Chapitre 1 - Début d'un long voyage
Chapitre 2 - Retrouvailles
Chapitre 3 - Dure réalité
Chapitre 4 - Fragments du passé
Chapitre 5 - Discussion hors du commun
Chapitre 6 - Départ interrompu
Chapitre 7 - Dans cette fameuse forêt
Chapitre 8 - Dure vie...
Chapitre 9 - 1914
Chapitre 10 - Chez les De Sous-Bois
Chapitre 11 - Madame de Sous-Bois mère
Chapitre 12 - Margaret
Chapitre 13 - Tourments et pâquerettes
Chapitre 14 - Sans elle
Chapitre 15 - Jeux de dames
Chapitre 16 - Arnold
Chapitre 17 - Procrastination
Chapitre 18 - Invitation avec le potentiel futur
Chapitre 19 - À l'écoute d'une planche de bois
Chapitre 20 - La véritable rencontre d'une arrière-grand-mère tyrannique (et la dernière)
Chapitre 21 - T
Chapitre 22 - À plus tard
Chapitre 23 - Retrouvailles bis
Chapitre 10 - Chez les De Sous-Bois

« C’est là. »

Ambre en resta bouche bée.

La demeure qui lui faisait face n’était autre que celle qu’elle avait quittée. Elle reconnaissait tout : les fenêtres, les tuiles, et même la petite lanterne, qui était allumée, elle aussi.

Tout était neuf…

Le jeune homme, qui s’était avéré s’appeler René, semblait assez perturbé par ce manoir.

« C’est chez vous ? S’étonna t-il, se tournant vers Alice.

— Oui. La demeure des De Sous-Bois. 

— Je n’ai jamais vu cette maison auparavant dans la région… »

Il fallait qu’Ambre lui explique qu’elle pensait qu’ils avaient remonté le temps. Mais elle ne savait pas comment s’y prendre…

Je le ferai plus tard. J’ai le temps.

Alice hésita un peu, réticente, puis finit par s’avancer vers la cour de gravier — exactement la même. Seulement, à présent, les pots étaient garnis de plantes, alors qu’en 2017, ils étaient remplis de mégots de cigarettes.

Et aucune trace de la valise orange d’Ambre.

Elle s’avança jusqu’aux imposants battants, puis cogna d’un geste résolu le loquet.

La porte s’ouvrit immédiatement, sur une petite femme ronde, aux mains potelées et au visage tendu par l’angoisse.

Mais dès qu’elle aperçut Alice, tout ses traits se détendirent :

« Ooooh, demoiselle Alice, vous êtes là ! Enfin ! »

La jeune fille hocha silencieusement la tête, le regard fuyant.

La vieille dame lui attrapa familièrement les mains.

« J’ai cru que je ne vous reverrai jamais ! Vous êtes partie sans me dire au revoir ! Vous imaginez ce qui aurait pu arriver ? On ne sait pas ce qu’il y a, dans ces jardins touffus ! »

Soudain, son regard glissa du visage d’Alice à René et Ambre, qui se tenaient quelques pas en arrière, un peu gênés.

« Qui est-ce ? Demanda t-elle, lâchant enfin les mains d’Alice, pour s’approcher des deux. Des invités ?

— Je… »

Alice hésita.

« Oui, ce sont des invités. Mais… S’il vous plaît, Margaret, ne dites rien à ma famille… je ne veux pas qu’ils sachent qu’ils sont ici.

— Oui, j’imagine. »

Elle s’arrêta devant René, intriguée.

« D’où nous sortez-vous ce beau jeune homme ? »

Alice grimaça, ce qui fit pouffer Ambre.

« Je les ai croisés dans la forêt. Ils… Ils ne savaient pas où ils étaient, alors je leur ai proposé de venir.

— Vous avez bien fait. Vous avez un bon cœur… »

Ambre vit Alice baisser la tête, pensive, se mordant la lèvre.

Margaret s’approcha cette fois vers Ambre, et écarquilla les yeux.

« Incroyable ! Cette jeune femme vous ressemble énormément, demoiselle Alice !

— … Ah oui ? Marmonna la concernée.

— Oh que oui ! D’ailleurs, elle vous ressemble aussi un peu, jeune homme. »

Ambre fronça les sourcils, et dévisagea une seconde fois René.

« Bon, je les fais rentrer, s’impatienta Alice. Venez vite. »

René et Ambre entrèrent dans le hall, éclairé d’un énorme lustre aux mille bougies. Ambre soupira, sentant la chaleur remonter dans son corps. Elle avait les doigts gelés… Et elle n’était pas mécontente de retrouver la lumière.

« Montez, indiqua Margaret. Je vais vous préparer une chambre chacun…

— Non, ils dormiront dans ma chambre, coupa Alice. Mes parents le sauront, si quelqu’un a dormi dans la chambre d’amis… »

Margaret fronça les sourcils, puis hocha la tête.

« Pas de bêtises, hein ? » souffla t-elle, avant de tourner les talons, et de disparaître derrière une des nombreuses portes qu’offrait le hall.

                                                                   ***

« Incroyable ! »… lâcha René.

En effet, la chambre d’Alice était tellement riche et élégante qu’Ambre se sentit immédiatement intruse, avec son chignon défait, son pantalon souillé de terre et ses bottes crasseuses.

Dans la cheminée de marbre gris, crépitait un feu de bois, agréable et chaleureux.

« Ne faites pas trop de bruit, indiqua Alice à voix basse. Les chambres de mes parents et de mes sœurs sont proches… il ne faut pas les avertir. »

Elle se déplaça librement sur le parquet ciré de sa chambre, pas du tout impressionnée par la richesse et le luxe des lieux, s’arrêta deux secondes, puis se tourna vers René et Ambre.

« Vous voulez manger quelque chose ? »

René approuva immédiatement : se perdre dans la forêt lui avait ouvert l’appétit. Quant à Ambre, son dernier repas était des raviolis froids, achetés à l’épicerie.

Alice retira un drap d’une déserte, où sommeillait un saladier de compote, ainsi qu’un beau rôti.

« C’est un peu froid, mais ça devrait faire l’affaire… »

En effet : Ambre mangea divinement.

Ils dînèrent en silence, assis sur le parquet, sur le drap qu’Alice avait étendu pour l’occasion. Cette dernière avait voulu déplacer son bureau pour en faire une table, mais René avait préféré dîner plus rapidement, directement au sol.

Chacun semblait avoir des milliards de questions pendues à la gorge, mais aucun ne voulait les poser, à cause de la fatigue, certainement.

René continuait d’observer la chambre, bluffé.

Il doit vraiment penser qu’Alice est une princesse, pensa Ambre, amusée, mordant dans un morceau de rôti.

D’ailleurs, en parlant d’Alice, cette dernière lui envoyait des petits coups d’œils de temps à autre, très discrets, mais qui n’échappèrent pas à l’œil analytique d’Ambre.

Elle se demandait quand allait-elle avouer à Alice qu’elle était sa petite-fille.

Peut-être jamais.

Alice ne mangea qu’une petite moitié de son assiette. Elle semblait en effet très soucieuse.

« Tenez, chuchota t-elle, poussant son assiette. Servez-vous. Je n’ai pas faim. »

René ne s’en priva pas : il termina son rôti, et Ambre le laissa engloutir la moitié de la compote.

« Si ça ne vous dérange pas, dit Alice lorsqu’ils eurent terminé de dîner, vous dormirez sur des draps… sur un matelas si j’arrive à en trouver un. Je peux vous prêter des carreaux, si vous voulez.

— Tu n’as pas d’oreiller, plutôt ? » Demanda Ambre.

Alice la dévisagea.

« C’est exactement ce que je viens de dire. »

                                                                       ***

On avait soufflé les bougies, refermé les rideaux, tassé les draps pour en faire une espèce de lit de camp confortable, et Alice avait disparu derrière les fins voiles de son lit à baldaquin. René, certainement exténué par les évènements, s’était endormi comme une souche. Seule, Ambre restait éveillée, et contemplait les flammes valser dans l’âtre, fascinée et pensive.

À présent, toutes les questions qu’elle avait repoussées sur le moment revenaient : que faisait-elle là ? En quelle année étaient-ils ? Pourquoi la forêt ? Que s’était-il passé ?

Il lui paraissait de plus en plus évident qu’elle avait remonté le temps… Mais ce n’était pas en 1957 qu’on s’éclairait avec ce genre de bougies et autres chandeliers !

Ambre se retourna sur ses draps. Sa couche était plutôt confortable, mais elle n’arrivait toujours pas à trouver le sommeil.

Elle eut une brève pensée vers Dylan.

Elle entendit Alice soupirer dans son sommeil, se retournant elle aussi entre ses draps et diverses étoffes.

Tout était tellement silencieux… Les arbres, dehors, chuchotaient faiblement entre eux, et le feu continuait de crépiter —même si son intensité avait diminué.

Combien de temps allaient-ils rester là ? Une éternité ?

Pourquoi pas.

Jusqu’ici, tout c’était bien passé ; même si elle avait fait une énorme crise d’angoisse dans la forêt, elle était plutôt bien entourée, entre sa grand-mère jeune et ce petit rescapé de la guerre 14-18. Elle avait été nourrie à foison, plutôt bien accueillie par Margaret (qui, pour elle, semblait être la bonne à tout faire de cette demeure), et son lit improvisé était agréable…

… Puis elle se souvint que le passé grouillait de guerres et autres batailles dangereuses, d’épidémies de maladies, et elle revint aussitôt sur sa décision : il fallait qu’elle rentre dans le présent.

Elle se redressa subitement.

Le sommeil ne venait pas, et il ne viendrait pas, elle le savait.

À pas feutrés, elle se démêla de ses couettes, et, après avoir bien vérifié que René et Alice dormaient profondément, elle quitta la chambre, prenant garde à poser ses pieds sur les lames du parquet les moins bruyantes.

Le couloir était faiblement éclairé ça et là, par quelques chandeliers. Margaret ne devait pas s’occuper des bougies, puisque beaucoup étaient mortes, la cire coulant le long des bougeoirs.

Elle s’avança prudemment. Elle n’avait aucune envie de rencontrer un De Sous-Bois.

Non, elle voulait juste… voir ce qu’il y avait de différent, entre cette version-là du manoir et celle de 2017.

Les couloirs étaient déjà beaucoup moins encombrés : propres et soignés, les corridors étaient bien entretenus.

Ambre se mit en tête de chercher la salle de bain, celle qui l’avait hébergée durant quelques jours.

Elle finit par la dénicher. Elle entra.

Tout était tellement rangé !… Les milliards de cartons avaient disparus, et la baignoire était encore utilisable. Quant aux vitres, elles brillaient sous l’éclat de la Lune.

En revanche, la prise murale n’était pas encore là.

Et la commode !…

Ambre ne put s’empêcher d’ouvrir ses tiroirs.

Et elle y trouva exactement les mêmes produits que la dernière fois ; rubans, brosses, maquillage — non-périmé cette fois ! —, tout y était.

Incroyable… Murmura t-elle.

C’était donc bien sa grand-mère qui utilisait ceci.

Il y a donc fort longtemps.

© Grisoubook ,
книга «Mamie».
Chapitre 11 - Madame de Sous-Bois mère
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