Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Chapitre 11

J'ai passé la nuit la plus longue de ma vie. Malgré mes médicaments censés me faire dormir pour les douze heures à venir, je n'ai pas réussi à fermer l’œil une seule fois. J'ai tourné en rond, en carré, en losange ou tout ce que vous voulez dans le lit. Je me suis levée à deux fois pour regarder si je pouvais sortir dans le jardin, mais la pluie m'en empêchait. Et comme je ne voulais pas revoir Morgan de sitôt, alors je n'ai rien fait d'autre que de contempler l'obscurité. Mais j'en ai marre. Je commence à me sentir oppressée entre ces quatre murs. Je soulève la couverture, enfile de nouveaux vêtements et ouvre la porte sans faire de bruit. Je m'arrête immédiatement quand je vois un corps allongé les pieds dans la salle-de-bain, la tête de l'autre côté contre le mur. Morgan a tenu sa promesse d'hier soir : il ne s'en est pas allé. Je ne sais vraiment pas quoi penser... C'est mignon ou complètement stupide de sa part ? Dans tous les cas, je finis par m'asseoir à côté de lui et le regarder un petit peu dormir.

Ses cheveux bruns lui tombent sur les yeux lui donnant un air mystérieux, il serre les points comme s'il s’accrochait à quelque chose d'important, mais les traits de son visage sont détendus. J'ai beau m'être disputé avec lui, ne pas savoir ce que je pense de lui, il faut que je sois honnête il est quand même bel homme. Il a un charme indescriptible. Une aura de bienveillance émane de lui faisant en sorte qu'on se sente protégé en sa présence. Quand je le vois ainsi, allongé par terre, je ne peux que me sentir mal d'être devenue sa femme. Je ne comprends pas et ne comprendrais sûrement jamais comment la machine a pu nous associer tous les deux.

Les yeux de Morgan papillonnent enfin. Il se relève difficilement, fait craquer chaque vertèbre de son dos et baille à gorge déployé.

– Bien dormis ? Je demande.

Il semble plus surpris de ma présence assise sur le pas de la porte que le fait que je lui adresse la parole.

– J'ai connu mieux et toi ?

La seule réponse que j'arrive à donner est un long soupire.

– Tu n'aurais pas dû dormir ici.

– Je ne voulais pas te laisser seule.

Je me relève et enjambe Morgan pour me diriger vers la cuisine. Là-bas je sors deux bols et tout ce qui peut se manger au petit-déjeuner. Morgan me rejoint aussitôt et n'ose pas demander d'où provient mon soudain changement de comportement. Quiconque de censé aurait refusé ne serait-ce que de lui parler, mais je ne suis pas comme ça. Je ne suis pas comme eux et ne l'ai jamais été.

Non en réalité c'est juste que j'ai beaucoup réfléchis cette nuit, et que je me suis rendu compte que Morgan était la seule personne dans cette ville qui cherchait à m'aider et j'avais comme l'impression de revivre avec lui. Bien qu'on ait de nombreux points qui divergent, il a malgré tout fait en sorte que je me sente bien à mon arriver ici et n'a pas essayé de faire de moi la femme parfaite que tout le monde voudrait.

– Ça te dirait une sortie aujourd'hui ? Demande Morgan en portant une cuillère de céréale en bouche.

Je croque dans ma pomme et avale.

– Où ça ?

– C'est une surprise.

– Je n'aime pas les surprises. Je déteste les surprises.

– Je suis sûr que celle-là tu vas aimer. Peu de gens connaissent l'endroit, alors je me suis dit que tu aimerais en faire partie.

Je réfléchis à sa proposition et opine de la tête pour accepter. Nous terminons tous les deux notre petit-déjeuner avant d'aller nous préparer.

– Prends des chaussures de marches surtout !



Morgan et moi nous dirigeons en silence jusqu'au nord de la ville, où la route principale se transforme en chemin gravillonné. Le soleil est déjà haut dans le ciel et je sens la transpiration ruisseler le long de ma nuque. Nous sommes en octobre et le temps est tellement impromptu qu'on ne sait pas comment s’habiller.

Morgan s'écarte du chemin pour pénétrer dans l'épais bosquet d'arbre. Je m'efforce de suivre malgré mon manque d'endurance en le suivant dans les broussailles. Je suis sur le point de me plaindre de ne pas savoir où je vais quand un petit sentier apparaît devant nous. Les arbres au-dessus de nos têtes nous abritent un peu du soleil.

– C'est encore loin ? Je demande essoufflée.

– On y est presque.

– Pourquoi tu as pris un panier si ce n'est pas loin ?

Morgan sourit en coin et je ne comprends pas pourquoi.

– Ça s'appelle un pique-nique, Lorene.

– Un pique-quoi ?

– Un pique-nique, tu ne sais pas ce que c'est ?

Je secoue la tête négativement avant de me rendre compte que de dos il n'a pas pu me voir.

– Non, c'est quoi ?

– C'est un repas en plein air.

– Comme quand on mange dans le jardin ?

– Exactement. A la seule différence près : on n'a pas de couvert et on mange par terre.

– Oh...

Je n'ai jamais entendu le terme de pique-nique de ma vie. Manger dehors sans couverts et sans table j'ai un peu de mal à comprendre le concept. On m'a toujours appris que manger au sol et avec les doigts n'était pas correct. Alors pourquoi Morgan me dit le contraire ?

– Avoue tu m'emmènes dans un atroce club de la haute société où tu retrouves tes amis. Est-ce que je devrai être initiée à la super-poignée de main secrète, sans quoi on me refusera l'entrée ? Je demande avec une pointe de sarcasme.

Il rit et ralentit pour se mettre à mon rythme.

– Tu sauras que je n'ai pas d'amis. Je suis le fils du président et n'ai donc que des courtisans flagorneurs.

Flagor-quoi ?

– Mais bien sûr et puis quoi encore ? Toi ne pas avoir d'amis ? Déjà tu as Karine dois-je te rappeler ?

– Karine est comme ma sœur.

Une sœur relativement proche, mais bon on ne va pas chipoter maintenant.

– En revanche toi tu es mon amie. A moins que tu ne veuilles pas ?

Il me jette un regard en coin, je suis dans l’incapacité de cacher le rouge qui me monte aux joues. Un petit « si » sort de mes lèvres.

Après encore dix minutes de randonnée, je commence à entendre de l'eau sur notre droite. Je tente de visualiser la carte de la ville dans ma tête, mais mes connaissances sont trop faibles.

– On est près de la barrière, non ?

C'est la deuxième fois que je m’en approche et je reconnais que je suis surprise que Morgan m'amène ici. Surtout que je suis persuadée que son père a dû le lui interdire.

– Oui, me répond Morgan. Mais ce n'est pas là qu'on va.

Avant que je ne puisse poser une autre question, nous émergeons des arbres à côté de la rivière et toutes mes pensées s'envolent. Ce n'était absolument pas ce à quoi je m'attendais. Ici c'est le paradis sur terre. Le petit coin de terre est d'un calme Olympien. La cascade tombe de plusieurs mètres et pourtant pas un bruit ne s'en échappe. Les arbres se penchent au-dessus de l'eau comme s'ils cherchaient à la toucher de leurs feuilles. Sur les rives, de petites fleurs blanches se balancent au gré de la brise. Non loin de là se dresse une falaise de grès, ce qui contribue à l'impression qu'il s'agit d'un endroit secret et isolé. La tranquillité qui règne en ce lieu est plus qu'agréable. Debout au bord de l'eau, je sens tous mes problèmes s'envoler et l'apaisement me gagne.

– Sympa, non ? Demande Morgan en chuchotant.

– C'est magnifique.

– Alors suis-moi.

– Encore ?

Il se dirige vers la falaise et en escaladent quelques pierres. Il me faut un peu plus de temps pour trouver mes repères et arrive jusqu'à lui sans une égratignure. Morgan dépose son panier et regarde l'horizon.

Je suis scotchée, abasourdie, bouche bée, estomaquée, tous les synonymes que vous pouvez trouver. Ici, on a une imprenable vue de la ville sur son ensemble. Bien meilleure que celle que j'avais depuis le toit de l’hôpital. Je peux tout voir ici, comme si j'étais le maître du monde. Les rues se dessinent dans une géométrie parfaite. La différence entre les quartiers pauvres et riches est flagrante. On voit même mon ancienne maison, un énorme bloc gris éloigné du monde. Au loin, bien au-delà de la ville, le ciel se fond avec l'inconnu. Une forêt dense s'étend jusqu'à l'infini ne faisant que rendre notre ville minuscule à côté.

– Tu aimes ?

Je voudrais lui dire à quel point je le remercie de m'avoir emmenée ici, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je hoche la tête pour lui donner une réponse quand même, mais elle ne vaut rien par rapport à ce que je ressens.

– C'est mon refuge ici. Je viens tout le temps ici quand je suis contrarié, heureux ou triste.

– La vue n'était pas aussi belle, mais je faisais de même sur le toit de l’hôpital. Les infirmières n'ont jamais su que j'avais décrochetée la serrure et que j'y allais tout le temps.

Morgan s'est installé par terre, assis en tailleur et a ouvert le panier sur plusieurs sandwichs. Mon ventre se met alors à gargouiller et Morgan éclate de rire.

– Bon, je ne te demande pas si tu as faim !

Nous mangeons assis, tournés face à la ville. Elle n'est vraiment pas belle, elle représente tous les défauts de l'homme, mais j'adore ce sentiment d'invincibilité que j'ai ici. J'ai l'impression que rien ne peut me toucher, personne ne viendra m'importuner, je peux vivre, respirer tranquillement.

– Tu en as d'autres des surprises comme ça ? Je demande la bouche pleine.

– Je pensais que tu n'aimais pas les surprises ? Rit-il.

– Si tes surprises sont toutes comme ça alors je veux bien que tu m'en fasses plus souvent.

Un énorme sourire vient se dessiner sur son visage. Je me ressers un sandwich que j'avale presque entier. Ils sont délicieux, je crois n'avoir jamais mangé autant.

– Où as-tu appris à cuisiner ?

– On ne peut pas appeler ça de la cuisine.

– Un peu quand même. Moi je n'aurais jamais eu l'idée de mettre autant d'aliments entre deux tranches de pains.

– C'est vieux comme Hérode les sandwichs. Mais si tu veux tout savoir, le peu de savoir culinaire que j'ai, vient d'une domestique Clarance. Elle acceptait que je reste avec elle pendant qu'elle cuisinait. Je pense que j'ai appris à force de l'observer. Elle sentait délicieusement bon la fleur d'oranger en plus de ça.

Je suis presque déçue qu'il ne l'ait pas appris auprès de sa mère Marilyn. Elle est pleine de vie que ça ne m'aurait pas surprise qu'elle se soit mise aux fourneaux plus d'une fois.

– A moi de te poser une question. Qu'as-tu mis dans ton questionnaire ?

– Lequel ?

– Celui pour s'inscrire à la cérémonie.

Oh là il y va franco lui. Comment casser l'ambiance en deux secondes.

– C'est censé être confidentiel, tu sais ?

– Je sais, mais je me pose quand même énormément de questions. Enfin surtout avec ce que j'ai mis dedans.

– Comment ça ?

– Bah disons que je n'ai pas répondu correctement.

– Tu peux... approfondir ?

Mon cœur s'emballe. J'ai arrêté mon sandwich au milieu craignant sa réponse.

– Je n'avais aucunement envie de me marier, vraiment. Je te l'avais dit que j'étais contre ce système. Du coup, les réponses ont été pour le moins...farfelus. Avec ce que j'ai mis, je n'avais aucune chance de trouver quelqu'un à moins que tu ais fait comme moi.

Je n'ose même pas le regarder. Je me souviens parfaitement de mon questionnaire et des réponses que j'avais mises. Je m'étais bien moquée de la machine à ce moment-là. Je savais que je n'avais aucune chance et avait tout fait pour qu'elle le soit encore moins. Je m'étais tellement borné sur le fait que la machine avait dysfonctionné qu'à aucun moment je me suis demandé si ça ne venait pas de mes réponses.

– Lorene ?

– Hum ?

– Tu l'as fait ?

A quoi bon lui cacher de toute façon.

– Bien sûr, mais je l'avais uniquement fait parce que je savais que je ne serai pas choisi. Donc, en études j'ai mis que j'étais experte en médicaments, ou en qualité que j'étais juste folle. Marielle m'avait énervé, elle voulait à tout prix que je le remplisse !

Morgan éclate de rire à s'en tordre les côtes. Les larmes lui coulent des yeux, et il se tient le ventre. Son rire est communicatif, je n’arrive pas à résister.

– Et bien, si mon père l'avait découvert il se serait pendu ! Ma chère rebelle je suis ravie de faire votre connaissance, me fait-il après un baise-main.

© minhox ,
книга «The Book of 23».
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