Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Chapitre 8

Trois jours sont passées et trois jours que je vais voir Niko et ses amis. Morgan n'est pas au courant que je passe mes journées dans les quartiers pauvres et eux ne sont pas au courant que je suis mariée au fils du président. Je vis peut-être dans le mensonge, mais en même temps je crois avoir trouvé réellement ma place ici. Ils sont la bonté incarnée, la joie, le bonheur, ils t'acceptent tel que tu es. Pour une personne comme moi n'ayant jamais connu ça il n'y a rien de mieux. Si je pouvais tout quitter pour venir ici je le ferais sans hésiter. Tant pis si les maisons sont sales, tant pis si nous sommes obligés de voler pour nous nourrir, tant pis si nous ne trouvons pas de travail mais du moment que tu es heureux et que tu es avec les personnes que t'aimes, plus rien ne compte après.

Niko ne pouvant marcher qu'à moitié à cause de sa cheville, nous passons les journées à jouer aux cartes ou à discuter de tout et de rien. Il n'a toujours pas vu de médecin car il n'y en a pas dans le coin et rien que de le savoir, ça me scandalise au plus haut point. Pour eux c'est tout à fait normal. Ils n'en ont jamais connu, et se guérissent avec le temps qui passe. Enzo m'a ainsi avoué que les médecins n'était qu'un caprice de riche, dépenser de l'argent pour recevoir des gélules scientifiquement créées pour un rhume alors qu'une semaine suffit pour que ça disparaisse. En un sens il n'a pas faux, mais dans un autre je ne suis pas d'accord. Si c'est plus grave, comme la cheville de Niko, ils seront bien contents de rencontrer quelqu'un qui s'y connaît. Enzo avait alors répondu que c'était le destin qui en avait décidé ainsi et qu'il ne fallait pas le changer. Eh bien, si c'est le destin qui est en cause de toute ma vie jusqu'ici, je ne le remercie qu'à moitié.

Assise sur l'herbe, entourée de Niko et de son groupe d'amis, je dépose la dernière carte à jouer sur le sol.

– Gagné !

– Encore ? Demande un garçon blond.

– Comment tu fais pour gagner à chaque fois ? Demande Niko.

– Le destin sûrement, je réponds alors.

Tout le monde rit et se tourne vers Enzo pour regarder sa mine déconfite. Mais étrangement il se laisse porter par les rires.

– Je suis désolée les enfants mais je dois m'en aller.

– Tu vas où ?

– Un repas de famille. Je vais rencontrer la belle-famille.

Ça fait deux jours que Morgan m'en a parlé et je lui ai fait la promesse de venir. On est peut-être en froid lui et moi, mais je ne voudrais pas ramener sa famille dans l'histoire.

– C'est quoi la belle-famille ? C'est parce qu'ils sont beaux ?

Moi et deux-trois autres, explosons de rire à la question du garçon châtain, nommé Killian. Ils sont tellement mignons, comment leur en vouloir ?

– En réalité ça ne veut pas dire ça, bien qu'ils ne soient pas moches physiquement. Ça désigne juste le fait que je vais rencontrer les parents de mon mari.

– Ils sont gentils ?

– Je n'en sais rien... La première fois c'était juste après le mariage et je pense que nous étions trop surpris pour réagir correctement. Du coup ce soir, c'est comme si c'était ma première.

– Et bien, bon courage alors, s'exclame les plus grands du groupe.

– Merci.

Je me relève, enlève les brins d'herbes collés au pantalon et viens embrasser Niko et deux autres petits avant de partir. Je ne suis pas spécialement motivée pour ce repas, mais j'ai fait une promesse alors il est hors de question que je la rompe.


Cette scène me fait penser à la fois où j'ai emmené Morgan à l'hôpital. J'étais extrêmement stressée devant la grille, et voilà que les rôles se sont inversés. Morgan est devenu silencieux tout le long de la route et semblerai presque traîné des pieds. J'ai tenté de lui demander si ça allait, mais il me répond uniquement par un bref oui suivi d'un sourire forcé.

La maison présidentielle se trouve à une centaine de mètres de chez nous. Elle est la maison la plus imposante de la ville et son architecture surpasse toutes les autres. Dans un granite blanc impeccable, des gravures font tout le tour de la maison juste en dessous du toit en dôme. Une grande allée de cailloux aussi blanc que neige mène jusqu'à une énorme porte d'entrée en bois clair également. Nous n'avons pas le temps de lever la main pour frapper à la porte qu’immédiatement elle s'ouvre sur un major d’homme habillé dans un costume en queue de pie. Rien que la vision que j'ai depuis l'entrée, je comprends immédiatement la richesse du lieu. Le sol est d'un marbre si brillant que je pourrais me voir dedans. Le plafond est si haut que ça ne m'étonnerait pas qu'il y ait des échos quand je parle. Un imposant lustre illumine la pièce. Un double escalier portant un épais tapis bleu nuit viennent compléter le luxe du lieu. J'en prends plein les yeux et je sens mon ventre se tordre. Mais qu'est-ce que je fais là ?

Le major d'homme nous autorise à entrer et sur les pas de Morgan je le suis. J'enlève mon manteau et je continue de regarder la décoration. Deux couloirs s'offrent à moi. Un à droite, un à gauche. Morgan se dirige vers la droite et nous longeons encore un énorme couloir avec plein de portes et de décorations - vases, cadres, fleurs – en tout genre. Au bout de celui-ci une grande salle lumineuse à laquelle prônent une énorme table.

Concentrés à discuter, le président et sa femme ne nous entendent pas entrer. C'est Morgan qui prend la décision de s'avancer avec moi toujours sur ses pas. La première dame se lève rapidement de sa chaise et vient enlacer son fils d'une grande étreinte maternelle. Son père se contente d'une simple poignée de main. Je suis sur le côté et je ne sais toujours pas quoi faire.

– Lorene ! S'exclame madame Gatling.

Immédiatement elle vient m'embrasser sur les deux joues.

– Comment vas-tu ?

– Très bien et vous ?

– On est en plein dans les préparatifs, mais ça va. Vous avez faim les enfants ?

Morgan et moi hochons la tête.

– Lorene, vient me serrer d'une poigne forte le président.

Sa voix et son regard sont froids. En prenant ma main dans la sienne, je n'ai pu que réprimer ma surprise devant sa force. Je ne sais pas si c'était fait exprès mais j'ai bien cru qu'il allait me la broyer. On s'installe à table, le président en bout, sa femme à sa gauche et nous deux à sa droite l'un à côté de l'autre. Devant nous une porcelaine blanche avec les bordures dorées. A ses côtés, deux fourchettes et couteaux de tailles différentes. Je ne sais pas à quoi cela peut servir d'avoir autant de couverts, sûrement pour notre préférence. On essaie les deux et on adopte celle qu'on préfère. A moins que ça ne soit autre chose... Un grand verre à pied vient compléter la vaisselle. A peine ai-je eu le temps de déplier ma serviette comme l'ont fait les Gatling que deux cuisinières arrivent et déposent devant nous une entrée constituée de feuille de salades agrémenter de petits morceaux de viandes caramélisés. Je les remercie et elles s'en vont le sourire aux lèvres.

– Alors comment se passe la vie de couple ? Demande madame Gatling.

Morgan et moi nous nous regardons afin de savoir qui doit répondre. Morgan prend la parole.

– Parfaitement bien. On apprend petit à petit à se connaître.

– C'est super les enfants. Je suis heureuse pour vous.

Morgan semble si mal à l'aise que je décide de prendre le relais. Je pourrais parfaitement le laisser seul, mais je n'ai pas envie, pas ce soir du moins.

– Votre fils est un amour madame. Il est d'une gentillesse inégalée.

– Appelle-moi Marylin ma belle. Et en même temps, on parle de Morgan. Il a toujours été avenant avec les autres personnes. Il est la bonté incarnée comme dirait certain.

– Je ne vous le fais pas dire, Mad-Marylin.

Je sens sur moi le regard de Morgan et je n'ose pas détourner les yeux vers lui. Marylin continue de faire les éloges de son fils pendant que son mari mange tranquillement son entrée. D'ailleurs je dois vous dire que le plat est excellent. La viande est fondante en bouche, le caramel n'est pas si sucré que ça et la salade est l'élément de fraîcheur et de légèreté.

– Alors à quand les petits-enfants ?

Morgan et moi risquons de nous étouffer avec notre morceau de salade et nous portons en même temps notre verre de vin à nos lèvres. Je n'ai jamais bu de vin et je n'aime pas le goût, mais après ce que vient de demander le président il est étrangement excellent.

– Papa, ça ne fait qu'une semaine qu'on est ensemble.

– Et alors ? Avec les derniers tests de grossesses il nous est possible de savoir si une femme est enceinte très rapidement.

– Emmanuel, il est quand même tôt pour demander ce genre de chose. Ils sont jeunes, laisse-les profiter de leur jeunesse.

– Pas trop quand même ! Que diront les gens si elle ne tombe jamais enceinte ? Et ce n'est pas avec le passé qu'elle a, qu'elle va améliorer son image.

– Père ! Je ne te permets pas de lui parler ainsi, tape Morgan sur la table.

Je suis choquée il n'y a pas d'autre mot. Son père m'insulte ouvertement et Morgan prend ma défense. La fourchette déposée sur le bord de l'assiette je m'oblige à regarder ailleurs si je ne veux pas lui en décoller une. Je regarde alors l'énorme vitre derrière Marylin. Je sers la grande nappe blanche entre mes doigts et essaie de me concentrer sur le jardin dehors. De là où je suis, je peux voir un grand parterre vert s'étendre à perte de vue. Sur les côtés des gros pots de fleurs de toutes les couleurs. Une statue de femme nue se trouve au centre et une fontaine un peu plus loin derrière. Le ciel s'assombrit faisant apparaître les premières étoiles. Pendant ce temps-là, le président continu à m'insulter ouvertement. Je refuse de l'écouter au risque de tout casser. Les tons ont monté je le sais, je l'entends, mais je ne vous en dirais pas plus.

– Lorene, on s'en va ! M'ordonne un Morgan en colère.

– Bravo Emmanuel ! Je te félicite, tape dans ses mains Marylin.

Morgan se lève brusquement et me tends sa main pour me lever à son tour. Je retire ma serviette et me lève à mon tour. Nous atteignons la grande porte quand Marylin nous interpelle.

– Attendez ! Les enfants restez je vous en prie. Il ne recommencera pas, je vous le promets. On n'est pas venu pour se disputer n'est-ce pas ? S'il vous plaît revenez.

Morgan s'est arrêté sur le pas de la porte mais a toujours le dos tourné. Seule moi, fais face à Marilyn et le président rouge de colère.

– On devrait peut-être revenir, pour ta mère au moins.

– Tu es sûr que tu veux rester ?

Toute la peine du monde se lit dans son regard. Sa voix est si faible que je dois m'approcher encore plus de lui pour l'entendre. Il me tient encore la main et du pouce je lui caresse le dessus pour le calmer. Je lui réponds par un simple hochement de tête et après un long soupire accepte ma demande. Nous revenons à table dans un silence pesant.

Le plat arrive aussitôt. Deux belles tranches de gigot par personne agrémentées de rondelles de carottes. Un plat parfaitement copieux mais qui donne l'eau à la bouche par sa présentation. On entend que le bruit des fourchettes et couteaux dans la belle porcelaine. Les deux hommes de la famille ont le nez couché dans leur assiette tandis que Marylin et moi tentons de rester calme.

– Vous viendrez à l'anniversaire de Morgan ? Me demande Marylin.

– Bien sûr c'est quand ?

Tous les regards convergent vers moi, un sourire moqueur sur le visage du président.

– Morgan ne vous l'a pas dit ?

C'est à mon tour de le regarder avec de grands yeux.

– Disons qu'on a été pas mal occupé ces derniers temps. Je n'ai pas eu l'occasion de lui en parler.

Mouais, j'y crois moyennement. Je sais que je ne passe plus mes journées à la maison mais les repas du soir je suis bien présente. Cette soirée est vraiment gênante et une insulte à ma personne. Comment je dois prendre le fait que je ne sois pas au courant de son anniversaire ?

– Je t'expliquerai, me répond Morgan d'une voix inaudible.

– Sinon c'est vendredi prochain. Tout le monde est invité pour ses 19 ans et j'espère bien que vous aussi serez de la partie.

– Je n'y manquerai pas.

– Vous ferez la connaissance de nos nombreux collaborateurs. Vous verrez ils sont très gentils.

Je ne veux pas paraître pessimiste mais là aussi j'y crois pas.

– Nous avons fait appel à un grand designer pour la décoration de la salle de bal. Pour le menu se sera un grand buffet. Il y aura beaucoup de monde alors ce serait compliqué de tous les placer à une table. Nous avons aussi choisi comme code couleur le bleu, j'espère que vous aimez bien le bleu. Il représente la liberté, l'infini, le voyage, la vie.

Marylin continue à m'expliquer en détail la soirée de vendredi prochain. Elle va jusqu'à me parler de certains invités importants pour la ville. On le voit dans son visage et dans ses gestes qu'elle est contente de réaliser une telle soirée. Je l'écoute en apportant de temps en temps ma parole, et même si le sujet en lui-même n'est pas extraordinaire, je suis bien contente de parler d'autre chose que de moi et Morgan. On parle de frivolité, mais c'est tellement plus distrayant. Morgan et le président sont toujours aussi silencieux, Marilyn est un vrai moulin à parole et personne ne peut l'arrêter. Je sens la fatigue commencer à monter mais je crois que je pourrais quand même passer la nuit à parler avec elle.

– Il se fait tard on devrait peut-être rentrer, fait Morgan en déposant son verre de vin.

– Il fait nuit noire, vous n'allez pas rentrer à pied à cette heure-là ?

– On ne risque rien maman.

– Pourquoi vous ne resterez pas dormir ici ? Ta chambre n'a pas bougé.

– Marilyn laisse-les rentrer s'ils veulent, rouspète le président.

– Ça ne me dérange pas moi de passer la nuit ici, je réponds comme une nuance de défi dans la voix.

– Et comme ça on pourra lui faire visiter la maison. Il faut qu'elle s'habitue à ces nombreux couloirs si elle veut un jour habiter ici sans se perdre.

Les deux cuisinières arrivent pour débarrasser la table. Mon éducation a fait que je suis obligée de les aider ne serait-ce que de rassembler les assiettes. Nous nous levons tous de tables et sortons de la pièce pour monter à l'étage.

La chambre de Morgan est complètement différente de ce que j'aurais imaginé. Un grand lit double en fer forgé blanc est collé contre le mur de droite, un bureau rempli de papiers en pagaille est juste en dessous d'une fenêtre, et une imposante armoire termine la composition des meubles. Quant aux murs ils sont recouverts de vieilles cartes postales représentant d'anciens pays et villes du monde entier. J'en oublierai presque ce repas désastreux tant je suis hypnotisée par tous ces vieux bouts de cartons jaunis par le temps. Morgan prépare le lit et sort des affaires pendant que moi j'admire ces anciens sites aujourd'hui disparus.

– Je me suis promis qu'un jour je ferai le tour du monde, me dit Morgan en se postant à mes côtés, épaule contre épaule.

– Comment tu comptes t'y prendre ?

– Je n'en sais rien...

Tous deux, continuons d'observer ces différents paysages. On y voit tantôt la mer, tantôt la montagne, tantôt la campagne. Morgan me localise chaque carte, mais il y en a tellement que je n'en retiens qu'une vingtaine.

– Celle-là c'est ma préférée. C'est Paris, capitale de la France. On dit d'elle qu'elle était la plus belle ville du monde, la capitale de l'amour, de la mode et de la gastronomie. Quand on passait par là on était obligé de s'asseoir à la terrasse d'un café pour discuter. Certains disent même que le temps s'arrêtait. Tu vois la grande tour là ? Elle s'appelle la Tour Eiffel du nom de son créateur. Quand on monte dedans on a une vue imprenable sur la ville et le soir, voir toutes ses lumières rendraient l'instant unique.

Morgan semble transporté par ses paroles et ses yeux brillent de fascination. Je n'avais jamais entendu parler de cette ville auparavant, mais il m'a donné envie. Il m'a fait rêver.

– Que lui est-il arrivé ?

– Les inondations : le fleuve qui la traversait, la Seine je crois, a littéralement ravagé tous les habitats se situant à ses bords. Puis l'économie : ville de grande luxure, les prix ont explosés. Les parisiens n'avait plus d'argent pour vivre et sont donc partit dans les villes autour. Les touristes, eux, ont arrêté de venir du manque de moyen. La capitale a sombré dans la misère et aujourd'hui il est dit que plus personne n'y habite.

Morgan a les yeux rivés sur la carte postale et a les yeux humides. Il ne va pas pleurer, mais on sent qu'il est attristé par ce qu'il s'est passé. Il y a alors un silence pesant dans la chambre. Je pose ma main sur mon épaule en signe de soutien, et il détourne aussitôt sa tête vers moi. Ses yeux marrons me transpercent de tout mon être. Je suis comme submergée dans son regard et mon cœur accélère. Nous restons un moment à nous regarder, à moins que ce ne soit quelques secondes et Morgan fini par se rendre vers son lit pour me passer l'un de ses pyjamas.

– Il sera peut-être grand pour toi, mais c'est le seul que j'ai trouvé de potable.

– Merci... Hum... Je peux me changer dans la salle de bain ?

– Ah euh oui bien sûr. C'est la première porte sur ta droite.

Je lui réponds par un bref sourire et sors jusqu'à une petite salle-de-bain entièrement blanche. Les murs, la vasque, la douche, les serviettes, les lumières. Tout est blanc. Je ne réfléchis pas et m'habille rapidement dans les vêtements qu'il m'a donnés en évitant le plus possible de me regarder dans le miroir. J'ai horreur de mon corps scarifié et trop maigre. Des cicatrices parcourent mon dos et mon ventre en raison des nombreuses punitions de Jocelyne et ne serait-ce que l'idée de les voir dans le miroir me dégoûte. Je me dégoûte. Et voilà, rien que d'en parler je sens les larmes monter et mes mains trembler. Je me mets alors un peu d'eau sur le visage et je retourne dans la chambre. Morgan est en train de fermer les rideaux.

– Côté mur ? Je demande.

– Comme tu veux.

Je me glisse dans les draps m'allonge sur le dos, la tête penchée vers le plafond. Morgan arrive en laissant une bonne distance entre nous deux et adopte la même position. Il éteint la lumière et nous nous retrouvons dans le noir complet.

– Bonne nuit Lorene.

– A toi aussi.

Je ferme les yeux, et me colle contre le mur. Ce n'est pas que je n'ai pas confiance en Morgan, mais j'ai besoin de ce sentiment de protection que peut m'apporter le mur. Allongé sur le flanc gauche, je ressers la couverture tout contre moi et me laisse envahir par la chaleur qu'elle propose.

Les minutes passent, et je ne fais qu'ouvrir et fermer les paupières. A côté de moi, Morgan n'a pas bougé et sa respiration est calme. En position fœtal je tente de m'endormir. Je m'oblige à m'endormir, mais sans aucune raison apparente mes yeux s'ouvrent tous seuls. Je repense alors à notre repas de ce soir. Je me refais le repas dans ma tête et n'en oublie aucun détail. Mais il y a des phrases qui reviennent plus que d'autre ce sont les propos du président à mon sujet. J'en ai entendu des milliers de phrases de ce genre mais son ton... son ton était vraiment le plus horrible de tous. Ça avait déjà commencé avec la poignée de main où j'ai cru qu'il allait me la rompre, mais ce qu'il a sorti à table était tout bonnement horrible. Mais heureusement qu'il y avait Marylin dans les parages, parce que je ne sais pas ce qui se serait passé sinon. Sa bonté a fait en sorte qu'on parle d'autre chose, un sujet inattendu, mais qui a malgré tout fait redescendre la tension dans la pièce.

– Je peux te poser une question ? Je chuchote toujours tournée vers le mur.

Je sens Morgan bouger et il prend une grande inspiration. Je ne sais pas s'il dort ou si je viens de le réveiller.

– Laquelle ?

– Pourquoi tu ne m'as pas dit pour ton anniversaire ?

A la fin de ma question il ne se passe plus rien. Je ne l'entends plus bouger ni respirer, comme s'il avait disparu. Je me retourne alors, le cœur battant en essayant d’apercevoir Morgan dans le noir mais rien n’y fait. J'hésite alors à tâtonner le lit pour vérifier qu'il ne soit réellement pas parti, mais je me retiens quand je l'entends ouvrir la bouche.

– Ce n'est pas contre toi vraiment. C'est juste que je n'aime pas mon anniversaire.

Pour une surprise c'est une surprise. Je suis déjà rassurée que ce ne soit pas ma faute !

– Tous les ans ma mère organise une grande fête à laquelle sont conviés toutes les personnes importantes à la ville. Et tous les ans on ne parle que d'une chose : la politique. Ils viennent les bras chargés de cadeaux, mais c'est uniquement parce qu'ils veulent obtenir le soutien de mon père. Moi je ne suis qu'une raison de les faire venir. Alors désolé si je ne t'en ai pas parlé, c'est que je ne voulais pas te mêler à ça.

– Je ne savais pas, désolé... Cette année je serai là et je peux te promettre que je ne parlerai pas affaires.

– Merci, me répond Morgan. A moi de te poser une question maintenant.

Je rougis bêtement en me rappelant le jeu qu'il avait instauré le premier matin passé en sa compagnie. C'était un moyen simple et efficace d'apprendre à se connaître et se faire confiance.

– Tu me fais la tête ?

Mon sourire vient de disparaître pour laisser la place à la surprise. J'en perds mon vocabulaire et ne sais pas quoi dire. Je ne dois pas oublier ce qu'il a dit la dernière fois à son amie Karine, mais est-ce que je lui fais la tête ? Je parlerai plus de rancune sûrement... Je ne vais pas prendre le risque.

– Non pourquoi tu dis ça ?

– Tu passes tes journées dehors et le soir tu ne me dis rien de ta journée. Je ne demande pas un compte rendu de tes activités, tu fais ce que tu veux. Mais ça fait quatre jours que j'ai l'impression que tu as changé de comportement. Tu es froide avec moi et certaines phrases sont durs à entendre.

– Disons que j'ai eu une petite passe difficile. Mais je vais bien rassure-toi. Si tu veux tout savoir je vais voir des amis.

– Des amis ?

Je sens alors Morgan bouger et à sentir sa respiration d'aussi prêt je devine qu'il s'est tourné vers moi.

– Ça t'étonne ? Je demande en arquant un sourcil même s'il ne le voit pas.

– Pas du tout, je suis même super ravi que tu ais rencontré des gens. Je les connais ?

– Non ça m'étonnerait.

– Ils habitent où ?

– Tu sais que c'est à moi de te poser une question ? Mais je te laisse pour cette fois. Je peux juste te dire qu'ils habitent de l'autre côté du marché.

– Quartier pauvre ?

– Quartier pauvre.

Morgan se tourne une nouvelle fois pour se mettre sur le dos cette fois-ci.

– Tu me crois si je te dis que je n'y suis jamais allé ?

– Le paysage n'est pas magnifique mais les gens ont un cœur énorme. Ils sont bien plus grands que dans cette partie de la ville.

C'est à mon tour de me mettre sur le dos. Je dois aussi chercher une question à poser mais aucune ne me vient à l'esprit pour le moment. Je sens mes paupières se fermer toutes seules et je commence à sombrer dans le sommeil.

– Lorene ?

– Hum ?

– Ne le prend pas mal, mais il faut vraiment que tu arrêtes de penser que tu es un monstre. Tu ne l'es pas et ne l'a jamais été. Je sais que c'est ce que tout le monde pense de toi, mais je peux te garantir que c'est faux.

Je me sens trop fatigué pour répondre quelque chose. Si j'avais l'esprit encore réveillé je crois que j'aurais répliqué quelque chose comme : « je ne te crois pas » ou « pourquoi tu dis ça ? Qu'est-ce qui te fait dire ça ? ». Mais à l'heure actuelle je ne pense qu'à une chose dormir.

– Bonne nuit Lorene.

Ce sont les derniers mots que j'entends avant de partir définitivement.

© minhox ,
книга «The Book of 23».
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