La ville endormie
« Chère Mère,
Tu sais, je pense que tu serais fière de voir que je fais des efforts pour écrire alors que je suis terriblement mauvaise avec ça. Je suis sûre que tu me dirais de ne pas me rabaisser, je te connais, mais je le fais quand même parce que c'est comme ça que j'ai grandi.
Quoi que je fasse, de toute façon, tu étais toujours fière de moi. Même si je faisais un bêtise, comme le jour où j'ai renversé une bouteille de Père, tu étais heureuse que j'apprenne que c'était une erreur et que je n'allais donc plus recommencer. Tu brillais comme un ange. Tu étais ma lumière dans notre vie obscure. Et ils t'ont tuée.
« Tu sais, je suis sortie de mon sous-sol abandonné cette nuit, car j'avais besoin de papier et de crayon pour écrire cette lettre. J'avais aussi besoin de cigarettes et de drogue. J'ai marché seule dans la ville endormie et sombre, dans les rues que la lune en croissant éclairait de sa faible lumière, dans le boulevard où j'avais prié tous les matins à l'aube, celui où des milliards d'innocents avaient été exécutés, le boulevard de rêves brisés.
L'air frais de l'heure tardive touchait mes cheveux gras et me faisait frissonner. Je m'aggripais à mon bâton de marche pour ne pas tomber. Le vent s'amusait à se glisser sous mon sweat et chatouillait mes cicatrices, se moquant de ma faiblesse et de mon pitoyable corps si frêle. Il pouvait le faire danser aussi facilement qu'il le faisait parfois avec les feuilles mortes des clairières aux alentours, mais cette nuit-là il ne l'a pas fait, sans doute a-t-il eu pitié de moi. De la pitié. Ce qu'on ne m'a jamais accordé.
« Tu sais, une fois arrivée devant celui qui me fournissait de quoi survivre, j'ai pu m'asseoir et négocier avec lui. Après tout, je n'ai pas d'argent. Une fois chose faite, je suis repartie avec mes provisions, et je me suis de nouveau retrouvée seule dans les ruelles sombres, livrée à moi-même.
En vérité, j'aime être seule avec moi-même. Ça me permet de trier mes pensées, d'accueillir chaque idées et de ne parler à personne. Je déteste parler à des gens. On ne sait jamais ce qu'ils vont dire, ils sont aussi imprévisibles que je suis faible. Même si la société a évolué depuis ton départ, Mère, je ne l'accepte toujours pas.
« Tu sais, Dieu est mort pour les hommes d'aujourd'hui. Ils vivent en idolâtrant les immortels réels. Concrètement, j'ai pris la place de l'entité que je haïssais plus que tout au monde, et il est difficile de s'asseoir sur ce trône car il est rempli de clous. Je ne voulais pas prendre la place du Traître. Je voulais l'exterminer. Les gens viennent me voir et m'offrir à manger, prier devant moi, me demander l'avenir des hommes. Car je peux, dans des moments d'hallucinations, voir des fragments de possibilités du futur. Et moi je les déteste, je veux leur mort à tous, je veux qu'ils cessent d'être aussi stupides, eux qui parlent une langue si jolie.
Une petite fille blonde m'a amené de l'alcool une fois. Pourquoi ? Je l'ignore toujours. Elle ignorait que Père était mort noyé dans cette boisson, et elle m'a tendu avec terreur la bouteille, comme si j'allais prendre sa main avec. J'ai bu une gorgée et je lui ai tout recraché dessus. C'était répugnant, brûlant et fort. J'ai haï ça. Pourquoi m'avait-elle amené la pire boisson qui existait ? Cherchait-elle la mort,seule devant moi dans mon sous-sol rempli de fumée de cigarette et de drogue ? Je ne lui ai pas donné ça, cette petite morveuse ne méritait pas le doux repos qu'est la mort, elle méritait la vie, elle méritait de souffrir, elle méritait de pleurer, elle méritait de rire. Elle méritait de subir des émotions, des maladies physiques comme mentales. Je lui ai souhaité de la fièvre et de l'anxiété. Et elle est repartie seule dans la nuit.
« Tu sais, les gens comme elle n'aiment pas l'obscurité. Ils n'aiment pas les rues sombres et étroites, les sous-sols, les boulevards de rêves brisés. Ils s'accrochent toujours désespérément à la lumière des quelques étoiles, comme si elles pouvaient briller plus que toi, Mère, ma chère mère, seule humaine que j'ai aimé et dont le sentiment était réciproque. Aucune pièce d'or ne vaut ton grand cœur, aucune étoile ne vaut ta lumière et aucun prêtre ne vaut ta croyance. Tu as subi une injustice et je la réglerai. Dans mon état actuel, bien sûr c'est impossible, mais je trouverai deux garçons fugitifs pour s'occuper des deux ordures qui contrôlaient le Tout-Puissant. Je les ai vu, Mère, je les ai vus lors de mon voyage dans le brouillard de ma tête. Ils viendront me voir.
Mère, cette lettre partait d'un changement de mon quotidien, et voilà qu'elle devient une expression de mes sentiments pour toi. Je t'aime, Mère. Tu es celle qui m'a tendu la main là où d'autres l'auraient écrasée. Tu es celle qui m'a parlé pour la première fois dans la jolie langue des humains, et dans ta voix mélodieuse c'était la plus douce des berceuses. Tu es celle qui m'a fait sourire. Tu es celle pour qui je me relèverai sans mon bâton. Tu es la meilleure des mères, quoi qu'en disent ceux qui ont vécu dans le mensonge.
Je t'envoie mon meilleur sourire, j'espère que tu le verras depuis le Paradis. Je te rejoindrai un jour, lorsque j'aurais tué ceux qui t
ont osé te faire du mal. Je ponctuerai cette lettre avec la phrase que tu me disais pour qu'un sommeil tranquille me gagne :
« Dors, ma chère. Demain sera un jour où le bonheur frappera à ta porte. »
Tu sais, je pense que tu serais fière de voir que je fais des efforts pour écrire alors que je suis terriblement mauvaise avec ça. Je suis sûre que tu me dirais de ne pas me rabaisser, je te connais, mais je le fais quand même parce que c'est comme ça que j'ai grandi.
Quoi que je fasse, de toute façon, tu étais toujours fière de moi. Même si je faisais un bêtise, comme le jour où j'ai renversé une bouteille de Père, tu étais heureuse que j'apprenne que c'était une erreur et que je n'allais donc plus recommencer. Tu brillais comme un ange. Tu étais ma lumière dans notre vie obscure. Et ils t'ont tuée.
« Tu sais, je suis sortie de mon sous-sol abandonné cette nuit, car j'avais besoin de papier et de crayon pour écrire cette lettre. J'avais aussi besoin de cigarettes et de drogue. J'ai marché seule dans la ville endormie et sombre, dans les rues que la lune en croissant éclairait de sa faible lumière, dans le boulevard où j'avais prié tous les matins à l'aube, celui où des milliards d'innocents avaient été exécutés, le boulevard de rêves brisés.
L'air frais de l'heure tardive touchait mes cheveux gras et me faisait frissonner. Je m'aggripais à mon bâton de marche pour ne pas tomber. Le vent s'amusait à se glisser sous mon sweat et chatouillait mes cicatrices, se moquant de ma faiblesse et de mon pitoyable corps si frêle. Il pouvait le faire danser aussi facilement qu'il le faisait parfois avec les feuilles mortes des clairières aux alentours, mais cette nuit-là il ne l'a pas fait, sans doute a-t-il eu pitié de moi. De la pitié. Ce qu'on ne m'a jamais accordé.
« Tu sais, une fois arrivée devant celui qui me fournissait de quoi survivre, j'ai pu m'asseoir et négocier avec lui. Après tout, je n'ai pas d'argent. Une fois chose faite, je suis repartie avec mes provisions, et je me suis de nouveau retrouvée seule dans les ruelles sombres, livrée à moi-même.
En vérité, j'aime être seule avec moi-même. Ça me permet de trier mes pensées, d'accueillir chaque idées et de ne parler à personne. Je déteste parler à des gens. On ne sait jamais ce qu'ils vont dire, ils sont aussi imprévisibles que je suis faible. Même si la société a évolué depuis ton départ, Mère, je ne l'accepte toujours pas.
« Tu sais, Dieu est mort pour les hommes d'aujourd'hui. Ils vivent en idolâtrant les immortels réels. Concrètement, j'ai pris la place de l'entité que je haïssais plus que tout au monde, et il est difficile de s'asseoir sur ce trône car il est rempli de clous. Je ne voulais pas prendre la place du Traître. Je voulais l'exterminer. Les gens viennent me voir et m'offrir à manger, prier devant moi, me demander l'avenir des hommes. Car je peux, dans des moments d'hallucinations, voir des fragments de possibilités du futur. Et moi je les déteste, je veux leur mort à tous, je veux qu'ils cessent d'être aussi stupides, eux qui parlent une langue si jolie.
Une petite fille blonde m'a amené de l'alcool une fois. Pourquoi ? Je l'ignore toujours. Elle ignorait que Père était mort noyé dans cette boisson, et elle m'a tendu avec terreur la bouteille, comme si j'allais prendre sa main avec. J'ai bu une gorgée et je lui ai tout recraché dessus. C'était répugnant, brûlant et fort. J'ai haï ça. Pourquoi m'avait-elle amené la pire boisson qui existait ? Cherchait-elle la mort,seule devant moi dans mon sous-sol rempli de fumée de cigarette et de drogue ? Je ne lui ai pas donné ça, cette petite morveuse ne méritait pas le doux repos qu'est la mort, elle méritait la vie, elle méritait de souffrir, elle méritait de pleurer, elle méritait de rire. Elle méritait de subir des émotions, des maladies physiques comme mentales. Je lui ai souhaité de la fièvre et de l'anxiété. Et elle est repartie seule dans la nuit.
« Tu sais, les gens comme elle n'aiment pas l'obscurité. Ils n'aiment pas les rues sombres et étroites, les sous-sols, les boulevards de rêves brisés. Ils s'accrochent toujours désespérément à la lumière des quelques étoiles, comme si elles pouvaient briller plus que toi, Mère, ma chère mère, seule humaine que j'ai aimé et dont le sentiment était réciproque. Aucune pièce d'or ne vaut ton grand cœur, aucune étoile ne vaut ta lumière et aucun prêtre ne vaut ta croyance. Tu as subi une injustice et je la réglerai. Dans mon état actuel, bien sûr c'est impossible, mais je trouverai deux garçons fugitifs pour s'occuper des deux ordures qui contrôlaient le Tout-Puissant. Je les ai vu, Mère, je les ai vus lors de mon voyage dans le brouillard de ma tête. Ils viendront me voir.
Mère, cette lettre partait d'un changement de mon quotidien, et voilà qu'elle devient une expression de mes sentiments pour toi. Je t'aime, Mère. Tu es celle qui m'a tendu la main là où d'autres l'auraient écrasée. Tu es celle qui m'a parlé pour la première fois dans la jolie langue des humains, et dans ta voix mélodieuse c'était la plus douce des berceuses. Tu es celle qui m'a fait sourire. Tu es celle pour qui je me relèverai sans mon bâton. Tu es la meilleure des mères, quoi qu'en disent ceux qui ont vécu dans le mensonge.
Je t'envoie mon meilleur sourire, j'espère que tu le verras depuis le Paradis. Je te rejoindrai un jour, lorsque j'aurais tué ceux qui t
ont osé te faire du mal. Je ponctuerai cette lettre avec la phrase que tu me disais pour qu'un sommeil tranquille me gagne :
« Dors, ma chère. Demain sera un jour où le bonheur frappera à ta porte. »
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