Les jours défilèrent. Chacun était intéressant, je vivais avec Albin et mon frère. La construction de l’engin de l’ingénieur avançait. Thalion s’était révélé très doué en inscription.

Je me rappelais de quelques bribes de souvenirs selon lesquels l’étude et la mise en œuvre des inscriptions en magie était une chose plutôt compliquée que même certains mages accomplis ne maîtrisait pas parfaitement. Il y avait un an, avant que cet homme ne tue nos parents, Thalion ne parlait pas beaucoup de ses études magiques et ne pratiquait pas. Pas devant moi en tout cas. Il avait intégré l’académie avec près d’un an de retard à cause de son statut mais aussi de la distance de notre village à la capitale. De plus l’académie était élitiste et ne sélectionnait que les élèves savant déjà écrire, compter, lire, calculer et connaissant l’Histoire du royaume.

Il avait suivi pendant cinq mois des cours de rattrapage en compagnie de quelques autres enfants dans sa situation. Pour m’éviter de devoir suivre ces même cours et accéder en retard aux cours académiques, Thalion avait pris soin de m’apprendre à écrire, à lire, à compter, à calculer et m’avait donné un livre d’Histoire que lui avait offert l’école lors de son rattrapage.

Cela m’avait bien occupée et Thalion n’avait jamais pris la peine de me parler de magie. Mais après ce fameux soir, il ne faisait plus vraiment attention à pratiquer ou non devant moi. Je commençais à me questionner sur ce qu’il s’était passé lors de mon absence.

Ainsi, près de quatre semaines passèrent. Thalion avait fini depuis un certain temps toutes les inscriptions dont Albin avait besoin. Je me trouvais à nouveau à la fenêtre de la chambre que j’occupais. J’admirais la rue pavée, perdue dans mon esprit lorsque qu’un visage familier sortit d’une ruelle face à moi.

Le soleil atteignait son zénith et éclairait parfaitement l’individu. C’était une femme, avec de courts cheveux roux en pagailles et une tenue des moins populaires. Son ensemble noir caché sous une large cape moulait parfaitement son corps. Alors qu’un coup de vent fit s’envoler le côté droit de son manteau, je pus apercevoir une longue lame accrochée dans son dos. Le reflet du métal m’avait éblouie pendant quelques secondes et je la perdis de vue.

Il s’agissait de la femme qui, accompagnée de trois autres hommes, nous avait attaqué dans une ruelle. Elle avait gravement blessé mon frère même si celui-ci avait prévu la chose et s’en était sorti avec un peu de magie. Mon cœur commença à s’affoler. J’étais paralysée de peur. Elle était là. Tout près de nous. Même si elle ne savait peut-être pas où nous étions, elle était aussi à la capitale et peut-être nous cherchait-elle. Lors de notre première rencontre, elle avait employé le terme de « proie » et était donc à notre poursuite. Mais elle avait l’air seule et sa démarche semblait étrange.

Avant d’émettre toute hypothèse je me hâtai de retrouver Thalion, assis dans l’herbe presque inexistante du jardin d’Albin. Il avait les yeux fermés et semblait concentré. Malheureusement pour lui, la vue de la femme m’avait fortement inquiétée et je n’eus aucun scrupule à le déranger.

_ Thalion ! Lui criai-je en lui tapotant l’épaule.

Il ouvrit les yeux en grognant et le regarda ennuyé.

_ Qu’y a-t-il ?

Il me regardait et mon visage inquiet le mît sur ses gardes. Sans dire un mot de plus il se leva alors que je le tirais par la manche pour qu’il me suive. Nous arrivions à la fenêtre par laquelle j’avais aperçue la chasseuse mais c’était bien trop tard. Il était évident qu’elle ne souhaitait pas se faire remarquer en passant dans de petites ruelles. Je n’avais aucun espoir que mon frère eut pu la voir en le ramenant ici.

J’étais déçue d’avoir été naïve mais je lui racontai tout de même ce que j’avais vu.

Thalion me regarda pendant un long moment à la fin de mes courtes et laborieuses explications. Même pour quelque chose d’aussi simple je n’avais pas été capable de m’expliquer clairement. Le résultat fut qu’après plusieurs minutes et réexplications, mon frère était confus. Il avait compris l’essentiel. La jeune femme qui nous avait attaqués était à la capitale mais ne semblait pas exactement savoir où nous nous trouvions. Il me conseilla d’arrêter d’y penser pour aujourd’hui. Il m’assura qu’il resterait sur ses gardes mais je n’étais pas sereine. La dernière fois, c’était à peine si Léoni, pourtant chevalier respecte et craint, avait réussi à la mettre hors jeu. C’était une personne redoutable.

_ Bien, j’y retourne.

Je ne savais pas si je réfléchissais trop mais j’ai longuement pensé à ce que mon frère pouvait avoir comme opinion de moi.

Etais-je une froussarde à ses yeux ? Cela aurait bien été possible. Je devais être une petite chose fragile et traumatisée pour lui. Et c’est sûrement ce que j’aurais du être mais… quelque chose m’en empêchait. J’étais persuadée que mon envie de me venger me permettait de garder les idées claires quant aux événements récents. Pourtant autre chose me taraudait. Réveillée dans le même état qu’il y a huit mois, aucun besoin de deuil pour mes parents, la situation actuelle, bien qu’elle me faisait peur, me semblait presque normale. Comme si je l’avais déjà imaginée ou peut-être même, vécue.

Après été sortie de mes pensées j’entamais un livre et le fini tôt le soir. Je n’eus ensuite plus rien à faire et retournais dans mon esprit. Que pouvait-il vraiment s’être passé pendant ces huit derniers mois ?

Deux mois s’étaient écoulés depuis notre arrivée chez Albin. Nous n’avions pas eu de problème majeur depuis que j’avais aperçu notre chasseuse. Ce jour-là elle était simplement apparue puis avait tout simplement disparu.

Je n’étais pas beaucoup sortie mais la maison d’Albin s’était retrouvée être une source de trouvailles sans nom. J’avais trouvé beaucoup de choses à faire pour m’occuper et les rares fois où j’étais sortie à l’extérieur, je m’étais rendue à la bibliothèque pour emprunter quelques ouvrages. Le temps était ainsi passé et très rapidement la rentrée s’était approchée.

Aujourd’hui nous étions le 22 août. Précisément une semaine avant la rentrée à l’académie. Nous étions censés recevoir une liste de fourniture à acheter ainsi qu’une invitation pour rentrer dans l’école le jour de la rentrée. Ce jour-là j’eus appris que seuls les élèves possédant ce parchemin pouvaient entrer. Cela avait été mis en place pour éviter à des inscrits et nouveaux élèves de rester coincé devant le portail par les gardes d’entrée. En effet par le passé plusieurs élèves s’étaient vu refuser l’accès car ils semblaient trop jeunes ou trop vieux pour faire partis de l’académie de magie.

Il était relativement tôt le matin lorsque les lettres arrivèrent. Mon frère avait tout de suite ouvert sa lettre pour connaître sa classe alors que moi j’avais pris le temps de bien tout lire. Cela faisait bientôt deux mois que j’attendais avec impatience de participer à des cours de magie. J’étais avide d’en savoir plus grâce aux professeurs.

Il y avait deux papiers dans mon enveloppe une série de fournitures à acheter ainsi qu’un court mot du directeur. J’ouvris d’abord ce que le directeur avait écrit.

« Bonjour mademoiselle Valberton,

Nous sommes heureux de vous annoncer en ce jour que votre rentrée en classe de magie générale. Ci-joint vous trouverez une liste de fournitures à acheter. Un respect stricte de cette liste sera de rigueur.

De plus vous trouverez aussi dans cette enveloppe un billet d’entrée. Il agira comme laisser-passer au portail et de lien de repérage le jour de la rentrée pour aller jusqu’à votre salle de classe.

Nous vous informerons des autres formalités le jour de la rentrée scolaire qui aura lieue le 30 août à huit heures.

Cordialement

Salament Pierre, directeur principal de l’école de magie générale et supérieure. »

A la fin de la lecture, j’ouvris la seconde feuille. Une courte liste d’affaires à acheter u était inscrite.

« Voici la liste des fournitures à acheter en première année :

Histoire de la magie, de Mirande Calvi

Théorie de défense magique, de Gustave Offle

Théorie d’attaque magique, de Gustave Offle

Théorie d’utilisations de la magie, de Sova Nister

Les runes selon Valère Prisquio

Limnéin, de Vince Miran

Un uniforme scolaire sera fourni à la rentrée. Les affaires personnelles ainsi que les cahiers de cours sont à prévoir par les élèves.

Cordialement

Agarta Dimoxis, directrice adjointe et professeure de runes de l’école de magie générale. »

La liste était courte et assez vague. Six livres à acheter, l’uniforme était fourni et les affaires personnelles et de cours étaient à prévoir par les élèves.

Il n’y avait pas d’indications sur ce qu’il fallait emmener. De plus je n’avais ni ma classe ni un quelconque emploi du temps. Rien. Je fronçais les sourcils et me retournai vers mon frère qui avait laissé tombé son sourire pour un air déçu.

_ Je suis encore dans la même classe… Rien n’a changé en trois ans ! Ce satané directeur avait pourtant dit qu’il changerait tout… grogna-t-il dans son coin.

_ A quoi tu t’attendais ? C’est toujours le même gars qui est à la tête de l’académie, non ? Salament il me semble, rigola Albin qui était arrivé pendant la lecture de nos lettres.

_ Il avait pourtant dit qu’il changerait et même si je savais très bien qu’il ne ferait rien j’avais quand même un petit espoir…

Je ne dis rien. Je ne comprenais pas. Les classes étaient toujours les mêmes ? Et si c’était le cas alors comment cela se faisait-il que je n’ai pas encore de classe ?

_ Dis Thalion, je n’ai pas eu d’informations sur la classe ou les cours, c’est normal ?

Il me regarda, d’abord sans répondre avant de s’esclaffer.

_ Bien sûr ! Il y a presque neuf ans maintenant, un nouveau directeur est entré en poste. Il a installé un examen d’entrée pour placer les élèves en fonction de leur niveau. Ainsi les élèves avanceraient en fonction d’eux-mêmes et pourraient rester dans cette même classe pendant la suite de leur scolarité, commença-t-il. Mais moi je suis sûr que c’est juste pour qu’il ait moins de travail…

Il termina de parler en marmonnant. Ce Pierre Salament n’avait pas l’air d’être aimé. Mon opinion à son encontre se fit bien rapidement.

Malgré tout j’avais hâte de passer cet examen, de connaître ma classe et d’enfin commencer la magie. Mais un doute apparut alors. Serais-je séparée de Kay si nous n’avons pas le même niveau ? Mon inquiétude grandissait alors que j’y réfléchissais. Kay étaient doué en magie et pratiquait depuis quelques temps déjà.

_ Thalion… Cela veut dire que je ne serai pas avec Kay ? Je ne connais personne à part lui. Je ne veux pas me retrouver seule.

Mon frère me regarda avec des yeux mi doux mi amusés.

_ Tu pourrais être surprise de ce que prépare ce cher directeur. Je ne serais pas étonné si tu entrais dans cette classe là.

Que voulait-il dire ? Ne pouvait-il pas être clair ? Je regardai Thalion, attendant qu’il développe.

_ Il y a une classe particulière. Cela fait maintenant an qu’elle a été créée. Je ne t’en dirai pas plus. C’est une surprise. Tu verras, tu vas t’apercevoir que tu connais en fait plus de personnes que tu ne le penses.

Il resta énigmatique. Je soupirai de frustration. Ah ! Ce que je détestais quand il ne me disais qu’une partie des choses. Et puis d’ailleurs, pourquoi était-il presque certain que je serai dans une telle classe ? Il avait dit particulière et cela m’intriguais. Malheureusement pour moi, je ne pouvais rien savoir avant d’y être.

_ Alors petite Anthéa, dis moi ce que tu dois acheter.

Je sortis de mes pensées pour le regarder. Je repris la liste de fournitures et lui dit simplement.

_ Un total de six livres et sûrement quelques cahiers et plumes aussi.

_ C’est tout ? Demanda-t-il surpris.

J’acquiesçai et il me prit la feuille des mains. Son regard parcourut rapidement l’ensemble de la page avant de se poser sur moi. Ses sourcils étaient légèrement froncés.

_ Qu’y a-t-il ?

_ C’est juste que… D’habitude il y a une explication des options ainsi qu’un explicatifs sur l’emploie des armes et de la magie a l’intérieur de l’école. Tu n’as même pas de parchemin de téléportation. Même sis d’après ce que j’en lis, tu as une sorte de carte magique pour te mener à ta classe. C’est déjà ça.

Il me manquait des choses ?

_ Est-ce important ?

_ Oui et non. Disons qu’un règlement est toujours important mais ce n’est pas une catastrophe si tu n’as rien. Enfin bon, je dois te laisser j’ai du pain sur la planche. Nous irons demain acheter tout ce dont vous avez besoin ton frère et toi.

J’acceptais et alors qu’il partait, je pris un nouveau livre posé sur mon lit et entamais ma lecture.