Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Chapitre 2

De nos jours, plus personne ne porte de robe blanche à son mariage. Trop difficile de trouver cette couleur, trop cher et compliqué de s'en procurer assez pour en fabriquer des robes par dizaines. Alors on choisit notre plus belle tenue dans notre armoire et on s'en contente.

- Tiens-toi tranquille 39, je râle en tentant de lui attacher les cheveux en une queue de cheval.

39, de son vrai prénom Anaïs, participe tout comme moi à la cérémonie à la seule différence que c'est sa première année et moi la dernière.

- Si tu savais comment je suis trop contente, me répond-elle d'une voix aigüe, presque stridente.

Depuis qu'elle est toute petite elle n'arrête pas de nous rabâcher avec le mariage de ses rêves, en imaginant son potentiel futur époux, en dessinant sa propre robe de mariée ou sa propre maison. Elle a toujours eu envie de ce genre de prétentions alors que tout le monde sait qu'ici elle n'y aura jamais droit. Mais aujourd'hui c'est son jour et je ne veux pas le lui gâcher, après tout personne ne sait ce qui peut arriver.

Je termine un dernier tour d'élastique à cheveux et me positionne devant elle pour replacer quelques mèches.

- Terminé, tu peux aller te regarder.

Elle se penche vers le seul et unique miroir de la pièce pour pousser un cri d'exclamation et sauter de joie. Je ne l'ai jamais vu aussi heureuse de toute sa vie.

- À toi maintenant!

- À moi quoi? Je demande en reculant d'un pas.

- Tu ne vas pas y aller comme ça ? Tu n'es pas coiffée et habillée. On dirait que tu sors de ton lit.

Je me regarde dans la glace et reconnais qu'elle a raison. Mes longs cheveux blonds sont emmêlés et positionnés de façon étrange sur ma tête, tandis que ma tenue reste mon éternelle blouse marron.

Avant même que je n'ai pu réagir, Anaïs me prend par le bras et me force d'une poigne qui m'était inconnue à m'asseoir sur son tabouret. Je soupire de mécontentement, mais comme je me suis promis de ne pas être désagréable avec elle, je me laisse faire.

- Tes cheveux sont très abîmés, on dirait de la paille.

- C'est bon 39, je peux me passer de tes remarques.

- Tu savais qu'il y aurait Morgan ?

- C'est qui lui ? Je demande en grimaçant de douleur du cuir chevelu.

- Le fils du président pardi !

De ses mains glacées, elle tente de me faire une natte sophistiquée dans le dos. Mais à entendre ses grognements répétitifs je devine qu'elle n'y arrive pas.

- Il n'est pas déjà marié ? Je demande pour combler le blanc.

- D'après Marielle non. Il aurait dû il y a deux ans, mais il a toujours refusé. Son père lui aurait fait pression à ce qui se dit.

Comment peut-elle savoir tout ça ? Je sais à peine comment je m'appelle alors qu'Anaïs connaît tous les ragots qui se colportent en ville.

- Ah, je trouve juste à répondre.

39 et moi passons la demi-heure qui passe à nous habiller. Bon en réalité c'est elle qui prend du temps, moi je m'en moque de ce que je porte et me satisfait de ma blouse. Mais elle refuse que j'y aille comme ça et elle a dû jouer des pieds et des mains pour me faire accepter de me changer. Finalement, je me retrouve avec une robe bleue délavé piqué à l'une des infirmières. Je sais par avance que je vais me faire punir par l'infirmière chef, mais je m'en cogne royalement. Ça fait des années que je me tape de ce qu'elle peut me dire.

- Dit donc, on s'est faite belles aujourd'hui, s'exclame Marielle la tête passant l'entrebâillement de la porte. Vous êtes prêtes les filles?

- A 100%, s'écrit 39.

Je pousse un éternel soupire et traîne des pieds jusqu'à la cour extérieure de l'hôpital. Déjà une dizaine de patients et patientes attend auprès de trois infirmières, dont Jocelyne dont je me serai bien passé sa présence. Marielle reste ici et nous embrasse tous sur le front en nous souhaitant bonne chance. Elle s'attarde un peu plus sur moi et me fait promettre que tout ira bien. A l'écouter on dirait qu'on part pour toujours, alors qu'on va revenir dans quatre heures grand max. Mais si ça peut lui faire plaisir...

Le chemin de l'allée est le plus désagréable car tout le monde nous regarde avec de grands yeux similaires à des billes. Les gens nous craignent, nous plaignent également. Ils ont peur qu'on les agresse en pleine rue. Alors que nous, les fous comme ils aiment bien nous appeler, nous nous réjouissons de sortir de l'hôpital et de découvrir ce qui se cache derrière la grille du bâtiment. Ça fait deux ans que je sors et à chaque fois je m'émerveille devant l'architecture, les magasins ou tout simplement la flore. La route se fait à pieds jusqu'à la mairie et durant les deux kilomètres de distance les infirmières nous encadrent comme si nous étions de potentiels cibles d'attaque. Jocelyne est à la queue du groupe et n'hésite pas à nous crier dessus pour nous faire avancer.

La façade en pierre calcaire de la mairie est juste devant nous. D'autres prétendants accompagnés de leurs parents gravissent les marches du perron. Rien qu'à leur démarche et au silence qui règne je devine que tout le monde est nerveux. D'ailleurs 39 aussi puisqu'elle me prend la main pour me la serrer. Jocelyne nous ordonne de monter faisant ainsi retourner les rares individus ne nous ayant pas vus vers nous. Dans les marches, on peut entendre tous les échos qui se disent à notre sujet. Rare est de constater qu'ils sont gentils.

Désormais séparé en deux groupes, les hommes puis les femmes d'un côté, nous nous dirigeons vers notre rangé de chaise attitré, tout au fond à droite. En réalité, ce coin nous appartient uniquement parce que personne ne veut s'approcher de nous. On pourrait s'installer où l'on veut, mais qui accepterait de s'asseoir à côté de quelqu'un qui risquerait de péter un câble en plein milieu de cérémonie ? Assise entre 39 et 52, je m'affale sur ma chaise en bois la tête penchée vers le plafond. Il n'a rien d'exceptionnel mis à part la peinture qui craquelle faisant des formes étranges dont j'essaie de deviner la représentation. Jocelyne passe derrière moi et me tape sur le front pour me redresser. La cérémonie commence alors.

Un programme fait le tour des rangs. C'est le même que tous les ans. Seule la couleur du papier et les noms à l'intérieur changent. A quoi bon, d'ailleurs : tout le monde le connaît sans doute par cœur, depuis le temps. Cette année, il est imprimé sur du papier bleu clair et les mots "Cérémonie de mariages" sont inscrits sur la couverture en lettre cursives. L'encre a légèrement bavé. Les deux premières pages relatent l'histoire de notre ville et la dernière la charte des couples.

Pour me faire passer le temps de tout ce blabla incessant du prêtre je me mets à lire ce programme que je connais désormais sur le bout des ongles. Il parle de la guerre qui a provoqué la fin du monde, des inondations et des sécheresses qui ont suivis. Mais aussi des rares personnes ayant survécu à tout ça. Il est d'ailleurs dit que nous nous sommes relevés de nos cendres et les uns comme les autres, avons sillonné un vaste territoire stérile pour finir par nous retrouver et nous installer dans le coin le plus propice afin de tout recommencer à zéro. Au fil de ma conférence, je ne vois qu'un mot à dire: propagande.

Dans la salle il fait extrêmement chaud, même avec les grandes portes ouvertes et la fraîcheur relative que garantissent les épais murs de pierre de l'édifice. J'étouffe et prend le programme pour m'en faire un éventail. Derrière moi Jocelyne s'excite encore après moi pour me demander d'arrêter, mais je l'ignore ne faisant que redoubler sa colère.

- Regarde, c'est Morgan.

Anaïs me pince le bras pour me faire réagir et d'un signe du menton m'indique où je dois regarder.

Au centre de la scène entouré d'une quarantaine d'autres jeunes prétendants, un homme se détache tant par sa posture que par sa beauté. Je reconnais qu'il est plutôt pas mal. Habillé d'une simple tenue noire, il porte également des cheveux châtains lui tombant sur le devant des yeux. Assez minces par rapport au prétendant d'à côté, il a malgré tout quelque chose d'attirant. Mais la distance entre lui et moi ne me permet pas d'en voir plus. Un homme approche alors de la petite estrade placée sur le côté de la scène. Visiblement nerveux, il couve du regard les spectateurs, puis le président.

- Mesdames et messieurs! Commence-t-il.

Sa voix s'étrangle sur la dernière syllabe et quelques rires fusent dans la salle. Il se racle la gorge avant de reprendre.

- Mesdames et messieurs, nous sommes réunis aujourd'hui pour célébrer le mariage des jeunes gens d'Eastglen. Leur union incarne ce que notre petite nation a de mieux à offrir à ses membres et symboliser la paix pour laquelle nous avons lutté ensemble.

Trois ans de cérémonie et toujours le même discours... Je trouve ça tellement désespérant.

- Comme vous le savez tous, poursuit l'orateur, je vais lire le nom de chaque garçon qui s'avancera alors sur le devant de la scène. Puis j'ouvrirai l'enveloppe qui contient l'identité de la jeune fille destinée à devenir sa femme. Mesdemoiselles, veuillez monter sur scène dès que je prononce votre nom. Si, à la fin de la cérémonie, vous n'avez pas été appelé, le comité aura tout simplement statué que vous ne conveniez à aucun des garçons présents cette année, voilà tout.

Une femme s'approche alors de lui avec un grand panier rempli d'enveloppes. Il en prend une, l'ouvre et appelle le premier prétendant. Un jeune homme assez petit et à la tête bien ronde s'approche sur le devant de la scène. De là où je suis, je devine qu'il est très anxieux. L'orateur appel alors une femme, et sous les applaudissements de tout le monde se lève et s'avance. Elle fait bien deux têtes de plus, et semble bien se porter. Ils répètent les paroles du prêtre et s'en vont au fond de la scène, mains dans la main. Voici le premier couple marié, il en reste encore un bon paquet avant la fin. Je me retrouve à jouer avec mes cheveux, tandis que 39 fait des commentaires sur chaque prétendant.



Après avoir plié mon programme, avoir enlevé les fourches de mes cheveux, contempler le plafond de long en large et somnoler, la cérémonie va bientôt prendre fin. Il ne reste plus qu'une personne et après on rentre à la maison. Bien évidemment aucun patient de l'hôpital n'a été appelé. La déception se lit sur le visage d'Anaïs que je lui prends les mains en lui chuchotant que ce sera pour l'année prochaine.

- Aujourd'hui, plus que jamais, n'est pas une journée comme les autres, continue l'orateur la voix sèche. Nous avons l'honneur d'unir le fils de notre cher président adoré à l'une de vous.

Je pousse un énorme soupire devant ses propos, faisant retourner plusieurs personnes dans la salle vers moi. Leurs regards horrifiés ne font qu'accentuer notre image de monstre à leurs yeux.

Le président se lève alors et s'approche de l'orateur. D'un signe de la main et d'un sourire étincelant il commence un discours sur son fils et sur la ville. N'en ayant rien à faire, et n'espérant qu'une chose partir, je n'écoute pas le moindre mot.

- Morgan Gatling, appelle le président d'une voix claire et forte.

Son fils ne perd pas une seconde et s'approche sur le devant de la scène comme s'il était pressé d'en finir. Le président prend alors une enveloppe rose avant de la déchirer lentement. Le silence est à son comble. Personne ne parle. On peut entendre les respirations de chacun et les mouches voler. Ce silence commence à m'énerver, je grogne intérieurement et n'ai qu'une envie de me lever pour l'aider à déchirer cette foutue enveloppe. Anaïs me tient fermement la main et je ferme les yeux en priant le ciel que le temps passe plus rapidement. Je me mets alors à penser à la pauvre Anaïs qui a rêvé toute sa vie au mariage et qui malheureusement n'y aura pas droit. Je revois ses dessins de robes bouffante, le croquis de sa maison de poupée, et une description presque parfaite de l'homme de ses rêves. Grand, blond, musclé, les yeux bleus, romantique et intelligent, voilà son homme. Un homme qui ne restera que pensée et imagination. J'entends le public pousser un cri de surprise et retomber dans le silence. 39 me pousse avec une certaine force et je rouvre les yeux vers elle, un sourire étirant son visage.

- C'est fini ?

Je me lève immédiatement en m'étirant le dos et sent tous les regards converger dans ma direction. Toujours debout, je me surprends moi-même à chercher qui en est la cause, avant de me rendre compte que c'est moi. La seule et unique personne debout devant plus de deux cents personnes. Je me rassoie aussi rapidement que je me suis levée et enfonce mon menton dans le col de ma robe, honteuse.

- Lorene 23 ? redemande le président.

Un hoquet de surprise me prend et je n'arrive plus à bouger. Pourquoi on m'appelle ? Qu'est-ce que j'ai fait? Je regarde Anaïs et elle m'explique que c'est bien moi qui dois y aller.

- Bravo à toi ! Me chuchotent mes voisins tout autour de moi.

Je les regarde tous un par un ne comprenant toujours pas ce qui m'arrive. C'est Jocelyne derrière moi qui me pose une main douce sur mon épaule que je réagis. Je me retourne vers elle, et un regard doux m'invite à me lever. Je ne comprends toujours pas, mais je m'exécute.

A mon deuxième levé, je me fraye un chemin jusqu'au couloir central et en avalant ma salive avec difficulté j'avance d'un pas hésitant. Tout le monde me regarde et chuchote dans l'oreille de son voisin. Je suis tellement déboussolé que je n'arrive pas à capter ce qui se dit sur moi et avance toujours en prenant soin de regarder où je marche. Arrivé en bas de la scène, deux hommes m'aident à gravir les marches. Ils m'emmènent jusqu'à Morgan et je suis pétrifiée. Sur ses lèvres légèrement roses je peux lire un "je suis désolé". Je suis aussi raide qu'un bloc de marbre.

- Vous êtes bien Lorene 23 ? me demande l'orateur.

- Je-euh ... Oui.

Les yeux rivés sur l'assistance je n'arrive même pas à articuler. Mais qu'est-ce que je fais là ? Mais qu'est-ce qui se passe? C'est un cauchemar et je vais bientôt me réveiller, non ? Je retourne le visage sur le fils du président et je peux lire son malaise. Au premier regard il semble confiant, mais de plus près son visage montre de nombreux petits signes d'embarras. Est-ce moi qui lui fait cet effet ou est-ce tous ces regards braqués sur lui ?

Le prêtre derrière nous, nous bénit et mon cerveau ne trouve rien de mieux à faire que de répéter mot à mot ce qu'il dit. Je répète ces trois phrases que je n'aurais jamais crues dire un jour. Je regarde toujours Morgan et la peur me cisaille les intestins. A la fin, il a la bonté de ne pas m'embrasser comme chaque nouveau couple est censé faire, mais se contente d'un simple baise main. Dans la salle, c'est toujours aussi silencieux. Les seules personnes qui applaudissent à s'en décrocher les mains ce sont les autres patients de l'hôpital, ceux que je vais quitter. D'un côté je devrais me réjouir de quitter ma prison, mais d'un autre je redoute énormément. Ce n'était pas prévu dans mes plans d'avenir, à aucun moment je devais me retrouver mariée à un parfait inconnu. Je ne sais pas qui est le plus un craindre, moi qui me retrouve avec le fils du président ? Ou lui avec une folle ? 

© minhox ,
книга «The Book of 23».
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Mémé Paradoxx
Chapitre 2
J'adore ce début ! Mis à part un truc bizarre : pourquoi un prêtre ? Dans le monde que tu as créé et le système qui en découle, tu devrais (je pense) plutôt dire un agent de blabla... Ou je sais pas quoi d'autre, parce qe le mot « prêtre » nous ramène à la réalité. Et sinon, j'aime beaucoup l'héroïne ! Pour une fois qu'elle n'est pas parfaite ! J'ai adoré l'ambiance, le monde, le caractère et les forces et faiblesses de 23. ✨
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2020-11-07 10:33:21
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