Le corps tomba d’un trou dans le plafond et s’écrasa avec fracas sur le sol du vieux bar et dans la poussière qui s’était accumulée au fil du temps.

Le détritus humain s’écrasa près de nous et un nuage de poussière s’éleva jute après que le vent ne se soit éteint. La seconde d’après, le corps se redressa et un chaste coup de vent se manifesta pour disperser la poudre grise qui nous brouillait la vue.

Je toussai à cause des particules de saletés qui s’étaient faufilés dans ma gorge et dans mes yeux et observai la personne tombée du ciel qui avait causé toute cette pagaille.

Une personne se tenait tant bien que mal près de moi.

_ Non mais ça va pas la tête ! Tu n’avais pas vu qu’il y avait des gens en dessous ? Cria une voix infantile et masculine.

_ Nanana, répondit la même voix.

S’étirant de tout son long, le petit garçon tombe du plafond jeta enfin un regard autour de lui. Il posa ses yeux sur Léoni puis sur la princesse et enfin sur Kay et moi.

L’enfant, qui faisait la même taille que moi et avait sûrement à peu près le même âge, était décoiffé avec des cheveux bruns assez longs si tant était que c’était un garçon. Ses yeux d’un vert totalement uni brillaient d’un éclat innocent.

Après s’être rendu compte qu’il était tombé à côté de ces « gens » qui étaient « en dessous », il se présenta sous quelques contraintes.

_ Déjà ? Vous avez fait vite, non ?

_ Au contraire, nous sommes en retard, rétorqua Léoni avec un pointe de reproches.

_ D’accord, ça va, ça va, dit-il avant de s’adresser à Kay. Je suis Andor Falite. Ravi de te rencontrer.

_ Kay, Kay Distopy.

Il se serrèrent la main puis Andor se plaça devant moi et recommença.

_ Je suis Andor Falite. Ravi de te rencontrer.

_ Anthéa Valberton.

Il ne me tendit pas sa main mais ne bougea pas pour autant, il semblait réfléchir à quelque chose.

_ Valberton… Valberton…

Il n’eut pas le temps de penser plus longtemps parce qu’une nouvelle bourrasque vint s’abattre sur lui et un cri résonna.

_ Idiot !

La même voix que le petit garçon. L’écho de tout à l’heure.

Le vent disparut à nouveau pour la dixième fois de la journée et un nouvelle personne venait d’arriver aux côtés d’Andor.

_ C’est la petite sœur de Thalion. Espèce d’andouille !

Même tête, même visage, mêmes yeux, mêmes cheveux bien que ceux de cette personne étaient coiffés, même voix et même corpulence. Aucun doute là dessus, ces deux enfants étaient jumeaux. C’étaient même des clones en fait.

_ Je m’appelle Lamia. Je suis la jumelle de cet idiot, se présenta le nouvel arrivant avec un sourire plaqué sur le visage.

Ils étaient identiques pourtant quelque chose me disait qu’en trouverais un moyen de les différencier.

Donc le premier, Andor, était un garçon. Et le… la deuxième était une fille, Lamia. Ils semblaient avoir l’âge de Kay. Mais ils se ressemblaient comme deux goutes d’eau et leurs traits étaient un mélange entre le féminin et le masculin.

_ Nous sommes heureux de vous revoir et de vous rencontrer pour certains. Nous sommes… commença-t-elle.

_ Toujours fourrés avec Thalion ? Et ses meilleurs amis. Il nous adore ! Lança et termina Andor, il me semblait.

_ Je ne suis pas si sûr de ce dernier point, marmonna le jeune chevalier.

Andor ne sembla pas l’entendre puisque Lamia intervint presque en même temps.

_ Nous passons en quatrième année d’études magiques. Comme ton grand frère.

_ En quatrième année ? Mais c’est la dernière du premier cycle ! Vous avez quel âge pour être au même niveau que son frère ? S’exclama Kay, surpris tout comme je l’étais.

_ On a eu treize ans cette année. Pourquoi ? On ne les fait pas ? Demanda innocemment Andor.

Kay secoua la tête pendant que je les regardais, perdue. Étaient-ils réellement plus vieux que mon frère ? Pourtant avec leur voix enfantine, leur taille identique à la mienne et leur comportement, j’aurais parié qu’ils avaient à peu près l’âge de Kay.

_ Peu importe, ce n’est pas très important, finalisa la jumelle. Vous vouliez qu’on se réunisse, pourquoi ?

Toutes les têtes se tournèrent vers Liane. Un sourire diabolique se dessina sur ses lèvres délicates.

_ Ils entrent en tant que premières année. Je me suis dit qu’un petit baptême de la magie s’imposait ? N’est-ce pas, mes chers amis ? Annonça-t-elle.

Les jumeaux sourirent aussi diaboliquement que leur amie et le chevalier comique commença à se rapprocher de Kay et moi.

Ce n’était pas que j’avais peur de ce qu’ils allaient me faire mais… Disons que je n’étais pas très sereine face à l’idée de les laisser m’approcher avec des idées aussi saugrenues en tête.

Une nouvelle bourrasque s’éleva. Cette fois-ci elle semblait bien plus forte mais pas violente pour autant. Mes cheveux se remirent à voler, tout comme ceux de Liane. Je plaçai mes mains pour attraper le bas de ma robe pour qu’elle ne s’envole pas avant de me rappeler de la tenue que je portais.

Le vent m’asséchait les yeux, si bien que je dû les fermais afin de pouvoir y voir clair à nouveau lorsque tout ce serait apaisé.

Au bout de quelques secondes, rien n’avait changé contrairement aux fois précédentes où cela s’était vite dissipé. Un fourmillement parcourut mon corps mais prit source à la pointe de mes orteils. Soucieuse d’être encore vivante, je me risquais à ouvrir les yeux pour regarder l’origine de cette sensation. Je découvris, paniquée, que mes pieds s’étaient décollés du sol et que j’étais, désormais, en train de voler.

Je planais déjà à une cinquantaine de centimètres du plancher du bar. Puis tout à coup, sans prévenir, le vent chuta et la température suivit. Je refermai automatiquement mes yeux. La disparition du vent ne m’avait cependant pas fait redescendre sur la Terre ferme. Maintenant, mes dents claquait mais mon corps montait toujours plus haut dans les airs.

Grâce au vent qui s’était calmé, je pouvais voir autour de moi ce qu’il se passait. Était-ce ça le baptême de la magie dont Liane parlait tout à l’heure ?

A ma droite, Lamia était allongée dans le vide, presque en train de dormir. Elle semblait plus à l’aise dans les airs que sur ses pieds.

Juste à côté d’elle, il y avait Andor et Léoni. Ils s’entendaient bien et marchaient sur un sol inexistant. Plus précisément, ils se tenaient les mains et tournaient en rond.

En face d’eux se tenait Kay qui ne semblait pas dérouté plus que ça mais essayait tout de même de se rapprocher de Liane pour s’y accrocher.

J’observais cette scène en silence, bien moins paniquée et beaucoup plus calme qu’il y avait quelques instants. Nous flottions tous dans les airs. Un calme assourdissant se faisait entendre, pour autant je pouvais bien voir les bouches de mes amis s’ouvrir et se refermer comme s’ils parlaient, mais je ne pouvais rien entendre.

J’allais ouvrir ma bouche pour m’exprimer lorsque ma tête entra en collision avec quelque chose. Je la frottais pour atténuer la douleur puis jetai un œil à ce qui m’avait fait mal.

Un plafond se tenait à quelques millimètres au dessus de moi. Autour de nous, le grenier et dernier étage du bâtiment nous faisait face. Sous nos corps en suspensions dans les airs, de larges trous dans les planchers des différents étages formaient un passage jusqu’au rez-de-chaussée, ce qui avait été autrefois un bar.

Je levai à nouveau mes yeux vers mes amis avant qu’une nouvelle bourrasque n’apparaisse et nous déplace sur le plancher du grenier. Contrairement au reste du bâtiment, le grenier semblait en meilleur état bien que cela soit inhabituel pour cet espace.

Le vent se dissipa et ne reparut pas, ce qui me calma et me conforta dans mon envie d’être protégée. Ces allées et venues de la part des bourrasques ne m’avaient pas du tout enchantée. Mes cheveux non plus, ils avaient besoin de plus qu’un coup de brosse.

Je fixai mes pieds heureuse d’avoir retrouvé ce qu’on pourrait appeler la terre ferme. Le sol sous nos pieds grinçait un peu mais il n’était rien comparé à l’étrange musique qui résonnait ici. Je ne m’en étais pas rendue compte avant parce que j’étais trop occupée à me remettre de mes émotions mais ce son mélodieux provenait d’une porte en bois tout au fond d’un couloir relativement large mais long. Les autres avaient eux aussi posé pieds à terre et regardaient le battant qui m’intriguait.

Andor fit un pas mais fut vite arrêté par une lame de vent qui entailla profondément le bois à quelques centimètres de ses pieds.

_ Si tu fais un nouveau pas, cette fois-ci tes orteils partiront, chuchota une petite voix que je reconnus comme étant celle de Lamia.

Le vent. Le vent et les bourrasque qui apparaissaient sans arrêt depuis notre entrée dans cet endroit était l’œuvre de la jumelle. Je me sentis bête de ne pas l’avoir compris plus tôt. C’était tellement évident.

Mais pourquoi menacer son frère de la sorte alors qu’il n’avait fait qu’avancer vers la pièce que nous regardions tous ?

_ Un Caraminaru… murmura Kay à côté de moi.

_ Qu’est-ce que c’est ? Chuchotai-je à mon tour de peur de perdre quelques orteils.

_ Une espèce rare de créature du Lagon d’Or, répliqua Lamia toujours d’une voix basse.

_ Que fait-elle ici ? Demanda le jeune fantôme curieux de cet animal qui m’était totalement inconnu.

_ Nous l’avons découverte avec Liane lors d’une… balade au Lac d’Aragon. Nous pensons qu’elle s’est perdue mais elle était blessée alors nous avons essayer de la soigner mais sans succès. Cependant il y a peut-être quelque chose que vous pourriez essayer quelque chose puisque vous êtes ces fameux gardiens dont ce cher Léoni parle si souvent, expliqua la magie de vent.

Je restais muette face à leur conversation. Lagon d’Or ? Lac d’Aragon ? Caraminaru ? Gardiens ? Blessure ?

_ Je ne suis pas sûr que… commença Kay.

_ Léoni a essayé une nombre incalculable de fois et c’est la seule personne assez puissante à qui nous avons pu en parler, avoua Andor. Léandre nous aurait sermonné d’avoir pris un risque inconscient et Liam aurait ronchonné pour qu’on le déplace à une distance plus que raisonnable de lui. Le grand prince aurait bien essayé aussi mais à moins de le battre en duel de magie, jamais il n’accep…

_ C’est bon, on a compris, le calma le mage intangible. Je peux bien tester quelque chose mais je ne connais pas grand chose à la magie.

_ Léoni ou les autres ne vous en n’ont pas parlé ? Chaque gardien est unique. D’après la prophétie qui a été trouvée et déchiffrée par Aubert Karlminstrof, vous pouvez utiliser d’autres sortes de magies. Ce n’est pas certain que vous pourrez nous aider mais… Pouvez-vous tenter ? Questionna Andor.

_ Nous savons bien que l’on ne se connaît pas mais nous adorerions passer cette soirée en votre compagnie après votre essai, argumenta sa sœur. Nous ne connaissions pas du tout Kay mais pour Anthéa, Thalion nous bassinait sans arrêt à ton propos avec des histoires sans queue ni tête ou extraordinaire, plaisanta-t-elle.

Extraordinaire ? Quelles bêti… histoires avait bien pu raconter mon frère à mon sujet ? J’acquiesçai tout de même, prête à les aider mais sans vraiment savoir quoi faire.

Kay commençait alors à s’avancer mais le plancher grinça sous ses pas. La musique que l’on pouvait entendre s’arrêta alors. Andor lui fit signe d’arrêter avant de murmurer quelques mots. Quelques secondes plus tard, la berceuse reprit son court normal et Kay recommença à avancer. Cette fois pourtant les planches de bois ne firent plus un seul bruit jusqu’à notre arrivée à tous devant la porte. Andor murmura deux autres mots inaudibles puis poussa la porte derrière laquelle se trouvait l’origine de la berceuse et l’animal.