Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Chapitre 12

– Tu n'es pas venue hier, ronchonne Niko.

– Je suis désolée, j'ai eu un empêchement. Tu me fais la tête ?

A genoux devant Niko, il essaie de faire la moue avant de sourire.

– Pourquoi tu n'es pas venue ?

– Je suis allée pique-niquer avec un ami.

Niko écarte les yeux, scandalisé.

– Mais je croyais que c'était moi ton ami !

– Mais tu l'es ! Tu es mon meilleur ami et lui c'est juste mon ami. Tu resteras mon meilleur ami pour toujours, jamais je ne te remplacerai.

Niko se jette sur moi et m'enlace de ses petits bras. J'ai un pincement au cœur du fait que j'ai considéré Morgan comme un simple ami. Depuis hier, mes sentiments envers lui ont, il semblerait, changé, je le sais. Je n'ai pas exactement de mots qui définissent ce que je ressens. Je me suis sentie proche de lui, je me suis sentie vivante avec lui, je n'ai pas arrêté de penser à notre journée et à son beau sourire toute la nuit dernière. Il connaît pas mal de choses sur moi et moi sur lui. Mais est-ce qu'il reste un simple ami ou est-il bien plus que ça ? Je voudrais pouvoir en parler à quelqu'un mais qui ? Niko ? Il ne comprendrait pas. Jovelita ? Je ne la connais pas assez pour lui faire part de ce genre de choses. Karine ? Hors de question. Ou alors Marylin... Je suis sûr qu'elle traduirait ça pour de l'amour, mais je ne suis pas amoureuse enfin... je pense ne pas l'être, je... Roh c'est bon laissez tomber, je verrai ça plus tard.

– Bon on fait quoi aujourd'hui ? Je demande en l'écartant de moi.

– Je sais pas et toi ?

– Hum… Je ne connais pas trop ce qu'il y a à faire ici...

– Ça te dit d'aller te baigner ?

Je risque de tomber quand j'entends le mot baigner. Ma peau s'est recouverte de frisson et une boule vient de se former dans la gorge.

– Il ne fait pas très chaud je trouve. Tu n'aurais pas quelque chose d'autre ?

– Tu as froid ? Moi j'ai super chaud, mais si tu veux on peut aller voir Enzo !

– D'accord je te suis.

Heureusement pour moi, Niko n'a pas fait attention à mon comportement. Je me suis relevée faisant craquer mes genoux et main dans la main, Niko me guide.

Nous passons devant sa maison, puis celle d'Enzo mais nous ne nous y arrêtons pas. Nous continuons en nous enfonçant un peu plus profondément à travers les habitations en dégradation jusqu'à passer sous un porche. De ce côté, il y a ce qui ressemble à un second marché en beaucoup moins beau et propre.

– On est où ici ? Je demande dans l'oreille de Niko.

– Maman l'appel le marché noir. N'ayant pas le droit de venir dans ton marché, on est obligé de venir ici.

– Ce n'est pas mon marché Niko.

– Oui mais tu as le droit d'y aller.

Nous continuons d'avancer et même si Niko me pousse, je traîne un peu des pieds pour voir ce qu'il y a sur les étals. Il n'y a vraiment pas grands choses à acheter. Une miche de pain, deux pulls ou encore des vieux meubles fait à base d'objets recyclés. Quand on passe entre les rangs, j'ai presque l'impression que les marchands sont prêts à détaller à tout moment. Ils me regardent étrangement au tout début, mais quand il me voit tenir la main de Niko, ils posent sur moi un regard rempli de bienveillance. Leur visage s’illuminerait presque en voyant le gamin à mes jambes.

Nous bifurquons enfin par une route déserte. Tout au bout une grande étendue d'eau devant laquelle s'amuse plusieurs enfants et adultes.

– Enzo !

Niko ne me lâche pas la main et m'ordonne de courir. Enzo est en train de jouer au ballon avec d'autres enfants de son âge avant de s'arrêter pour nous voir. Le ciel est d'un bleu impeccable, le soleil tape fort sur notre crane et un léger vent chaud vient se mêler à mes cheveux. Nous sommes en automne et pourtant je me croirais en plein été.

– Lorene, ça va ? Me demande Enzo en me faisant la bise.

Je salue tout le monde.

– On ne sait pas quoi faire avec Lorene, répond Niko du haut de sa petite taille.

– Vous voulez jouer avec nous ? On se fait un foot.

– Oh oui ! Je peux faire l'arbitre ?

Niko me lâche la main et se met déjà en place dans un coin. Il boite encore, mais on voit qu'il va mieux.

– Tu veux jouer ? Demande Enzo.

– Je ne connais pas les règles.

– Rien de compliqué. Deux équipes, un ballon et le but est d’aller viser la cage derrière le goal. L'équipe qui a le plus de points gagne.

Je crois qu'on ne pouvait pas faire plus simple comme règle.

– Super alors j'accepte !

Enzo compose les équipes, deux équipes de 5. Je suis la plus grande en âge, mais pas de taille. Trois garçons à peine âgés de 14 ans me dépassent d'une bonne tête. Je n'avais jamais remarqué que cette génération était aussi grande.

Niko lance la balle en faisant exprès qu'elle atteigne mon camp et tous les 5 courons jusqu'au but délimité par un simple bâton. A peine nous avons eu le temps d’attraper la balle, que déjà Enzo se jette sur l’un de mes coéquipiers et le lui dérobe. Plus motivée que jamais, je le poursuis et tente de reprendre ce qu’il nous a pris. Enzo marque sans même qu’on ait pu se défendre. La partie continue.

Mon cœur bat à tout rompre, mais sous les encouragements de Niko je n’abandonne pas malgré notre défaite cuisante qui s’annonce. On a rarement la balle en notre possession et nous n’avons pas hésité à légèrement tricher pour essayer de prendre l’avantage. L’équipe adverse nous laisse faire tout en restant dans la bonne humeur. On n’hésite pas à se faire des petits coups bas, à distraire l’adversaire, à le pousser non méchamment. On ne gagne toujours pas mais ça a le mérite de nous faire rire.

− Je vais chercher la balle ! Cri Niko.

Le ballon roule jusqu’au lac et le temps que je reprenne mon souffle, Niko claudique derrière. La balle s’enfonce dans l’eau jusqu’à disparaître. Niko s’enfonce sans personne pour le retenir, l’eau lui arrivant déjà au niveau de la taille. Je ne suis pas rassurée de le voir s’enfoncer autant pour un ballon, que je décide de m’approcher.

− Fait attention, ne risque surtout pas de te noyer !

− T’inquiète pas, je vais bien.

Niko continue de s’enfoncer et finit par s’accroupir entièrement pour récupérer le ballon. Il revient vers moi sain et sauf, mais son pied dérape et il finit tête la première dans l’eau. Je ne réfléchis pas une seconde et me jette à sa rescousse. L’eau m’arrive à mi-cuisse et je rattrape l’enfant pour le serrer entre mes bras. Il est mouillé de la tête au pied, mais ne semble pas aussi inquiet que moi je l’ai été.

− Tu m’as fait peur !

− C’est vrai ? Demande-t-il innocemment.

Je hoche la tête et ses yeux brillent de malice. Il se jette sur moi, mais pas pour m’enlacer. Je tombe sur les fesses, l’eau entre dans mes narines, prise au dépourvue je me mets à tousser et à tenter de recracher l’eau dans le nez. Niko explose de rire devant ma tête ahurie suivit par ses amis derrière lui. Je lui réponds alors par un regard noir, me relève et pose les mains sur les hanches pour montrer ma colère. Les enfants derrières ont arrêtés de rire et Niko est complètement paniqué. Un simple froncement de sourcil et les voilà déjà terrorisé.

− T’es en colère ?

Je tente de ne pas sourire devant sa bouille. J’essaie de garder ma position encore quelques secondes avant de me jeter à mon tour sur Niko et le renverser dans l’eau. Il se débat deux secondes et se relève sans difficulté. Sa tête dégouline d’eau et il tente de se venger en se précipitant sur moi, mais je le rattrape et le soulève avec facilité. Il se débat comme il peut en explosant de rire et fouette l’eau avec ses pieds pour me mouiller un maximum. Enzo suivit des autres garçons viennent à sa rescousse. Je relâche ma prise et commence désormais à attaquer mes nouveaux assaillants. Niko a pris mon parti avec deux autres, et nous commençons une grande bataille. Mon tee-shirt me colle à la peau, mon jean pèse trois tonnes, mais je ris tellement que ce n’est qu’un détail.

Après une bonne demi-heure de grand barbotage, on revient sur la terre et on s’écroule de fatigue. Tout le monde commence à se déshabiller, restant qu’en sous-vêtements, et les étales au soleil pour qu’ils sèchent. Je ne le laisse pas paraître, mais je suis horriblement surprise de leur maigreur. Ils ont presque que la peau sur les os. Des cicatrices de varicelle ou de blessures faites je ne sais comment, viennent agrémenter leur maigreur. Ils n’ont aucun complexe à se montrer de la sorte. Ils agissent comme si de rien n’était et je suis presque fière de les voir ainsi. Ce n’est pas donné à tout le monde de s’assumer.

− Tu n’enlèves pas tes vêtements ? Demande une fille brune aux yeux amandes.

− Ça va aller.

− Tu devrais, tu risquerais de tomber malade, répond Enzo qui vient s’asseoir à côté de moi.

− Je t’assure que ça va aller.

Ma voix est presque cassée. Je sens mon ventre se tordre et mon dos me démanger. Je les aime tellement ces enfants que je ne voudrais pas les effrayer.

− On ne te jugera pas tu sais. Regarde-nous, on ne peut pas faire plus moche je crois.

− Ne dis pas ça Enzo. Si je devais vraiment comparer je crois que c’est moi qui gagnerai.

− Vous n’êtes pas sérieux là ? Lorene, ici notre règle c’est de ne surtout pas juger. On est tous dans la même situation alors tu n’as pas besoin de te cacher, répond la jeune fille.

− Zoé a raison. Tu vois le type là-bas ? Il s’appelle William et il a perdu son bras il y a deux ans, écrasé par un bloc de béton. Est-ce qu’il a peur du regard des autres ? Non.

Enzo me montre un monsieur assez corpulent assis torse nu avec d’autres personnes autour de lui. Il lui manque en effet un bras, et de là où je suis je peux voir une vilaine cicatrice parcourir son moignon au coude jusqu’à son épaule. Ce n’est absolument pas beau, mais le voir ainsi s’amuser avec ses proches rends la blessure moins grave.

Je réfléchis un long moment et c’est seulement quand je sens ma peau se recouvrir de frisson par le froid que je prends ma décision.

J’enlève d’abord mon jean puis mon tee-shirt que j’étends sur ma gauche. Tout le monde me regarde faire, mais aucun ne pousse de cris de terreurs. Je tente de cacher mon dos avec mes cheveux, mais ils ne sont pas assez long pour tout recouvrir.

− Je m’attendais à pire, répond Enzo.

Un sourire timide vient se dessiner sur mon visage et je reste là à fixer le lac jusqu’à ce que Niko s’approche et vient s’asseoir devant moi.

− Est-ce que t’as mal ?

− Niko, rétorque Zoé.

− Non, laisse-le ce n’est pas grave. Et si tu veux tout savoir, non je n’ai pas mal. Enfin je n’ai plus mal.

Mon dos en soit ne me fait pas mal puisque je ne ressens plus la douleur en cette zone précise de mon corps. En revanche, c’est au niveau du cœur et de l’esprit que j’ai mal. Dès que je le vois, je me mets à repenser au fouet de Jocelyne. La majorité proviennent du refus de mes médicaments. Je refusais parce que j’étais persuadée que je n’étais pas malade, que j’allais parfaitement bien jusqu’à ce que je casse le nez de deux autres patients et que je morde à sang une infirmière. Les autres marques de fouets viennent de ma désobéissance pour accomplir une tâche. Chaque patient est obligé de faire plusieurs corvées aux seins de l’hôpital, mais comme je passais mon temps sur le toit à fuir la réalité alors Jocelyne a continué à me punir de la sorte.

− C’est qui qui t’as fait ça ? Demande Niko en jouant avec mes doigts.

Je tente de lui sourire, mais je crois que c’est la tristesse qui se lit sur mon visage.

− Elle ne me fera plus jamais de mal si tu veux tout savoir. Je suis loin d’elle maintenant.

− Je ne l’aime pas moi. Elle n’aurait jamais dû.

Mon sourire s’élargit et je viens embrasser sa petite main.

Les autres enfants viennent alors se réunir autour de nous et commencent à parler de sujet beaucoup plus intéressants et amusants. Je chasse mes pensées négatives et je participe à leur conversation. Mon dos ne me démange plus comme si j’avais tout inventé. J’ai bien analysé le comportement de chacun en enlevant mon tee-shirt et aucun n’a eu de jugement, aucun ne m’a regardé comme moi je me regarde, aucun ne m’a fui. Je ne sais pas ce que j’ai fait pour mériter des personnes aussi gentilles qu’eux mais je remercie celui qui m’a donné cette chance.

Le soleil se couche et je suis sur le pas de la porte de la maison. Je n’ai jamais le trousseau de clés sur moi, mais je n’en ai pas besoin puisque j’utilise celui caché sous le paillasson. J’ouvre la porte et prend une dernière grande respiration de l’air extérieur avant de la refermer.

− Bonsoir, me fait Morgan dans la cuisine en train de préparer je ne sais quel repas.

− Bonsoir, bonne journée ?

− Sup...per et toi ?

Morgan s’est arrêté de couper les feuilles de salade pour me regarder de la tête aux pieds. Mes vêtements n’ont pas encore eu le temps de complètement sécher et me colle à la peau et mes cheveux sont encore humides.

− Parfaitement bien. Je vais prendre une douche avant de te rejoindre.

Je le sens tiquer quant à ma tenue, mais je ne lui laisse pas le temps de poser plus de questions que déjà je me suis enfermée à double tour dans la salle-de-bain. Je me déshabille entièrement et promptement et jette un regard à mon dos. Par je ne sais quelle magie, je ne le trouve pas si effrayant que d’habitude. Il y a un je ne sais quoi qui le différencie des autres jours. Il semble moins agressif à l’œil. Je me glisse dans la cabine et prends une grande douche chaude malgré les chaleurs extérieures. La buée a envahi la salle-de-bain, je me glisse dans une serviette et entrebâille la porte pour vérifier que Morgan n’est pas dans les parages. Je me précipite dans la chambre et enfile au plus vite un pyjama qui cache tout. Ce n’est pas parce que j’ai accepté de me montrer à des enfants de moins de 16 ans que j’accepte de le faire à Morgan. Je crains bien plus sa réaction à lui qu’aux autres.

© minhox ,
книга «The Book of 23».
Коментарі