Je me réveillai, ce n'était qu'un rêve. Je m'apprêtais à bouger mais une douleur atroce venant de ma jambe et de mon épaule me décrocha un long et douloureux hurlement aigu à réveiller tout le quartier.
Je veux mourir, me répétais-je en boucle dans mon esprit.
Cette souffrance était insupportable. Comment m'étais-je fais ça ?
Des voix me parvenaient, venant d'un monde lointain, sans que je ne puisse en déchiffrer le sens. J'étais allongée, par terre je crois. Je sentais des mains m'agripper de toutes parts puis une d'entre elles envoya une vague de chaleur à tout mon corps. Cela ne fit pas disparaître la douleur mais l'atténua assez pour que j'arrête de crier et que je puisse ouvrir les yeux.
Quatre visages m'apparurent. De personnes familières. Un des visages était mouillé. Je levais ma main vers lui et essuyais ses larmes.
_ Tout va bien, Thalion, je n'ai rien, le rassurai-je.
_ Non, tu hurlais à la mort. Tu es brulante en plus de ça. Qu'est-ce qu'il y a eu ?
_ Rien.
_ Non Anthéa ! Il n'y a pas rien ! Nous t'avions perdue alors on t'a cherché et quand on te retrouve enfin, tu es en train de crier ! Cria mon frère.
_ Ne te mets pas en colère. Elle ne sait peut-être vraiment pas, essaya Léoni.
_ C'est juste que j'ai eu tellement peur, murmura Thalion.
Ses pleurs redoublèrent d'intensité et il me prit dans ses bras.
_ Thalion, j'ai mal.
Il se retira et quelqu'un d'autre approcha, je tournai la tête vers lui et fut surprise de trouver le demi-homme.
_ Ne l'approche pas. Nous ne savons pas qui tu es ni quelles sont tes intentions. Si ça se trouve c'est toi qui l'a mise dans cet état, lui lança Thalion.
_ S'il te plaît, arrête, le suppliai-je dans un râle.
Il s'écarta et laissa mon ami passer. Il me fit un petit sourire et posa sa main sur mon front.
_ Un sort ? S'exclama le chevalier. C'est quoi comme genre de sort ?
Il s'accroupit à côté de l'homme poilu.
_ Je cherche à déterminer la cause de sa douleur, mais je ne vois absolument rien.
Léoni se mordit la lèvre et lança un sort à son tour. Sur moi bien entendu. Je lâchai un nouveau petit cri soudain.
_ Arrête ! Qu'est-ce que tu fais ? Hurla encore mon frère.
Plus rien. Je n'avais plus mal nul part. Je me redressai et observais Léoni. Il cachait quelque chose. Il connaissait l'origine de mes problèmes et avait trouvé le bon sort du premier coup. Même mon ami à poil qui savait pourtant beaucoup de chose n'avait pas su trouver pourquoi je souffrais.
_ Tu devrais restée à terre, marmonna le Saint-Chevalier. Je voudrais te poser des questions seul à seule.
_ Oui bien sûr.
Je commençais à me relever mais il m'en empêcha.
_ Je t'ai interdit de te lever. On ne sait jamais, j'ai peut-être manqué quelque chose.
Je soupirai et me calai contre un arbre. Les autres s'éloignèrent un petit peu.
_ C'était très effrayant, chuchota Kay à mon oreille.
Il m'arracha un petit sourire même s'il n'y avait pas de quoi rire. Il partit et Léoni s'approcha de moi.
_ Je peux ? Demanda-t-il en pointant l'arbre qui me servait de dossier.
_ Bien sûr.
Il s'assit, épuisé puis souffla un bon coup avant de commencer.
_ Tu as fait un rêve, n'est-ce pas ?
Je lui jetai un coup d'œil pour être sûre de ce qu'il avait dit. Il avait la tête baissé et semblait sérieux.
_ Oui.
_ Quel genre de rêve c'était ?
_ Dangereux.
Je repris lentement ma respiration. Ce rêve était effrayant. Il était presque réel mais comment une telle créature pouvait exister ?
_ Avais-tu l'impression de souffrir toi aussi ?
J'étais très surprise. Je m'attendais à ce qu'il sache ce qu'il s'était passé mais pas autant. Je me décalais pour me mettre à genoux devant lui. Il sourit de ma réaction, il avait eu sa réponse.
_ Donc toi aussi. Je ne m'y attendais pas vraiment. Je pensais que c'était Thalion. C'est le premier à avoir survécu après ton assassinat. C'est aussi lui qui était le plus doué en magie tandis que toi tu n'y connaissais absolument rien. J'étais persuadé que c'était lui et je n'ai pas assez fait attention à toi.
Il murmura sa dernière phrase et releva la tête pour me regarder droit dans les yeux.
_ Pourtant c'est bien toi. Je le vois dans tes yeux, cette force qui n'appartient qu'à nous.
_ De quoi parles-tu ?
_ Des gardiens, abrégea-t-il comme si c'était une évidence.
Gardien... J'en avais déjà entendu parler. Cet étrange mage monté sur un cheval y avait fait allusion. Il voulait rencontrer un gardien. Faisais-je vraiment partie des gardiens ? Et qui étaient-ils ?
_ Je vois tu ne savais rien.
_ Pas vraiment non mais qui sont-ils ?
_ Qui sommes-nous tu veux dire ? Corrigea-t-il avec son immense sourire de retour sur son visage.
Son air grave avait disparu laissant place à son éternelle bonne humeur.
_ Tu te rappelles de l'histoire de la magie que je t'ai raconté il y a peu ?
_ Bien sûr. C'était celle sur la Grande Guerre. Quand les anges et les démons ont disparus.
_ Exact. Cette fameuse prophétie parlait de nous. Treize enfants devaient naître avec d'immenses pouvoirs censés surpassés les dieux. Ils devaient apprendre toutes les magies pour par la suite prendre la place de nos dieux actuels. Bien sûr tout cela était insensé à l'époque. Les démons étaient bien ravis que les dieux soient remplacés par des enfants, ainsi les dieux disparaîtraient pour laisser la place à des enfants. Le seul problème étant les pouvoirs presque inexistants des humains. Mais les démons de s'arrêtèrent pas à ça. Grâce à leur magie, qui égalait autrefois les dieux, ils donnèrent de la magie aux Hommes. Et après tu connais la suite.
_ Donc les gardiens sont de futurs dieux ?
_ Pas exactement. Nous n'avons pas la prophétie entière, mais, en réalité ce serait plutôt comme des rois immortels.
_ Donc des dieux non ? S'ils sont immortels et que ce sont des êtres surpuissants, c'est que ce sont des dieux, raisonnai-je.
_ Les rois sont remplaçables, par des descendance ou par coup d'état, non ?
_ Donc ils seraient immortels jusqu'à ce qu'un de leurs descendants les remplace.
_ D'après ce que les prêtres pensent, il s'agirait plutôt d'une personne choisie par un gardien.
Tout était confus dans ma tête. Mais je ne croyais pas que moi je puisse en être une. D'accord beaucoup de choses étranges qui m'arrivaient étaient en rapport mais peut-être était-ce seulement une erreur ?
_ J'ai l'impression que tu ne me crois pas vraiment, dit Léoni me sortant de mes pensées.
_ C'est juste que j'ai dû mal à croire que de tels humains puissent exister. S'il y avait vraiment des personnes, sur terre, possédant des capacités dépassants celles d'un dieu, on le saurait.
_ Pas si ces pouvoirs sont inexistants à la naissances et apparaissent avec le temps.
_ Comme si quelqu'un les avait bridés pour les faire réapparaître plus tard ? Demandai-je d'un coup curieuse.
_ Oui mais je me demande comment cela peut-être possible.
Il retourna dans ses pensées et moi dans les miennes. Cependant il ne me laissa pas le loisir d'y rester et me prit par la main.
_ Il faut qu'on retourne avec les autres. Et je suis sûr que ton ami à poil a besoin de toi, ria-t-il. Juste n'en parle à personne. Au moins pour le moment. J'ai la certitude que Thalion n'en ai pas un mais en ce qui concerne Kay je ne sais pas. Ça fait pas mal de temps que je le connais et il est vraiment très fort pour une personne de son âge.
_ Il est possible que lui aussi en soit un ?
_ Oui.
La conversation s'arrêta là. Le chevalier nous conduisit à l'endroit où étaient nos amis en les repérant grâce à l'énergie qu'ils dégageaient. Ils étaient assis à l'orée d'une clairière lumineuse.
_ Aïe ! Non mais ça va pas la tête !
_ Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Demandai-je perdue.
_ Oh ! Anthéa ! Tu es revenue ! Sauves-moi, s'il te plaît ! Il veut me manger, me supplia mon ami poilu.
Il vint se cacher derrière moi et Kay courut à sa suite. Léoni alla s'asseoir à côté de son ami.
_ Au fait Anthéa, tu ne nous as pas présenté ton animal.
_ Je ne suis pas son animal ! Beugla le demi-homme.
_ Je pense qu'il peut se présenter tout seul.
_ Oui pardon, s'excusa le concerné. Je m'appelle Fallon.
_ Tu t'appelles comme ça ?
Il se tourna vers moi et écarquilla les yeux.
_ Je suis désolé, je ne pensais pas utile de te le dire.
_ Ce n'est pas grave, souriais-je tout de même déçue.
_ Tu ne savais pas comment il s'appelait ! Fut surpris mon frère.
_ Je vous assure que je suis de votre côté.
_ Et tu es de quelle espèce ? Le questionna Kay.
_ Je ne suis pas un animal ! Cria Fallon, voyant venir les blagues. Je suis un demi-homme. Mi-homme, mi-tarse.
_ Une tarse ! S'étonnèrent les garçons.
_ Ce n'est pas une de ces espèces qui vit sur l'autre continent ? Demanda Léoni.
_ Si, c'est exact.
_ Mais alors comment se fait-il que tu sois ici, dans le royaume d'Orane ?
_ Je suis en mission ! Lança-t-il, fier.
Je m'intéressai tout particulièrement à ce qu'il allait dire par la suite.
_ Quel mission ? Demanda Léoni, le regard curieux et soudainement méfiant.
_ Ne t'inquiète pas. Disons que l'on m'a donné le même ordre qu'à toi.
_ Qui ?
_ Secret.
Le chevalier le dévisagea dans un silence absolu ne laissant entendre seulement le crépitement des flammes et les vent froissant les feuilles des arbres. Puis il leva la main, paume tournée vers le demi-homme.
_ Que vois-tu ?
_ Une fleur, dit Fallon.
_ Où ? Demandai-je ne voyant rien même en me tenant juste devant sa main.
_ C'est de la magie. Tu apprendras plus tard, m'expliqua le chevalier. Donc tu sais vraiment utiliser la magie. Je n'en étais pas sûr au début.
Puis Thalion se leva et envoya une boule de feu sur l'homme-animal. Heureusement il fit apparaître un bouclier juste à temps pour se protéger.
_ Qu'est-ce qui te prend ? Beugla Léoni.
_ Je vois que tu sais te défendre. Tu comptes rester avec nous ?
_ Jusqu’à la capitale ensuite je devrai repartir.
_ Parfait ! Tu pourras t'occuper de la protection de ma petite sœur.
_ Oh ! D'accord, c'était un test ? Compris le Saint-chevalier.
_ On va dire ça... dit Thalion en une moue peu convaincante.
Ils retournèrent tous s'asseoir tandis que j'étais toujours debout à réfléchir à quelque chose dont j'essayais désespérément de me rappeler le sujet.
_ Tu ne veux pas te reposer Anthéa ?
Je tournai la tête vers mon interlocuteur, Kay. Mes yeux glissèrent rapidement sur la faux qu'il portait encore sur son dos et une soudaine révélation vint à moi.
_ Fallon ! N'y avait-il pas deux hommes avec moi tout à l'heure ?
_ Si mais je ne ressens plus rien. Au moment où tu es tombée, ils se sont téléportés et je n'ai pas pu les suivre.
_ D'accord... soufflai-je exténuée.
_ Je crois bien que tu es épuisée, murmura mon frère en passant derrière moi. Tu devrais dormir un peu, nous irons voir ce magnifique endroit demain.
_ Oui je suis totalement d'accord, baillai-je.
De plus que cette lettre écrite de ma main me faisait peur. Je n'avais pas l'intention d'aller à la rencontre d'une quelconque personne, surtout pas ce soir. Il était aussi possible que ce soit un piège, ce qui me rassurait dans mon choix de ne pas m'y rendre.
Je me dirigeai vers un arbre près du feu. Mon frère s'assit contre l'arbre et m'indiqua ses cuisses. Je m'assis à mon tour et m'allongeai, tête sur lui puis fermai les yeux. Je tombai dans un sommeil profond juste après que Léoni eut prononcé un dernier mot.
_ Rêves...