Chapitre 1 - Début d'un long voyage
Chapitre 2 - Retrouvailles
Chapitre 3 - Dure réalité
Chapitre 4 - Fragments du passé
Chapitre 5 - Discussion hors du commun
Chapitre 6 - Départ interrompu
Chapitre 7 - Dans cette fameuse forêt
Chapitre 8 - Dure vie...
Chapitre 9 - 1914
Chapitre 10 - Chez les De Sous-Bois
Chapitre 11 - Madame de Sous-Bois mère
Chapitre 12 - Margaret
Chapitre 13 - Tourments et pâquerettes
Chapitre 14 - Sans elle
Chapitre 15 - Jeux de dames
Chapitre 16 - Arnold
Chapitre 17 - Procrastination
Chapitre 18 - Invitation avec le potentiel futur
Chapitre 19 - À l'écoute d'une planche de bois
Chapitre 20 - La véritable rencontre d'une arrière-grand-mère tyrannique (et la dernière)
Chapitre 21 - T
Chapitre 22 - À plus tard
Chapitre 23 - Retrouvailles bis
Chapitre 8 - Dure vie...

Tout se décomposa, puis tout se rassembla dans la tête d’Ambre, en un assemblage différent du précédent.

Elle revit le visage de sa grand-mère, assise dans son fauteuil, ses yeux gris et éteints, son haut front, ses joues, puis elle le compara au visage de la jeune fille face à elle, et il ne lui fallut que quelques secondes pour comprendre qu’elle et mamie Alice n’étaient qu’une seule et même personne.

La bouche pendante, elle fit tout de même une longue comparaison dans sa tête, mais il était clair que cette étrange jeune fille ressemblait beaucoup à sa grand-mère.

« A-Alice ? » Bêla t-elle, stupéfaite.

Elle haussa les épaules, comme si c’était une évidence.

« Alice Joséphine Pascale Marie de Sous-Bois. »

Elle lissa du doigt l’un de ses nombreux jupons, puis s’apprêta à repartir :

« Maintenant, laissez-moi, et quittez ma demeure, ou je me verrais obligée de vous envoyer mon personnel, et croyez-moi, ce n’est pas une partie de plaisir.

— Si tu m’envoies ton personnel, tu vas devoir leur expliquer ce que tu fiches dehors à cette heure-là, répliqua Ambre. Et ça m’étonnerait que ce soit dans tes plans. »

Ambre s’attendait à une nouvelle colère de la part d’Alice, mais au contraire : son visage fondit littéralement en larmes.

Mon Dieu… mais qu’est-ce que je fais là ?

Elle contempla durant quelques instants la jeune fille larmoyante, inutile et déroutée.

Mais que faire ? Ambre ne savait même plus ce qui lui arrivait. La logique voudrait qu’elle eut remonté le temps, puisqu’elle semblait être à l’époque où sa grand-mère était jeune, ou peut-être était-ce elle qui s’était téléportée dans le présent ? Mais quand était donc née Alice, exactement ? Pas à une époque où l’on portait ce genre de robe, en tout cas, Ambre en était persuadée.

Ou alors, peut-être que tout ceci n’est qu’un songe.

Et le seul moyen d’arriver au bout de ces songes, c’est de les vivre comme si c’était une réalité.

« Euh… pourquoi pleures-tu ? Demanda t-elle à nouveau, un petit peu gênée.

— …J’en… j’en… ai marre… »

On est deux, soupira intérieurement Ambre.

Ses pleurs s’estompèrent durant quelques instants, puis reprirent de plus belle. Ses sanglots semblaient si violents qu’elle se laissa tomber là, dans l’herbe, étalant ses jupons autour d’elle telle une fleur aux pétales grand ouverts.

« De quoi en as-tu marre ?

— De… de… »

Elle éclata en sanglots.

Elle ne semblait pas vouloir lui répondre, ou alors peut-être n’arrivait-elle pas ?

… C’était tout de même étrange de voir sa grand-mère pleurer, alors qu’elle n’avait même pas haussé un sourcil lorsque Ambre l’avait furieusement enguirlandée, tout à l’heure.

« Explique-moi, incita Ambre, d’un ton plus autoritaire que consolateur.

— Mais vous le savez bien !

— Eh bien non, je ne le sais pas.

— Mais si !

— Non.

— Mais dans quel monde vivez-vous pour ignorer ce qu’il peut m’arriver ?! »

Justement, elle ne savait même plus dans lequel elle était, de monde… Comment avait-elle pu passer du moment où Ambre était dans la cour du manoir de sa grand-mère à ici, devant sa grand-mère, jeune ?

Alice se recroquevilla, avec quelques difficultés à cause des longs pans de sa robe qui s’accrochaient un peu partout.

« S’il te plaît, insista Ambre. Je suis nouvelle. Je ne connais pas très bien…

— Vous ne me connaissez pas ? Vous n’avez jamais entendu parler de… de moi ? »

C’était prononcé avec tant d’espoirs qu’Ambre n’osa pas prétendre le contraire — de toute façon, c’était vrai : elle n’avait jamais vu la vraie Alice Joséphine et tout le tralala.

« Non, navrée.

— Vous n’avez jamais entendu parler d’Alice de Sous-Bois ? »

Elle commençait doucement à sécher ses pleurs. Contente, Ambre lui assura :

« Non non.

— Vous mentez, j’en suis sûre.

— Pas du tout. Je suis une étrangère.

— Vous avez pourtant l’accent de la région… »

Comment lui expliquer quelque chose que je n’arrive moi-même pas à comprendre ?

Ambre était si perdue que tout d’un coup, elle eut, elle aussi, envie de pleurer, et de recevoir un câlin.

« Je sais. »

Elle n’avait tout d’un coup plus aucune énergie pour argumenter, alors elle décida de clore le débat.

« Tu peux me dire, alors, ce qu’il se passe ? »

Alice sembla visualiser quelque chose durant quelques secondes, puis les larmes se remirent à rouler, silencieusement cette fois, le long de ses joues.

C’était sans fin.

« Je… j’en ai marre, répéta t-elle d’une voix brisée. De cette vie…

— Quelle vie ?

— Broder ! Chanter ! Ne rien dire ! Ma sœur est parfaite, or je ne le suis pas. Ma famille est parfaite, or je ne le suis pas. Je… »

Ses paroles se perdirent dans un sanglot.

Mais qu’est-ce que c’est que ces activités du siècle dernier ? Ça fait longtemps que les femmes ne font plus ça !

Bon, pas si longtemps, mais tout de même…

Elle se mordit la lèvre.

Elle voulait pleurer.

Tu as vingt-trois ans, Ambre. Vingt-trois. Tu es une adulte.

« Alice, fit-elle doucement, par peur que des sanglots ne trahissent sa voix. Alice, je suis sûre que ça va passer…

— Non ! S’écria t-elle de désespoir. Non, ça ne passera pas ! Dix-sept ans ! Ça fait dix-sept ans que ça dure, dix-sept ans que je suis ici, dix-sept ans que personne ne veut se fiancer avec moi ! Ils préfèrent faire la cour à ma sœur, à ma belle-sœur, à ma demi-sœur, mais pas à moi ! Qu’est-ce que j’ai de plus ? Qu’est-ce que j’ai de moins ? »

Ambre eut une brève pensée vers Dylan, qu’elle laissa de côté.

« Ma famille… poursuivit Alice, ma famille me déteste, j’en suis sûre. Sauf mon cousin, l’éternel optimiste… Il me murmurait souvent à l’oreille que tout sera différent sous un jour nouveau.

« Et c’était le cas : un jour, il n’était plus là. »

La forêt restait silencieuse, comme suspendue aux lèvres tremblantes d’Alice. Ambre se rendit compte que sa main tremblait également.

« Et puis… La place des femmes… Je… je suis née sous le sexe maudit… mon père voulait un garçon… il ne l’a jamais eu. »

Elle renifla.

« À présent, j’imagine que je mourrais avec cette réputation sur les épaules : cette fille étrange dont personne ne veut ! »

La gorge d’Ambre se noua sous l’émotion.

Ma pauvre mamie…

Tout à coup, un grondement secoua les arbres de la forêt.

Ambre se releva immédiatement, le cœur battant, les oreilles aux aguets.

Le grondement s’éleva.

Des loups.

« Le comble du comble du pompon ! » S’écria t-elle de désespoir.

Sans plus attendre, elle attrapa de nouveau le poignet d’Alice, et la tira vers elle :

« Alice, debout, debout ! Il faut s’en aller ! »

Elle ne bougea pas d’un pouce, alors Ambre la souleva brusquement du sol. N’étant pas bien lourde, Alice décolla de terre sans résistance.

« Eh ! S’exclama t-elle. Lâchez-moi !

— Pas le moment, répliqua Ambre. Il y a des loups, ici ? »

Alice ouvrit grand les yeux.

« Des loups ? » Répéta t-elle.

Ambre frissonna.

Des loups, elle en avait vus et revus, mais soit dans des zoos, soit dans des film, et dans les deux cas, ils étaient à peu près disciplinés.

Qu’allaient-elles rencontrer si elles ne se pressaient pas ?

Et puis, pourquoi Alice conservait-elle cet air calme ?

« Vous pouvez me laisser ici, dit-elle. Je pensais aller m’enfuir jusqu’aux pays d’Orient, mais en vérité, je pourrais rester ici.

— Il en est hors de question », cracha Ambre.

Et, sur ce, elle la tira à toute vitesse à travers les bois.

Alice se débattait au bout de sa main, vainement.

« Où est ta maison ?

— Je ne sais point.

— Alice, je ne rigole pas. On est vraiment en danger !

— Je ne sais toujours point. »

Toute la forêt semblait se mettre en mouvement : les feuilles ruisselèrent, les arbres craquèrent, et les hautes herbes semblaient être bien plus habitées que d’habitude. Le vent ébranlait le sol, et Ambre savait que la pluie n’était pas bien loin.

Soudain, Alice hurla.

« Quoi ?! S’exclama Ambre, se tournant vers elle.

— Dans le buisson !! » Cria la jeune fille, pointant du doigt l’épaisse broussaille qui leur faisait face.

Ambre dévisagea le fameux buisson, paniquée.

« Alice, dit-elle sans le quitter des yeux, reste derrière moi. »

© Grisoubook ,
книга «Mamie».
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Perdix
Chapitre 8 - Dure vie...
Elle est dans les souvenirs des sa mamie ? Le miroir est un objet magique ?
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2020-10-17 10:20:25
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