de nouvelles».
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