Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Chapitre 15

Cette nuit j’ai dormi comme un loir jusqu’à ce que la pluie vienne nous réveiller, Morgan et moi, nous obligeant ainsi à plier bagage et rejoindre notre lit à 3 heures du matin.

Comme à mon habitude c’est moi qui me suis levée la première. Je n’ai pas mis longtemps à traîner puisque mon cerveau s’est mis en mode « recherche ». Avec les 6 heures de sommeils, je ne peux pas me permettre de passer une heure de plus sans mes médicaments. Je ne sais plus où je les ai mis et il me faut à tout prix les retrouver. Alors j’ai cherché… J’ai fouillé la maison de fond en comble, regarder sous chaque meuble, dans chaque tiroir, dans les sacs et vêtements et il m’est impossible de mettre la main sur trois vulgaires tubes orange fluo.

Je me suis arrêtée, impuissante devant ces recherches infructueuses pour petit-déjeuner car mon ventre criait famine depuis un moment maintenant. Comme à l’accoutumée je mange un fruit et bois un peu de lait avant d’aller me laver. Il va m’être compliqué de m’habiller puisque mes vêtements sont dans la chambre et que Morgan y dort toujours. Alors en attendant je décide de me mettre à cuisiner. J’ai toujours dans l’optique de cuisiner pour Morgan et je ne compte pas abandonner. Peut-être qu’avec un peu de chance je vais les retrouver mes flacons enfouis entre deux casseroles, qui sait.

Je fouille le frigo et retrouve emballé dans de l’aluminium le poisson que j’ai acheté hier. Je sors immédiatement un plat beaucoup trop grand pour l’accueillir et le dépose délicatement dedans. Je me retourne encore une fois et m’arrête hébétée devant l’imposant appareil devant moi : le four. Je me rends compte maintenant que je n’ai aucune idée de comment ça fonctionne. Je ne m’y suis jamais intéressée quand c’était Morgan qui l’utilisait et j’aurais sans doute dû. Il y a cinq boutons avec des petits pictogramme au-dessus. Je devine que les quatre boutons situés aux extérieurs appartiennent aux plaques chauffantes et celui du centre au four. Mais le problème n’est pas là, ce sont les chiffres au-dessus du cadran qui me semble énormes pour juste chauffer un poisson. Je me rappelle du conseil du poissonnier d’hier qui m’avait dit : « préchauffez le four à 210°C ». Je m’accroupis, ouvre la porte pour vérifier qu’il n’y a rien et tourne le bouton en espérant que ça soit bon.

Je ne m’arrête pas sur ma lancée et poursuit ma tâche. Je sors maintenant quatre gros champignons et comme je l’ai déjà vu faire à San Armando, les rince sous l’eau. Je frotte bien avec mes doigts et enlève ce qu’il reste de terre. Je les dépose ensuite sur le plan de travail et m’en vais chercher une planche à découper qui je crois est rangée dans le tiroir du milieu. Je m’empare d’un couteau et m’active en découpant les légumes en lamelles. Je n’ai jamais été une grande amatrice de champignon en ce qui concerne de goût ou de nom, mais je sais que Morgan aime bien ça. Je continue cette fois-ci en sortant une poêle. Je ne perds pas une seconde et met les légumes dedans avant de les déposer sur l’une des plaques chauffantes. Là encore je tourne l’un des boutons en espérant que je fais bien les choses.

− Tu es bien active ce matin, dit donc.

Morgan arrive vers moi et m’embrasse comme tous les matins. Il a pris le temps de s’habiller mais pas de se coiffer ce qui lui donne un côté presque attrayant. Il s’installe à table et se sert un grand bol de lait.

− Je me suis promis que ce serait moi qui cuisinerai, et je tiens toujours mes promesses.

Malgré le grand sourire qui s’étire sur son visage, je ne peux que remarquer les cernes sous ses yeux. Plus les jours passent et plus j’ai l’impression qu’elles se creusent.

− Je croyais que le médecin t’avais dit de te reposer ?

− C’était soit ça, soit je retournais la maison.

Morgan ouvre grand les yeux avant d’avaler sa gorgée de lait.

− D’ailleurs tu ne saurais pas où son passé mes gélules ?

− Non désolé.

Je n’ai pas bougé de derrière les fourneaux et appuyée contre le frigo je le regarde. Il y a quelque qui me dérange. Je n’arrive pas vraiment à savoir quoi, mais j’ai l’impression qu’il me cache quelque chose. Il n’a pas pris le temps de réfléchir avant de me répondre. Je ne sais pas vous, mais quand on vous pose ce genre de questions vous prenez quand même le temps de visualiser l’objet en question et de demander si oui ou non vous l’avez vu avant, non ?

− J’en ai vraiment besoin, alors si tu les retrouves fais-moi signe.

− Pourquoi tu en as besoin ? Tu sens que tu vas faire une… une crise ?

Morgan a hésité sur le dernier mot et j’ai comme ressenti du dégoût dans sa voix. Il est très bon comédien puisque je ne vois rien qui pourrait le trahir dans son comportement, mais ce blanc au milieu de sa question me permet de comprendre qu’il a quand même du mal avec ça.

− C’est ce qui me permet de ne pas en faire.

Il fronce les sourcils et je n’arrive pas à savoir ce que je dois traduire. Morgan a déposé son bol sur la table et croise les bras.

− Et que se passe-t-il si tu ne les prends plus ?

C’est à mon tour de jouer des sourcils. Qu’est-ce qu’il n’a pas compris dans ma réponse juste avant ?

− Je viens de te le dire.

− D’accord mais tu as déjà essayé de ne pas les prendre ?

− Bien sûr et plus d’une fois.

− Et que s’est-il passé ?

Je grimace en me le rappelant. Je me transforme en bête sauvage prête à attaquer tout ce qui bouge et par le ciel je ne me pardonnerais jamais si Morgan devait le voir.

− Je préférerais ne pas en parler.

− N’en parlons pas si tu veux… Mais est-ce que je peux savoir à quoi elles servent ? Je veux dire en quoi elles te soignent.

− Les bleues c’est pour détendre mes muscles. Ça m’évite les crispations, les crampes, ce genre de choses. Et les rouges c’est uniquement pour me calmer moi. C’est un calmant assez puissant puisque les trois-quarts du temps je m’endors.

Morgan avale mes paroles et je me sens mal à l’aise de parler de ça avec lui.

− Et l’autre ?

− L’autre ?

− Oui, les blanches c’est pour quoi ?

Je réponds par un simple haussement d’épaule. Je n’ai jamais su à quoi elles servaient. Son étiquette est si floue que même un véritable médecin ne saurait dire leur fonction. Mais une chose est sûre c’est que Marielle et Jocelyne se sont toujours assurées que je les prenne.

− Tu ne sais donc pas ce que tu prends… répond Morgan le visage grave.

Je voudrais lui répondre que si je sais parfaitement ce que je prends, mais une vilaine odeur de brûlé attaque mon nez. Morgan s’est aussi levé et il court jusqu’à la poêle aux champignons. In extremis, il éteint le feu et dépose la poêle dans l’évier.

− Oh mon dieu ! Je trouve juste à dire.

Je cours jusqu’aux fenêtres les plus proches et les ouvre bien en grand pour faire sortir cette horrible odeur. Je me retourne et une épaisse fumée recouvre la cuisine.

Comme une petite fille ayant fait une terrible bêtise je m’approche à pas de loup derrière Morgan qui gratte avec une spatule les champignons pour les enlever.

− Je pense que c’est fini pour eux, ironise Morgan.

Je reste sans bouger et regarde le poisson encore dans son plat me demandant si je dois y toucher. J’ai déjà fait cramer les légumes, je ne vais pas risquer de le faire pour l’aliment principal.

− Je voulais bien faire… je prends la peine de dire.

− Je sais et je ne t’en veux absolument pas.

− J’aurais dû les surveiller. C’est ma faute si on n’a plus de légumes.

Étrangement mon corps se met à trembler et j’ai le nez qui pique. Est-ce à cause des larmes qui montent ou la fumée ?

Morgan s’approche de moi et m’enlace. Je me sens immédiatement en sécurité dans ses grands bras et sa chaleur corporelle me ferait presque oublier ce qu’il vient de se passer.

− Ce n’est rien. Tu ne savais pas puisque tu n’as jamais cuisiné.

Je ne réponds rien et Morgan se détache pour me tenir à bout de bras.

− Si tu veux je peux m’occuper du poisson pendant que tu vas t’habiller.

− Non ! Je réponds sèchement. C’est mon poisson c’est à moi de m’en occuper.

Un sourire se dessine sur son visage devant ma détermination. Il me lâche, mais ne s’éloigne pas pour autant.

− En revanche, je veux bien que tu m’explique comment fonctionne le four.

Il rit me montrant ainsi toutes ses dents blanches. Je l’écoute attentivement et ne perds pas un mot de ce qu’il me dit. Morgan s’empare d’un gros marqueur noir et au-dessus de tous les boutons, il écrit des indications Je comprends que j’avais tourné le bouton de la gazinière au-delà de ce qui était recommandé, mais en ce qui concerne le four j’ai eu presque bon. Je n’attends pas et prends le plat pour le glisser dans le four.

− Tu peux aller t’habiller maintenant, me fait Morgan l’air rieur.

− Je devrais peut-être rester pour surveiller ?

− Tu veux vraiment rester une heure devant le four en pyjama ? Ne t’inquiète pas, on ne risque plus rien maintenant. Au pire je serai là s’il y a encore un problème.

Si on sortait sa phrase du contexte, je pense que j’aurais beaucoup de mal à la comprendre. Mais à regarder ses yeux rieurs et son sourire éclatant je devine qu’il n’y a rien de méchant dedans.

Je m’habille rapidement d’un gros pull et d’un jean délavé. Je refais également le lit en rabattant les couvertures et je profite également de fouiller la chambre de fond en comble, mais pour la énième fois je ne trouve rien. J’ai beau rester déterminée, me dire que je les retrouverais, je n’ai plus aucun doute : on me les a forcément pris. Ils ne peuvent pas disparaître comme ça, sans raison ! Forcément quelqu’un est venu pour me les dérober. Et il n’y a qu’une personne qui aurait pu faire ça. Je l’ai compris dès le premier jour, il n’aime pas que je les prenne. Il est persuadé que je vais bien et que je n’en ai pas besoin. Mais moi je sais que c’est faux depuis le début et que si je ne les prends pas ça risque de très mal finir. Mais comment faire en sorte que Morgan avoue son crime sans passer par l’interrogatoire ou une crise ?

Midi a sonné et après avoir passé l’heure les yeux fixés sur le four, je peux enfin apporter le plat sur la table. Morgan et moi avons mis les assiettes, et j’ai pris soin de déposer un grand pichet d’eau au cas où ce ne serait pas bon.

− Prêt ? Je demande un sourire en coin.

− Prêt.

Le poisson a diminué de taille par deux. Il baigne dans un tout petit peu de jus de cuisson, pas plus de deux millimètres. A l’intérieur de moi je grimace devant la pauvre présentation du plat. Un énorme plat en verre qui contient un tout petit poisson. Je me demande bien où sont passé les deux kilogrammes.

Je découpe une part qui s’émiette à Morgan puis une pour moi. Je porte une fourchette à ma bouche et rien qu’à la première bouchée je sens que je vais avoir besoin de beaucoup d’eau pour faire couler ça.

− Alors ? Je prends la peine de demander.

Morgan réfléchit tout en continuant d’enfourner le poisson en bouche.

− Disons que je n’aurais plus faim après.

Je ne prends pas mal sa critique car je sais que c’est la vérité.

− Je pense qu’avec un petit peu d’assaisonnement ça aurait été mieux. Mais franchement je te dis bravo Lorene, car cuisiner du poisson pour une première fois sans le transformer en caoutchouc c’est de l’exploit !

Je sourie bêtement et me force à terminer mon assiette. Heureusement que la part n’étais pas grosse car je pense que j’en aurais eu pour l’après-midi.

− Un yaourt ? Propose Morgan.

Je hoche la tête avec vivacité.

Le produit laitier m’aide à digérer ce que j’ai avalé précédemment. Étrangement je mets beaucoup moins de temps à l’avaler …

− Tu fais quoi cette après-midi ? Je demande.

− J’aurais dû aller travailler mais je préfère rester m’occuper de toi.

De l‘extérieur je reste impassible alors qu’à l’intérieur je grimace. Bien que passer du temps avec Morgan en temps normal ne me dérange pas, aujourd’hui j’aurais préféré qu’il ne soit pas là pour aller chercher ces satanés médicaments.

− J’accepte que tu restes mais à une condition.

Morgan rit.

− Laquelle ?

− Que tu dormes. Tu as plus de cernes que tous les habitants de la ville réunis. Ce serait dommage de gâcher ce beau visage.

− Alors comme ça tu me trouves beau ? Demande Morgan un air de malice dans la voix.

− Pourquoi tu penses le contraire ?

− Ce n’est pas vraiment une question que je me suis posé…

− Je n’y crois pas une seconde. Avec toutes ces filles amoureuses de toi, tu dois forcément savoir que tu es bel homme.

− Vraiment ? J’ai toujours pensé que c’était pour mon intelligence.

Morgan lève les yeux au ciel me permettant de comprendre que ce n’est pas vrai. Il est bien conscient de sa beauté.

− Et toi, te trouves-tu belle ? Demande Morgan un semblant de sérieux sur son visage.

− Je-hum… Je ne suis pas la plus belle ni la plus moche.

− Pourquoi tu dis ça ?

− Parce que c’est la vérité. Il y a des filles bien plus belles que moi. Moi je me comparerais à un cliché. Le cliché de la fille blonde, pas très grande et filiforme qui ne sait rien faire.

− Ne dis pas ça, tu as appris à utiliser un four aujourd’hui !

Je tape Morgan à l’épaule après sa blague.

− Mais tu sais quoi, Lorene ?

Je fais non de la tête.

− Moi j’aime bien ce cliché.

Morgan s’est levé pour venir m’embrasser. Un simple baiser qui ne casse pas grand-chose, mais qui à chaque fois me chamboule. Mon cœur s’emballe automatiquement dès que Morgan dépose ses lèvres sur les miennes.

− Écoute Don Juan…

− Tu connais Don Juan ?

Je tape pour la seconde fois Morgan qui explose de rire.

− Mais t’es pas possible ! Tout ça pour dire que tu devrais aller te reposer.

− Alors comme ça tu me vires ? Tu as prévu d’aller voir ton amant ?

− Mon amant ? Bien sûr que non, j’attendrais que tu ne sois pas là pour le faire venir !

C’est à mon tour d’exploser de rire. Morgan me suit et je suis presque fière de ce que je viens d’accomplir. Je pense avoir trouvé mon plan pour qu’il crache le morceau. Je vais me faire la moins distante possible et en créant une réelle complicité je vais peut-être obtenir l’information qu’il me faut.

© minhox ,
книга «The Book of 23».
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