« L'incompréhension est un sentiment qui mène souvent à un doute. » Inconnu

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Je regardais mes poings serrés. Mes ongles s'enfonçaient dans ma paume et me faisaient mal. Je desserrais lentement mes mains et relevais la tête. Ce n'était qu'à ce moment-là que je remarquais qu'il y avait quelqu'un dans la chambre. Cette personne était assise sur le lit de mon frère et m'observait avec attention. C'était une femme élégante, jeune et incroyablement belle. Ses longues boucles blondes retombaient sur ses épaules. Elle portait une robe blanche digne des meilleurs couturiers du royaume. Un chapeau large tout aussi blanc trônait sur sa tête. Elle passait ses yeux de partout sur moi. Allant de mes cheveux à mes pieds. Elle ne disait mot. Je m'apprêtais à lui dire quelque chose mais elle me fit signe de me taire. Plusieurs secondes s'écoulèrent, je commençais à en avoir marre. Déjà entrer chez quelqu'un sans sa permission était interdit. Ensuite elle m'intimait de me taire alors qu'elle s'était introduite dans ma chambre, encore une fois, sans ma permission.

_ Qui êtes-vous et que faîtes-vous dans ma chambre ? M'offusquai-je.

Elle remit un doigt devant sa bouche et me fit taire. Cette personne devait être un mage puissant car le sort de contrôle était un sort assez compliqué lui aussi. Je ne pouvais plus parler alors je me résignais à rester assise sur mon lit face à elle. Au bout de plusieurs minutes qui me semblèrent des heures elle claqua des doigts puis sortit par la porte. Je pus à nouveau parler mais avant que je ne puisse me lever pour courir après la femme, mon ami le demi-homme entra. Non mais c'est quoi tout ce bazar, pensai-je mais au vu de la tête qu'il faisait je devinais aisément que j'avais parlé à voix haute.

_ Quel bazar ? Je la trouve plutôt bien rangée ta chambre.
_ Non ce n'est pas ma chambre le bazar, c'est ma vie, dis-je tristement.
_ Que s'est-il passé ? S'agita-t-il.
_ Depuis hier des choses vraiment très étrange font irruption dans ma vie. Je ne contrôle plus rien.
_ Pourrais-tu m'expliquer ce qu'il s'est passé ? Je pourrais peut-être t'aider ?

Sa voix étais douce et calme. Il s'approcha de moi et on s'assit tous les deux sur mon lit, face à face. Il me fixa, attentif à ce que j'allais dire.

_ Bon... Très bien... Alors commençons, bafouillai-je.

Je lui racontais toutes les choses étrange qui m'étaient arrivées depuis que je m'étais retrouvée dans cette forêt. En lui racontant tout cela un minuscule détail pourtant d'un grande importance surgit dans mon esprit. Lors de mon réveil dans la forêt d'Anglefort c'était un cri qui m'avait réveillé pourtant dans mes souvenirs aucune personne n'avait crié lorsque je m'étais évanouie. Au contraire un silence incroyable pesait sur le village. Je fis part de ma réflexion à mon ami.

_ Oui c'est vrai. Je ne crois pas que l'on m'ait parlé de ça. Il faudra que je demande, dit-il, pensif.
_ Que tu en parles à qui ?
_ A personne, se reprit-il.

Il avait piqué ma curiosité mais je n'insistais pas. Il se leva et tourna en rond au centre de la pièce en marmonnant des choses. Je ne pus saisir que deux mots formant une minuscule phrase : "Pourquoi maintenant ?". Il continua à tourner en rond jusqu'à ce qu'il ait la tête qui tourne et qu'il tombe à terre. Il regarda le plafond tout en continuant de marmonner des choses incompréhensibles.

_ Tu ne veux pas m'aider au lieu de faire... ça ? Demandai-je en montrant ce qu'il était en train de faire.
_ Oui mais ce n'est pas possible... continua-t-il.
_ Alors ? Lui criai-je dans les oreilles pour qu'il me réponde au lieu de baragouiner.
_ Ah ! Non mais ça va pas la tête ! Tu m'as casser le tympan, hurla-t-il en se relevant et en frottant son oreille.
_ Désolée mais ça fait bien cinq heures que j'essaie de t'appeler.
_ Cinq heures ? Non mais tu plaisantes j'espère, paniqua-t-il.
_ Oui. Mais tu peux m'aider ?
_ Techniquement parlant je ne peux pas t'aider mais je peux te dire quoi faire.

Il me jeta un coup d'œil avant de reprendre.

_ Quand verras-tu ton frère ?
_ Il m'a donné rendez-vous sur le chemin des tourtereaux à minuit.
_ Tu lui parleras seulement des hommes qui veulent te tuer et de cet assassin. Pour ce qui est du blessé fais ce que tu veux. Par contre ne parle à personne des deux mages. Oublies-les, tout simplement.
_ Mais et si ils veulent me tuer ? m'inquiétai-je.
_ Ils ne veulent pas te tuer, m'assura-t-il mais en voyant mon regard incertain il ajouta. Je te le promets.

J'acquiesçais et il se retourna vers la porte.

_ Tu sais quelle heure il est ?
_ Il doit bientôt être vingt-et-une heure. Tu veux dormir ?
_ J'aimerais mais j'ai peur de ne pas me réveiller à l'heure, minaudai-je.

Il claqua des doigts et une rune apparut sur ma table de chevet. N'ayant presque aucune connaissance en magie, je ne pus savoir à quoi elle servait.

_ C'est une rune de réveil. Elle est programmée pour te réveiller à vingt-trois heures trente.

Il partit et je me mis au lit. Mon sommeil fut très léger et dérangé par tous les évènement récents. Je finis tout de même par dormir deux petites heures. Je fus réveillée par un cri strident. Je sursautai et vis une lumière rouge criarde illuminer toute la pièce. Je tournai la tête vers sa source et je remarquai que c'était la rune. Ce devait être le processus de réveil. Quant au cri je ne savais pas d'où il venait. J'espérais simplement qu'il ne vienne pas du village. Avant de sortir de ma chambre je jetai un léger coup d'œil à mon reflet. Ma coiffure ne s'était pas défaite et j'étais présentable. Je pris une lampe de feu et partis rejoindre mon frère.

Dehors tout semblait calme et le hurlement devait être l'effet de mon imagination. Mais ce qui semblait étrange c'est que ce qui m'avait réveillée ressemblait fortement à celui de la forêt. Le même timbre de voix, la même panique, le même ton et la même longueur. Ils étaient presque en tous points identiques. Seul un détail faisait que ce n'étaient pas exactement les mêmes. Ce que la personne avait crié. C'est comme si pour le premier on avait crié "Gare à vous !" et que dans le deuxième on avait crié "Garde à vous !".

Alors que je réfléchissais à cela j'arrivais à destination. Mon frère n'étant pas encore là je m'assis sur un banc en regardant les étoiles. Le ciel en était parsemé mais ce n'était pas les étoiles qui m'attiraient tant dans le ciel bleu nuit. Des nuances de bleus se mélangeaient, se disputaient pour un bout de ciel, s'éclaircissaient autour des étoiles et de la lune...

Le ciel... Quel magnifique tableau... pensai-je.

Les nuages, n'étant pas présents, laissaient apparaitre des étoiles filantes. Je ferma les yeux et adressai une prière aux dieux tout puissants. Dans le monde entier les dieux étaient vénérés. Aucune personne saine d'esprit ne nierait leur existence. Ils leur arrivaient de répondre à nos prières ou de les exaucer. Je fis un vœu tout en priant pour qu'il soit reçu par un dieu en particulier. Sothos, le dieu de la vérité. Je voulais à tout prix savoir ce qu'il s'était passé ces derniers mois. Je terminais mon souhait et je sentis quelqu'un s'assoir sur le banc. J'ouvris les yeux et remarquai mon frère, épuisé.

_ Ce n'est pas prudent pour une jeune fille de se balader toute seule dehors en pleine nuit. Surtout lorsque des personnes veulent sa mort.

Il me lança un sourire épuisé. Je le lui rendis avec un once d'inquiétude qu'il vit dans mon regard.

_ Ne t'en fais pas pour moi. J'ai seulement dû courir à droite, à gauche. J'ai les jambes en coton maintenant, feigna-t-il mais en voyant que je ne le croyais pas il passa à autre chose. Je ne t'ai pas demandé de venir ici pour parler de moi. Je voulais te parler de toi et de cet assassin.
_ Tu veux savoir ce qu'il s'est passé pendant ces huit mois ?
_ Oui mais pas seulement je voudrais aussi que tu me racontes ce que tu sais sur l'assassin qui a tué nos parents, a-t-il expliqué en serrant les dents.

Il avait l'air de ne pas supporter leur meurtre. Le fait que cette chose soit encore en vie. Je pense qu'il n'arrivait pas à faire son deuil. D'ailleurs c'était bizarre mais le mien n'avait pas vraiment eu lieu.

_ Je ne sais rien de lui... Désolée.
_ Tu ne sais pas non plus à quoi il ressemble ? Demanda-t-il gentiment même si je voyais que ca l'affectait beaucoup plus qu'il ne le laissait paraitre.
_ Si. Déjà c'était un humain. Ce n'était pas une créature démoniaque. Il avait des yeux bleus très sombres et il avait aussi pleins de cicatrices sur tout le visage. C'est tout. Je n'ai pu voir que ça à cause de son manteau.
_ Un humain, tu dis? Il ne devait pas être oranien dans ce cas-là, réfléchit-il. Il parlait dans une langue qui m'était et qui m'est toujours inconnue. Ce n'est pas grave. On le trouvera bien un jour. Mais passons. J'aimerais beaucoup savoir ce que tu as fait ces huit derniers mois.

Je me crispai à l'entente de ce souhait. Je ne savais quoi lui dire. Lui dire la vérité serait sûrement le meilleur à faire mais en même temps il risquait de ne pas me croire. Je tournai la tête vers mon frère prête à lui mentir mais une silhouette m'attira. C'était encore un mage. Grand et affublé d'un chapeau, je ne l'avais jamais croisé. Il volait à ras du sol et m'observait. Je l'ignorais totalement et reposais mon regard sur mon frère. Il me regardait d'un air douteux. Je n'aimais pas que des secrets s'installent entre nous. Le voir en incompréhension totale sur ce qui m'était arrivé après l'assassinat de mes parents me décida à lui dire la vérité.

_ Je n'en sais rien. Après m'être évanouie dans le maison avec la dague de l'assassin dans mon abdomen, je me suis directement réveillée dans la forêt. J'étais exactement dans le même état que il y a huit mois. J'avais seulement une égratignure au front, lui avouai-je.

Il me regarda quelques instants sans esquisser le moindre geste. Il semblait être en train d'essayer de comprendre mais tout comme moi il resta dans l'incompréhension. Son regard divagua alors sur tout ce qui se trouvait autour de nous pour enfin s'arrêter sur l'homme. Celui-ci disparut aussitôt laissant mon frère croire qu'il hallucinait.

_ Il y avait un homme ici. A l'instant. Je t'assure que je l'ai vu.
_ Ce devait être une ombre. Moi je n'ai rien vu.

Il abandonna mais je savais qu'il n'y croyait pas parce qu'il me prit les mains.

_ Demain à midi nous partirons pour la capitale. Là-bas je t'expliquerais tout ce que tu veux savoir. En commençant par cet homme blessé.
_ Oui mais pourquoi devons-nous partir maintenant? La rentrée n'est que dans trois mois.
_ Je pensais aller t'inscrire dans un mois mais de toute façon il faut que je vois quelqu'un.

Je vois il ne savait donc pas que j'étais en vie et que je pourrais aller à l'académie. Je restais cependant confuse quant à la personne qu'il devait voir. Nous ne connaissions personne à la capitale. Et quand bien même on en aurait, je doute fortement qu'ils acceptent de nous héberger. Thalion avait sans doute déjà tout prévu.

On se leva et rentra chez nous. Le village plongé dans la nuit était assez effrayant. Les rues désertes et l'absence de lumière le rendait triste et sans vie. Tous les habitants dormaient déjà à cette heure-ci et aucun feu n'éclairait les cheminées à cette époque de l'année. Demain nous partions pour nous rendre dans une ville éclairée, une ville animée. Très animée.