− Laissez-moi passer ! Laissez-moi la voir !
La mort vient enfin me prendre. Je l’entends crier derrière ma porte de la laisser entrer, mais cette bande d’infirmières refuse de la laisser m’approcher. Je sais que c’est elle puisque je sens de ce qu’il me reste de cœur s’accélérer. Mon heure est proche.
− Vous me touchez encore une fois et je vous jure que vous le regretterez !
− Il n’est pas préférable que vous la voyiez monsieur.
− Je m’en fou ! Laissez-moi la voir !
La porte s’ouvre dans un grand fracas et tout tombe dans le silence pendant quelques secondes. Je n’arrive même pas à lever les yeux du sol, mais faucheuse si tu m’entends, je suis prête.
− Lo-Lorène ? Oh ma belle Lorene, que t’arrive-t-il ?
Étrangement je ne m’attendais pas à ce genre de contact. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle se jette à mes pieds et me prenne le visage entre les mains. Je n’arrive toujours pas à détourner le regard et le peu de conscience encore en moi me dit qu’il est préférable.
− Lorène dis-moi que tu es encore en vie, par pitié !
Ses mains, sa voix… Pourquoi la mort a-t-elle pris son apparence ? Pourquoi joue-t-elle à ça ? Je ne veux pas le voir avant de mourir !
− Elle respire encore, mais elle se laisse mourir…
− Taisez-vous ! Je ne vous ai rien demandé ! Lorene si tu m’entends sache que je suis là, je suis revenu.
Ne le regarde pas, ne le regarde pas, ne le regarde pas. Il m’a abandonné, il m’a fait du mal. Il ne mérite pas que je le regarde une dernière fois.
− Lorene, s’il te plaît donne-moi un signe que tu es là. Donne-moi un signe que tu m’entends.
C’est plus fort que moi, je n’y arrive pas. Mes yeux qui n’ont pas quitté le sol depuis une trentaine de jours se lèvent pour regarder le visage de la faucheuse. Elle lui ressemble terriblement. Elle porte ses mêmes yeux marrons. Elle porte ce même regard électrisant. Et ses lèvres aussi, celle que j’ai embrassée tant de fois. Même ses éternelles cernes sont présentes et avec son teint blafard j’ai l’impression qu’elles lui dévorent les yeux. La seule différence avec le Morgan du passé, c’est cette longue barbe qui recouvre son visage. Il me sourit, mais je peux lire dans ses yeux toute la tristesse du monde.
− Lorene, je suis venue te chercher. Je viens te récupérer.
Il ou elle, je ne sais pas vraiment s’il s’agit de Morgan ou de la mort, me touche avec la plus grande délicatesse comme si, il ou elle avait peur que je me brise. Mon corps reconnaît la sensation de la peau de Morgan sur la mienne, mais les chances que ce soit lui sont si infimes…
− Je suis désolé, Lorene. Tout est ma faute. Je n’aurais jamais dû te faire ça. J-J’étais persuadé que tu pouvais guérir, jamais je n’aurais pensé qu’ils viendraient te chercher !
Vient-il d’avouer ou est-ce encore une fois le fruit de mon imagination ? En tout cas une chose est certaine, c’est que si j’avais encore la force de bouger ma main serait déjà partie.
− Mais il le fallait. Ces médicaments t’empoisonnent la santé. Je les ai fait analyser et il m’a été dit que ce n’était que des drogues. Que des drogues pour te rendre obéissante. Ils ne te soignent aucunement !
TAIS-TOI ! Ais-je envie de crier. Mais je n’y arrive pas, aucun son ne sort, rien de rien.
− Je comprendrais parfaitement que tu m’en veuilles. Je comprendrais que tu me détestes, et que tu refuses de me voir ou me parler. Mais par pitié Lorene ne te gâche pas la vie comme ça. Tu es jeune, tu es plus intelligente que quiconque ici, tu mérites mieux que la mort.
Il s’arrête de parler et dépose sa main sur ma joue. Je ne bouge pas et me laisse caresser comme si de rien était. Une larme vient perler le coin de ses yeux avant de glisser tout le long de son visage et se perdre dans sa barbe.
− Et je… Je t’aime Lorene. Je t’aime comme personne. Je t’aime comme jamais je n’ai aimé quelqu’un. Je t’aime plus que tout. Alors s’il te plaît Lorene, ne fait pas ça.
Il pleure. Il pleure à chaude larmes. Ses mots font comme l’effet d’une bombe en moi et me redonne un peu d’énergie. Je n’arrive pas à savoir si je lui en veux. Je n’arrive plus à savoir si je le déteste… Je me détestais déjà pour lui avoir fait confiance, mais maintenant je me déteste encore plus parce que je suis amoureuse.
− C’est la première fois que tu le dis…
Ma voix me déchire les cordes vocales. Elle est si sèche, si rauque que j’ai l’impression que c’est quelqu’un d’autre qui parle. Ce n’est pas ma voix, même si elle sortait de ma bouche. Et juste dire ces mots ont suffi à me fatiguer.
Ses yeux s’écarquillent et son visage passe par toutes les émotions. Le mien reste aussi neutre qu’un bloc de pierre et me contente juste de le regarder pour graver chaque trait au fond de ma mémoire.
− Je sais ! J-je sais et je m’en veux. J’aurais dû te le dire tous les jours, toutes les heures toutes les minutes s’il le fallait. J’aurais dû te le montrer de bien des manières je sais et je regrette. Je t’aime comme un fou Lorene.
Les larmes me montent également mais contrairement à Morgan, elles ne passent pas la sortie. Elles restent enfouies en moi et refusent de sortir me comprimant ainsi la poitrine. Une douleur m’assaille le cœur, j’ai le nez qui pique, le dos qui me démange mais rien ne sort.
− Pourquoi… Une quinte de toux me prend et il m’est presque impossible de m’arrêter. Morgan me redresse avec la plus grande douceur qui lui ai donné et ma toux se calme. Pourquoi tu m’as abandonné ?
Mes yeux sont embués de larmes et m’empêche de voir le comportement de Morgan. Je suis obligée de cligner les paupières plusieurs fois si je veux retrouver une vision normale. Il serre son tee-shirt entre ses poings et à ses pupilles rétractés je devine que ça ne présage rien de bon.
− Je ne t’ai pas abandonné même si c’est l’impression que tu as eue. Mon pèr… le président a tout fait pour que je ne te retrouve pas. Ce jour-là, on est allé à l’usine à l’opposé de la ville pour parler affaire, mais à son comportement beaucoup trop… joyeux, j’ai compris qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Il ne me posait pas de question à ton sujet, il ne t’insultait pas comme à chaque fois qu’on se voyait, il faisait comme si de rien n’était. Alors j’ai couru jusqu’à la maison et tu n’y étais plus. Tu étais parti sans laisser de trace. J’ai cru que tu avais réussi à t’enfuir et suis donc allé au marché voir Jovelita, elle m’a expliqué que tu t’étais rendue dans le sud. J’ai continué et je suis tombé sur tes amis. Il n’avait pas l’air heureux de me voir ça je peux te le dire. Ton ami, Enzo je crois, m’a mis une véritable dérouillé jusqu’à ce que Niko s’interpose. Le visage tuméfié par ses coups j’ai été incapable d’ouvrir les yeux pendant presqu’une semaine. Heureusement que Niko et d’autre de ses amis était là. Il n’a que quatre ans, mais il est très courageux. Il m’a gardé caché chez lui, loin de la fureur du président pendant un mois, le temps pour lui d’abandonner ces recherches contre moi. Le mois d’après on a enquêter. On a cherché des passeurs prêts à nous faire sortir de là, Lorene. Toi et moi. Il est hors de question qu’on reste une seconde de plus ici. Et enfin, toutes les informations récoltées il ne me restait plus qu’à venir te chercher. Tout est en place, je suis prêt à partir. Il ne reste plus que toi.
Il y a beaucoup trop d’information pour mon cerveau. J’ai passé 94 jours enfermés dans une pièce sans le moindre bruit, le moindre dialogue, la moindre rencontre et voilà que Morgan me déblatère ce qu’il a fait pendant 3 mois. J’ai beaucoup de mal à suivre et à comprendre.
− Lorene qu’est-ce que tu en penses ?
Sa question résonne dans la chambre. Mes oreilles bourdonnent et mon cœur se tord de douleur. Je me tords de douleur. Un cri grave sort de ma bouche et je dépose automatiquement mes mains sur mon cœur. J’ai l’impression qu’on m’enfonce plusieurs poignards dans la poitrine. Morgan est paniqué je le vois s’affoler en tentant de savoir ce qu’il se passe. L’infirmière qui n’avait toujours pas bougé du pas de la porte cours vers moi et tente de voir ce qui ne va pas. J’ai chaud et froid en même temps. Je sus à grosse goûtes. J’enfonce mes ongles dans ma peau tant la douleur à la poitrine est forte. C’est bon je crois que c’est mon heure.
− Parlez-lui. Essayez de la calmer je reviens, ordonne l’infirmière.
Je souffre le martyre et l’infirmière demande qu’il me parle. Je suis au bord de la syncope et ni l’un ni l’autre n’essaie de me sauver. De toute façon est-ce que c’est vraiment ce que je veux ?
− Lorene, Lorene qu’est-ce qui se passe ? Par pitié Lorene reste avec moi.
Mon cœur tambourine ma poitrine et j’ai le souffle lourd. Les poignards ont finalement disparu pour laisser mon cœur frapper contre ma cage thoracique comme s’il tentait de s’enfuir. Mon cœur veut quitter mon corps. J’ai les larmes aux yeux et le nez qui coule. Morgan a passé ses bras autour de moi et me serre tout contre lui. Sa chaleur corporelle m’envahit et je me sens soulagée. Je ressens toujours la douleur, mais l’odeur de Morgan qui me monte au nez me la fait presque oublier.
− Lorene, je ne me le pardonnerai jamais. S-si tu me quittes, je ne me le pardonnerai jamais.
Sa voix résonne en moi. Il pleur toutes les larmes de son corps. Ses goûtes salés tombent sur mes cheveux sales et sans formes pour finir leurs courses sur mon dos. Il serre tant ses bras autour de moi qu’il m’est impossible de bouger. Je suis tel un pantin dans les bras d’un homme qui a peur que je disparaisse. Il a cette position de protection en me tenant l’arrière de la tête, mais aussi d’amour en m’embrassant le haut du crane. Il tient à moi, il n’y aucun doute là-dessus.
L’infirmière est revenue avec une nouvelle poche de nutrition qu’elle branche à mon bras sans mon autorisation et tout un tas de matériel de nettoyage.
− Vous pouvez nous laissez ? Demande Morgan à l’infirmière sans me quitter des yeux.
Elle accepte et s’en va en refermant la porte, pas complètement derrière elle. Je sais qu’elle n’est pas loin, mais suffisamment de moi et Morgan. Il s’écarte de moi et plonge le gant dans la bassine. Il l’essor et l’approche de mon visage.
− Tu sais ce que j’aime chez toi ? Me demande-t-il. Tes magnifiques yeux bleus comme l’océan...
Il passe le gant sur mes deux yeux.
− Mais aussi tes sourcils, quand tu les fronces d’incompréhension…
Il passe cette fois-ci le gant sur mon front et essuie avec une serviette les goûtes qui tombent.
− Ton nez quand tu es en colère. Tes narines s’écartent…
Il me passe un petit coup dessus et continue.
− Et il y a tes fossettes quand tu souries. Je donnerai cher pour te voir sourire maintenant.
Il dépose le gant sur mes deux joues. Mon cœur s’est calmé et j’ai enfin retrouvé mon état normal. Je ne quitte pas des yeux Morgan et me laisse entièrement faire.
− Tes cheveux quand ils volent au grès du vent ou quand ils sont éparpillés sur l’herbe. Ils sont blonds comme les blé, blonds comme le soleil.
Il me protège le devant de la tête et vient verser un peu d’eau le long de mes cheveux.
− Ta peau laiteuse et douce.
Il me nettoie les deux bras en faisant très attention au tube qui est planté dans le gauche. Morgan est très concentré sur ce qu’il fait et quand il relève les yeux vers moi c’est pour me sourire. Je ne sais pas du tout si moi aussi je lui souris mais à voir son visage s’illuminer je devine qu’il me comprend.
− Ton dos aussi. Ton dos parce qu’il m’a fait comprendre à qu’elle point je suis amoureux de toi. Tu ne l’aime pas, tu me l’as caché parce que t’avait peur de ma réaction, mais moi je t’accepte telle que tu es, avec tes défauts et tes qualités. Tu es la plus belle créature que la terre ait portée, Lorene.
Il écarte ma blouse et la fait glisser le long de mes épaules. Il s’est installé derrière moi et passe son gant sur chacune de mes cicatrices. Il n’a pas eu de mouvement de recul en voyant les nouvelles. Déjà la première fois je ne l’ai pas vu surpris de les découvrir. Il a fait comme si de rien était et rien que pour ça je lui en serai éternellement reconnaissante. Il prend le soin de remettre ma blouse et reviens se placer devant moi.
− J’ai failli oublier tes mains. Nos deux mains unis l’une dans l’autre quand on sortait. Tes doigts qui me caressaient quand ça n’allait pas. Tes poings que tu serrais dans ton sommeil.
Il me prend une main puis l’autre et d’un geste, presque comme une caresse, enlève la saleté.
− Il y a aussi tes lèvres. Tes lèvres roses au goût de pomme. Tes lèvres qui se réhaussent quand tu sourie. Tes lèvres qui s’écartent quand tu ris. Tes lèvres que j’ai embrassé pleins de fois et qui me rendait encore plus accro à chaque fois.
Il ne dépose pas le gant dessus mais vient déposer ses lèvres sur les miennes. Un simple et doux baiser rapide qui fait revivre.
− Et enfin le plus important de tous, Lorene : ton cœur. Ton petit cœur qui bat. Oui celui-là qui a failli m’abandonner il y a quelques minutes. Celui-là même que j’adore sentir quand tu dors. Tu m’as confié ton cœur et je t’ai confié le miens. Si tu poses ta main sur le miens tu verras qu’ils battent à l’unisson.
Je dépose ma main droite sur sa poitrine et la gauche sur la mienne. Je me surprends à voir qu’il a raison.
− On est fait l’un pour l’autre Lorene. C’est le destin. On aura beau dire ce que l’on voudra de la machine, elle a accompli le destin en nous réunissant. Qu’importe ce que les gens diront, on est fait pour être ensemble.
Morgan s’arrête pour reprendre son souffle. Il ne me quitte pas des yeux et moi de même. J’avais oublié la sensation qu’il me faisait. J’avais oublié ses belles paroles, sa voix envoûtante, sa peau électrisante, ses yeux hypnotisant. J’avais oublié ce que ça faisait d’être sentit différente. Morgan a toujours réussi à me le faire ressentir et même là, quand tout allait mal il a réussi à me le prouver.
Alors oui j’aime Morgan. Oui je l’aime comme jamais je n’ai aimé quelqu’un. Il est mon tout, il est le seul à me connaître, savoir comment je fonctionne. Il m’a toujours soutenu, jamais abandonné même durant mes crises de jalousie ou de colère. Il a été là pour moi comme moi j’ai été là pour lui. Chacun on se protège. On se complète. Deux pièces de puzzle qui se correspondent parfaitement. Je l’aime comme jamais une autre femme ne pourra l’aimer.
Morgan reprend mon visage entre ses mains et me souffle :
− Je t'aime éperdument, et je te le dis, et je te le répète, et mes paroles te l'expriment, et mes baisers te le prouvent, et quand j'aurai fini… je recommencerai. Je voudrais recommencer ainsi pendant l'éternité, et chaque soir, je regrette la nuit qui va s'écouler sans toi, et chaque matin, j'en veux au soleil de briller, comme aujourd'hui, quand tu n'es pas dans mes bras. Je t’aime à la folie. Je n’ai envie que de toi, je ne pense qu’à toi, je t’appartiens corps et âme, Lorene.
Il se penche pour la seconde fois vers moi et m’embrasse avec beaucoup plus de désir et de fougue que celui de tout à l’heure. Mon corps reprend vie, mes idées noirs ont disparu, ma folie a disparu, ma colère a disparu. Je lui rends son baiser et nous lions nos âmes. Une larme finit par couler le long de ma joue et Morgan me serre tout contre lui. Je sens son cœur contre ma poitrine. Je sens son souffle sur mon visage et ses doigts sur ma peau qui est recouverte de frisson. Je n’ai pas froid, non c’est juste Morgan qui me fait cet effet-là. Il se retire finalement rompant notre baiser et un sourire niais sur le visage je le regarde encore et toujours.
− Tu es prête à commencer une nouvelle vie ?
− Oui, je fais d’une voix sourde. Oui ! Je répète d’une voix plus forte.
Ma voix est toujours aussi tremblante mais je mettrais ça sur l’émotion. Morgan est revenu. Il ne m’a jamais abandonné comme je l’ai pensé. Il m’appartient, il m’est fidèle et serait prêt à tout pour moi. D’ailleurs je suis prête à tout pour lui, jusqu’à le suivre jusqu’au bout du monde.
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