Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Chapitre 16

− Que dis-tu d’un jeu de société ? Je demande en ouvrant la porte d’un placard où sont empilés plusieurs boîtes de jeu.

Si je devais résumer la météo de la journée je dirais : moche. Il pleut, il y a des orages et entre deux rayons de soleil un vent à décorner les bœufs. Morgan et moi sommes donc cloîtrés à la maison.

− Y en a un qui te branche ? Me demande-t-il debout près de la baie vitrée à regarder les goûtes de pluie se courir après.

Je regarde les différentes boîtes abîmées.

− Je ne connais que le Monopoly… C’est quoi le Mikado ?

− Sérieux tu ne connais pas les Mikado ?

Je fais non de la tête et m’empare de la boîte que j’ouvre. A l’intérieur une quarantaine de bâtons barrés de bandes de différentes couleurs.

− Viens-là.

Nous nous installons sur le sol en tailleur. Il me prend les bâtons et les fait tomber sur le tapis. Un tas de bâtonnet s’entremêlant fait face à moi.

− Le but est de prendre chacun son tour un mikado sans en toucher un autre. Une fois que tout est ramassé on calcule le nombre de point en fonction de la couleur qu’il a. Bleu/rouge c’est 10 points, rouge/bleu/rouge c’est 5 points, noir c’est 20 et après je ne sais plus trop, faut relire la notice.

Morgan attend mon approbation avant de jouer. Je le vois d’abord réfléchir puis dans un grand silence attrape un bâton qu’il met de côté.

− A toi.

Je me concentre sur le tas devant moi et j’en remarque un facile à retirer. Il tient en équilibre sur un de ses compères et en deux temps trois mouvements je le prends.

− Je vois qu’on préfère la facilité.

− Si ça peut m’aider à gagner !

Morgan se reconcentre et s’empare d’un autre bâton me dégageant ainsi le passage pour le mien.

− Tu triches là ! Il était à moi !

− Tu rigoles ? Tu me les donnes, je ne vais pas refuser !

Il continue sa chasse en attrapant un autre. Je suis extrêmement concentrée. Mes mains au-dessus du tas j’hésite à choisir. Ils sont tous emmêlés les uns avec les autres que je n’arrive pas à savoir lequel prendre. Je me dévoue enfin sur un quand je sens mes mains trembler. Un tremblement incessant qui me fait bouger les mikados tout autour de celui que je voulais.

− Perdu, à mon tour.

Il ne semble pas avoir remarqué mes tremblements puisqu’il continue de jouer et empoche encore un bâton. Je retente ma chance et cette fois-ci j’y arrive.


Nous en sommes à la troisième partie et je n’en ai gagné aucune. Morgan est beaucoup plus doué pour ce genre de jeu. Il sait lesquels il faut prendre et arrive toujours avec des scores élevés tandis que moi je n’ai pratiquement rien. Mais la partie n’est pas terminée. C’est à mon tour et j’ai remarqué le mikado noir assez facile d’accès et qui me garantira de gagner plein de points. Je me couche sur le ventre et le nez à quelques centimètres du sol je positionne mes mains de part et d’autre du mikado. Je canalise ma respiration et petit à petit je descends jusqu’à l’attraper. Une fois pris je les lève, mais une violente crampe me prend dans la main gauche et me fait lâcher le mikado sur le tas les éparpillant un peu partout sur le tapis. Je me relève et malaxe ma main afin de détendre le muscle.

− Hey, ça va ? Tu t’es faite mal ?

− Oui, c’est juste une crampe.

Je n’ose pas lui dire que depuis quelques heures j’ai des crampes à différents endroits du corps. Un moment ça va être la jambe, un autre le bras et là la main. C’est mon corps qui réclame ce que je n’ai pas pu lui donner depuis deux jours, je le sais. Je sens mon corps se battre pour essayer de rester calme et la nuit dernière a été un cauchemar tellement je sentais mes muscles travailler. Je n’ai toujours pas retrouvé la trace de mes flacons et je perds sérieusement patience.

− On peut faire un autre jeu si tu veux.

Il n’attend pas ma réponse et va chercher la boîte de Monopoly pendant que je range les Mikado.

− Tu sais comment y jouer ? Me demande-t-il un sourire en coin.

− Oui mon coco, et je peux même te dire que je ne suis pas facile en affaire.

− Vraiment ? J’ai hâte de voir ça alors.

Le plateau, les cartes et les pions installés, nous commençons à jouer. Ce jeu est le seul que je connais. A l’hôpital on avait différents jeux de sociétés, mais à tous il manquait quelque chose. Étrangement seul le Monopoly était complet, du coup on avait d’autre choix que de se rabattre sur lui…

− Peux-tu m’échanger l’avenue Foch contre la Gare du Nord ? Me demande-t-il avec un sourire qui se veut très enjôleur.

Je cherche sur le plateau leurs emplacement, puis mes cartes et enfin celles de Morgan. Je réfléchi à sa proposition et finis par prendre ma décision.

− Je refuse.

− Pourquoi ?

− A aucun moment je ne t’offrirai l’une de mes gares. A moins que tu ne me fasses une proposition suffisamment alléchante pour accepter...

− Ah oui et laquelle ?

Je fais mine de réfléchir alors que je sais pertinemment ce que je vais lui demander.

− Tu abandonnes !

Ses yeux s’ouvrent en grand et il finit par rire.

− En effet, tu n’es pas facile en affaire.

Je lance les dés et avance jusqu’à la case départ. Morgan m’offre mon argent et nous continuons de jouer.

− Tu ne m’as jamais dit qu’elle était ta couleur préférée ? Me demande-t-il.

− Peut-être parce que tu ne me l’as jamais demandé ? Sinon c’est le rouge.

Nous avons mis de côté le plateau de jeu pour nous allonger sur le sol. Ma tête repose sur son torse, le nez vers le plafond tandis que Morgan joue avec une mèche de mes cheveux.

− Et toi quel est ton livre préféré ?

− Je n’en ai pas, me répond-il.

− Je ne te crois pas, tout le monde en a un.

− Ah oui et le tiens c’est lequel ?

− C’est à toi de répondre, pas à moi.

Je sens Morgan rire sous ma tête.

− Je dirai alors que c’est Le tour du Monde en 80 jours de Jules Verne. Quel est le tien ?

− Ne rigole pas mais c’est un livre de contes qui s’appelle Histoire de fées. Il raconte le voyage de plusieurs fées qui pour l’anniversaire de leur reine ont dû se rendre dans différentes époques afin de semer le bonheur.

− Il a l’air mignon comme livre.

− Je t’ai dit de ne pas rire ! C’est peut-être un livre pour enfant mais pour rien au monde je ne m’en séparerais.

Morgan passe désormais son pouce sur ma joue. Sa main est si douce que je n’ai pas envie qu’il la retire.

− Et si tu devais être un animal ? Me demande-t-il.

Je réfléchis quelque secondes avant de répondre

− Je dirai une fourmi.

− Ce n’est pas vraiment un animal mais pourquoi pas. Je peux savoir pourquoi ?

− C’est très fort, très intelligent et surtout c’est si petit qu’il me serait facile de disparaître.

− C’est beau dit donc, tu vas me faire pleurer.

− T’es bête, je le frappe au niveau du torse et je le sens glousser sous ma tête.

− Tu serais quoi toi ?

− Sans hésiter un oiseau. Peu importe tant qu’il a des plumes et qu’il vole. Je serai libre comme l’air et je pourrais voyager au-delà des frontières.

− Poétique dans l’âme à ce que je vois.

− Et oui que crois-tu ? Morgan le poète refoulé.

C’est à mon tour de rire. Je suis si bien dans cette position, dans cette pièce et avec cette personne que je ne souhaite qu’une chose que le temps arrête d’avancer.

− Tu as déjà eu des copines ? Je demande finalement.

− C’est quoi cette question ?

Je hausse les épaules même si je me doute que Morgan l’ait vu.

− Je ne sais pas pour savoir. Tu es parfaitement en droit de refuser de me le dire.

− J’en ai eu deux pour être honnête, mais ça n’a jamais été sérieux. Et si tu veux tout savoir Karine n’en a jamais fait partie.

Je tourne brusquement la tête vers Morgan pour le regarder, mais au fond de moi je sens un poids s’enlever.

− Je te l’ai toujours dit que Karine et moi on est ami et rien de plus. Elle a peut-être des sentiments comme tu le prétends mais je peux te jurer que ce n’est pas réciproque.

− De toute façon tu sais quel est mon avis là-dessus.

− Oui et je le déteste.

J’ai retourné la tête vers le plafond et Morgan a repris une mèche entre ses doigts.

− Et toi ? Tu en as eu ?

− Non. Je passais trop souvent mon temps à fuir les infirmières pour fricoter avec quelqu’un.

− Donc je suis ton premier ?

− Tu insinues qu’on sort ensemble ? Je demande un large sourire aux lèvres. J’essaie de le cacher mais je crois que c’est peine perdu.

− Je veux bien rester ton ami, mais des amis qui s’embrasse je ne comprends pas trop le concept…

Je me relève et me place au-dessus de lui. Ses joues ont rosi et les cheveux éparpillés sur le tapis le rend irrésistiblement craquant.

− Tu veux dire des amis qui s’embrassent comme ça ?

Je me penche et dépose mes lèvres sur les siennes. Il passe sa main derrière ma tête m’empêchant de partir. Je prends l’automatisme d’ouvrir ma bouche afin de laisser la place à Morgan. Il comprend mon message et vient mêler sa langue à la mienne. Nos souffles s’accélèrent et mon cœur bat la chamade. Morgan se relève et me porte presque pour que je vienne m’installer sur lui. Ses mains glissent le long de mon corps, je frémis et c’est quand il commence à soulever mon pull qu’un horrible frisson parcours mon corps. Je recule effrayée.

− Je-euh… désolé, mais je ne peux pas.

Je dois être aussi rouge qu’une tomate. Mon cœur ne veut pas se calmer et je me sens trembler de tout mon être.

− Non c’est moi qui m’excuse. Je n’aurais pas dû.

− Ce n’est pas contre toi vraiment, c’est juste moi.

− Ce n’est pas grave, Lorene.

Morgan me tend sa main pour que je la lui prenne et après un grand moment de réflexion j’accepte. Il vient me l’embrasser du même doux baiser qu’il m’avait fait lors de notre mariage et mes muscles se détendent.

Ses yeux sont posés sur moi et je peux y lire qu’il ne m’en veut pas. Je sens qu’il est compréhensif et bon sang qu’est-ce que j’ai envie de lui dire la vérité. Mais je ne sais toujours pas quel comportement il aura quand il découvrira le monstre caché sous mon tee-shirt. Juste une partie de mon corps, anodine qui plus est, mais qui me gâche la vie.

Je ne suis pas assez forte pour ça. Vous devez sûrement vous dire que je n’en ai que faire de son avis, mais pas moi. Il est le seul qui réussit à me faire rire, qui me fait oublier certaine chose, qui s’intéresse à moi... Alors pourquoi tout gâcher maintenant ?

© minhox ,
книга «The Book of 23».
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