La fraicheur des montagnes se faisait ressentir alors que l'on descendait tout juste de la calèche. Nous étions arrivés à Bolstrit. Nous n'étions partis qu'il y a une heure mais la nuit avait à présent engloutit le monde.
Nous arrivions tout juste au parc, il se trouvait dans les montagnes vers Iragua. Il était splendide. Même la nuit ses fleurs étaient visibles de tous. Nous marchions un peu, se promenant dans le parc. Cette personne qui m’avait écrit n’avait pas précisé quel endroit du parc ni qui ou que devrais-je trouvé. J’étais plutôt dans une impasse. Je réfléchissais à ça qu’elle me voulait mais aucune réponse n’était valable.
J'avais d'abord pensé que cela pouvait être un piège mais son écriture me semblait vraiment familière. Comme si c'était une personne avec qui j'avais parlé des heures entières par écrit. Ou comme si c'était la mienne... Une bouffée de panique m'envahit. Je me retournai vers mes camarades mais ceux-ci avaient disparu, une grande étendue d'arbres se tenait derrière moi. Je commençais à courir en sens inverse, cherchant à les retrouver, mais rien. Aucune trace d'eux ou même de notre passage.
Mes pensées était complètement en désordre. Mais je devais garder mon calme alors je m'assis et sortis de couteau que m'avait donné Léoni ainsi que le message. Je le posai au sol puis commençai à recopier le texte. Je m'appliquai à bien écrire puis relevai la tête. Je comparai les deux textes. Mes mains se mirent à trembler, mon couteau tomba à terre et je m'effondrais à genoux. J'avais peur. Cette écriture était la mienne. C'est moi qui avais écrit ce message. Mais pour qui ? Pour moi aujourd'hui ou...
Je fus interrompue par un bruit un peu plus loin. J'attrapai mon couteau et m'approchai discrètement de sa source. À quelques arbres de moi deux hommes marchaient et discutaient. Je me rassurai mais quelques choses me perturbaient chez eux. J'avançais encore un peu et compris ce qui n'allait pas. Ils portaient tous deux une épée accrochée à leur taille.
J’étais cachée derrière un buisson, couteau en main. Je les observais sans me montrer.
_ Anthéa !
Un chuchotement venu de la droite me fit tourner la tête. Le demi-homme s’approchait de moi sans faire aucun bruit. Il s’arrêta proche de moi et regarda les deux hommes par-dessus le buisson.
_ Qu’est-ce que tu fais là ? Chuchotai-je à mon tour.
_ Bonjour à toi aussi. Sinon je suis ici parce que tu es ici toi aussi.
_ Non mais comment tu as su ou j’étais ?
_ La magie. Tu t’en rappelles. Je sais utiliser la magie donc j’ai simplement placé un sort de localisation sur toi.
_ D’accord.
Je regardai à nouveau les deux hommes qui continuaient à avancer. Je me levai et me cachait derrière un arbre. Mon ami se plaça devant moi.
_ Tu fais quoi ? Me demanda-t-il.
_ Ça se voit non ? Je veux savoir qui sont ces deux personnes et pourquoi ils sont là.
_ Tu as déjà fait une filature ?
Je me retournai pour lui faire face puis lui lançai un regard interrogateur. Je savais à peu près ce qu’était une filature mais je ne comprenais pas la question dans ce moment précis. C’est simple pourtant une filature, il suffit de suivre quelqu’un sans se faire remarquer.
_ Pourquoi ? Murmurai-je a son oreille avant de jeter un coup d’œil aux deux hommes que je suivais.
_ Tu masque ta présence. Je ne sais pas comment ça fonctionne mais je peux t’assurer que c’était super difficile de te retrouver. Je suis d’abord aller dans la maison où vous étiez mais après je n’ai trouver aucune trace de toi.
_ Comment ça ? Tu veux dire que j’utilise la magie ? Mais je n’y connais rien !
J’avais parlé un peu trop fort. Il faut dire que dernièrement ma vie était un vrai bordel. Les deux hommes se remirent à parler. Je les regardai à nouveau, ils avaient posé leurs mains sur leur arme, en position d’attaque. Je m’accroupis pour être au niveau des fourrés. Le demi-homme fît de même et nous écoutions attentivement ce qu’ils se disaient.
_ Je suis sûr que le bruit venait d'ici, dit un des deux hommes.
_ Sûrement, répliqua le deuxième.
Nous ne les voyions pas mais étions assez proche pour les entendre parler. Malheureusement des bruits de feuilles écrasées produits par les pas des deux inconnus nous indiquèrent qu'ils se dirigeaient vers nous. Ils s'arrêtèrent à quelques centimètres du buisson. Je ne pouvais plus les voir. Ils n'avançaient plus vers nous mais ne faisaient pas demi-tour non-plus. Je fermais les yeux dans l'espoir de me concentrer sur les bruits alentours et un pas en avant de l'un des deux inconnus me fit sursauter, faisant bouger quelques feuilles avec.
_ Salut vous ! S'exclama un jeune homme penché au-dessus du buisson derrière lequel nous nous cachions, il me regarda perplexe puis balaya les lieux autour de nous d'un regard. Tu es toute seule ?
Sa question resta en suspend tandis que je regardai à côté de moi. L'endroit où se trouvait mon ami quelques instants plus tôt était désormais vide. Plus aucune trace de lui ! Je regardais à nouveau l'inconnu qui me regardait toujours de haut et me levai pour paraître un tant soit peu plus grande.
_ Si j'ai bien compris, quelqu'un était avec toi mais il est partit avant que je ne te trouve, supposa-t-il.
_ Est-il possible qu'il soit toujours là ? Répondis-je en époussetant ma robe salie par la terre.
_ Que veux-tu dire ? Avança le deuxième homme qui arrivait dans mon dos.
Je fis volte-face immédiatement. Je l'avais complètement oublié. Il avait l'air vraiment vieux mais son visage était plutôt enfantin, ce qui n'avait aucun sens, je l'admettais. Sa carrure était peu développée mais sa force ne devait pas être minime à la vue de ses muscles. Sa tête mise à part on aurait pu croire qu'un jeune garçon de dix-sept ans se tenait devant moi.
Je préférais ne pas répondre à sa question. D'abord je n'étais pas sûre de mon hypothèse, ensuite même s'il paraissait aisé de parler à ces hommes, dans ma tête il en allait tout autrement. Non pas que j'avais peur mais ils étaient assez intimidant.
_ J'ai vérifié, il n'y a personne, indiqua-t-il à son ami, donc soit elle est seule soit son ami est un animal ou même un ange.
Il s'esclaffa sur le dernier terme sortit de sa bouche. Je n'aimais pas cet homme.
_ Selon toi elle aurait parlé avec un animal ? Commença à s'énerva le jeune homme qui m'avait dénichée derrière les buissons.
_ Mais non, souffla le vieil homme d'épuisement. Laisse tomber. Donc qui était avec toi ?
_ Le vent ? Tentai-je.
J'essayais de les énerver pour les pousser à se déconcentrer. J'aurais ainsi une chance, bien qu'infime, de m'échapper. Mais par où ? Je ne peux ni aller devant moi ni aller par derrière et la droite est bloquée par un arbre. Il ne me reste que la gauche. J'y jetais un rapide coup d'œil qui ne passa pas inaperçu aux yeux du jeune homme qui me regardait attentivement. Comme s'il cherchait quelque chose.
_ Tu comptes partir ? Tu ne veux pas discuter ? Tu vas nous laisser et t'enfuir ? Ce ne serait pas gentil, on n'a rien fait.
Je le regardai attentivement. C'était vrai, ils ne m'avaient encore rien fait, mais ils faisaient peur avec leurs armes ! Je regardai alternativement son arme qu'il tenait en main et lui-même. Au bout d'un certain moment il compris et rangea son épée. Celui de derrière dut faire pareil parce que j'entendis du métal glisser contre un autre, signe qu'il la rangeait sûrement dans son fourreau.
_ Et sinon tu fais quoi ici ? Demanda à nouveau le plus jeune des deux.
_ Je me baladais.
_ D'accord et pourquoi tu nous espionnais ?
_ Vous savez, quand on croise deux inconnus armés dans une forêt et que l'on a perdu ses amis, il est facile de s'imaginer des choses.
_ Et sinon tu habites dans le coin ?
Sa question me perturba. Pourquoi me demandait ça. Était des voleurs ?
_ Oui j’habite pas très loin d’ici.
_ Arrête de mentir. Tu n’es pas naïve. Ça se voit. Depuis tout à l’heure tu fais preuve d’intelligence et maintenant tu te fais avoir ? Avança le jeune inconnu. Non, non, non. Mais je crois que tu voulais nous emmener quelque part donc on va te suivre.
_ Vous êtes qui ? Des voleurs, des tueurs ?
_ Nous ne sommes pas de simples amateurs. Nous tuons et volons, je te l’accordes mais notre boulot est autrement plus complexe et merveilleux. Nous sommes des chasseurs de primes, embauchés très récemment pour tuer une jeune noble dans une ville pas loin d’ici, dit-il. Mais se pourrait-il que ce soit toi, cette jeune demoiselle ?
_ Ai-je vraiment l'air de quelqu'un appartenant à la noblesse ? Lui dis-je en le regardant droit dans les yeux.
Il balada son regard sur mes vêtements, ma coiffure, mes accessoires inexistants et s'arrêta sur mon petit couteau qui je tenais toujours fermement.
_ J'ai neuf ans, croyez-vous vraiment que je me serais enfuie. Et il me semble vous avoir dit ne pas être venue seule, répliquai-je agacée de devoir discuter avec lui, il avait l'air d'un parfait idiot, et je n'avais pas l'habitude de dire ça de quelqu'un.
_ Alors où sont tes amis ?
_ Ici.
Un chuchotement parvint à mon oreille sans que je ne puisse en voir la source. Puis j'aperçus des trace de pas juste derrière mes agresseurs qui s'étaient tous deux déplacés devant moi et qui avaient les bras croisés, mécontent d'attendre encore leur réponse.
_ Allez viens Alphonse. Nous devons y aller, lâcha le plus vieux des deux hommes.
_ Non ! Cria son ami. Je veux savoir pourquoi elle nous espionnait ! Réponds-moi !
Il était très énervé et lorsque son regard croisa le mien, j'eus l'impression de m'écrouler. Je perdais mes forces. Mes genoux lâchèrent sous mon poids et je m'étalais au sol, ma tête frappant durement le sol avant de fermer les yeux et de sombrer dans l'obscurité.