Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Chapitre 6

Morgan et moi sommes chacun de notre côté dans la maison. Moi dans le jardin à continuer mon livre d'hier tandis que lui est dans le salon à traiter de papiers qui ne m’intéressent aucunement.

Hier soir, pendant le repas j'ai fait part de ma rencontre avec les voisins. Sans le cacher, je lui ai avoué l'impression que j'avais eue du fameux Boris. Je lui ai parlé de leur dispute et du comportement innocent qu'il avait adopté à ma venue. Comme si j'avais affaire à deux personnes complètement différentes. C'est très perturbant comme sensation. Mais le pire a été ce que Morgan m'a avoué juste après.

– C'est triste à dire, mais ce n'est pas le premier et ne sera pas le dernier.

– Comment ça ? Avais-je demandé en enfournant une bouchée de haricots verts.

– Certaines personnes pensent que quand tu leur donnes quelque chose, même s'il s'agit d'un être humain, il le considère vite comme leur propriété. Et quand une chose t'appartient, tu penses que tu as le droit de la traiter comme tu veux.

– Mais ça fait partit des violences conjugales, non ? C'est de la maltraitance !

– Malheureusement.

– Et pourquoi on n'agit pas ?

– On ne peut pas.

Je dépose ma fourchette lourdement sur le bord de mon assiette.

– Je ne comprends pas. Comment ça on ne peut pas ? On ne peut pas porter plainte auprès de la police ? Ou alors demander à ton père le divorce ?

Morgan, les yeux baissés vers son assiette, soupira puis il les releva vers moi et son regard m'électrisa.

– Non. La machine a décidé qu'ils étaient faits pour être ensemble, alors le divorce est interdit. A moins que quelque chose de grave arrive bien évidemment.

– Mais c'est scandaleux !

– Bienvenue dans la triste réalité, ironisa-t-il.

– Personne n'a vérifié si la machine n'avait pas un problème quelque part ?

– Comment ça ?

– Bah marier deux individus aux caractères complètement différents ce n'est pas le but du programme. Comment peut-on associer un type violent avec une jeune femme douce et pure. Ou alors comment se fait-il que toi et moi soyons ensemble ?

Morgan fronça les sourcils d'incompréhension.

– Tu veux dire quoi par-là ? Pour nous deux je parle.

– Qu'on est extrêmement différents et qu'on n'a rien à faire ensemble.

– Tu penses que la machine s'est trompée à notre sujet ?

– Je-euh... Oui, enfin... C'est la seule solution que j'ai trouvée.

Une colère presque invisible avait parcouru le visage de Morgan. Je ne voyais pas où était le problème. Ce n'était que pure vérité ce que je disais. Mais il mit fin à la discussion en débarrassant la table. Je reconnais que la discussion que nous avions eue m'avait coupé l’appétit. On est ainsi parti se coucher chacun dans notre coin, un silence lourd dans la maison. Le lendemain, c'est-à-dire ce matin, la tension entre nous deux n'avait pas entièrement disparut mais je fis comme si de rien n'était et depuis nous voilà dans notre coin.

Le soleil est légèrement caché derrière de gros nuages gris, le vent est relativement frais et fait voler mes longs cheveux blonds tout autour de moi. Je pourrais rentrer à l’intérieur au chaud et continuer ma lecture sur le canapé confortablement assise, mais j'aime être dehors. J'aime me retrouver au cœur de la nature, entendre les branches se frotter les unes contre les autres, entendre les gazouillis des oiseaux, le vent siffler à mes oreilles. Être seule, dehors avec personne autour me fait penser à la liberté. Être libre de faire ou penser à ce que je veux, sans personne pour vous juger.

– Vas-y entre fait comme chez toi !

Assise contre le mur de la maison près de la porte vitrée je peux entendre Morgan s'adresser à son invitée. Il s'agit de sa meilleure amie. Ils se connaissent depuis toujours et sont comme des frères et sœurs m'avait-il expliqué. Pour ne pas faire l'impolie je me lève et entre dans la pénombre de la maison.

Une jeune femme assez petite se tient dans l'embrasure de la porte d'entrée. Elle a des cheveux d'un noir de jais coupé au carré, de petits yeux amandes tout aussi noirs avec une fine bouche rougit par son rouge à lèvres. A ses pieds un énorme sac remplit de vêtements.

– Hey ! Tu dois être Lorene, s'écrit-elle en se jetant dans mes bras.

– Et toi Karine ?

– Exactement !

Un énorme sourire lui barre le visage en deux la rendant rayonnante. Rien que ce petit échange je sais tout de suite que c'est une fille dynamique et pleine de vie.

– Je peux savoir ce que c'est ? Demande Morgan en désignant l'énorme sac au sol.

– Hehe, c'est une surprise pour Lorene. Comme j'avais énormément de vêtements que je ne mettais plus alors je me suis dit que ça lui ferait plaisir.

Alors là pour une surprise c'est une surprise.

– Merci beaucoup, je ne sais pas comment te remercier.

– Pas la peine, en même temps c'est tout à fait normal d'où tu viens. Tu n'allais pas porter tes blouses marrons tous les jours quand même.

– Comment tu sais ? Je demande surprise.

– Ce n'est un secret pour personne chérie. Toute la ville sait que tu viens de San Armando. D'ailleurs si tu savais les rumeurs qui se colportent à ton sujet...

– Karine, gronde Morgan.

Mon regard et celui de Morgan se croisent et ont du mal à se détacher. Mais il doit savoir que je veux en savoir plus à ce sujet puisqu'il emmène Karine jusqu'au canapé pour discuter d'autres choses. La jeune femme s'installe si près de lui, que je suis sûr qu'il leur est possible de sentir leur propre souffle. Je m'installe sur le fauteuil en face.

– Alors quoi de beau depuis la semaine dernière ? Demande Karine les yeux pétillants.

– Rien de spécial. Avec Lorene on fait tranquillement connaissance, on s'entend plutôt bien. Et toi ?

Morgan a encore une fois détourné le regard vers moi, me faisant comprendre qu'il faisait référence à notre conversation d'hier soir.

Karine se lèche les lèvres, presque avec sensualité, avant de parler.

– Pareil de mon côté. Je n'ai toujours personne.

– Ce sera pour l'année prochaine, n’aie crainte, sourit Morgan.

– J'y crois moyennement. C'est ma dernière année l'an prochain, tu crois sincèrement que je vais avoir quelqu'un ? Demande-t-elle en déposant sa main sur le bras de son ami.

– Rien n'est impossible, je réponds. Moi aussi c'était ma dernière année et me voilà là.

– Sérieux ? Mais tu es la fille la plus chanceuse du monde alors. Réussir à se marier la dernière année avec qui plus est le beau Morgan.

Je ne sais pas ce qui se passe entre les deux, mais j'ai de sérieux doute quant à leur véritable amitié. Je n'ai jamais eu de problème avec l'amitié homme/fille, je suis la première à y croire, mais eux-deux sont beaucoup trop proches, trop tactile. Enfin surtout Karine. A chaque phrase, elle ne peut s'empêcher de poser sa main sur une partie du corps de Morgan, comme si elle avait peur qu'il disparaisse.

– Et sinon tu es au courant pour Mathéo ?

Morgan et Karine sont désormais partit dans une conversation dans laquelle il m'est impossible de participer, mais je les écoute toujours assise dans mon fauteuil. Morgan a je ne sais combien de sourire, et je viens de lui en découvrir un nouveau. Je ne pourrais mettre de nom dessus, mais il a l'air heureux, un véritable sourire de bonheur. En fait, en le voyant avec les yeux pétillants, entendre ses éclats de rires aux blagues de Karine, le voir la toucher ainsi me prouve qu'il est heureux avec elle, bien plus que ce qu'il m'a montré ces derniers jours. Je ne dis pas que je souhaite la même chose avec lui, mais quand j'y repense je me rends compte que c'est de la pitié qui le traverse. Je ne suis qu'une folle qui n'y connaît rien à la vie, alors que Karine est son amie qui le connaît depuis toujours. Je décide de les laisser seuls et m'en vais dans la chambre.

– Tu vas bien ? Enfin je veux parler d'entre toi et Lorene bien sûr.

La porte de la chambre restée ouverte je peux entendre Karine lui poser la question.

– Bien sûr, pourquoi demandes-tu ça ?

– Je ne sais pas avec tout ce qui se dit sur les patients de San Armando...

– Les gens ne sont que des abrutis, Karine. J'y suis allé il y a deux jours et ils avaient l'air parfaitement normaux.

Normal. On avait l'air parfaitement normal. Mon ventre se tord à l'entente de ce mot. Je déteste ce mot parce qu'il ne fait que renforcer notre différence aux yeux des gens. On est comme eux à une différence près : on nous a obligé à venir dedans. Je ne sais pas si c'était voulu, mais Morgan me déçoit à ce moment-là.

– Tu me crois je connais quelqu'un qui y travaillait ? Et elle connaissait Lorene. Et bien a priori elle était la plus instable de tous. Elle m'a dit que quand elle faisait une crise, elle devenait carrément violente et qu'il était presque impossible de la calmer.

Une énorme boule vient se loger dans ma gorge. Comment peut-elle être au courant de ça ? Comment a-t-elle osé lui en parler ? Mais qui est-elle pour faire ça ?

– Je préférerais ne pas en parler, Karine.

– Pourtant il le faut. Il faut que je te prévienne. Elle peut être dangereuse et je ne permettrais pas qu'il t'arrive du mal.

– Il ne m'arrivera rien, je peux te le garantir.

– Vraiment ? Et comment tu sais ça ?

Il y a un moment de silence. Je sais que je ne devrais pas écouter aux portes, ça me fait énormément de peine mais je ne peux pas faire autrement. Il m'est impossible de faire autre chose.

– Ses médicaments, finit-il par dire.

Mon cœur s'emballe à mille à l'heure, la boule dans ma gorge est tellement grosse que je peine à avaler ma salive, mon ventre fait des saltos à chaque fois que Karine ouvre la bouche, mes jambes ont du mal à me supporter, j'ai la tête qui tourne, mes mains agrippent sauvagement les draps, mes muscles se contractent un par un. Mes médicaments a-t-il osé dire. Alors comme ça, si je prends mes médicaments il ne risque rien ? Je suis belle et bien un monstre qui quand il prend ses médicaments devient inoffensif ? Je pensais que Morgan était différent des autres, mais finalement il s'est joué de moi.

La colère est à son paroxysme. J'agrippe fermement la couette et j'en ai presque peur qu'elle se déchire sous mes doigts. Je serre des dents tellement fort pour éviter de me mettre à crier. Je me lève et toute tremblante je me dirige vers la salle de bain. Mes pieds se prennent dans le tapis que je risque de m'exploser la mâchoire contre le lavabo, mais heureusement pour moi je me rattrape de justesse. Cachés tout au fond d'un tiroir sous une pile de serviettes j'extirpe trois tubes orange remplis de gélules. Je les soulève à lumière faisant tinter son contenu contre la paroi et finis par les ouvrir. Une bleue, une rouge et une blanche tombent dans ma main. J'avale aussitôt la bleue qui a pour objectif de soulager mes muscles. Puis vient la rouge qui a pour mission de me calmer, moi dans mon fort intérieur. Et enfin la blanche. Je la fais tourner entre mes doigts, la regarde de tous les côtés, la lance puis la rattrape et finis par la mettre en bouche. Je n'ai jamais su sa mission, et le manque d'étiquette ne me permet pas d'avoir de réponse. Elles n'ont pas encore fait effets, alors je décide contre ma volonté d'aller m'allonger. Les tubes posés sur la table de chevet, je regarde le plafond avec intensité. Je n'entends plus leur bavardage trop absorbé par la douleur. Mes yeux commencent à se fermer tout seul. Je sens mon corps commencer à se détendre, je me glisse sous les couvertures et à peine la tête déposée sur l'oreiller je m'endors.


Réveillé en sursaut par le bruit de l'eau qui coulent dans l'évier de la cuisine, je me relève courbaturée. Mes jambes ressemblent à du coton, j'ai la bouche pâteuse et j'ai chaud, terriblement chaud. Je passe mes jambes dehors et mes pieds frappent un énorme sac. Je grimace immédiatement en découvrant les habits de Karine. Je n'y prête pas plus attention et m'en vais au salon.

Morgan a le dos tourné et nettoie une assiette. Je n'arrive pas à savoir si je suis en colère contre lui. Je n'ai pas oublié ce qu'il a dit et je pense que je lui en voudrais longtemps. Je m'approche du premier placard et en sors une assiette ainsi que des couverts.

– Ah Lorene, bien dormi ? Demande-t-il l'air innocent.

Il veut jouer à ça alors je vais y jouer aussi.

– Parfaitement bien.

– Je m'excuse j'ai mangé sans toi, je ne voulais pas te réveiller.

Je lui fais mon plus beau sourire pendant qu'il me sert les restes. Je le remercie et il vient s'installer en face de moi. Sa présence me gêne beaucoup. J'aurais voulu qu'il s'en aille, qu'il aille faire autre chose pendant que je mange, mais non.

– Alors comment tu la trouve ?

Les yeux rivés sur mon assiette, je me stoppe dans mon mouvement un quart de seconde avant de relever la tête vers lui.

– Gentille, très gentille.

Morgan sourit. De tristesse ou de gêne ?

– Je peux te poser une question ? Je demande pleine d’enthousiasme dans la voix.

– Bien sûr.

– Entre vous deux, il se passe quoi ?

– Comment ça ? Tu veux dire quoi ?

– Il n'y a pas photo, entre vous deux il y a plus que de l'amitié.

– Je crois que tu fais erreurs, je ne ressens rien envers elle. Elle est comme ma sœur, rien de plus.

– Vraiment ? Ce n'est pas l'impression que j'ai eue en la voyant. Je n'ai jamais vu quelqu'un regarder avec autant d'envie une autre personne. Tu devrais lui dire quand même que tu ne partages pas ses sentiments.

Morgan rougit en même temps que ses yeux s'ouvrent en grand de surprise. Il ne sait absolument plus quoi dire ni quoi faire. Je prends un malin plaisir à jouer mon rôle de la fille innocente.

– Je vais être honnête avec toi Morgan. Je ne pense pas qu'un jour nous partagerons le même lit toi et moi alors si tu veux voir ailleurs je te l'autorise. Je n'y vois aucun problème.

– Qu'est-ce qui se passe Lorene ? Qu'est-ce qu'il te prend ?

– Rien pourquoi ? Je veux juste mettre les choses au clair entre nous deux.

Je fais mine d'être surprise de sa question alors que je vois qu'il est complètement perdu. L'incompréhension se lit sur son visage. Il se pose des questions et ça me fait plaisir.

– Je suis désolée, mais demain je me lève tôt.

– Tu vas quelque part demain ? Demande-t-il plus confus qu'il ne l'était déjà.

– Oui, je vais faire un tour de la ville. Visiter les différents quartiers, ce genre de choses.

– Et tu veux que je t'accompagne ?

– Oh non ça va aller. Je ne vais pas t’embêter avec ça. Tu dois sûrement avoir mieux à faire.

Morgan ouvre la bouche pour répondre mais je lui coupe la parole une dernière fois.

– Bonne nuit Morgan.

– Bonne nuit Lorene...

Sincèrement je pense que si je n'étais pas dans son champ de vision j'aurais sauté de joie. J'ai joué mon rôle jusqu'au bout et je suis fière que ça ait marché. Il a voulu jouer avec moi en faisant les gentils garçons qui par derrière t'insultes, mais ce qu'il ne sait pas c'est que je peux me révéler plus maligne.

Je retourne dans la chambre, en ayant complètement oublié de manger, mais ce n’est pas si grave de toute façon je n’avais pas faim.

© minhox ,
книга «The Book of 23».
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Little Moon
Chapitre 6
J'adore cette historie ! J'ai hâte de savoir la suite...
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2020-12-17 18:34:38
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