Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Chapitre 1

- 23 ! 23, où es-tu ?

- Vous avez cherché dans sa chambre ?

- Oui et aussi dans les cuisines, la salle de séjour et le jardin.

- Mais où a t-elle bien pu encore passer celle-là?

De là où je suis je peux entendre les infirmières me chercher pour l'heure de mes médicaments. Voilà une demi-heure que je me suis volatilisée et une vingtaine de minutes qu'elles me cherchent dans toute la bâtisse de l'hôpital.

Aujourd'hui il fait assez beau malgré les basses températures. Habillée de mon éternelle blouse marron de patiente, j'ai également dérobé le gilet d'un patient pour me tenir au chaud. Assise sur les graviers entre trois touffes d'herbes, je regarde l'horizon perdu dans mes pensées. Quand on est sur le toit on a le choix entre deux images: la ville ou l'inconnu. La ville est assez grande, on peut y voir les grands monuments se différencier des autres plus petits, la maison du président est à l'Est dans ce qui me semble le quartier riche, un quartier propre, lumineux et moderne. Tandis qu'à l'Ouest c'est son opposé. Sur mon toit je peux tout de suite distinguer qu'il est sale, sombre et dégradé, le quartier des pauvres en soi. Mais ça de toute façon je n'aurai jamais l'occasion de m'y aventurer alors pourquoi s'attarder dessus ? Alors j'opte le plus souvent sur la seconde option : les terres inconnues. La ville est entourée d'une énorme barrière électrique ayant pour origine d'éloigner les prédateurs, mais aujourd'hui elle est utilisée pour bannir les individus ayant commis un acte grave. Après la cinquième guerre mondiale le monde a été réduit de plus de la moitié, les gens avaient peurs de sortir de chez eux alors les présidents de chaque ville ont décidé d’installer une barrière pour assurer la sécurité de leurs peuples. La nature a ainsi repris ses droits derrière ce tas de ferraille et chaque jour je la contemple. Chaque jour je me pose les mêmes questions : Qu' y a t-il exactement dehors ? Y a t-il de la vie ? Existe-t-il des horribles monstres assoiffés de sang comme on me la très souvent répété ? Cette forêt prend-elle fin et qu'y a t-il de l'autre côté ? Je me pose des centaines, si ce n'est des milliers de questions à son sujet et je dois reconnaître que je donnerai tout en mon pouvoir pour avoir ses réponses. Étrangement je n'entends plus les infirmières m'appeler. Je décide donc de ce moment pour redescendre.

J'ouvre la porte donnant accès sur le toit, vérifie qu'il n'y a personne dans les environs et la referme sans un bruit derrière moi en remettant le cadenas sur la poignée. Je prends les escaliers et descend dans la salle de séjour, une grande salle lumineuse aux murs beiges et au carrelage blanc. Tout le monde sans exception y est : patients et infirmières. Réunis autour de table, certains camarades regardent leur gobelet en plastique vide ayant contenus leurs gélules tandis que d'autre jouent aux cartes. Les infirmières quant à elle, passent entre les tables à dicter leurs ordres.

- Lorene! Te voilà enfin. Mais où étais-tu donc passé?

A l'entente de mon prénom si rarement dit, je devine immédiatement de qui il peut s'agir. Je me retourne vers mon interlocutrice et découvre Marielle dans sa blouse bleue avec un énorme plateau entre les mains. Elle est de loin la plus gentille de toute, mais rien que voir ce qu'il y a sur son plateau je l'apprécie nettement moins.

- J'étais dans le jardin, je mens.

Je vois bien qu'elle ne me croit pas. Elle ne me connaît comme personne ici. Elle arrive à lire en moi comme dans un livre ouvert. Elle est la seule à me comprendre et le sera sans doute pour toujours. Alors je la suis jusqu'à la dernière table de libre, isolée de tous près du radiateur allumé. Elle pose un gobelet avec trois gélules de couleurs différentes et une feuille de papier que je commence à connaître par cœur. Cela fait une semaine qu'elle me la donne, alors que moi je fais tout pour m'en débarrasser.

- Pourquoi ? Sérieusement pourquoi? Je demande en désignant la feuille blanche.

- Tu sais parfaitement que tu es obligée. Tout le monde ici encore en âge est obligé de s'inscrire. Dis-toi que c'est ta dernière année, et que l'an prochain se sera fini.

- On sait toutes les deux que personne ici ne va être choisie. Qui voudrait prendre une folle comme épouse ? Et franchement, s'ils nous retiraient des listes, ça leur fera économiser du papier.

- Rempli-le, c'est tout ce qu'on te demande.

- Et si je ne le fais pas?

- C'est la loi tu n'as pas le choix. Tu le remplis ou je le fais à ta place.

Je m'affale sur ma chaise et regarde le plafond, désespérée. Pourquoi faire ? C'est une perte de temps de toute façon.

- Je vais te chercher un stylo, en attendant prends tes médicaments.

Marielle s'éloigne, ses cheveux longs et châtain se balançant dans son dos, à la table voisine prendre un stylo noir. Je profite de ce moment seule pour prendre les trois gélules et les balancer derrière le radiateur. Marielle revient un sourire étirant ses lèvres, je devine immédiatement que ce n'est pas bon pour moi.

- Tu as été bien rapide à prendre ces médicaments.

- Plus vite je les prends mieux ce sera, non?

- Je ne parle pas à toi Lorene, mais au radiateur juste à côté. Mais vu que tu es là, tu vas pouvoir les prendre devant moi.

Je décide de ne pas répondre, perdue d'avance et prends les trois nouvelles gélules que me tend Marielle. Le regard noir j'avale tout d'un coup, risquant de m'étouffer sur le passage. J'ouvre la bouche en grand pour bien lui montrer que je les ai avalés.

- Tu sais parfaitement que c'est pour ton bien. Tu ne voudrais pas risquer une nouvelle crise?

Dur à l'admettre, mais elle n'a pas tort. Bien que je déteste prendre ces drogues, je reconnais que faire des crises est la pire chose qui puisse m'arriver. Si je ne prends pas mes médicaments tous les jours, alors les risques que je pète un plomb sont multipliés par 5. Je m'énerve, je cris et frappe quiconque passe sur mon passage. Les infirmières sont obligées d'appeler la sécurité et pendant trois jours sur m'enferme dans ma chambre avec l'interdiction formelle de voir quelqu'un. Coupée des autres, blessée par la même occasion, vous avez en plus droit à un sermon de l'infirmière en chef sur la violence.

- Je te laisse remplir ce questionnaire seule, je reviendrais plus tard pour le récupérer.

Je regarde Marielle s'éloigner et prend la feuille devant moi pour en faire une boule de papier que je balance par-dessus ma chaise. Elle atterrit sur la table de derrière et entends déjà un patient le déplié pour commencer un dessin. Je me lève a mon tour et part rejoindre ma chambre. Chambre numéro 23, douzième porte sur la gauche, ayant pour seule décoration une armoire, une table de chevet et un vieux lit, je m'allonge dessus et ferme les yeux. Je me sens sombrer dans le sommeil et ne fais rien pour m'en défaire.



A mon réveil, je grimace de douleur. Mon dos me fait atrocement souffrir à cause des ressors du matelas et je me rappelle soudainement pourquoi je préfère dormir dehors qu'ici. Déjà dehors je suis tranquille, j'ai les étoiles comme compagnes et l'herbe est franchement plus agréable que trois vulgaires ressors plantés au milieu du dos. Je me relève, et un cri s'échappe de ma bouche en découvrant ce qui est déposé sur ma table de chevet. Il m'est impossible de le rater puisqu'il n'y a rien sur le petit meuble en bois, autre qu'une feuille de papier parfaitement lisse. Je me tire les cheveux, pousse un grand râlement avant de la prendre entre les mains. La colère s'empare de moi, j'en refais une boule et la re balance dans un coin. Je me précipite dehors et est immédiatement arrêté par Marielle qui m 'attendais les bras croisés.

- Enfin réveillée? Demande-t-elle d'une voix calme, trop calme.

Son ton m'est insupportable, je lève les yeux au ciel et m'étire de tout mon long pour faire disparaître cette atroce douleur dorsale. Je fais craquer mes doigts et la fixe droit dans les yeux. Elle n'a aucunement peur de moi, et n'hésite pas à jouer sur mes nerfs en jouant avec le capuchon de son stylo.

- Je ne la remplierai pas si c'est ce que tu veux.

- Tu crois ça? Me lance-t-elle un air de défis dans la voix. Je peux aller voir Jocelyne si tu veux.

- Je ...

Tout sauf elle, par pitié ! L'infirmière en chef est la pire personne en ce monde. C'est elle qui te bassine avec ses cours sur la violence. C'est elle aussi qui n'hésite pas à utiliser la violence pour te faire prendre le droit chemin. Mon dos se souvient parfaitement de son fouet, ils sont même devenus assez proches tous les deux. Je me revois immédiatement à genoux dans son bureau à écouter sa voix nasillarde et crier de douleurs à chaque coup de fouet.

- Tu n'oserais pas!

- En es-tu certaine ? Elle se trouve actuellement en cuisine à préparer le repas de ce soir.

Mon cerveau se met à bouillonner intérieurement à la recherche d'une quelconque échappatoire. Vous vous demandez sûrement pourquoi je refuse de remplir ce questionnaire ? De simples questions sur soi ? Tout simplement parce que ça fait deux ans que je le fais, deux ans que j'y vais, deux ans que l'on nous regarde comme des bêtes de foires, deux ans qu'on nous craint sur notre passage, deux ans que l'on nous insulte dans notre dos. Ce n'est pas ma faute si je suis ainsi, c'est eux qui me l'ont fait devenir.

- Lorene, c'est ta dernière chance. Ce soir, on envoie les bulletins et si le tient n'y est pas, Jocelyne en sera immédiatement au courant et tu sais parfaitement ce qu'elle te fera. Nous savons toutes les deux que tu ne seras pas choisis, personne ne sera choisi ici, alors qu'est-ce que tu perds ? Tu réponds aux dix questions et tu évites le fouet. Tu acceptes ?

Je peux presque entendre la détresse dans la voix de Marielle. D'un soupire qui présente toute la lassitude du monde, j'écarte une mèche de devant mes yeux et capitule. Elle a raison, je ne veux pas risquer de passer la prochaine semaine suivante allongé sur mon lit, incapable de bouger à cause de la douleur.

Nous nous dirigeons alors toutes les deux vers ma chambre, et je m'installe sur le sol avec le papier et le stylo devant moi. Ce n'est vraiment rien en soit. Je me décris, je décris mon potentiel futur époux idéal et je l'enferme dans une enveloppe. Après ceci je n'aurais plus qu'à attendre une semaine pour la cérémonie. Mais comme je suis contre la règle et que je refuse de me soumettre à la loi, je vais le remplir à ma manière ce questionnaire.

- Allez fais-le 23. Ce n'est rien d'autre qu'un bout de papier, je me murmure à moi-même comme pour m'encourager.

Je décapuchonne le stylo et le sert de toutes mes forces entre mes doigts. Mes doigts sont devenus extrêmement pâle, et d'une main tremblante je commence à écrire.

Prénom: Lorene
Nom: 23
Âge: 18 ans
Description physique: pas très grande, mais pas petite non plus
Qualité: Folle
Défaut: Folle
Passions: prendre ses médicaments
Études: experte en médicaments
Description physique du potentiel mari : tout aussi fou que moi
Combien d'enfants souhaiteriez-vous avoir : De quoi remplir une classe.
Qu'attendez-vous d'une relation de couple : Y en a pas d'autres des questions débiles ?

Je viens de finir son questionnaire et je fais mine d'écrire encore un peu pour faire croire à Marielle que je le remplie correctement. Ce questionnaire a pour but de me trouver un mari basé sur nos points communs, parce que oui il n'y a pas eu que la barrière électrique qui a fait son apparition, mais aussi les sélections nuptiales comme ils les appellent. Pour éviter au maximum les problèmes liés aux violences conjugales, ils n'ont rien trouvé de mieux que de créer ce nouveau système. On remplit le questionnaire, on le remet, un programme informatique l'analyse et dans une semaine tout pile, tous les prétendants et prétendantes sont conviés à une cérémonie appelée : le mariage. Seront appelé les futurs couples à tour de rôle, et devront prêter allégeance l'un envers l'autre. Ceux qui n'ont pas été nommés retenteront leur chance l'an prochain ou pourront définitivement dire au revoir à l'idée de créer sa famille en cause du manque de compatibilité avec quelqu'un. Et là c'est le chaos le plus total. Entre ceux qui pleurent de joie, ceux de tristesse de n'avoir personne et les personnes qui font un esclandre face à leur résultat, la mairie devient une véritable cacophonie à t'en décrocher la tête.

© minhox ,
книга «The Book of 23».
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