Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Chapitre 4

Je me réveille doucement sous les rayons du soleil, le nez chatouillé par quelque chose qui sent bon. Je reste les yeux fermés ne voulant pas quitter le sommeil et cherche des mains la couverture pour la rabattre sur mes frêles épaules. Je ne sais pas quelle heure il est, mais il fait un peu frais et déjà bien jour. Mon nez continu de chatouiller et c'est quand j'ouvre les yeux que je m’aperçois de ce que ça peut être. Une brindille d'herbe danse au grès du vent pour me caresser les narines. Je me relève presque aussitôt, comme si j'avais fait une bêtise. Les idées claires, je me rappelle ne pas avoir réussis à dormir sur le lit hier soir et avoir décidé de sortir prendre un peu l'air. Le problème c'est que je me suis endormie. Je me relève les jambes raides par tant d'inconfort et sans passer par la salle de bain, m'en vais directement en cuisine en espérant que Morgan soit déjà debout.

– Bonjour, me fait-il d'une voix encore endormie.

Il est assis à la table de la cuisine avec deux bols devant lui. Sans un regard vers moi, il porte le premier à ses lèvres et avale son contenu. Quand il le dépose une moustache de lait s'est dessiné au-dessus de sa lèvre. Je trouve ça mignon.

– Bien dormis ? Me demande-t-il.

– Ça peut aller et toi ?

Je m'installe en face de lui et regarde les différents aliments en face de moi. Ses sourcils s'arquent d'incompréhension en me voyant. Je cherche d'où provient cet étonnement, avant qu'il ne me donne la réponse.

– Tu as de l'herbe dans les cheveux.

Il approche sa main et enlève plusieurs brins immiscés dans mes mèches blondes.

– J'ai dormi dans le jardin cette nuit.

– Le lit est inconfortable ? Se dépêche-t-il de demander.

– Pas du tout, c'est juste une habitude. Je dors souvent dehors, à la belle étoile.

Il hoche la tête de compréhension et reporte son bol à ses lèvres.

– Et toi ? Le canapé, je veux dire.

– Ce n’est pas le plus confortable, mais ce n’était pas atroce non plus.

– Je peux te laisser le lit si tu veux.

– Oh non, ne te gêne pas pour moi.

– C'est ce que je fais, c'est juste qu'on ne va pas laisser un lit vide.

– Tu ne passes quand même pas toutes tes nuits dehors ?

– Pas toutes, mais beaucoup. Les lits à l'hôpital sont une vraie torture pour ton dos, alors le seul endroit confortable que j'ai trouvé était le toit.

A la fin de mon explication, je prends la seule pomme qu'il y a sur la table et croque dedans. Son goût sucré réveil mes papilles et rempli mon estomac vide.

– Ça te dit un jeu ? Me demande-t-il en se servant des céréales qu'il mange sans lait.

– Tout dépend lequel, je réponds en m'essuyant la bouche.

– Chacun notre tour on se pose des questions et on doit y répondre honnêtement. Pas de questions trop indiscrètes bien sûr, c'est juste pour qu'on fasse connaissance. Ça te va ?

Je réfléchis deux petites secondes avant de finalement me mettre d'accord sur le fait que je n'ai rien à y perdre. J'accepte d'un simple hochement de tête.

– Alors... Qu'aimes-tu faire de tes journées.

– Oh euh... Pas grand-chose si ce n'est regarder la ville du haut du toit de l'hôpital. C'est apaisant.

Il baisse la tête satisfait de ma réponse. C'est à mon tour et je dois avouer que je ne sais pas quoi lui demander. Je ne vais quand même pas lui poser la même question, ce n'est pas très original.

– Ton prénom. On le prononce comment ? Morgane ou Morgan sans e ?

Son visage s'illumine et il rit risquant de s'étouffer avec une céréale. Ça détend un peu l'ambiance et je me prête à son jeu.

– Morgan sans e, Morgan comme un gant, finit-il par dire. Mais les gens ont tendance à l'ajouter.

– C'est particulier mais j'aime bien. A toi Morgan sans e.

Ses lèvres se rehaussent et le rend presque attirant. Faut vraiment que j'arrête de le trouver beau à chaque fois qu'il fait quelque chose. Ça en devient gênant.

– Pourquoi Lorene 23. C'est quoi ce 23 ?

– C'est tout bête, mais c'était ma chambre. Lorene de la chambre 23. Les infirmières nous appellent par nos numéros car il leur est plus facile de se retrouver dans le bon dosage des médicaments.

– Je comprends mieux maintenant. C'est vrai que j'ai trouvé ça quelque peu perturbant un nom comme ça, j'ai cru que tu étais la vingt-troisième Lorene de je ne sais quelle famille.

– Ouh là ! Non, et heureusement pour Jocelyne. Elle se serait sûrement pendue s'il y en avait 23 comme moi.

– Comment ça ? Demande-t-il.

– C'est à moi de poser une question, là.

– C'est vrai. Vas-y.

Je réfléchis longuement en mordant l'intérieur de la joue. J'en ai une qui me traverse l'esprit et je ne sais pas si c'est le bon moment de le lui poser. Bon allez 23, tente ta chance.

– Pourquoi tu as refusé de te marier les deux dernières années ?

Morgan se redresse et se tend comme un élastique sur sa chaise. L'ambiance si joyeuse qu'il y avait il y a deux secondes vient de disparaître pour un silence lourd. Je regrette immédiatement ma question.

– Comment tu sais ça ? S'empresse-t-il de demander.

– 39. Elle m'a parlé de cette rumeur hier matin, avant qu'on ne parte.

– Je-hum... Comment dire. Je déteste cette loi qui demande qu'on se marie avec quelqu'un juste parce qu'une machine l'a dit. Je voulais trouver l'amour naturellement. Tu sais, faire la rencontre de quelqu'un et vivre une histoire sans personne derrière pour t'en empêcher. C'était comme ma pseudo-révolution de refuser à deux reprises. Mais mon père m'a obligé à accepter cette année.

J'avale ses paroles comme j'avalerai un verre d'eau. Je ne sais absolument plus quoi penser ni quoi dire. Il est contre une loi instaurée par ses ancêtres et serait même prêt à faire la révolution pour y mettre fin. C'est impressionnant.

– C'est courageux, je trouve juste à dire.

Ses yeux marrons se pose sur moi et me déstabilise encore plus que je ne l'étais déjà. Comme si de rien n'était, il me sourit et reprend ses questions.

– Qu'est-ce tu aimes manger ?

– Je n'ai pas de préférence. Je ne suis pas compliquée en ce qui concerne ce sujet, je réponds.

– Pas même un fruit ? Un parfum ? Salé ou sucré ?

– Framboise. Aucun, et salé.

– Des framboises ? Madame à des goûts de luxe à ce que je vois.

Je souris de plus belle devant sa remarque. Il est vrai que c'est un fruit qui se fait rare, mais sa douceur sur la langue, ses petites boules qui explose en bouche et ce jus sucré fait vraiment de lui le meilleur fruit au monde. J'en ai l'eau à la bouche rien qu'en y repensant.



– Tu es sûr que tu ne veux pas attendre là ? Je ne vais pas mettre longtemps tu sais.

– Sûr et certain.

Arrivés devant l'énorme grille de l’hôpital, j'essaie pour la énième fois de dissuader Morgan d'entrer, mais têtu comme une mule il insiste pour m'accompagner. Je n'ai pas honte d'y retourner, j'ai juste peur de sa réaction. Comment va-t-il réagir ? Que va-t-il dire ? Que va-t-il faire ? J'ai plus peur pour les patients que pour Morgan lui-même. Ils sont déjà mal vus par tout le monde dehors, il ne faudrait pas que je leur en apporte un de plus.

Après avoir appuyé sur la sonnette, je pousse la grille dans un grincement strident et nous entrons dans l'énorme jardin. Le temps gris a fait en sorte que personne ne soit dehors. Nous remontons l'allée dépourvue d'arbre en silence et atteignons l'énorme battisse. De l'extérieur, on peut entendre certaines infirmières crier après certains patients. Par la fenêtre je peux voir la salle de séjour transformée en une énorme salle de bataille avec des boulettes de papiers de partout. Je me retourne vers Morgan pour regarder sa réaction et il semble plus que confiant. C'est moi la plus nerveuse alors que je connais ce lieu comme ma poche...

– On entre ? Demande-t-il impatient.

J'appuie désormais sur la deuxième sonnette et c'est après une dizaine de secondes que la porte s'ouvre sur Marielle.

– Lorene ?

Marielle se jette dans mes bras, les larmes aux yeux avant de se rendre compte que Morgan se tient juste derrière moi. Elle se retire et viens lui serrer la main.

– Marielle, je te présente Morgan sans e, je précise. Morgan je te présente Marielle, l'infirmière la plus gentille du lieu.

Il lui sourit ravie de faire sa connaissance et nous pénétrons dans le bâtiment. Surpris d'avoir de la visite, les autres patients se sont agglutinés derrière Marielle et plus personne n'ose parler. Si vous saviez comme je regrette ! Je ne sais pas comment agir, mais vraiment pas. Qu'est-ce qu'on fait dans ces moments-là ?

– Les gars, je vous présente Morgan sans e. Il est mon-mon...

– Ami, se dépêche de répondre le concerné en déposant sa main sur mon épaule.

Surprise je le regarde en faisant les grands yeux ne comprenant pas pourquoi. Mais qu'est-ce qu'il lui arrive ?

– On est ami n'est-ce pas ? Me demande-t-il sans aucune gêne.

– Je-euh... Bien sûr, je réponds en le remerciant silencieusement.

Tous les patients se remettent alors en mode fonctions et retournent vers la salle de séjour. Marielle ne sachant elle aussi pas comment réagir, lui propose de visiter les lieux. Je trouve l'idée stupide, mais vraiment, mais il accepte sans broncher. Je m'excuse un instant et m'en vais direction ma chambre dans le couloir opposé.

Ma chambre est restée la même qu'hier. D'accord moins de 24 heures sont passées, mais quelqu'un aurait très bien pu la prendre pour en faire sienne. J'ouvre mon armoire et en retire toutes les blouses marrons. Je grimace tant par la laideur de l'habit et retourne dans le meuble pour en récupérer une boite à chaussures. Je l'ouvre et en sors une robe accompagnée de tout un tas d'objet. La robe appartenait à une infirmière que j'avais piquée. J'ai toujours eu un véritable coup de cœur pour l'habit et n'avait pas hésité à le lui prendre même si je ne l'ai jamais mise. Quant aux objets, ce sont des babioles sans grandes importances données par les patients eux-mêmes. Il y a les dessins de 39, un collier fait à partir de cailloux donnés par un ancien patient, des origamis faits par d'autres et une vingtaine d'objets qui n'ont pas une grande importance aux yeux du monde, mais qui dans mon cœur le sont. La boîte recense les meilleurs moments que j'ai passé ici, et je ne compte pas l'abandonner.

– Ça va ?

Je sursaute et me retourne vers Anaïs dans l'encadrement de la porte. Elle semble heureuse alors que j'aurais parié qu'elle serait triste pour hier. C'est bien là sa maladie qui ressort. Elle est capable de changer de comportement en quelques secondes sans qu'il n'y ait un facteur extérieur déclenchant. Elle est également capable de pleurer pendant un événement heureux ou de rire pendant un événement triste. Elle ne contrôle absolument pas ses émotions.

– Et toi ?

Elle s'approche et vient m'embrasser la joue gauche.

– Si tu savais comment je te jalouse, me dit-elle en s'asseyant sur mon lit.

– Si ça m'est arrivée, tu as tout autant de chance, si ce n'est plus, pour l'an prochain.

– Mouais, j'y crois moyen... Il est gentil au moins ?

– Une crème, je réponds sans réfléchir.

Je sens mes joues rosirent et je baisse de nouveau la tête vers la boîte pour qu’elle ne me voit pas.

– Amoureuse ?

– Pardon ? Pas le moins du monde, je me dépêche de me défendre. Il est gentil et beau certes, mais je ne ressens rien à son égard si ce n'est de l'amitié.

– Pour qu'il accepte de venir ici c'est qu'il t'aime bien, vraiment bien.

– Ça ne fait pas 24 heures qu'on se connaît.

– Et alors ? Les coups de foudres s'appellent ainsi parce que ça tombe sur le coup. Ça aurait un autre nom si c'était fait pour venir avec le temps.

Je chasse sa phrase de la main et 39 s'allonge sur mon lit, ses cheveux entourant sa tête telle une couronne. Elle souffle sur ses quelques mèches de cheveux immiscés devant ses yeux avant de se rasseoir énergiquement.

– Tu sais que Jocelyne a changé ?

Un rire perçant sort de ma bouche.

– Comment ça ?

– Aucune idée, mais depuis que tu es partie elle est devenue gentille. Elle nous a donné du rab deux fois hier soir, et n'a rien dit quand une infirmière est venue se plaindre que sa robe avait disparu.

Je savais qu'il y avait une chose à ne pas oublier. Je me souviens avoir eu une longue discussion avec Morgan sur les vêtements que je mettrais aujourd'hui et finalement accepter sa proposition de porter les siens. La blouse est donc restée sur le lit.

– Vraiment ? Je regrette presque d'être partie.

– Tu es contente de nous quitter ? Demande Anaïs la voix étranglée et les larmes aux bords des yeux.

Je me jette sur mon lit et prends ses deux mains glacées dans les miennes.

– Mais non, bien sûr que non. Vous êtes ma famille, et pour rien au monde ça ne changera. Mais disons que là où je suis ça n'a rien à voir avec ici. J'ai un vrai lit, une vraie maison, et de la véritable nourriture, je me mets à sourire en repensant aux pâtes d’hier soir. Je ne dis pas que toi et Marielle êtes méchantes, mais on ne peut pas dire qu'avec Jocelyne sur le dos, je me sentais bien. J'ai quitté cette prison pour en rejoindre une autre plus confortable.

Je me surprends des derniers mots. Alors c'est vraiment ça ce que je pense de Morgan ? Qu'il est mon geôlier ? J'ai de la peine pour lui, mais en même temps je pense ne pas avoir entièrement faux en disant que je ne suis toujours pas libre.

39 me prend dans ses bras et je lui rends son étreinte. Après un moment, enlacée nous décidons de descendre retrouver les autres. Avec ma boite et deux blouses marrons – en attendant que je m'achète des vêtements – nous arrivons à la salle de séjour où je découvre un Morgan jouant aux cartes avec d'autres patients. Il ne me voit pas et sur le pas de la porte je l'observe s'amuser. Tout le monde autour de la table est heureux et rien que cette image me fait regretter d'être partie. Je prends une grande inspiration, et m'approche d'eux. Je dépose ma boîte sur une table derrière et m'installe entre deux joueurs.

– Je peux m'amuser avec vous ? Je demande.

Morgan pendant qu'il distribue les cartes me regarde du coin de l’œil et je peux sentir mon cœur s'emballer.  

© minhox ,
книга «The Book of 23».
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