Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Chapitre 17

Je suis sortie, je rentrerai ce soir. Lorene.

Je dépose le papier sur la table de la cuisine, prends mes clés et sors dehors sous un soleil de plomb sans faire de bruit.

Ça fait maintenant 96 heures que je ne suis pas sortie de la maison et donc forcément 96 heures que je n’ai pas pris mes médicaments. Je n’arrive pas à savoir si je vais bien ou pas. Mes mains tremblent toujours autant, mais sans les crampes maintenant. Je m’énerve beaucoup plus facilement pour des choses anodines, mais sans forcément tout balancer contre le mur. Et j’ai également l’impression de pleurer pour un rien. Je sais que je ne suis pas dans un état normal, mais est-ce que je suis en état de guérison comme le prétend Morgan ou suis-je à l’étape 2 de mon manque annonçant quelque chose de grave après ?

Le soleil tape fort sur ma tête et je sens déjà les goûtes de sueur me glisser le long du dos. Le dérèglement climatique n’a jamais été aussi présent que ces derniers jours. Un jour tu as froid à en perdre tes doigts, le lendemain tu étouffes.

J’avance d’un pas assez rapide entre les rues et arrive dans les quartiers pauvres. Je ne prends plus la peine de chercher et me dirige automatiquement vers la maison de Niko, juste en passant devant ce qu’il leur sert de fenêtre je devine qu’il n’est pas là. Alors, je continue et arrive au lac. Il y a déjà pas mal de monde ce matin, mais il ne m’est pas compliqué de remarquer une bande d’enfants avec autour d’eux un beaucoup plus petit que la moyenne barbotant dans l’eau.

Je m’approche à pas de loup essuyant la sueur qui perle mon front avant d’être projeté en arrière.

− Lorene ! Ça faisait longtemps !

− Je sais Niko, je sais. Mais j’étais malade.

Malade n’est pas vraiment le mot adéquate, mais comment voulez-vous expliquez à un enfant que mon mari refusait que je sorte parce qu’il voulait que je dorme ?

− Tu vas mieux ?

− Parfaitement mieux. C’est d’ailleurs pour ça que je suis venue !

Niko se jette dans mes bras et je l’enlace durement. Puis quand la chaleur devient trop imposante pour nos deux frêles corps, nous nous dégageons.

− On va dans l’eau ? Me demande-t-il avec des yeux pétillants.

− Le premier dans l’eau a gagné !

Je me déshabille rapidement, ne restant qu’en sous-vêtement et cours derrière lui jusqu’au lac. L’eau est glacée, mais plus j’avance et plus je me sens mon corps me remercier pour cette fraîcheur. Je sens les regards des gens sur mon dos, mais étrangement je m’en moque. Je sais, puisque j’en ai eu la preuve il y a plusieurs jours, que personne ne me jugera.

− Lorene, ça va ?

Enzo arrive vers moi avec une fille de son âge derrière lui. Il dépose sa main sur son épaule et je ne peux que réprimer un sourire devant ce geste.

− Très bien et toi ? Au fait, moi c’est Lorene, je me présente à l’inconnue et celle-ci refuse ma main pour me faire la bise.

− Moi c’est Chloé.

Chloé est brune avec de beaux yeux amandes. Elle est assez grande de taille, dépassant de quelque centimètres Enzo qui est déjà très grand, mais on voit à son visage qu’elle est jeune.

− Chloé c’est la copine d’Enzo ! Ils passent leur temps à s’embrasser.

Pendant que je vois Enzo et Chloé se décomposer, Niko se tient à côté de moi pour me prendre la main.

− Que veux-tu c’est l’amour mon petit. Vaut mieux s’embrasser ou se faire la tête ? Je demande à Niko.

− C’est dégueu de s’embrasser. Tu échanges ta salive avec un autre !

C’est vrai que dit comme ça, ça peut être dégouttant. Mais je ne peux m’empêcher de rire et je sens devant moi le jeune couple se détendre.

− Tu verras, tu ne diras plus ça dans quelques années.

− Pourquoi tu as déjà embrassé quelqu’un ? Me demande-t-il innocemment.

Sans aucune raison apparente je rougis.

− Oui.

− Et c’était qui ?

− Pourquoi ça t’intéresse ? Tu es jaloux ?

Je vois Niko rougir très légèrement et je ne sais pas trop si c’est à cause du soleil.

− Je ne suis pas jaloux…

Je prends le visage de Niko entre mes deux mains et vient lui déposer un baiser sur la joue.

− Si tu veux tout savoir, tu es le seul à avoir droit à ces bisous-là.

− Pas même ton mari ?

− Pas même mon mari.

− Plus tard je viendrai te chercher et je t’épouserai ! Parole de Niko.

J’explose de rire suivit par le jeune couple. Niko est tellement mignon ! Comment ne pas aimer un petit être comme lui ?

− Alors j’attends avec impatience ta venue.

Chloé me passe un élastique et je m’attache les cheveux en un chignon fouillis qui penche sur le côté. Je finis par suivre Niko jusqu’à un groupe d’enfant qui joue au ballon dans l’eau. Avec Enzo et Niko on s’incruste dans la partie.


− Le gagnant sera celui qui fera le plus grand château, compris ?

Tout le monde hoche la tête. Par équipe de quatre, nous devons créer le château de sable le plus grand avec pour seul contrainte : récupérer le sable à l’autre bout du lac pour le ramener dans notre camp. Faisant équipe avec Niko, Nathaniel et Océane, nous sommes tous prêt à attaquer.

− C’est partie !

− Ok, on va faire les choses simples. Chacun son tour, par groupe de deux, on va courir jusqu’au sable là-bas. Les personnes qui restent pourront se reposer et surveiller le château en cas de soucis. Ah et n’oubliez pas de mettre un peu d’eau pour compacter le sable, j’ordonne.

Chacun approuve et Océane et Nathaniel cours avec deux sceaux pour les remplir.

− Il faut qu’on aplatisse le terrain. Tape sur le sol pour bien serrer les grains entre eux.

Niko et moi tapons de la paume de la main sur le sol afin de le rendre uniforme et plat. Les premiers sceaux arrivent. Je racle ma main contre le bord pour en élever l’excès de sable et d’un geste minutieux, mais rapide je retourne le récipient. Je tape le dessus et avec une délicatesse inégalée, je le retire. Le sable tient parfaitement en place. Je refais l’opération avec le second que je positionne juste à côté du premier. Étape réussis encore une fois.

Niko et moi courrons jusque de l’autre côté. Nous le remplissons de sable puis courrons jusqu’au lac pour y verser un peu d’eau. Je me surprends à ce qu’on soit les seuls à le faire. Nous revenons plus lentement qu’à l’aller et nous répétons les opérations précédentes. Pour le moment nous avons quatre tours, Océane et Nathaniel retourne chercher du sable.

− Tu as une idée de ce qu’on pourrait faire comme château ? Je demande en haussant un sourcil devant nos quatre tours côte à côte.

− On pourrait faire comme un château de carte !

− Mouais… Je ne suis pas sûr que sa tienne.

− Tu veux faire quoi alors ?

− Je n’en sais rien, justement.

Nos deux camarades reviennent.

− Qu’est-ce qui se passe ? Demande Océane.

− On ne sait pas comment faire le château, répond Niko.

− C’est surtout comment faire en sorte que ça tienne ? Je complète.

Nous sommes tous assis en rond autour du sable et même si nous perdons du temps, nous réfléchissons à une solution. En jetant un coup d’œil rapide autour de nous, je vois plusieurs châteaux dégringoler.

− Et si on faisait juste un gros tas de sable ? Propose Niko.

Nous faisons tous les trois non de la tête.

− On est vraiment obligé d’utiliser que le sable ? Demande Nathaniel.

− Je ne sais pas pourquoi ?

− Je me disais qu’on pouvait utiliser du bois ou des feuilles. Le sable sera nos fondations et le bois notre château.

− Mais il a raison ! La consigne est de faire le plus grand château, pas le plus grand château de sable ! Renchérit Océane.

− Moi je valide pour faire ça, je réponds en levant la main droite.

− Moi aussi, fait Niko.

Nathaniel nous présente comment il voit son château et après s’être mis d’accord, on se lève tous et courrons chercher tout le matériel qui nous intéresse. Plusieurs autres groupes nous regarde étrangement pendant qu’ils essaient en vain de faire tenir leur château.

On revient s’installer en rond et avec les quatre tours déjà installés, nous plantons nos bâtons. Océane tresse des brins d’herbes qui nous serviront à attacher les bouts de bois entre eux, Niko est partie chercher encore plus de matériel et Nathaniel et moi construisons le château.

Il semble très investi dans ce jeu. Il propose tout un tas d’idée toutes plus ingénieuses les unes que les autres. Nous avançons assez rapidement et je suis extrêmement surprise de voir que notre château est de loin le plus haut de tous.

− Tu as une idée de ce que tu veux faire plus tard ? Je demande au jeune homme.

Je sais que la question peut paraître compliqué pour un enfant de 13 ans, mais peut-être en a-t-il déjà idée.

− Je n’en sais rien…

− Pourquoi pas architecte ? Je propose.

Océane et Nathaniel explose de rire dans tous les sens du terme.

− C’est un travail de riche ça. Jamais je ne pourrais le faire, personne ne voudra de quelqu’un qui vient du Sud.

− Mais et si…

− Rico a neuf heures, me coupe océane.

Tout le monde tourne la tête dans la même direction et je peux presque sentir une pesante tension dans l’air. Je voudrais me retourner pour voir aussi mais je suis occupée à tenir deux bâtons en équilibre pendant que Nathaniel passe les brins d’herbes tressés entre eux.

− C’est quoi rico ? Je chuchote.

− Un riche, quelqu’un qui habite dans les quartiers Nord.

− Comme toi en fait, renchérit Océane.

− Et alors où est le problème ? Pourquoi ce silence ?

− Un rico qui traîne dans les parages c’est déjà surprenant, mais qui plus est le fils du président...

Je m’étouffe avec ma propre salive et mon cœur risque de louper un battement. Je me retourne doucement et d’une main je cache le soleil. Au bord de la route qui mène au marché noir, une silhouette se dessine. Il est aussi raide qu’un piquet et je peux deviner qu’il n’est pas à l’aise.

− Comment tu sais que c’est lui ? Demande Nathaniel.

− T’es pas sérieux-là ? Y a que deux personnes auxquels faut se méfier et tu ne les connais même pas ?

J’écoute leur échange tout en gardant un œil sur l’individu en face. Je sens son regard sur moi et je n’arrive plus à faire le moindre geste. Sur ma gauche Enzo et deux autres garçons se lèvent et les poings serrés se dirigent vers lui. Je les regarde faire et mon cœur redouble de vitesse. Mais qu’est-ce qu’ils vont lui faire ? Ils sont trop loin pour que je les entende, mais à la posture d’Enzo je devine qu’ils ne sont pas en train de sympathiser.

− Excusez-moi, je reviens.

Je me lève et enlève rapidement le sable collé sur mes cuisses nues. J’avance aussi rapidement que me le permettent mes jambes et arrivent aux niveaux des garçons.

− Ils se passent quoi ?

− On voulait juste savoir ce que le fils de riche venait faire dans le coin. Si c’est pour détruire le quartier, la réponse est toujours non, compris ?

Je me place entre Morgan et Enzo qui a le poing levé. Je suis dos à Morgan et pour le moment je n’en ai que faire s’il le voit. L’important est de calmer Enzo pour qu’il évite de le frapper.

− Enzo calme-toi et laisse-le s’expliquer. Si ça se trouve il n’est pas là pour ça ?

− Vas-y alors je t’écoute ! s’énerve Enzo.

Je me tourne vers Morgan et le soutient du regard pour qu’il parle. J’aimerai beaucoup savoir ce qu’il fait là moi aussi.

− Je-euh… Je ne suis…

Je lève les yeux au ciel et me retourne une nouvelle fois vers Enzo et ses amis.

− Attendez ici, je vais régler ça.

− Tu es sûr ?

Je fais oui de la tête.

− S’il te fait le moindre mal tu cries et on arrive.

Enzo recule d’un pas lent et le regarde toujours aussi noir. Toutes les personnes autour du lac se sont tues pour laisser planer un silence extrêmement lourd. Entre le soleil et le silence, j’étouffe.

− Je peux savoir ce que tu fais-là ? je chuchote.

− Je suis désolé.

La voix de Morgan est extrêmement basse que je peine à entendre ses excuses.

− Tu n’as pas répondu. Qu’est-ce que tu fais-là ? Personne ne t’apprécie ici !

− Je sais bien mais j’avais besoin de savoir !

− De savoir quoi ?

− Ce que tu faisais de tes journées !

Je grogne intérieurement et m’attrape les cheveux pour les tirer.

− Tu viens de me dire que tu m’as suivi pour savoir ce que je faisais ?

Morgan n’ose pas répondre. J’ai comme l’impression d’avoir en face de moi un enfant. Il soutient mon regard mais ses beaux yeux ne jouent pas sur moi.

− Et alors j’espère que tu es content maintenant ? Qu’est-ce que je vais leur dire moi ?

− Comment ça tu ne leur as pas dit pour nous deux ?

Je lève les yeux au ciel.

− A ton avis ? Si toi ils ne t’acceptent pas, qu’est-ce que ça aurait été pour moi ? Ce sont mes amis Morgan. Ils ont été les premiers à m’accepter comme je suis. Ils n’en ont que faire de savoir que je sois sortie d’un asile de fou. Mais qui te dit que notre mariage ne les dérange pas ?

− Et moi alors ? Moi dans tout ça ? Je n’ai pas le droit de savoir avec qui tu traînes ? Tu t’es fait agresser la dernière fois et je n’ai pas le droit de m’inquiéter quand tu sors ?

− Lorene ça va ?

Je sursaute à la petite voix derrière moi. Je me retourne vers Niko qui tient plusieurs bouts de bois entre ses mains. Je me mets à sa hauteur et efface tout trait de colère.

− Je vais parfaitement bien Niko. Retourne terminer notre château il a besoin de ton aide.

− Je refuse ! Gronde-t-il. Je refuse de te laisser avec lui. Je ne l’aime pas !

− Écoute, je dis que je vais bien. Il va d’ailleurs repartir chez lui et nous laissez tranquille.

Je me relève et soutient pour la seconde fois du regard Morgan pour qu’il s’en aille, mais celui-ci ne bouge pas d’un iota.

− Lorene je refuse de te laisser.

− Et moi je refuse que tu restes.

− D’où tu connais Lorene ? Demande Niko qui n’est toujours pas partie.

Je me tape le front et attrape Niko par les épaules pour lui redemander de partir. Celui-ci s’échappe et vient se poser entre Morgan et moi.

− Pourquoi tu la connais ? Répète Niko en fronçant les sourcils.

− C’est mon ami, je m’empresse de dire.

− Ton ami ? Celui avec qui tu es quand tu n’es pas là ?

Je hoche la tête.

− Il est gentil alors ?

− Il est gentil mais là n’est pas la question. Il n’a pas le droit d’être ici.

− Pourquoi tu es amie avec le président ?

− Je ne suis pas président, s’empresse de corriger le concerné.

Je lui jette un regard noir et il se tait.

− C’est compliqué… je réponds.

− A moins que tu ne sois sa femme, intervient alors Océane qui s’avance vers nous avec d’autres enfants.

Je me pétrifie sur place et je ne sais plus quoi dire. Morgan pose sa main dans le creux de mon dos pour me décaler et il s’avance devant tout le monde.

− Je suis désolé, je ne voulais pas vous déranger. Je m’en vais et vous laisse retourner à vos affaires.

Il a beau paraître gentillet comme ça, mais j’ai ressenti une pointe de colère dans sa voix. Je n’arrive pas à bouger et mon cerveau chauffe. Je ne sais pas du tout quoi faire. Morgan est en colère contre moi et en même temps je ne peux pas le laisser repartir sans explications ! Je ne veux pas rentrer chez moi ce soir en craignant une dispute, je n’ai pas la force mentale pour lui résister. Une part de moi me demande de dire la vérité, et une autre me dit de tout laisser et de faire comme si de rien était. A force de réfléchir j’ai la tête qui tourne et avec ce soleil je ne sais plus où regarder.

− Attend, je fais à l’intention de Morgan qui partait déjà. Je-hum… Je vous dois des explications.

Ma langue a parlé plus vite que mon cerveau. Morgan s’est arrêté et une toute petite part en moi espère qu’il reparte.

− Lorene tu n’es pas obligée de faire ça.

J’ignore la phrase de Morgan et je poursuis sans vraiment savoir ce que je vais dire.

− Je vous présente mon… mon mari.

J’ai baissé la tête comme une petite fille ayant fait une bêtise, mais en la relevant je ne vois personne en colère ou prêt à me sauter dessus.

− Pourquoi tu nous l’as pas dit ? Demande Enzo.

− Je-euh… Disons que je ne savais pas comment vous réagiriez. Je sais que vous ne l’aimez pas et je n’avais pas envie de faire partie de votre liste d’ennemi, ou que vous me voyiez comme un espion ou ce genre de chose. Et vous devez comprendre qu’avec le passé que j’ai, rencontrer des personnes qui ne me jugent pas a été une bénédiction, alors pourquoi tout gâcher avec… ça...

Mon corps tremble et je sens les larmes monter. Depuis que je ne prends plus mes médicaments je suis souvent à fleur de peau et la moindre montée d’adrénaline peut me faire perdre tous mes moyens.

Niko s’avance et vient m’enlacer. Je me baisse vers lui et dépose ma tête au creux de son cou pour respirer son odeur.

− Je suis désolée Niko. Je n’aurais pas dû te le cacher.

− Est-ce que tu l’aimes ?

Je ne sais pas quoi répondre. Je ne sais pas quoi faire. On est encore baigné dans un silence pesant, tous les yeux sont braqués sur moi et Morgan et je n’espère qu’une chose disparaître à tout jamais.

− Je me suis attachée à lui, je dirai.

Niko colle sa bouche contre mon oreille afin que personne n’entende ce qu’il a à me dire.

− Je ne sais pas pour toi, mais lui il t’aime. Il te regarde comme papa regardait maman.

− J’embrasse fortement Niko sur la joue et laisse couler quelques larmes. Bon sang que je déteste pleurer sans aucune raison apparentes !

− Lorene ? m’appelle Enzo. Franchement tu nous connais si mal que ça ? On t’a dit qu’on ne jugeait personne parce que nous on n’est pas des gosses de riches. Sérieux que tu sois marié à lui ou à quelqu’un d’autre, qu’est-ce qu’on en a à faire ? Je crois que tu nous à suffisamment montré qu’on pouvait avoir confiance en toi non ? Alors pourquoi ça aurait changé avec cette information ?

− Je-je ne sais pas. J’avais juste envie d’être une fille normale pour une fois.

− Avec nous comme ami je crois que tu n’as vraiment rien d’une fille normale.

− Ne dis pas ça. Tout le monde voudrait des amis comme vous. Vous êtes la meilleure chose qui me soit arrivée.

Morgan n’a toujours pas bougé et je le sens toujours aussi tendu à cause du regard noir que lui jette certaines personnes.

− Je pense que je devrais y aller. J’ai certaines choses à expliquer avec Morgan.

− Non reste-là, insiste-t-il.

Océane reviens avec mes vêtements et après m’être habillé en quatrième vitesse je rattrape Morgan et salut tout le monde. Niko insiste pour que je reste mais je lui promets de revenir très bientôt et que s’il gagne le concours pour moi je lui offrirai une surprise. Je ne sais pas quoi encore, mais je vais trouver.


Le chemin du retour fut rapide et silencieux. Je n’ai pas décroché son ombre des yeux et durant tout le long j’ai réfléchi à ce que je pourrais lui dire à la maison. Je pourrais m’excuser, ou bien ne rien faire. Je pourrais lui réexpliquer pourquoi j’ai fait ça, mais je pense qu’il l’a bien compris maintenant…

Morgan accélère pour ouvrir la porte, et comme à son habitude il me laisse entrer la première. La maison est plongée dans le noir et j’apprécie ce petit moment dans l’obscurité. Mais il finit par allumer la lumière et je le vois se diriger vers la chambre.

− Tu vas où ? Je demande en le rattrapant.

− Je pense que j’ai besoin de repos.

Je reste plantée une micro seconde et recours derrière lui.

− Tu m’en veux c’est ça ? Tu m’en veux que je ne leur aie pas parlé de toi ?

− Ce n’est pas ça Lorene.

− Bah alors c’est quoi ? Je crois savoir que c’est moi qui devrais te faire la tête pour m’avoir suivi. Tu as de la chance que ce soit les individus les plus gentils sur Terre quand même, parce que bon sang qu’est-ce que je t’en aurais voulu !

− Tu ne comprends pas !

− Je ne comprends pas quoi ?

− Tout ! Tu ne comprends rien !

Je reste bouche bée devant lui et tous deux, nous n’osons plus bouger. Dans la pénombre du couloir je ne vois que ses yeux miroiter à la seule lumière de la fenêtre de la chambre derrière moi et l’ombre de son corps se dessiner. Il fait très imposant et je me sens extrêmement petite face à lui. Sa dernière phrase me remue les méninges et je n’ai qu’une envie pleurer. Mais au lieu de ça, mon corps agit différemment. Mon sang bouillonne, une chaleur qui monte et surtout… un désir qui me semble inextinguible. Je me mets sur la pointe des pieds et vient l’embrasser avec le plus de fougue que je peux donner. Malheureusement pour moi, il s’écarte de moi et me tient à bout de bras.

− Tu fais quoi là ?

− Je-je ne sais pas… Je ne sais plus… Je crois que je t’aime…

Ma voix s’étrangle et je crains qu’il ne l’ait pas entendu et me demande de répéter. Mes mots sont sortis de ma bouche comme une bombe à retardement. Je ressens un énorme poids se dégager de mes épaules et j’en ai presque que faire de ce qu’il pense. J’ai enfin dit ce qui était enfoui au plus profond de moi et bon sang que je me sens légère, malgré les nombreux problèmes encore présents !

Je relève les yeux vers Morgan et je n’ai à peine le temps de cligner des yeux qu’il se jette sur moi et me plaque contre le mur sur ma droite. Ses lèvres sont déposées sur les miennes et nos souffles coupés. Il ne m’a jamais embrassé de la sorte. Je sens tout son poids contre mon corps et deviens prisonnières de ses baisers.

− Lorene… fait Morgan d’un ton interrogateur.

Je ne réponds pas de vive voix mais laisse mes mains agir. J’attrape le bas de son tee-shirt et sans me quitter du regard, il lève les bras pour me permettre de le lui ôter. Mes doigts parcourent son torse musclé. Il me porte, je passe mes jambes autour de sa taille et il m’emmène jusqu’à la chambre. Nous restons un moment à nous regarder avant qu’il ne me déposer sur le lit.

− Tu es sûr que c’est ce que tu veux ? Me demande-t-il.

− Et toi ?

Je ne suis pas la seule à décider ici. Morgan m’adresse un sourire tendre, puis son regard s’enflamme.

− Oui, répond-il. Je suis humain, Lorene, et tu es… toi.

Il remonte le bas de mon tee-shirt, dégrafe mon soutien-gorge et avec ses mains vient dessiner les formes de mon corps. Je reprends sa bouche en otage et l’emmène jusqu’au milieu du lit. Mon cœur s’emballe comme il a fait de nombreuses fois ces dernier jours. Tous mes soucis disparaissent un par un ne me laissant plus que cet instant avec Morgan.

− Pourquoi maintenant ?

Je n’ai aucune réponse à sa question, mais si je devais en trouver une je dirais que j’ai été effrayée. Effrayé qu’il parte et ne revienne pas.

− J’ai eu peur.

− Peur de quoi ?

− Que tu disparaisses…

Ma voix s’étrangle et des larmes coulent contre mes joues. Morgan d’un geste tendre vient les retirer.

− Jamais je ne partirai. Jamais, tu comprends ? Jamais !

Je pose l’autre main à côté de la première sur son torse, avant de les remonter jusqu’à son cou, puis je m’approche jusqu’à rencontrer sa peau. Tout entre nous tourbillonne et crépite, comme une nouvelle branche de bois sec dans le feu. Le soleil à côté n’est qu’une petite braise par rapport à nos deux corps.

Par la suite, il ne me pose plus de question, et moi non plus. Aucun de nous ne rend ce moment plus ou moins important qu’il ne l’est. Morgan et moi, ensemble, ne seront pas qu’un simple couple marié par une machine mais bien plus que ça. Personnes d’autre ne connaît les secrets que nous échangeons via nos corps. Je suis la seule à connaître le goût de sa peau sous ma langue. Il est le seul à connaître la façon dont je cambre le dos quand il commence à se mouvoir au-dessus de moi. Je suis la seule à connaître la joie pure de voir le calme et l’impassible Morgan exploser à cause de moi.

© minhox ,
книга «The Book of 23».
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