Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Chapitre 3

Après la cérémonie, tout le monde est convié à un grand buffet au sous-sol de la mairie. De longues tables poussées contre les murs offrent des verres de punch bleu disposé à côté d'un seul et unique grand gâteau de mariage. Chaque époux n'aura droit qu'à une ou deux bouchées, mais de toute façon, la simple pensée du glaçage qui colle aux dents me soulève l'estomac.

Les parents de Morgan nous saluent dès notre entrée dans la salle, ne me laissant à peine le temps de reprendre mes esprits. Son père me pose une tape amicale sur le bras tandis que sa mère m'embrasse les deux joues. Je ne réponds pas à leur étreinte, encore trop perturbée par ce qui se passe.

– Comment allez-vous ? Demande madame Gatling.

– Surprise, je réponds sans hésitation.

Avec tout ce monde dans la salle, Morgan n'a d'autre choix que de se coller à moi, épaule contre épaule. Je le sens me détailler le visage et ça ne fait que décupler mon malaise.

– Vous venez d'où très chère ? Demande le président.

Il ne sait pas d'où je viens ? Il ne sait pas qui je suis ? Oh non ce n’est pas bon... Comment va-t-il réagir ?

– Je euh... Je viens de San Armando.

– L’hôpital ? Demande-t-il en laissant paraître sa surprise.

Comment je dois l’interpréter ? Bien ou mal ?

– Exactement.

– Vous êtes...

– Folle ? Je coupe la parole ne voulant pas qu'il dise ce mot à hautes voix.

Les regards indiscrets des personnes autour de nous montre également leur surprise. Je leur rends par un regard mauvais ce qui a vite fait de les détourner. Après mure réflexion je ne devrais pas avoir honte de ce que je suis. Je suis une personne atteinte de trouble psychologique et alors ? Je suis ce que la nature a fait de moi et je ne changerai pas.

– En réalité je voulais savoir si vous étiez là-bas depuis longtemps ?

– Oh ! Depuis toujours alors. Je n'y suis pas née mais presque.

– Vraiment ? Et pour quel motif ?

– Papa ! On devrait peut-être en parler à un autre moment, non ?

Morgan a raison. Ça commençait à devenir un véritable entretient de police.

Toujours les yeux fixés sur la porte je perçois enfin Anaïs et l'infirmière chef pénétrer dans la pièce. Elles ne sont que deux et pourtant rien que de les voir me soulage énormément. Jocelyne arrive à grandes enjambés et vient se présenter auprès de ma désormais belle famille. Anaïs quant à elle, m'enlace d'une grande et étouffante étreinte et vient me glisser dans la main mes gélules. Il me faut de l'eau pour les prendre alors pour faire distraction autant la présenter.

– Je te présente Anaïs, une patiente et amie, je fais à l'adresse de Morgan. Je reviens je vais chercher à boire. Tu veux quelque chose 39 ?

Elle me répond non de la tête et alors que je m'éloigne en me glissant dans la foule, je peux déjà l’entendre lui poser tout un tas de questions.

Arrivée devant le buffet, je ne peux que constater que tous les gobelets sont vides. Tout le monde s'est jeté dessus à une vitesse phénoménale.

– Excusez-moi, vous n'auriez pas quelque chose à boire ? Je demande à un commis derrière le buffet.

– Punch ? Me demande-t-il.

– De l'eau devrais aller, merci.

Il s'éloigne pour me chercher une bouteille et un gobelet et reviens avec. Je le remercie une seconde fois, prends mes médicaments, et repars. Le problème désormais est qu'ils ne sont plus là. Je me lève sur la pointe des pieds à leur recherche mais je ne vois personne que je connais. Ni le président, ni Jocelyne, ni 39. Mon cœur commence à battre rapidement me demandant comment ils ont pu disparaître. Ce cauchemar n’est décidément pas fini. Je m'en vais chercher dans les coins, déambule parmi la foule et fini par me retrouver au point de départ, c'est-à-dire au buffet.

– Tu nous cherches ? Demande une voix légèrement grave derrière moi.

Je sursaute et fais tomber le peu de liquide qui restait dans mon gobelet sur nous deux.

– Je suis désolée, je m'empresse de m'excuser en frottant son tee-shirt pour faire enlever les gouttes d'eau.

Morgan sourit le rendant encore plus beau que tout à l'heure et me prend le gobelet des mains pour le déposer sur la table derrière lui.

– Ce devrait plutôt être à moi de m'excuser pour tout... ça.

– Ce n'est pas votre faute, vous n'y êtes pour rien.

– Lorene, tutoie-moi. Je déteste qu'on me vouvoie.

Sans aucune raison apparente je lui souris.

– Tu vas bien ? Mis à part le fait que tu te retrouves marié à moi je veux dire.

– Je pense que ça peut aller. Je viens de prendre mes médicaments donc aucun problème en vue. Cependant je ne sais pas qui est le plus à plaindre ici. Toi ou moi ?

– Comment ça ?

– Je suis mariée au fils du président et toi à une folle. Qui va le plus souffrir à ton avis ?

– Pourquoi dis-tu que tu es folle ?

Sa question me prend de cours et je ne me peux m’empêcher de rire, un rire gênant.

– Parce que c'est ce que je suis. Une pauvre fille enfermée depuis toujours dans un hôpital pour malades mentaux.

– Moi je ne vois pas quelqu'un de malade mais quelqu'un qui se porte bien.

– Ça c'est parce que j'ai pris mes trois gélules quotidiennes.

– Je suis sûr que...

Morgan se coupe au milieu de sa phrase à l'arrivée d'un couple fraîchement marié. Ils se présentent et commencent à nous vendre les mérites des mariages. Pendant qu'ils discutent, je tourne en boucle la dernière phrase de Morgan à la recherche d'une signification. Comment peut-il penser que je ne suis pas malade ? Comment peut-il croire que je vais bien ? Le couple finit par s'en aller pour laisser place à un autre et encore un. C'est à ce moment précis que je commence vraiment à regretter d'être né sur terre.

– Tu es prête à partir ? Me demande Morgan. Je crois que je ne supporterai pas de serrer une seule main de plus.

Je soupir de soulagement à sa proposition et hoche la tête. Trop excitée de prendre l’air, je ne me rends pas compte que Morgan me tient la main pour me guider dehors. Arrivé à la porte, il salut ses parents et un groupe de jeunes hommes célibataires ne trouvent rien de mieux que de me regarder comme un vulgaire morceau de viande.

– Il y en a un qui est pressé de voir ce qu'il y a sous cette robe, s'exclame l'un deux.

Mes joues s'enflamment aussitôt. Je m'apprête alors à me diriger vers eux pour leur donner une bonne leçon quand je sens la main de Morgan me tirer un peu plus vers lui.

– Ne les écoute pas, ce sont des imbéciles, me siffle-t-il au creux de l'oreille.

Arrivé dehors je respire profondément l'air frais de la nuit. Le soleil est déjà couché, les lampadaires allumés, la température plus fraîche et le silence soulage mes oreilles. Morgan me tient toujours la main et je ne fais rien pour la retirer car étrangement j'aime son contact. Il a la main douce et c'est agréable au toucher. Et c’est surtout la seule chose positive dans ce mauvais rêve. Nous marchons silencieusement et doucement profitant ainsi de la ville éteinte. Les étoiles ont commencé à pointer le bout de leur nez, et la tête en l'air je les contemple.

– On va où ? Je finis par demander.

Je me rends finalement compte de l'absurdité de ma question quand il me regarde en riant.

– Chez nous. Ce n'est pas très loin à pied.

– On n'habite pas avec tes parents ?

– Non et heureusement. J'avais envie de quitter le cocon familial, si tu vois ce que je veux dire.

– Pas vraiment mais pas grave, je réponds en feignant un sourire.

– Au fait, tu n'as pas d'affaires ?

Comme si sa question demandait réflexion je me mets à réfléchir, avant de me rappeler que non je ne les ai pas prises.

– Non. Comme ce n'était pas prévu que je me marie aujourd'hui je n'ai rien pris.

– Je comprends parfaitement. On ira les chercher demain si tu veux.

Arrivé devant une maison assez petite par rapport aux autres d'à côté, Morgan sort ses clés pour ouvrir la porte. Il me la tient et comme pétrifiée par tant d'obscurité, je ralentis le pas. J'essaie de ne rien laisser paraître et un pied après l'autre j'entre dans les ténèbres. La lumière s'allume toute seule et les ampoules brillent tellement que je suis obligée de fermer les yeux le temps qu'ils s'habituent.

– Il faut leur laisser le temps, la lumière sera moins forte d'ici deux minutes.

La porte d'entrée donne directement sur la cuisine et le salon. Aucuns murs ne séparent les deux pièces. Dans un style montagnard, avec des meubles uniquement en bois donnant une ambiance chaleureuse, Morgan me déplace sur le côté d'un geste doux et s'en va allumer la gazinière.

– Tu as faim ? Me demande-t-il. Tu n'as pas pris de gâteau.

– Un peu oui.

En réalité je meurs de faim, mais j'ai tellement l'habitude de ne pas manger à mon appétit que je ne sais pas si c'est un besoin vital ou juste un plaisir, là maintenant.

– On mange quoi ? Je demande en faisant le tour du salon.

– Pâtes ou pâtes, à toi de choisir.

Je me retourne vers lui en haussant un sourcil avant de choisir.

Le salon est un peu plus grand que la cuisine. Un canapé beige permet de séparer les deux pièces, une bibliothèque remplie tout un pan de mur sur la gauche, une petite table basse sur laquelle est posée une plante verte, et juste derrière une énorme baie vitrée donnant sur un grand jardin. Il n'est pas aussi grand que celui que j'avais à l'hôpital, mais je m'en contenterai.

– En attendant que ça chauffe, tu veux que je te fasse visiter ?

Morgan a sorti son tee-shirt de son pantalon et a du passé sa main dans ses cheveux puisqu'ils sont tout décoiffés. Il emprunte alors un petit couloir qui mène sur deux pièces. La première est la salle de bain, pas très grandes, aux murs jaunes, une baignoire dans un coin et les toilettes en face. La pièce en face est la chambre. Une grande chambre avec un énorme lit double et une énorme armoire sur le mur opposé. Il y a aussi une porte fenêtre qui donne sur le jardin. Devant cette pièce je reste pétrifiée. Je n'arrive plus à bouger. Je me rappels ce qui doit se passer dans cette chambre, cette nuit-là tout particulièrement. Tout couple doit consommer son mariage, et j'en ai peur. Je ne suis pas prête. Je ne veux pas. Morgan n'a rien de méchant mais je ne me sens pas capable de répondre à ses désirs ce soir. Il s'approche de l'armoire et en sors un tee-shirt et short.

– Je dormirai sur le canapé, m'annonce-t-il.

Toujours perdue dans mes pensées, je redresse la tête après quelque seconde, le temps que l'information atteigne mon cerveau.

– Attends... Tu ne veux...

Je n'arrive même pas à articuler. Il m'étire un sourire plein de sous-entendus.

– Pourquoi tu veux ? Demande-t-il en jouant des sourcils.

– Non !

Je me surprends du ton sec que je viens d'employer. Je ne devrais pas dire non, il m'est interdis de refuser cette nuit-là, tous les nouveaux couples sont censés le faire et je regrette presque de faire subir ça à Morgan. Il incline finalement la tête.

– C'est ce que je me disais.

Nous nous regardons un moment en silence, quand mes narines se redresse à une odeur quelque peu désagréable. Je me rappelle soudainement que des pâtes cuisent dans la cuisine et que si on perd notre temps à encore se regarder, on risque de ne rien à avoir pour ce soir.

Tous deux, nous piquons un sprint jusqu'à la cuisine et arrivons à mettre fin au désastre. De l'eau a giclé hors de la casserole, le salon sent terriblement mauvais et je regrette encore plus que Morgan dorme sur le canapé ce soir. Je me fais toute petite et mets la table après avoir fouillé dans tous les placards.

– C'est la première fois que tu cuisines ? Je demande en enfournant une fourchette de pâtes en bouche.

Nous grimaçons au goût de cramé.

– Non, je cuisinais souvent avec une amie. J'ai juste eu un moment d’inattention, je te promets que ça ne se reproduira plus.

– Pas la peine de t'excuser, c'est déjà bien ce que tu as fait. Vois-tu, moi je n'ai jamais touché une casserole de ma vie.

– Jamais jamais ?

– Jamais jamais.

– Il faudra que je t'apprenne alors.

Un sourire timide traverse mon visage avant de finalement finir le repas en silence. Les pâtes n'ont vraiment pas été excellentes, mais comme je l'ai dit je ne me permettrais pas de critiquer étant donné que je n'aurais pas fait mieux. Après avoir mangé un fruit de bien meilleure qualité, je décide de me lever et d'aller me coucher.

– Bonne nuit Lorene.

– Bonne nuit Morgan.

Je m'en vais dans la chambre et la porte fermée à clé je m'adosse contre elle. Une larme puis une seconde perlent mes joues. Je n'ai aucune intention de pleurer de la sorte. Mais j'ai vraiment du mal à comprendre ce qui se passe. Ce matin je me suis levée en me disant que rien de grave aller m'arriver et ce soir je me retrouve dans la maison d'un inconnu. Il a l'air gentil Morgan, mais je n'ai quand même rien à y faire. Ma place n'est pas ici.


© minhox ,
книга «The Book of 23».
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Mémé Paradoxx
Chapitre 3
J'aime toujours autant 👍🏻
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2020-11-12 11:25:25
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